Encyclopédie méthodique/Architecture/Tome 3/T

TAB

TABERNA. Ce mot, dont sur un fait taverne en français, étoit Celui Dont sur soi servoit à Rome, pour exprimer ce que nous appelons généralement boutique. On nommoit tabernœ argentariœ, les boutiques des banquiers, que Tarquin l’Ancien fit construire autour du Forum. Les comédies appelées Tabernariœ, le furent ainsi, parce que les sujets étoient pris dans la classe des gens à boutiques, ou parce que la scène représentoit les demeures des gens du peuple. Pauperum Tabernas, a dit Horace, par opposition à Regumque turres.

TABERNACLE, s. m. , en latin tabernaculum, qui vient de taberna, pauvre et misérable maison, ainsi appelée de tabula, planche, parce que la taberna n’étoit qu’un très-chétif assemblage de bois. Le même mot signifie particulièrement tente, par cela que dans les camps, la tente se composoit nécessairement de matériaux légers et assemblés à la hâte.

Ainsi traduit-on généralement tabernaculum par tente, et c’est l’équivalent de ce mot en hébreu, que la Vulgate a rendu par le mot tabernaculum. Les Israélites, comme l’on sait, habitèrent long-temps sous la tente, ainsi que le font encore aujourd’hui les Arabes et tous les peuples nomades ou pasteurs, et ils en conservèrent l’usage, jusqu’à la construction du temple de Jérusalem. Ils appelèrenttabernacle par excellence, l’espèce de tente portative, faite de planches de bois de cèdre, qu’ils dressoient dans chaque endroit du désert où ils campoient. Cette tente qui leur servoit de temple mobile, renfermoit les tables de la loi, les vases sacrés, tout ce qui formoit les symboles révérés du culte du vrai Dieu. Dans la suite, ces objets furent renfermés dans ce qu’on appeloit l’arche sainte, placée dans le lieu le plus retiré du temple, et qui porta, par tradition, le nom de tente ou tabernacle.

La religion chrétienne a emprunté à la judaïque cette dénomination, qu’elle applique aussi au lieu qui renferme ce qu’il y a de plus révéré et de plus auguste, c’est-à-dire le saint sacrement, et les vases consacrés. Dans les premières églises, le tabernacle avoit eu encore une ressemblance avec celui dont le christianisme a pris le nom. Elle consistoit dans les draperies qui servirent de voiles au saint des saints : et de là la disposition de l’ancien ciborium, formé de quatre colonnes, et d’une petite coupole, avec des rideaux tout alentour, qui, selon les circonstances, le cachoient à la vue. Nous avons fait voir au mot BALDAQUIN, que là est l’origine de cette moderne construction,


que l’on a souvent élevée au-dessus du tabernacle et de l’autel. Voyez BALDAQUIN.

Aujourd’hui, selon l’usage, et selon l’acception donnée à ce qu’on appelle tabernacle, sur l’autel chrétien, ce mot désigne un ouvrage soit de menuiserie, soit de marbrerie, soit de métal ou d’orsévrerie, auquel on applique différentes, formes, mais le plus souvent celle d’un petit édifice, avec une porte qui donne entrée à l’espace où l’on renferme le ciboire, avec les hosties consacrées.

L’art a donné toutes sortes de formes aux tabernacles, et ces formes ont aussi suivi le cours des variétés de goût, que ne cessent d’éprouver les meubles et les édifices. Naturellement, en ne considérant que l’emploi matériel du tabernacle, sur l’autel chrétien, on ne l’a que trop souvent configuré sous l’apparence d’armoire, et alors on lui a donné le caractère vulgaire de meuble. La richesse des matières a, si l’on veut, ennobli souvent dans l’opinion, ce que cette forme offre de commun ; mais le style noble ou trivial est, là comme ailleurs, tout-à-fait indépendant du prix matériel, et de la dépense du travail.

Il nous semble qu’il y a des formes qui, toutes seules, ont la propriété de produire dans l’esprit l’idée de noblesse, de sainteté, de vénération. Telle est la forme de temple. C’est donc celle qui doit le mieux convenir au tabernacle, et il est vrai, comme on l’a déjà dit, qu’on l’y a souvent affectée.

D’après ce type, le tabernacle représenteroit une œdicula. Si la position de l’autel étoit adossée, ce petit temple y seroit élevé et disposé de manière à ne présenter qu’une façade d’édifice. Pour les autels isolés ou vus de toutes parts, l’artiste trouveroit dans l’imitation de toutes les sortes de temples quadrangulaires, circulaires, ou à pans coupés, de quoi satisfaire à toutes les convenances d’aspect que le sujet exige.

On ne prétend pas, au reste, limiter à un seul genre de forme ou de décoration, la composition du tabernacle. Il y a beaucoup rie motifs ingénieux qui dépendent de l’art du sculpteur, et qui peuvent très-heureusement s’appliquer à ce sujet, et l’on pourroit citer quelques-unes de ces compositions, où le tabernacle se trouve fort heureusement accompagné par des anges adorateurs.

On a souvent aussi donné à la masse générale du tabernacle, la forme d’une niche surmontée d’un fronton que supportent des colonnes, et de là est certainement venue la dénomination de niche en tabernacle qui entre dans le vocabulaire de l’architecture. Voyez NICHE.

TABLE, s. f. Ce mot vient du latin tabula, qui signifie généralement un corps plane, tel qu’une planche, dont la surface de formes différentes, a plus ou moins d’étendue et peu d’épaisseur. On applique ce mot à un grand nombre d’objets, mais le plus fréquemment à exprimer le meuble le plus usuel peut-être, de tous ceux qui entrent dans les besoins de la vie et dans les usages de la société.

Il ne sauroit appartenir à ce Dictionnaire, ni de traiter en détail de tous les emplois de la TABLE, considérée comme meuble, ni d’énumérer toutes les dénominations que le langage ordinaire lui affecte, selon toutes les diversités de matière, de forme, et d’usage, qu’il comporte.

N’ayant à considérer ici la table, que dans son rapport avec l’art de l’ornement, qui fait partie de l’architecture, nous nous contenterons de faire connoître les principales manières d’orner les tables, que le goût des Anciens et des Modernes a imaginées, scion leur matière, leur forme, leur étendue, leurs emplois, etc. , et nous dirons ensuite quelles sont les acceptions de ce mot, lorsqu’il s’applique, non plus à signifier un meuble, mais à exprimer, dans la construction et la décoration des édifices, certaines surfaces qui en font partie, et auxquelles on donne différentes destinations.

L’élément du meuble appelé table, est une planche le plus souvent de bois, qui porte sur un ou plusieurs pieds.

Bientôt il dut arriver à la table, d’éprouver ce que la richesse, et le luxe qui s’ensuit, produisent nécessairement dans tous les objets usuels, c’est-à-dire d’être transformée aussi en objet de plaisir et de vanité. D’abord ce fut à la matière même qu’un goût plus raffiné demanda le mérite ou de la variété ou de la rareté, et par conséquent de la cherté. De l’emploi des bois les plus communs, et grossièrement travaillés, on passa à la recherche des bois plus rares et susceptibles d’un beau poli. Nous voyons les Romains payer un prix excessif, des tables de bois étrangers, des morceaux taillés dans certaines racines, ou excressences d’arbres, qui fournnisoient des veines ou des configurations curieuses. On fit des tables de marbre, on en fit en incrustations de pièces rapportées. On mit les métaux précieux à contribution. Enfin, comme la rareté fait toujours, pour le luxe, une partie de la beauté, on imagina d’emprunter aux anciens enduits de murailles, des dalles de stuc pour les convertir en tables.

La forme des tables tient à la configuration de leur plateau, et à celle de leurs pieds ou de leurs supports. Il y a tant de besoins divers auxquels l’emploi de la table doit être subordonné, que nous nous bornerons, pour ne pas sortir des limites que nous nous sommes données, à ne parler que des trois formes les plus communes, savoir, la


forme circulaire, la forme quadrangulaire, et la polygone.

La forme de table circulaire comporte souvent, en petit surtout, un seul pied ou support. C’est ce que les Romains appeloient monopodium. On nommoit tripos la table à trois pieds, et on affecte encore avec beaucoup de convenance cette disposition aux tables circulaires d’une très-grande étendue. La table carrée ou en carré long exige quatre pieds, si les supports eu sont isolés.

Cependant il y a aussi une manière de ne donner que deux supports à une table quadrangulaire, et on en use ainsi nécessairement, si son plateau est d’une assez grande portée, surtout s’il est de marbre ou de toute autre matière fort épaisse. On lui donne alors pour pied à chacun de ses petits côtés, un support massif lui-même, et qui a pour largeur, celle de la table. L’on voit plusieurs de ces tablesantiques à Rome, dont le trapézophore ou porte-table est ainsi établi, de manière à fournir un appui des plus solides, et susceptible en même temps d’une très-riche décoration.

Enfin, si une table est polygone, c’est-à-dire à plusieurs pans coupés, ou si elle est d’une très-grande longueur, ou multipliera ses pieds au gré de la solidité, qui est une des premières conditions en ce genre, comme partout ailleurs.

C’est surtout par la diversité de leurs supports, ou de leurs pieds, que les tables ont reçu jadis, et reçoivent encore aujourd’hui, la plus grande richesse d’ornemens. L’antiquité a épuisé toutes les idées dans cette partie du luxe décoratif, et les Modernes n’ont pu mieux faire, que de les répéter. Aussi presque toutes les configurations que les Anciens empruntèrent, soit aux êtres naturels, soit aux animaux symboliques, ont-elles passé dans l’ajustement des meubles des Modernes. Voy. PIED, TRÉPIED.

Nous n’alongerons point cet article de la description de tous les accessoires que le goût peut diversifier à l’infini, dans les supports des tables. Nous préférerons de faire connoître ici la destination de certaines tables antiques, qui, liées à des usages religieux et politiques dans l’antiquité, s’étoient approprié un genre de luxe, propre à en faire des monumens d’art très-remarquables. Nous allons extraire quelques détails sur cet objet de notre ouvrage intitulé le Jupiter Olympien.

Au nombre des travaux qui dûrent exercer le plus l’art de la toreutique, il faut mettre les trapèzes ou tables, de quelque genre qu’elles fussent. On les distinguoit naturellement en deux grandes classes. Il y avoit les tables qui servoient aux usages civils et domestiques, et il y avoit celles que l’on consacroit aux dieux et aux cérémonies religieuses. Les tables et les trépieds offrirent au génie de l’ornement une multitude de sujets de composition. Mais rien ne fut plus multiplié que ces objets considérés comme votifs ou religieux. Le trépied placé devant les statues, ou en avant des temples, etoit effectivement un autel portatif, employé à la combustion des victimes et des offrandes. La table étoit destinée à recevoir les fruits et les oblations de tout genre. Dans l’intérieur des temples, et mise en rapport avec les statues, elle avoit encore pour objet, de servir aux repas sacrés que l’on préparoit pour les dieux.

La table fut donc bien souvent, soit pour son service usuel, soit comme signe commémoratif de cet usage, une sorte de meuble habituel des édifices sacrés. C’étoit ainsi qu’elle figuroit dans le temple des Juifs. Elle étoit d’or, et sa représentation est encore très-visible sur un des bas-reliefs de l’arc de Titus à Rome. Il y avoit à Syracuse une table d’or devant la statue d’Esculape. Denis-le-Tyran la fit enlever après avoir bu le vin qu’on y déposoit pour le bon génie. Il seroit aussi long qu’inutile, de faire ici mention de tous les objets d’art antiques, où l’on voit de ces tables consacrées aux cérémonies du culte. La belle coupe Dyonisiaque, jadis au trésor de Saint-Denis, aujourd’hui au cabinet des antiques de la bibliothèque du Roi, nous montre un trapèze fort saillant, destiné aux mystères de Bacchus.

C’est d’après cet usage si général, que nous avons entrepris de rendre à leur vraie destination, deux tables que nous présente le texte de Pausanias, et dont les commentateurs et traducteurs nous paroissent avoir méconnu l’ensemble, faute d’avoir su se rendre compte de la place que pouvoient y occuper les personnages, ou les figures qui, sans aucun doute, faisoient partie de leur décoration, exécutée en bas-relief sur l’épaisseur du plateau, à l’endroit qu’occupent nos tiroirs.

La première de ces tables étoit en avant du groupe formé par le trône des grandes déesses à Mégalopolis, ouvrage de Damophon de Messène. Sur l’épaisseur dont on vient de parler, étoient représentées en bas-reliefs, sans doute de pièces de rapport, des nymphes, dont l’une portoit le petit Jupiter, une autre tenoit un flambeau ; d’autres nymphes avoient des fioles et des vases. La méprise des traducteurs a été de se figurer ces sujets, comme des statues isolées.

Nous avons relevé, avec une certitude plus grande encore, une pareille erreur à l’égard de la célèbre table, en or et ivoire, des jeux olympiques, ouvrage de Colotès, et qui servoit d’ornement à la célébration de ces jeux. On y déposoit les couronnes, et les autres sortes de prix, destinés aux vainqueurs. Nous trouvons cette table répétée sur un très-grand nombre de médailles antiques. Nous n’entendons pas dire, que ce fut identiquement la même, que celle de Colotès à Olympie, mais bien, que l’usage général fut dans tous les jeux ou combats du stade, d’avoir une table, où l’on étaloit les prix que les concurrens devoient se disputer. Il fut donc naturel, que le stade des jeux olympiques eût en ce genre un ouvrage digne de sa célébrité.


Puisqu’un des plus habiles artistes toreuticiens de ce temps fut chargé de son exécution, on doit penser que ce meuble d’or et d’ivoire, devoit briller encore, par les figures dont l’art avoit dû l’embellir.

Cependant, faute par Pausanias d’avoir indiqué la place précise, que ces figures pouvoient occuper dans l’ensemble de la composition, les commentateurs et traducteurs ont entendu les mots qui désignent la partie postérieure, et les deux côtés, sans dire de la table, comme s’il s’agissoit d’un objet que l’écrivain grec auroit oublié de nommer. Rien toutefois de plus simple à supposer, qu’une frise formant l’épaisseur de la table, et qui offroit dans ses deux grands et ses deux petits côtés, un espace propre à recevoir des séries de figures en bas-relief. Telle étoit donc la table des jeux olympiques. Sur sa face antérieure, on voyoit les figures de Jupiter, de Junon, de la mère des dieux, de Mercure, d’Apollon et de Diane. Sur la face postérieure étoit la description des combats du stade. De chaque côté étoient représentés, ici Esculape, Hygiœa sa fille, Mars et le dieu Agon, là Pluton, Proserpine, deux nymphes, dont l’une tenoit une balle, et l’autre une clef.

Il nous reste à faire observer encore, à ce sujet, que deux sièges massifs de marbre, à Athènes, dont on trouve la représentation dans l’ouvrage de Stuart, et qui très-probablement servirent aux Agonothètes, présentent sur un de leurs côtés, la figure de la table stéphanophore, qui, comme on l’a dit, étoit d’usage dans la célébration des jeux.

Le mot table, avons-nous dit au commencement de cet article, s’emploie aussi par analogie de configuration, dans la construction ou la décoration de l’architecture, pour signifier certaines parties plus ou moins saillantes ou renfoncées, qu’on destine à plus d’un usage, et qui ont, le plus sovent, la forme d’un carré long.

On a appliqué le nom de table à la plupart de ces parties saillantes, très-probablement parce qu’originairement on se sera servi de grandes dalles de pierre, qui auroient été propres à faire effectivement des tables avec le secours de leurs supports.

Ainsi appelle-t-on table à crossette, des dalles cantonnées par des crossettes, ou oreillons, et qu’on destine à recevoir des inscriptions.

On donne le non de table couronnée, à celle qui est surmontée d’une corniche. On y taille quelquefois un bas-relief, ou l’on y incruste une tranche de marbre de couleur.

On appelle table d’attente, une partie de pierre, qu’on laisse en bossage dans la construction d’un édifice, soit pour y sculpter un bas-relief, ou quelque armoirie, soit pour y graver quelque inscription.

Ce qu’on fait dans les travaux en pierre, on le pratique de même dans les ouvrages en maçonnerie et l’on donne le nom de table de crépi, à un panneau crépi, entouré de naissances badigeonnées, aux murs de face les plus simples. Dans les constructions plus soignées, on les entoure de piédroits, de montans, de pilastres ou de bordures en pierre.

On dit table en saillie, de celle qui excède le nû du parement d’un mur, d’un piédestal ou de toute autre partie qu’elle décore, comme on appelle table renfoncée, celle qui entre dans le dé d’un piédestal, et qui est ordinairement entourée d’une moulure, en manière de ravalement.

On donne à une table qu’on pique, le nom de rustique, parce qu’on y fait celle façon, pour l’assortir au goût qu’on appelle aussi du même nom, et qu’on emploie dans les constructions en bossages, ou dans certains édifices, tels que fontaines, grottes, et autres fabriques, dont on orne les jardins.

TABLEAU vient, comme le mot précédent, de tabula, planche, parce que les peintures mobiles et portatives, chez les Anciens, furent originairement exécutées et continuèrent en général de l’être, sur des fonds de bois, tabulœ. L’on discernoit par ce mot, les espèces de peintures, auxquelles nous donnons aussi spécialement le nom de tableau. Le mot générique de peinture se donne bien, à la vérité, aussi aux ouvrages portatifs et mobiles, sur bois, sur toile, sur cuivre, ou toute autre matière qui les rend transportables, mais on ne donne pas réciproquement le nom de tableau, aux ouvrages adhérens aux enduits des murailles, et qui se font soit à détrempe, soit à fresque, soit à l’huile.

Le mot tableau, ainsi entendu, comme objet d’ornement, et qui peut être en rapport avec l’architecture, nous indique donc ce à quoi nous devons, dans ce Dictionnaire, restreindre les notions qu’il comporte, et nous serons à son égard, ce que nous avons déjà observé de faire, à l’égard du mot peinture (voyez ce mot), dont nous avons réduit les notions théoriques, uniquement à l’emploi, ou à l’abus qu’on en peut faire dans les monumens de l’art de bâtir.

Ici, en ne considérant le tableau, selon le sens ordinaire de ce mot, que comme pouvant être un objet d’agrément et d’embellissement dans les intérieurs des édifices, à plus forte raison devrons-nous borner à un très-petit nombre de points, les observations que ce sujet comporte.

Il semble d’abord fort inutile de dire, qu’on admet dis tableaux dans les appartenons, parce qu’à moins d’entendre le mot appartement, comme constituant l’intérieur des grands palais tributaires de l’architecture, il n’y a rien à prescrire pour les convenances des habitations ordinaires. Le tableau, dans celles-ci, n’est qu’un objet mobile à volonté, et auquel le goût du proprié-


taire ne sauroit imposer d’autre condition, que celles d’un jour favorable, et d’une proportion qui soit en rapport avec son local.

Les tableaux constituent générale meut un genre de luxe et d’embellissement, qui ne semble convenable qu’aux palais, ou aux demeures spacieuses des gens riches.

Ils peuvent donc y trouver place de deux manières, soit comme collection d’ouvrages d’art, soit comme décoration subordonnée à une disposition régulière. Dans le premier cas, on donne à ces collections le nom de cabinets de tableaux (voyez ces mots), et là, comme il a été dit à cet article, plus d’une sorte de sujétion s’oppose à un arrangement, dans lequel il soit permis à l’architecture d’intervenir. Sous le second rapport, des tableaux peuvent faire, et dans la réalité, constituent un des principaux mérites d’une galerie. (Voyez ce mot.) On appellera donc galerie de tableaux, non pas celle qui sera décorée par la peinture décorative d’ornemens adhérens aux murs, mais celle, dont les superficies verticales recevront une suite de tableaux uniformes, et qui, au lieu d’être sans rapport de sujet et de mesure entr’eux, seront liés à un motif général de décoration, dont ils feront partie. Telle étoit autrefois la galerie en tableaux du palais du Luxembourg, dont la suite, due au pinceau de Rubens, représentoit l’histoire de Marie de Médicis. Or, rien ne peut faire mieux comprendre la différence qui existe entre un cabinet de tableaux, et une galerie en tableaux, que ce qui est arrivé à celle de Rubens. Les changemens survenus dans le palais du Luxembourg, ayant porté à pratiquer un vaste escalier, dans l’aile occupée par la galerie, les tableaux ont été enlevés du local où ils saisoient une décoration régulière, et ont été reportés dans l’autre aile, qui contient aujourd’hui un grand cabinet, ou, si l’on veut, une collection de tableaux mobiles et suspendus, dont ceux de l’ancienne galerie font partie.

On ne sauroit trop désirer, pour le succès de la peinture, que l’architecture ait de plus nombreuses occasions d’employer les tableaux, comme partie nécessaire et principale de la décoration des galeries. Rien ne s’allie mieux avec la distribution régulière des ordonnances de colonnes ou de pastres, et de tous les accessoires de l’ornement, que les espaces égaux et symétriques d’une série de tableaux, qui, coordonnés par l’architecte, avec les formes, les pleins et les vides de sa composition, doivent se subordonner au dessin général, et concourir à l’harmonie du tout ensemble. Nous pouvons citer un exemple assez récent de cet heureux accord des deux arts, dans la nouvelle sacristie de Saint-Denis, où une suite de tableaux exécutés par divers artistes, représente les traits de l’histoire de Saint-Louis. On imagineroit difficilement un plus agréable motif de décoration, pour une galerie de tableaux, et une plus heureuse alliance des ressources des deux arts.

Les Anciens employèrent, non pas seulement ce qu’on appelle généralement des peintures, mais ce qu’ils nommoient tabulas, et ce que nous entendons aussi spécialement, par le mot tableau, dans des édifices publics, tels que portiques et temples.

Les portiques auxquels on donna, plus d’une fois, le nomade pœcile, à cause de la diversité des ornemens de peinture qu’on y avoit multipliés, dûrent être remplis de tableaux sur bois, s’il est vrai que celui d’Athènes, par exemple, avoit été peint par Polygnote, peintre à l’encaustique, genre de peindre qui ne pouvoit guère avoir lieu sur mur. Beaucoup de villes eurent de ces portiques. Il y en avoit un à Sparte. Dans le bois sacré de l’Altis, à Olympie, on en admiroit un, semblable à celui d’Athènes, et auquel on donnoit le même nom de pœcile. Les lesché furent des édifices du même genre, et celui de Delphes devint le plus célèbre de tous, par les peintures dont Pausanias, lib. 10, nous a laissé une ample description.

Nous ne rapporterons pas ici toutes les mentions de peintures dans les temples des Anciens ; nous nous bornerons au contraire à citer l’exemple d’un seul, qui étoît orné de tableaux réellement portatifs et sur bois (tabulœ), et qui, d’après l’idée que Cicéron, qui l’avoit vu, nous en donne, auroit ressemblé à une galerie de tableaux. Il s’agit du temple de Minerve dans le quartier d’Ortygie à Syracuse, et dont il subsiste encore des restes fort remarquables. (Voyez SYRACUSE.) Ce temple, dit Cicéron, étoit une des plus grandes curiosités de la ville. Nihil Syracusis quod magis visendum putant. Sur les murs intérieurs de la cella étoit représenté en tableaux le combat équestre d’Agathocle. Pugna crat equestris Agathoclis régis in tabulis picta. His autem tabulis interiores templi parietes vestiebantur. Cicéron ajoute que Verrès enleva encore de ce temple vingt-sept tableaux représentant les rois et les tyrans de la Sicile. In quibus erant imagines Siciliœ regum ac tyrannorum.

La peinture en tableaux mobiles s’est trouvée appliquée de même, dans les temps modernes, à des édifices qui, sous d’autres noms, et avec des destinations fort diverses, peuvent être assimilés aux portiques ornés de tableaux chez les Anciens. On peut en effet considérer, sous le même aspect, ce grand nombre de cloîtres en portiques, qui firent la gloire des bâtimens religieux qu’on appellemonastères. L’Italie en compte encore beaucoup que le pinceau des plus habiles maîtres a illustrés, et tel étoit, pour ne pas prendre d’exemple hors de Paris, le cloître des Chartreux, dont les tableauxpeints par Lesueur représentoient la vie du fondateur de cet Ordre. Ces tableaux pouvoient s’appeler, comme ceux des Anciens, ta-


bulœ, puisqu’ils étoient sur bois. Remis depuis sur toile, et placés sans former, comme jadis, une suite, dans le cabinet de tableaux du Luxembourg, ils peuvent encore, outre leurs autres mérites, rappeler l’intérêt qu’une semblable disposition des ouvrages de l’art doit inspirer, quand elle est appropriée au caractère de l’édifice.

C’est pourquoi nous croyons qu’il importe au succès même de la peinture, et à l’effet des tableaux dans nos églises, de les y placer de manière qu’ils entrent dans les combinaisons même de l’architecture et de sa décoration. On a eu, et l’on a encore trop d’exemples de tableaux auxquels le hasard ou le caprice semblent avoir assigné des emplacemens, qui en font ou de véritables hors-d’œuvre, ou des disparates, aux lieux qu’ils occupent. Tantôt ils masquent ou obstruent les pleins ou les vides de l’édifice, sans raison plausible, tantôt dispersés sans ordre ni symétrie, presque toujours ils manquent entr’eux de cette liaison dans leurs sujets, qui motiveroit leur rapprochement.

On pourroit citer aussi quelques exemples de tableaux qu’une disposition primitive de l’architecte ou du décorateur, a appelés à figurer dans un bel emplacement, ou à se servir de pendant ; et c’est là qu’on peut se convaincre de l’intérêt que le local en reçoit, et qu’ils reçoivent eux-mêmes du local : car nous convenons que la chose peut être ici réciproque. Hors les retables des chapelles, qui présentent à volonté des emplacemens que l’architecture suppose aisément être des vides, ou ne sauroit, sans nuire à l’effet de l’architecture, regarder comme indifférente la place qu’occuperont les tableaux. C’est pourquoi nous pensons qu’ils ne sont bien placés dans nos temples qu’autant qu’ils le sont d’après une disposition décorative, qui les mette en rapport, comme ute autre espèce d’ornement, avec l’ensemble et les détails, avec le caractère propre de l’ordonnance générale, et le goût de l’édifice.

TABLEAU DE BAIE. On donne ce nom, dans la baie d’une porte ou d’une fenêtre, à la partie de l’épaisseur du mur qui paroît au dehors, depuis la feuillure, et qui est ordinairement d’équerre avec le parement.

On nomme aussi tableaux, le côté d’un piédroit, ou d’un jambage d’arcade, sons fermeture.

TABLETTE, s. f. C’est un diminutif du mot table, ce dernier mot entendu, non dans l’acception usuelle de l’emploi qu’on fait du meuble ainsi appelé, mais comme signifiant, dans le sens premier du mottabula, une planche de bois.

Ce mot exprima généralement, chez les Romains, tout ce qui, dans l’origine, servit à peindre et à écrire. De là les tables des lois, qui furent probablement en bois, avant d’avoir été faites en pierre ou en bronze. Mais le bois débité en feuilles extrêmement minces, enduites de cire, et dans de petites dimensions, fournit à l’écriture une sorte d’équivalent des peaux préparées, du papyrus et autres matières. Ces feuilles de bois légères et portatives se réunissoient en manière de livre, et là est l’origine du mot tablettes, qui est passé jusque dans le langage moderne, C’est ainsi qu’on dit encore, mettre sur ses tablettes telle notion, tel renseignement.

Mais tablette, au singulier, se dit usuellement de planches en bois, qu’on emploie à toutes sortes d’usages, pour y ranger une multitude d’objets qu’il est sort inutile d énumérer ici. On place des tablettesà plusieurs étages dans les armoires, mais surtout elles servent à former les bibliothèques, et à recevoir des rangées de livres selon la diversité de leur dimension et de leur volume. La bibliothèque, entendue sous ce rapport purement matériel, est un assemblage de tablettes horizontales, rangées avec ordre et symétrie, et espacées entr’elles à de certaines distances pour porter les livres. Elles sont souvent décorées des membres de l’architecture, comme colonnes, pilastres, consoles, corniches, etc.

On a donné aussi, par analogie de forme et d’épaisseur, le nom de tablettes à des dalles de pierre débitée pour couvrir un mur de terrasse, ou le bord d’un réservoir, d’un bassin, etc. On doit observer de faire ces tablettes en pierre dure.

On donne encore le nom de tablette à une banquette. (Voyez BANQUETTE.) On dit :

TABLETTE D’APPUI. C’est une dalle de pierre plus ou moins épaisse, qui couvre l’appui d’une croisée, d’un balcon.

TABLETTE DE CHEMINÉE. C’est quelquefois une simple planche de bois, plus souvent une dalle de pierre ou une tranche de marbre, avec ou san profils, posée sur le chambranle d’une cheminée.

TABLETTE DE JAMBE ÉTRIÈRE. C’est le nom qu’on donne à la dernière pierre qui couronne une jambe étrière, et qui porte quelque moulure en saillie, sous un ou deux poitrails. On la nomme imposte oucoussinet, quand elle reçoit une retombée d’arcade.

TABLINUM. Nom d’une pièce formant l’ensemble de la distribution de la maison romaine. Elle étoit située dans cette partie de l’atrium qui faisoit face à son entrée. Sa position n’est pas indiquée par Vitruve avec une grande précision. Il saut, dit-il, donner au tablinum les deux tiers de la largeur de l’atrium, s’il est de vingt pieds ; s’il est de trente à quarante, on ne lui donnera que la moitié de cette étendue. Si l’atrium a quarante ou cinquante pieds, on divisera cette largeur en cinq parties, et on en donnera deux au tablinum. Comme Vitruve ne fait pas expressément mention


de la longueur ou de la profondeur de cette pièce, mais seulement de sa largeur, par rapport à celle de l’atrium, ou peut croire qu’elle étoit carrée.

On croit que le tablinum étoit la pièce aux archives, où le maître de la maison conservoit ses comptes et ses écrits d’affaires. C’est ce que donnent à entendre Festus et Pline. Cependant, comme il salloit passer par le tablinum pour entrer dans l’intérieur de la maison, et qu’un cabinet d’affaires doit sembler avoir été mal situé en ce lieu, on a cru que cette destination n’avoit existé que dans les plus anciens temps. Lorsque les Romains eurent par la suite agrandi leurs maisons, le cabinet des archives aura été placé illeurs, et la pièce qui ne servoit plus à cet usage, aura continué de porter le nom de tablinum, nom qui lui a voit été donné de tabula, comme ayant été probablement garnie de planches ou remplie d’armoires.

TABULA, is le nom Que les Romains donnoient à that Nous appelons vulgairement Une planche en bois, et ILS appeloient du nom Même la peinture exécutée sur cette planche. Voyez TABLEAU.

TABULATUM. Toujours, el par la suite de la signification de tabula, les Romains désignoient CE par mot les planches, les plafonds, les lambris Qui étoient de menuiserie ; ILS et affectèrent also the same nom aux balcons et des maisons Saillies, Comme being des ouvrages en bois. Vitruve cependant, d’après Une Autre analogie, les Appelle projectiones.

TAILLE, s. f. Se dit de la coupe, de la division ous d’un corps quelconque, lorsqu’on en retranché CERTAINES partis art with et mesure, est pour lui la forme Donner Que l’On veut.

Ainsi la taille D’une pierre se dit de la forme Qu’on Lui donne, according to lieu Qu’on Lui destine. Quant à la science, Qui embrasse beaucoup, plus généralement la méthode d’assortir la forme de each pierre, Dans la construction des édifices, a toutes les configurations des superficies, des Courbes, et des lignes Géométriques qu’exige le dessin de l’architecte, sur la Nomme coupé des pierres. VoyezCOUPE

TAILLER, v. agir. Terme général fort, ne pas sur l’utilisation Dans Toutes Sortes d’arts Ou Procédés mécaniques, et Dans Les opérations de construction de la, pour Exprimer L’Action de couper, d’équarrir, par exemple, Une pierre, Ou Une pièce de bois, suivant les formes et les hit dans analogues à La Qu’elle lieu Doit Occuper.

TAILLEUR DE PIERRE, s. m. Ce est Celui Qui taille, Qui façonné les pierres, après qu’elles en Ontario été tracées par l’appareilleur, suivant les formes et les Mesures de la place à Laquelle sur les destine.

TAILLOIR, s. m. Au mot ABAQUE, synonyme de tailloir, dans la langue de l’architecture, on a déjà traité de cette partie essentielle du chapiteau, et l’on a fait connoître les différentes formes qu’elle reçoit, selon le caractère de chaque ordre de colonnes. Nous avons ainsi indiqué l’origine étymologique du mot abaque, dans son application à l’architecture.

Cette partie du chapiteau n’a pas laissé de recevoir quelques autres dénominations inspirées par la nature de sa forme et de son emploi.

On l’a quelquefois appelée trapèze, mot qui, abrégé de, signifie table à quatre pieds ou table carrée ; et de fait, le tailloir du dorique, par exemple, offre la même configuration que celles d’une table ou d’un plateau quadrangulaire.

Vitruve nomme encore l’abaque du chapiteau toscan, plinthe, mot qui signifie en grec, brique, ou carreau de terre cuite. C’est toujours le même genre d’analogie, la même sorte d’emprunt fait à des corps, semblables pour la forme au plateau qui couronne les chapiteaux.

On ne sauroit guère tirer d’une pareille source la formation du mot tailloir, qui noua paroît n’avoir d’autre étymologie que le mot taille, tailler, et par conséquent ne signifier rien autre chose que morceau simplement taillé. Voyez ABAQUE.

TALC, s. m. Sorte de pierre composée de feuilles minces, luisantes et transparentes. Sa substance est tendre, onctueuse, douce au toucher. On en compte plusieurs espèces.

Celle que l’on emploie à beaucoup d’objets d’ornement, surtout dans l’architecture, se trouve dans les carrières à plaire. C’est une sorte de gypse qui produit un plâtre extrêmement fin, blanc et d’une qualité supérieure. On l’emploie à faire ce qu’on appelle des ouves en stuc, et aussi à couler des figures dans les moules, Voyez GYPSE.

TALON, s. m. Du latin talus, est, dans, l’architecture, le nom d’une moulure concave par sa partie inférieure et convexe par la supérieure.

Le mot latin talus signifie la partie postérieure du pied, que nous appelons talon ; il signifie aussi dé à jouer, parce qu’on usoit à cet effet d’osselets, Petits os, soit naturels, soit imités, qui font partie ducalcaneum ou métatarse.

On peut présumer que c’est de la ressemblance avec I un ou l’autre de ces objets, que l’architecture aura emprunté le nom de talon, pour désigner la moulure dont il s’agit ici. Elle est dans le système des profils, le contraire de la doucine. On l’appelle talon renversé, par opposition au talon droit, tel qu’on l’a défini, lorsque la partie


concave est en haut, et que la convexe est en bas. Voyez CIMAISE et CIMAISE LESBIENNE.

On appelle talon, nue espèce d’ébauchoir dont les sculpteurs se servent pour les ouvrages en stuc. Il s’en fait de toutes les grandeurs.

Talon est encore un terme de serrurerie. C’est une petite éminence en saillie que l’on pratique à l’extrémité d’un pêne, au dedans d’une serrure, pour l’arrêter contre le cramponet, ou à l’extrémité d’un tirant, pour l’encastrer dans la pièce de bois où il est fixé.

Talut, s. m. Sur Exprime CE par mot l’inclinaison sensible, ou La pente Qu’on Donne à certains ouvrages de construction, Comme aux pyramides, ous à des travaux de maçonnerie, Ou de terrasse, comme dans un les épaulemens de terrain, Dans des fortifications des OÜ murailles de villes de guerre.

Sur ne pas confondre CE de DoIt terme with Celui de glacis, Dont la pente douce, plus HNE.

TALUTER, v. agir. Ce est de l’ONU Talut, donner du Talut à mur de l’ONU, à l’élévation D’une terrasse, Mettre Une Ligne ous surface de juin en Talut.

TAMBOUR, s. m. Chacun connoît la forme la plus ordinaire de cet instrument de percussion qu’on appelle ainsi. Nous entendons parler, entre beaucoup d’autres formes données à cet instrument, de celle qui est usitée dans le militaire. C’est à celte sorte de tambour, que l’architecture a emprunté la dénomination qu’on donne à ces tronçons ou assises circulaires de pierre, dont on forme les fûts des colonnes, lorsqu’elles ne peuvent être faites d’un seul bloc, ou que l’on est obligé de se régler, pour les tailler, sur la hauteur du lit des carrières. A Paris surtout, où les lits des carrières ont peu d’épaisseur, les assises des colonnes moyennes surtout, lorsqu’on les travaille sur le chantier, ressemblent réellement en diamètre et en élévation, à la mesure ordinaire du tambour militaire.

On a de même et en vertu de la même analogie, donné le nom de tambour à chacune des pierres pleines ou percées, dont est composé le noyau d’un escalier à vis.

On donne encore le nom de tambour à cette partie du chapiteau corinthien orné de feuillage et de volutes, qu’on appelle aussi vase, cloche ou campane. Voyez CAMPANE.

Tambour se dit aussi d’une enceinte formée de lambris au-devant d’une porte. Voyez PORCHE A TAMBOUR.

TAMPON, s. m. Est juin Espèce de cheville de bois Dont sur remplit non trou percé Dans la Pierre ou le marbre, AFIN de Pouvoir y placer juin patte Ou Autre ferrure à pointe.

Ce est aussi un morceau de bois, Avec Lequel les menuisiers et les charpentiers bouchent les trous des pièces de bois et des planches, principalement celles du bois de sapin. On en a rencontré also groupe dans les Côtes des poteaux de cloison, et des solives De planchers, pour Retenir les entrevoux.

Tamponner, v. agir. Mettre tampon des Nations Unies, boucher trou non with tampon des Nations Unies.

TANNERIE, s. f. Grands Bâtiment en Manière d’usine, with Cours et hangars, ou L’façonné sur le cuir pour le tanneur et le durcir.

TAPIS, s. m. Ce mot vient du mot grec et latin tapes, tapetis, qui signifia ce que nous lui faisons aussi signifier, un ouvrage fait au métier, ou à l’aiguille, en laine, en soie, ou en fil, qui sert à différens usages.

Le mot tapis a fait en français le mot tapisserie, qui exprime et l’art d’exécuter ces sortes d’ouvrages, et aussi l’espèce de ces mêmes ouvrages, qu’on distingue par l’idée du tenture. (Voyez TAPISSERIE.) Le tapis est dans nos usages l’équivalent de peristroma en grec, formé du verbe peristronnumi, qui veut dire étendre par terre tout autour. Nous verrons que l’équivalent du mot et de l’idée de tapisserie, en français, est le mot parapetasma, qui signifie en grec, d’après sa composition, para et petao, ce qui couvre, ce qui s’étend, ce qui se déploie.

Les tapis sont donc dans nos usages des objets d’utilité et de luxe.

Sous le rapport d’utilité, on les fait en toutes sortes do formes et de dimensions, pour mettre sous les pieds, sous les tables, sur les marches des escaliers. On en fait de mobiles, qu’on transporte à volonté d’un lieu dans un autre. On en fait d’un tissu ou d’un travail plus ou moins commun. Mais la luxe s’est aussi emparé de ce besoin, et l’art du dessinateur s’est plu à étendre sur les planchers, pour être foulées aux pieds, des compositions qui sembleroient ne devoir figurer que pour les tentures des murailles.

Le goût toutefois devroit conseiller aux artistes, qui inventent les sujets d’ornement, et les compositions décoratives des tapis de pied, de n’y adapter que des dessins, qui ne soient pieds trop en opposition, avec la réalité de la destination des étoffes sur lesquelles on les exécute. A cet égard, on doit le dire, la manie de la variété a envahi aussi ce genre de décoration. On n’a mis quelquefois aucune différence entre les tapis et les tapisseries. Nous ne voulons point parler de l’espèce d’inconvenance que présente quelquefois l’emploi d’anciennes tapisseries chargées de figures ou de sujets historiques, que leur vétusté, ou d’autres causes étrangères au goût, ont condamnées à l’état de tapis de pied. Tout au plus ne citerions-nous cette sorte d’emploi que comme un exemple propre à faire mieux sentir, ce qu’a de déplacé l’emploi de certains genres de décorations pittoresques aux tapis.


Il est, à cet égard, nu point de vue, dans lequel le jugement du goût semble s’accorder sort naturellement, avec celui que fait naître l’impression de ces objets sur les yeux. Ce point de vue est celui de la position du tapis. Autres doivent être des composions destinées à orner les planchers sur lesquels on marche. Autres celles qui, placées verticalement, forment comme des tableaux le revêtement des murs.

Cette seule considération devroit porter le décorateur en tapis, a puiser l’esprit des ornemens qu’il y applique, dans une espèce d’imitation, par exemple des parterres, des compartimens qui en font le charme, ou bien dans une ressemblance plus ou moins positive, des pavemens de mare, ou en assemblages d’autres matières, que l’art de la marqueterie met en œuvre.

Sans prétendre presser ici cette théorie, avec plus de rigueur qu’elle n’en comporte, il nous semble qu’on pourroit donner pour modèle à l’art de décorer les tapis, celui que les Anciens ont affecté au goût de composition décorative de leurs mosaïques, qui, destinées à revêtir les planchers, et le sol de leurs intérieurs, y jouoient à peu près le même rôle que les tapis dans nos appartemens, et autres lieux où ils peuvent trouver place. C’est là qu’on peut observer combien les légèretés de l’ornement, cette partie, d’où l’arabesque tira ses plus agréables ressources, sont convenablement applicables aux distributions de compartimens que réclament les tapis de pied. Ce n’est pas qu’il ne se trouve des mosaïques antiques ornées de figures, mais ces figures sont sort loin de prétendre à être, en grand surtout, des tableaux. Elles sont ordinairement renfermées dans les espaces symétriques de quelques compartimens, et elles y sont plutôt des ornemens symboliques, sans aucune liaison d’action entr’elles, que de véritables compositions.

L’artiste qui exécuta l’un des plus célèbres pavés en mosaïque de l’antiquité, celui de la salle de festin nommée Aste, ou non balayée, à Pergame, avoit pris le motif de sa composition, de l’idée même d’un plancher au naturel, ou effectif, en sorte qu’on n’y voyoit d’autre imitation, que celle des objets mêmes, débris du festin, ou restes de ce que les convives auroient ou jeté, ou laissé tomber à terre.

Si l’on n’est pas tenu de porter jusque-là, dans l’ornement du plancher d’un local, l’imitation des choses qu’on peut y rencontrer, ou que le hasard y pourroit amener, au moins convient-il de ne pas y faire figure de ces compositions d’objets, et de formes tout-à-fait hors de mesure, soit avec la destination du lieu, soit avec l’emploi d’un tapis. La nature des choses, lorsqu’on l’interroge, assigne assez clairement, par cet emploi seul, ce qui convient ou disconvient en ce genre. Ainsi toute superficie, sur laquelle on doit marcher, indique assez au dessinateur un choix de formes, qui n’offre aucuns détails capables, tout simulés qu’ils soient, de contrarier la vue, et l’action de marcher, soit par des angles multipliés, soit par des aspérités fictives, C’est l’effet qui recuite dans Certains tapis, comme dans quelques pavemens en marbre, des contrastes trop sensibles de morceaux découpés, et qui tranchent entr’eux par des couleurs trop opposées.

Nous croyons qu’il doit suffire ici, d’avoir indiqué certains principes de goût qui fassent éviter les bizarreries, auxquelles la manie de la variété et de la nouveauté expose, lorsqu’on y applique, sans règle et sans choix, tout ce que l’imagination peut se permettre, dans le champ indéfini de l’ornement.

Il arrive assez souvent que les tapis sont considéres comme de simples objets de luxe, de richesse, ou de convenance, sans aucun égard aux sujets qui y sont représentés. Ainsi l’usage admet de ces riches étosses dans les sanctuaires des églises, en avant des autels. Or, tout le monde sent le ridicule, pour ne rien dire de plus, qu’il y auroit à voir représentés sur ces tapis des symboles profanes, et des ornemens discordans avec le local qu’ils occupent, C’est dire assez que dans le cas où l’on exécute, pour une semblable destination, les tapis qui doivent orner le lieu saint, le dessinateur doit leur approprier, avec un goût sévère d’ornement, des figures et des détails d’objets analogues à ce qui les environne.

Terminons cet article en disant que les tapis servent encore, dans l’ameublement des appartement, à couvrir les tables, les bureaux sur lesquels on écrit, et autour desquels on se rassemble pour la discussion des affaires. De là cette locution ordinaire, mettre une affaire sur le tapis.

TAPIS. (Jardinage.) L’art d’embellir les jardins a emprunté à celui d’orner les intérieurs, le mot tapis. Si en effet, comme on l’a dit, le tapis d’ameublement a souvent dérobé aux ornemens des parterres en verdure, plus d’un motif de dessin ou de composition, une ressemblance de goût et d’effet devoit suggérer l’application de l’idée de tapis à ces grandes surfaces qu’on destine dans les jardins à être plantées en gazon.

Ainsi appelle-t-on tapis de gazon, tapis de verdure, tout grand espace formant pelouse, qui est plein et sans découpure, et qu’on garnit d’une herbe très-fine. On en pratique ainsi dans les cours ou avant-cours des maisons de campagne, dans les bosquets, dans les boulingrins, dans le milieu des avenues et des grandes allées.

TAPISSERIE, s. f. On a déjà indiqué, à l’article précédent, la différence que l’usage met, en français, entre l’emploi du mot tapis, et celui du mot tapisserie, Bien qu’on puisse dire qu’un tapis est de la tapisserie, et que la tapisserie puisse être un tapis, cependant ce dernier mot a reçu deux si-


gnifications particulières. On l’emploie à signifier ces grands ouvrages, qui, de quelque manière qu’ils aient été fabriqués, servent spécialement à l’ornement et à la tenture des murs, et de quelques autres parties encore, mais qui doivent presque toujours être placés verticalement, et non horizontalement, comme les tapis. On emploie encore ce mot à signifier l’art en lui-même, ou les procédés dont on use pour la fabrication de ce genre d’ouvrage.

Ainsi on dit une tapisserie, en parlant de l’œuvre ; on dit la tapisserie en parlant de l’art d’en faire, et de la même manière qu’on dit une peinture, pour un œuvre de l’art de peindre, et la peinture pour l’art qui crée de semblables œuvres.

La tapisserie, considérée comme l’art d’exécuter les tentures, auxquelles on donne le même nom, ne sauroit être du ressort d’un Dictionnaire, où nous ne devons nous occuper de semblables objets, que sous le point de vue de décoration, et des rapports qui en sont entrer les ouvrages dans les bâtimens et les embellissemens de l’architecture.

Nous nous contenterons donc de dire, quant à cet art, qu’il est très-antique, et qu’on en découvre les traces dans les plus anciennes notions historiques. Denx procédés divers ont toujours fait distinguer ses travaux. Celui qui, sans doute, précéda l’autre, puisqu’il est le plus simple, fut le travail à l’aiguille. Une multitude de passages des écrivains de l’antiquité nous font voir ce genre d’ouvrages, comme étant l’occupation des femmes. Il saut en effet regarder comme de véritables tapisseries, ces étosses brodées, dont les poëtes nous ont laissé des descriptions, qui prouvent qu’on y exécutoit toutes sortes de figures, de scènes, de compositions formées de personnages, et jouant ainsi l’apparence de la peinture. Les poëtes, tout en ajoutant le charme de ta fiction aux objets dont ils parent leurs récits, n’en constatent pas moins l’existence et la réalité des usages qu’ils embellissent. Ainsi on peut conclure des sujets brodés par le poëte sur la ehlamyde de Jason, non que ces sujets y étoient, mais que l’usage étoit de broder les vêtemens. On ne croira certainement, ni à la réalité des sujets de composition brodés sur la draperie du lit nuptial de Thétis et Pélée, ni même à l’existence de ces deux époux, mais on sera fort en droit d’inférer de l’épisode poétique de Stace, que l’on faisoit, de son temps, des étoffes tissées et brodées en tapisseries, pour étendre sur les lits.

Il est historiquement certain que tous les ans, un certain nombre de jeunes filles athéniennes, travailloient et ornoient de broderies le peplos, qu’on promenoit dans la fête des Panathénées, avant de le consacrer à la Minerve Poliade. Or, ce peplos, tel qu’il nous est décrit, étoit une véritable tapisserie où l’on représentoit, sans doute à l’aiguille, les exploits de la Déesse. Un distique de Martial nous donne à penser, que l’art de la tapisserie avoit long-temps été partiqué dans l’Orient, avec le secours de l’aiguille, mais qu’enfin les Egyptiens firent tomber cette industrie, en y substituant le travail du métier.

Hac tibi Memphitis tellus dat munera : victa est
Pectine niliaco jam Babylonis acus.

Il est donc constant que l’art de la tapisserie fut pratiqua aussi ; au métier dans l’antiquité, et il n’est point de notre sujet d’entreprendre de déterminer l’époque de ne changement de procédé. Ce qui nous est plus clairement démontré, c’est que lei Grecs, au temps de Péricles, connoissoient les tapisseries de l’Orient, el qu’ils en ornaient leurs théâtres.

Il n’y a rien de plus décisif sur ce point, que les vers ou Aristophane, dans sa comédie des Grenouilles, vers 938, fait dire à Euripide, qu’il n’avoit produit, à l’exemple d’Eschite, sur la scène, ni chevaux ailés, ni capricerfs, tels qu’en représentent les tapisseries de Perse, παραπετασμασιν μηδοχοις. On sait assez que c’est de ce pays que passèrent en Grèce et à Rome ces caprices nombreux, qui furent du domaine de l’ornement et de l’arabesque. Or, le travail de la tapisserie dut se les approprier d’autant plus naturellement, qu’on la regarda comme destinée avant tout au plaisir des yeux.

Nous ne saurions douter que beaucoup de ces ouvrages n’aient eu, chez les Grecs et les Romains, les mêmes emplois que dans les temps modernes Si nous n’avons pas la preuve qu’on les fit servir de tentures ou d’ornemens aux murs, dans les intérieurs, soit des palais, soit des monumens publics, nous tenons de plus d’un passade des écrivains, que de véritables tapisseries, selon la signification du mot parapetasma (voyez l’article TAPIS), ornoient les sanctuaires des temples, et en cachaient à volonté la vue, ainsi que celle des simulacres qui y étoient renfermés. Tel étoit dans le temple des Hébreux, ce que nous appe lons le voile, qui, placé et tendu devant l’arche, déroboit la vue du saint des saints. Tel étoit l’objet de ce peplos dont on a déjà parlé, qu’on ossroit aux divinités et qu’on renouveloit â certaiues époques. Sans aucun doute on pouvoit en faire qui servissent d’habillement à certaines idoles antiques. Mais quand on sait ce qu’étoit ce qu’on appeloit palladium, et à quoi se réduisoit, dans le temple de Minerve Poliade, à Athènes, l’idole à laquelle on consacroit le peplos d’une très-grande dimension dont on a déjà parlé, il est difficile de lui supposer d’autre emploi, que celui d’être étendu comme un grand rideau, en avant du sanctuaire où résdoit la petite idole de ce temple.

Mais l’emploi dont nous parlons ne laisse plus aucun doute, quand on lit dans Pausanias, que le roi d’Antiochus avoit fait au temple de Jupiter


à Olympie, l’offrande d’un riche parapetasma de pourpre brodé en or, lequel s’étendoit en avant du simulacte de la Divinité. On ne sauroit douter de la nature de sou emploi, et nous avons résuté ailleurs la conjecture de Stuart qui imagina de le faire servir dans l’intérieur du temple, qu’il supposoit entièrement découvert, à préserver, par sa position horizontale, la statue des intempéries des saisons. Cela contredirait sans aucune autorité toutes les notions en ce genre. Les Egyptiens suspendoient de ces voiles devant les avenues de leurs temples. La mosaïque de l’Palestrine, tableau abrégé de l Egypte, nous en fait voir un qui ne laisse aucun doute sur son usage, sa forme et il position. Il ressemble à une voilé de vaisseau, et il est hissé perpendiculairement. Du reste, Pausanias a pris soin de lever tout doute à cet égard ; car en parlant du parapetasma du temple d’Olympie, il nous apprend qu’il s’abaissoit jusqu’à terre, au contraire du temple d’Ephèse, où, pour découvrir le sanctuaire, il se relevoit jusqu’au plafond. On est encore autorisé à croire que dans beaucoup de cas, les Anciens usèrent des tapisseries, comme cela se pratique aujourd’hui dans l’Orient, en guise de portes, et de la manière dont nous les employons sous le nom de portières.

Nous ne prétendons donner dans cet article qu’une très-légère esquisse des notions historiques de l’art de la tapisserie, et encore sous le rapport qui l’unit à l’art de bâtir, ou à la décoration des édifices. C’est pourquoi nous ne rechercherons point les traces de l’existence et de l’état, soit des procédés, soit du goût des tapis et des tapisseries, pendant la période du moyen âge. Si l’on consulte la destinée de tous les arts, pendant cette longue nuit, et à l’époque où un nouveau jour vint les éclairer, on se persuade qu’ils parcoururent dans leur renaissance, à peu prés les mêmes routes, qu’à leur origine, dans les siècles auliques dont nous connossons l’histoire.

Ainsi l’art de la tapisserie nous paroît avoir recommencé pour les temps modernes, comme autrefois, par le travail plus ou moins grossier de l’aiguille. Ou en pourroit citer comme preuve et comme exemple, la célèbre tapisseriequ’on appelle de la reine Mathilde, ouvrage qui nous présente l’enfance de l’art de broder des figures sur toile. Si l’on en juge par un sort grand nombre de très-vieillestapisseries, où sont exécutées au métier des scènes fort étendues de personnages, de vues champêtres, de perspectives et autres objets semblables, il sembleroit que de sort bonne heure, et dès les premiers temps de la renaissance, on auroit employé la tapisserie à reproduire les tableaux d’histoire, et tous les sujets qui sont du ressort de la peinture. Or, il ne nous est pas démontré que les peuples de l’antiquité’ aient ainsi converti en véritables tableaux leurs tapisseries proprement dites. Non qu’on veuille nier qu’ils y aient représenté des figures humaines. Ce que nous avons rapporte au mot RIDEAU (voyez ce mot), de ces toiles (aulœa), qui dans les théâtres se levoient insensiblement comme sortant de terre, nous prouve qu’elles étaient ornées de figures ; mais rien ne nous dit si ces toiles étoient (issues comme nos tapisseries, si elles étoient brodées, ou seulement peintes. Au contraire, il nons paroît que sort anciennement, chez les peuples modernes, l’art des tissus dont on parle, se partagea en deux genres d’ouvrages, celui des tapis comprenant toutes sortes de compositions, mais bornées à ce qu’on appelle ornement, et celui des tapisseries de tenture, ambitionant la plus parfaite ressemblance avec les tableaux historiques.

Il fut dès-lors très-naturel, que les progrès de cet art dépendissent de ceux de l’art de peindre, puisque nécessairement, la tapisserie du genre dont On parle, ne peut être attire chose, que la copie d’une composition, ouvrage du pinceau. Aussi voyons-nous que l’époque du commencement du seizième siècle, c’est-à-dire de Michel Ange, Raphael et Titien, fut celle où la fabrication de la tapisserie en Flandre, prit son développement. Il v voit alors dans ce pays de très-célèbres manufactures, où les procédés de Cette industrie étoient portés au point de pouvoir reproduire, avec une grande exactitude, tous. us les effets de la peinture. Léon X forma alors le projet d’orner les murs d’un certain nombre de salles du Vatican, avec des tapisseries, dont Raphael feroit les modelés en cartons coloriés. Ou dut à cette grande et dispendieuse entreprise, les plus belles compositions, du prince de la peinture. Quoique sous certains rapports, surtout ceux du brillant et de l’harmonie des teintes, | l’art de la tapisserieait reçu depuis en France, et à la manufacture royale des Gobelins, un accroissement d’illusion qui la fait rivaliser avec celle du pinceau, toutefois on doit dire que les inventions de Raphael surent très-heureusement rendues, et que peut-être dans aucun autre temps, son style et le caractère de son dessin n’auroient trouvé un mode de traduction plus fidèle.

Les tapisseries dont on vient de parler, avoient été comme on l’a dit, destinées par le pape Léon X à l’ameublement de quelques chambres du Vatican. C’étoit encore l’usage alors de tapisser ainsi les appartemens. C’est que les palais et les châteaux de ce temps, se composoient de trèsgrandes salles, propres par conséquent à recevoir des tentures d’une étendue proportionnée. La tapisserie, dans le fait, par la nature et de sa matière et de son travail, indépendamment de la division qu’exigent les sujets historiques, a besoin d’être vue a quelque distance. Le succès des fabriques de Flandre porta Louis XIV à propager en France ce genre de goût et d’industrie, et il établit lu célèbre manufacture des Gobelins, où cet art, à ne parler que de la perfection mécanique, s’est vu porté ! au plus haut point qu’il puisse


atteindre. Le dix-septième sîècle avoit conservé l’usage des grands intérieurs, et le luxe des tapisseries s’y trouva encore conforme. Bientôt tout se rapetissa, jusque dans les habitations des grands et des riches. L’ameublement et le goût de décoration des appartemens, furent obligés de se restreindre à la mesure que l’architecture leur prescrivoit. Les tapisseries en figures furent remplacées par des étoffes de soie, par des boiseries dorées, par des caprices d’ornemens arabesques plus ou moins insignifians, et enfin par l’usage même des papiers de tenture substitués, avec beaucoup d’économie, à tous les genres d’embellissemens des temps anciens.

Les anciennes tapisseries bannies des appartemens, ne trouvèrent de refuge que dans les décorations accessoires et temporaires des églises, des fêtes politiques ou religieuses, où, comme il a été déjà dit, on ne les considère que sous le rapport d’une étoffe, dont le prix continue de s’attacher à son apparence, mais sans égard aux sujets qui s’y trouvent représentés.

Cependant la manufacture royale des Gobelins, toujours entretenue par la munificence royale, ne laisse pas de produire encore des copies de tableaux, et de le disputer par la vivacité des coleurs aux effets de la peinture. Ces ouvrages, aujourd’hui plus curieux qu’utiles, n’entrent plus dans les besoins de la société, et leur grande dépense, trop au-dessus des fortunes ordinaires, en auroit annulé la fabrication, si le Gouvernement ne les eût destinées à servir de présens aux cours étrangères.

Un autre établissement du même genre, à Paris, connu sons le nom de la Savonnerie, et soutenu aussi par le Gouvernement, se borne à fabriquer des tapis, qui nonobstant le luxe d’ornemens qu’on y étale, et peut-être par ce luxe-là même, ne laissent pas que d’avoir beaucoup de débit dans les appartemens, à la décoration desquels ils contribuent sort agréablement.

TAQUETS, pl s. f. . Sur Donne CE nom à de petits piquets Qu’on enfonce en terre Jusqu’a Leur tête, pour les faire Servir de repaires à alignement des Nations Unies, ous pour Leur faire indiquer la hauteur des déblais et remblais, DANS LES ouvrages de terrasse.

Sur Encore Appelle taquets, de petits morceaux de bois Tailles et échancrés en équerre, Qu’on attache sur les Montans d’encognure D’une armoire, pour Soutenir les tasseaux des tablettes.

TARGE, s. m. (Jardinage.) Ce est dans les parterres de buis en compartimens, le nom Qu’on Donne à l’ONU ornement Qui a la forme d’un croissant non arrondi par les Extrêmités.

TARGETTE, s. f. Platine de métal, impor- Un petit verrou plat, portable dans deux petits crampons, dont on se sert pour fermer des guichets, des volets de fenêtres, d’armoires, etc. , sur Lesquels sur les attache Avec des clous ous des vis. Il y en a en panache, il y eu un d’ovales, carrées et de d’Autres formes.

Tarière, s. f. Outil de fer, en forme cylindrique, de differentes grosseurs et Espèces, ne pas juin Extrémité aplatie d’équerre passe à Travers un morceau de bois Qui SERT à le mouvoir, et DONT L’Autre Extrémité is tournée en vis tranchante, ous Faite en forme de cuiller, Dont les bords are tranchans. IL SERT Aux Charpentiers ET aux charrons.

TAS, s. m. Dans son acception vulgaire, ce mot signifie un amas de plusieurs choses, ou une quantité quelconque des mêmes objets mis ensemble en un monceau. On dit ainsi un tas de pierres, un tas de plâtras.

Tas, dans le langage de la construction, se dit de la masse du bâtiment même qu’on élève. Ainsi dit-on retailler une pierre sur le tas, avant de l’assurer à demeure.

On appelle tas de charge, une saillie formée par plusieurs assises de pierre, posées les unes sur les autres, et qu’on nomme aussi encorbellement. Telssont les coussinets à branches d’où sortent, dans l’architecture gothique, et prennent naissance les ogives, formerets, arcs doubleaux. Tels sont les parapets des anciennes tours, auxquelles on pratiquoit des créneaux.

On appelle tas droit une rangée de pavés, sur le haut d’une chaussée, d’après laquelle s’étendent les ailes en pente, à droite et à gauche, jusqu’aux ruisseaux d’une large rue, ou jusqu’aux bordures de pierre rustique d’un grand chemin pavé.

TASSEAU, s. m. Se dit, dans la maçonnerie, des petits fragmens de mœllons, maçonnés en plâtre pour faire le scellement des sapines ou escoperches, afin de tendre sûrement des lignes pour planter un bâtiment.

Tasseau est, en charpenterie, un morceau de bois, ayant un tenon passé dans un arbalestrier, qui sert avec, la chantignole à soutenir les pannes d’un comble.

Tasseau est dans la menuiserie, une petite tringle de bois attachée avec des clous, ou portée par des taquets, ou de toute autre manière, pour soutenir les tablettes d’une armoire, d’une bibliothèque, etc

TASSER, v. act. Ce verbe exprime l’effet de la pression des matériaux dans un bâtiment, effet qui, a lieu également partout, lorsqu’on y a employé, surtout en le fondant sur un terrain égal et de même nature, les mêmes matières et la même dose do mortier. Cet effet lieu inégalement lorsque des diversités de matériaux présentent à la


charge des parties sur-imposées, une inégalité de résistance, dans les inférieures, ou lorsque l’on élève sur une partie de construction, des masses beaucoup plus lourdes que dans une autre. Il importe qu’une bâtisse d’une grande étendue soit élevée de front et tout ensemble, pour que le tassement ait lieu simultanément partout. Il suffit quelquefois d’un tassement inégal, pour opérer la ruine d’un édifice, et y produire, surtout dans les voûtes, des désunions, auxqles il est difficile de remédier après coup. C’est particulièrement au sol qui sert d’assiette, qu’on doit porter la plus grande attention, afin d’obtenir une égale puissance de résistance à la charge qu’on lui imposera. Ainsi une des tours que Bernin avoit élevée au portail de Saint-Pierre, se trouva fondée sur un sol jadis remué et sujet à des filtrations d’eau. Il se fit à l’édifice un tassement si inégal, qu’on fut obligé de détruire cette construction.

Tate Ou TATONNÉ. Se dit d Dans beaucoup ouvrages, Mais redingote Dans Ceux du dessin, d’Un trait incertain, OU D’UN travail Dans Lequel l’artiste un fait voir Qu’il n’étoit Sûr ni de Ce qu’il vouloit faire, ni de La Manière Dont il vouloit opérer.

TATTI (JACOBO dit SANSOVKNO), né en 1479, mort en 1570.

Tattifut le nom patronimique de ce célèbre artiste qui n’est guère connu. et que nous ne serons également connoître ici, que sous le surnom qu’on lui donna, pour avoir été l’élève d’un très-habile sculpteur, André Contucci, appelé Sansovino, parce qu’il étoit né sur la montagne de ce nom.

Jacques Tutti, dit Sansovino, vit le jour à Florence en 1479. Dès ses premières années il montra un goût décidé pour les arts du dessin, mais surtout une rare aptitude aux travaux de relief. Son père, empressé de seconder ces heureuses dispositions, le proposa pour élève à André Contucci (du mont Sansovino), qui l’accepta d’abord avec plaisir, et se fit ensuite un honneur de cultiver par des soins assidus, un talent dont il prévoyoit que les succès feroient rejaillir de la gloire sur lui-même. De là naquit entre l’élève et le maître, un attachement du genre de celui que la nature forme entre le père ut le fils, et ce fut précisément ce sentiment, devenu alors public, que l’opinion se plut à consacrer, en substituant au nom de la famille de Jacques, le surnom de de son maître.

Aux exemples et aux bonnes leçons de ce maître, le jeune Sansovino eut le bonheur de joindre un genre d’encouragement, qui ne se rencontre pas souvent dans les élèves, chez qui l’émulation produit quelquefois moins de rivaux que des envieux.

Une ardeur commune, un même zèle conduit par un même goût, quoique dans deux arts distérens, avoient uni de bonne heure, par une étroite amitié, André del Sarto et Sansovino. Naturellement il se fit entr’eux un utile échange de talens. L’étude du dessin, à laquelle ils se livrèrent de concert, mit dans leurs productions une telle conformité de manière, que leurs ouvrages, à la différence près de la matière, sembloient être d’une seule main. Au nombre de ceux qui dessinèrent d’après le célèbre carton de Michel Ange, nous trouvons cités conjointement, André del. Sarto et Sansovino.

On seroit du ce dernier une seconde histoire, aussi intéressante, aussi nombreuse en ouvrages remarquables, si l’on avoit à l’envisager, comme sculpteur du premier ordre qu’il sut, avant que l’architecture, qui d’abord le partagea, se fût tout-à-fait emparée de lui. La seule nomenclature de ses travaux de sculpture est si étendue, que nous serions aussi en peine d’en donner ici la totalité, qu’embarrasses de choisir ceux qui mériteroient une préférence. C’est pourquoi nous renvoyons à Ja vie de cet artiste par Vasari, et surtout par Temanza, ceux qui voudront le connoître sous les deux rapports de sculpture et d’architecture.

Nous avons en plus d’une occasion de remarquer, que cette communauté pratique de travaux, qui régna si long-temps entre tous les arts, eut son principe dans l’exercice du dessin, école première, et véritablement indispensable de toutes les opérations, qui ont pour objet l’imitation. La grande pratique du dessin qui avoit tant contribué aux progrès de Sansovino, comme sculpteur, avoit dû lui communiquer aussi le goût, et l’initier aux secrets de l’architecture.

Ce goût ne put qu’augmenter, par la liaison que le hasard fit naître, entre lui, et Julien de San Gallo, architecte de Jules II, qui se trouvoit alors à Florence, et qui l’emmena avec lui à Rome, où Bramante, dont il devint l’ami, lui donna de nombreuses occasions de connoître et d’étudier l’antique, et de se livrer à des travaux de tout genre. L’excès du travail, joint à l’excès du plaisir, lui occasionna une maladie, qui le força de regagner Florence, où l’air natal lui rendit bentôt la santé.

L’entrée du pape Léon X dans celte ville, en 15l5, devint pour les artistes, le sujet d’une multitude de travaux de décoration, auxquels tous les arts s’empressèrent de contribuer. Sansovino dut à cet événement, de débuter dans la carrière de l’architecture. Il fut chargé de faire des dessins d’arcs triomphaux, mais il se distingua surtout par une entreprise décorative plus importante, qu’il partagea avec André del Sarto, je veux dire la façade temporaire de Sainte-Marie-des-Fleurs, qu’on exécuta en bois. L’idée en fut grande, et bien conçue. Sur un vaste soubassement, il éleva plusieurs rangs de colonnes corinthiennes deux par deux. Les intervalles étoient occupés par des niches avec les statues des Apôtres. L’ensemble présentoit un grand nombre de


bas-reliefs, avec tous les ornemens ou détails d’architecture, et disposés aveu le goût et la richesse, qu’un habile architecte sait appliquer aux plus magnifiques édifices. Le Pape ne put s’empêcher dé dire, que si le monument eût dû être sait en marbre, il n’y auroit eu rien à y changer. Sansovino exerça de nouveau son talent, dans un autre projet de façade, pour l’église de Saint-Laurent, que Léon X avoit a cœur de voir exécuté. Mais il eut ici Michel Ange pour concurrent, et Michel Ange avoit la faveur du Pape. Les deux rivaux se retrouvèrent à Rome. Le projet de façade, comme on sait, n’eut point lieu. Michel Ange perdoit son temps, en cherchant à exploiter des marbres, et Sansovino se fixa pendant quelques années à Rome, où il fit plusieurs statues et se fortifia dans l’architecture, par des travaux qui commencèrent sa réputation.

De ce nombre furent les dessins et modèles de l’église de Saint-Marcel, des frères Servites. L’ouvrage entrepris n’eut pas de suite.

Citons encore pour être des premiers essais de son talent, la belle loggia, qu’il fit hors de la Porta del popolo, sur la voie Flaminienne, pour Marc Cascia ; les commencemens de construction de la villa du cardinal dé Monté, sur l’acqua Vergine ; une maison d’une heureuse distribution, pour Messer Luigi Leoni, et à Rome, dans la rue dé Banchi, un palais pour la famille de Goddi, aussi noble, que bien disposé dans son intérieur.

Les diverses nations catholiques avoient déjà construit à Rome, ou étoient en train d’y construire des églises nationales. La nation florentine avoit formé le projet, non-seulement de rivaliser avec les autres puissances, mais de les surpasser en magnificence.

On se doute bien que Léon X, Florentin lui même, ne pouvait que seconder cette pieuse entreprise. Les plus célèbres de cette époque, entr’autres Antoine San Gallo, Raphael, Balthazar Peruzzi, présentèrent des projets. Le Pape préféra celui de Sansovino, qui mit bientôt la main à l’œuvre.

Borné par l’alignement de la strada Giulia, sur laquelle le monument devoit s’élever, et par le Tibre qui coule sort près de l’espace affecté à l’église, Sansovino, pour lui donner plus d’étendue, imagina d’empiéter sur le fleuve, et de fonder une partie de sa construction dans l’eau, surcroît en même temps de travail et de dépense, et surtout de difficulté. Selon Vasari, les frais de ces fondations auraient payé la moitié de la construction des murs de l’église. Il paroît que Sansovino s’étoit engagé là, dans un projet dont il avoit mal prévu les obstacles. Une chute qu’il fit, en surveillant les travaux, vint, à ce que l’on croit, sort à propos le tirer d’embarras. Le soin de sa santé lui prescrivit encore une sois de retourner à Florence, et Antoine San Gallo, qui le suppléa dans la continuation de l’entreprise, eut l’honneur de triompher de toutes ses difficulté ; mais de nouveaux contre-temps vinrent suspendre son exécution. Ce fut d’abord la mort de Léon X, ce lui ensuite le pontificat d’Adrien VI, et enfin le sac de Rome, sous Clément VII.

Sansovino échappa à tous les malheurs de cette époque, et sa bonne fortune lui fit trouver un asyle à Venise, où désormais nous le verrons déployer, comme architecte, les grands talens dont il n’a voit montré jusqu’alors, si l’on peul dire, que les préludes.

Deux circonstances concoururent à le retenir dans la ville, qui devint pour lui une nouvelle patrie. La première fut la haute protection du doge Gritti, qui, quatre ans auparavant, l’avoit accueilli avec toutes sortes de bienveillance. La seconde, et qui influa sur la destinée du reste de sa vie, fut sa liaison avec Pierre Aretin, liaison qui se changea en une étroite amitié, que vint resserrer de plus en plus leur union avec le célèbre Titien, d’ou naquit cette espèce de triumvirat si profitable aux arts, et que la mort seule peut dissoudre.

Sur ces entrefaites, maître Bnono, architecte des vieilles Procuraties, vint à mourir, et Sansovino fut appelé a lui succéder dans cet emploi, avec un traitement de quatre-vingts ducats, et une maison pour son habitation, sur la place Saint-Marc, près de L’horloge. Cet emploi comprenoit dans ses attributions, la surintendance d’inspection de l’église de Saint-Marc, du campanile, et des constructions adjacentes (excepte le palais ducal).

La première opération qu’il proposa, fut l’enlèvement et le déblaiement des boutiques, échoppes et bâtisses en bois, qui encombrant les deux grandes colonnes de granit, ornement de ce lieu, le déparoient, et masquoient la vue du grand canal.

Un travail plus important l’occupa bientôt, je parle de la réparation des coupoles de l’église de Saint-Marc, singulièrement détériorées par leur vétusté d’abord, et puis par l’accident d’un incendie, dont elles avoient beaucoup souffert, un siècle auparavant, Il entoura la grande coupole, celle qui est au centre de la croisée, par un cercle de fer composé de plusieurs bandes dentelées, qu’on serra le plus possible avec des écrous de bronze et des coins du même métal. Ce cercle fut placé en dehors, un peu au-dessus des cintres des petites fenêtres, pour arrêter les progrès de quelques lézardes de la coupole. Encore aujourd’hui, les ouvriers l’appellent il cerchio del Sansovino, pour le distinguer des deux cercles, qui furent placés, dans la suite, autour de la coupole dite de la Madone, et de celle qui est vis-à-vis la porte d’entrée. Sansovino restaura aussi tous les dômes qu’on admire dans l’intérieur du temple, et il eut un tel succès dans ces travaux délicats autant que pénibles, qu’outre la réputation qu’il en acquit,


on porta son traitement annuel à la somme de cent quatre-vingts ducats.

Le bâtiment de l’école ou confrérie de la Miséricorde, entrepris dès l’année 1508, d’après le modèle d’Alexandre Liompardo, par Pierre et Jules Lombardi, étoit resté sans exécution. L’an l532, Sansovinofut chargé d’en faire l’architecture : et de fait, ce qui existe de cet édifice est entièrement son ouvrage. Quoiqu’il n’ait pas reçu sou complément, surtout a l’extérieur, toujours y trouve-t-on soit dans les niches qui le décorent, soit dans des détails de profils, et le style de ce maître, et les preuves de la magnificence avec laquelle l’ensemble avoit été conçu. Mais c’est surtout par l’intérieur, qui offre des parties achevées, qu’on peut en mieux juger. Outre un bel escalier et la chambre qu’on appelle l’Albergo, on y voit deux magnifiques et vastes salles, l’une à rez-de-chaussée, l’autre au-dessus : celle d’en bas est partagée en trois nefs, par deux rangées de colonnes d’ordre composite, et les murs latéraux qui soutiennent le plafond. La salle supérieure n’a aucune décoration, mais on ne croit pas qu’originairement elle ait été projetée avec autant de simplicité.

Dans le même temps Sansovino commençoit sous les auspices du doge Gritti, la construction de l’église de Saint-François de la Vigne, monument simple, mais de cette noble simplicité qui est souvent le véritable luxe des édifices religieux. Tout l’intérieur, moins la coupole, fut exécuté sur ses dessins. Probablement quelques circonstances qu’on ignore, suspendirent l’achèvement entier de cette église, car nous lisons que ce dôme et a façade surent l’ouvrage de Palladio.

Une médaille représentant l’extérieur de cette église, tel que Sansovino l’avoit projeté, nous donne l’idée du frontispice qu’il comptoit y ajuster. On est obligé de couvenir qu’elle n’a pu que gagner à celui que Palladio y a substitué.

L’antique bâtiment de la Monnoie, à Venise, menaçoit ruine, et il n’y avoit aucun moyen de le réparer. En 1535, il fut décidé d’en construire un nouveau. Trois architectes présentèrent des projets. Le conseil des dix choisit celui de Sansovino, qui fut exécuté. Son architecture offre un ensemble qui seroit digne par son plan et sa belle construction, d’appartenir au palais d’un prince. La construction est toute en pierre d’Istrie. Sansovino avoit dû contracter à Florence le goût du bossage, goût dont les Anciens ont laissé d’assez nombreux exemples. et on a en occasion de faire voir, dans la vie de plus d’un architecte florentin, que certains genres de matériaux invitent, plus que d’autres, à cet emploi de la pierre. Or, aucune n’y convient mieux que celle de Florence, soit par sa couleur, soit par sa dureté, ou la grandeur des masses qu’elle fournit. La pierre d’Istrie, la plus belle que l’on connoisse, et qui approche le plus du marbre blanc, devoit inspirer à l’architecte plus de réserve dans l’application de l’emploi dont on parle, et il nous semble que Sansovino, et, après lui, les plus célèbres architectes vénitiens, ont usé de celle réserve. Au reste, rien ne convenoît mieux que la sévérité de ce goût de construction, au caractère du bâtiment à élever pour la Monnoie, genre de monument dont la destination principale semble exclure tout à la fois, ut l’idée de la magnificence, et celle de l’élégance.

On ne sauroit disconvenir, que la façade qui donne sur la Peschiera, ne réponde tres-bien, par son style, à l’usage d’un hôtel des monnoies. Sa masse est à trois étages, eu y comprenant le rez-de-chaussée qui se compose de neuf arcades en bossages. Dans la suite, et par raison d’utilité pour le service intérieur, les ouvertures de ces portiques forent bouchées jusqu’aux impostes de leurs cintres, et ce changement n’a contribué qu’à mieux faire ressortir le caractère de l’édifice. L’étage au-dessus est une ordonnance dorique, dont les pilastres sont entrecoupés de bossages ; la frise a des triglyphes et des métopes. Le troisième étage, ou l’étage supérieur, est orné d’un ordre ionique, qui porte un entablement avec des consoles. Il règne d’un étage à l’autre une progression d’ornemens rendue sort sensible. Ainsi on a vu que de simples arcades sont surmontées d’une ordonnance dorique, au-dessus de laquelle s’élève l’ionique. La même gradation se fait remarquer dans les ouvertures, qui sont, au bas, des cintres en bossages, plus haut, des fenêtres sans chambranles ; et tout eu haut, des croisées avec chambranles et frontons.

L’intérieur, ou la grande cour de cet hôtel des monnoies, est parfaitement d’accord, dans son élévation, avec l’extérieur qu’on vient de décrire. J’entends que c’est la même disposition générale, la même ordonnance et la même dimension en hauteur. Elle en diffère seulement par plus d’étendue en longueur, et par l’étage au-dessus des arcades du rez-de-chaussée, qui, au lieu de fenêtres, est lui même en arcades, et forme aussi, au-dessus des galeries inférieures, nu autre promenoir ouvert, circulant tout à l’entour de ce grand cortile. On doit mettre cette architecture sur la première ligne des beaux édifices, produits de la grande école que le seizième siècle vit briller et s’éteindre, et d’où sont sorties toutes les imitations plus ou moins heureuses des siècles suivans.

Eu 1536, le Sénat résolut de faire construire un édifice digne de recevoir la belle et précieuse collection de livres, qu’avoient donnée à la république François Petrarca, et le cardinal Bessarion. Sansovinofut chargé d’exécuter on modèle de ce monument, et le modelé approuvé, l’architecte se mit à l’œuvre.

Le plan de l’édifice, tout en longueur, nous offre une suite de vingt-un portiques ou arcades au rez-de-chaussée, sur la petite place Saint-


Marc, avec un retour de trois des mêmes portiques, d’un coté vers la lagune, de l’autre vers le campanile. Ces portiques sont suite aux galèries de la grande place Saint-Marc. L’ordonnance des portiques à rez-de-chaussée est dorique : celle de l’étage supérieur est ionique ; les arcades y sont des fenêtres cintrées, rétrécies par de plus petites colonnes, ioniques elles-mêmes. Sansovino en concevant celle décoration, avoit eu l’intention de se raccorder avec la hauteur des deux étages de l’aile de la place Saint-Marc, déjà depuis longtemps construite, c’est-à-dire qu’en vue de l’achèvement de l’aile gauche devant faire suite aux portiques de sa bibliothèque, il s’étoit imposé la sujétion d’une hauteur déjà donnée, et d’une disposition qui, ainsi que sa dimension, auroient dû faire la loi. (On peut voir à la vie de Scamozzi, que cet architecte ne tint aucun compte de la prévision de sou prédécesseur.)

Quoi qu’il en soit, il nous semble que ce fut la véritable raison qui engages Sansovino à donner aux entablemens de ses deux ordres, ta hauteur qu’on y remarque. En effet, l’entablement de son ordre dorique a, en hanteur, le tiers de la colonne, et celui de l’ionique au-dessus en a plus de la moitié. Tout annonce, et la balustrade qui termine l’élévation le donne encore à penser, que l’architecte eut besoin de porter celle-ci jusqu’à un certain point obligé. Toutefois le talent de l’artiste fut d’avoir fait disparoître le résultat de cette sujétion, par la beauté et la variété des ornemens dont il embellit sa façade, Les archivoltes de toutes ses arcades sont remplies de figures sculptées. Rien de plus riche que la frise dorique, si ce n est celle qui règne au-dessus de l’architrave ionique, C’est ici surtout que se manifeste avec évidence le dessin, dont on a parlé, d’exhausser l’élévation de cette façade. La frise dont on parle a presqu’autant de hauteur que l’architrave et la corniche ensemble ; son champ est occupé par une suite de petits génies, soutenant des festons, des cartels et des mascarons qui se trouvent mêlés avec beaucoup de goût à cette composition. Ailleurs, la même frise renferme des bas-reliefs continus. La corniche offre dans ses profils tous les ornemens que peut comporter l’ordre ionique. Une balustrade surmontée de statues, couronne le tout, el s’élève assez pour cacher d’en bas, la vue d’un comble fort exhaussé, que l’intérieur du local avoit nécessité.

L’arcade du milieu de la grande façade conduit à un bel escalier à deux branches, richement décoré dans ses voûtes, par Alexandre Vittoria. Il donne entrée dans une grande pièce, où est renfermée une riche collection de sculptures antiques, dont l’heureuse disposition appartient à Scamozzi, qui acheva cet intérieur (comme on peut le voir à la, vie de cet architecte). De là on passé dans le local même de la bibliothèque, qui occupe sept arcades de ce bâtiment en longueur. On y admire la voûte merveilleusement décorée de caissons, et de peintures de plus d’un excellent peintre. L’autre partie du bâtiment, où l’on arrive par un escalier qui s’embranche avec le précédent, donne sur la Peschiera, est destinée à des bureaux d’affaires. Il n’y eut réellement d’achevé par Sansovino, que la construction de l’emplacement qu’occupent la bibliothèque, le muséum et l’escalier. Nous aurons occasion de revenir sur ce grand édifice, a l’occasion d’accidens qui y survinrent dans la suite.

Nous ne devons pas oublier toutefois, avant de quitter ce monument, de faire mention d’une prétendue difficulté architectonique, dont Sansovino occupa alors tons les architectes, et dont il crut avoir trouvé la solution. Il l’agit de la frise dorique et de la division uniforme des triglyphes et des métopes, qui en constituent l’ornement. Les Grecs, dans les colonnades doriques de leurs temples, en terminoient les angles, par un triglyphe qui ne tomboit pas exactement à l’aplomb de l’axe de la colonne d’angle ; et ils élargissoient graduellement l’espace des métopes, aux extrémités de la frise. Les Romains ayant beaucoup modifié les proportions et le caractère de l’ordre dorique, au lieu de terminer l’angle de sa frise par un triglyphe, trouvèrent plus analogue à leur nouvelle disposition, d’y établir une demi-métope ; et c’est ainsi que Vitruve l’enseigne, eu se servant du mot semi-métope. Maintenant les architectes modernes et les commentateurs, au lieu d’entendre cette demi-métope dans un sens qui exprimât une mesure approximative, et par le fait, une métope coupée en deux parties égales de chaque côté de l’angle, s’imaginèrent qu’il falloit qu’elle fut dans toute la rigueur mathématique, la moitié précise de la métope courante dans la frise, ce qui ne peut pas être, dès qu’on fait tomber l’angle de l’architrave à l’aplomb du nû de la colonne. Sansovino opérant ici non sur une ordonnance de colonnes isolées, mais sur des demi-colonnes adossées à des piédroits, imagina de donner, non à la colonne d’angle, mais à un pilastre d’angle, le supplément d’un corps en retraite ce qui lui permit d’alonger l’entablement, et par conséquent d’élargir l’espace de sa métope d’angle. Voilà toute la solution de ce problème, dont on fit alors du bruit, mais qui, comme on le voit, ne méritoit ni d’être proposé, ni d’être résolu.

En 1532, le feu avoit détruit une grande partie du palais Cornaro, celui qui donne aussi sur le grand canal, près de Saint-Maurice, et qu’on distingue par ce surnom. Georges Cornaro, procurateur de Saint-Marc, conçut l’idée d’en rebatir un beaucoup plus magnifique, et il en confia l’entreprise à Sansovino, qui fut répondre à ses intentions, par un des plus beaux projets que l’architecture ait exécutés. Aussi lisons-nous dans la description qu’eu donna François son fils, ce peu


de mots qui suffisent à l’éloge de ce palais. « Par sa situation (dit-il), par sa magnificence, sa grandeur, la beauté de ses matériaux, sa construction la justesse de ses proportions, il occupe un des premiers rangs parmi les plus memorables édifices de Venise. » Son plan offre les dégagemens les plus commodes, les distributions les plus variées. Son élévation en trois étages, porte sa masse à une hauteur, qui te fait dominer avec beaucoup de noblesse sur ce qui l’entoure. Les proportions de chaque ordonnance sont fort régulières. On auroit désiré moins de hauteur à entablement de l’étage supérieur. La critique a reproché à Sansovino d’avoir dans son atrium, du côté du grand canal, aminci les murs latéraux, en sorte que le mur de l’étage supérieur se trouve porter à faux dans une partie de son épaisseur. On voit que l’architecte se permit cette infraction aux lois de la solidité, pour faire voir une portion de pilastres d’angle se raccordant avec la retombée des cintres. Mais on pense qu’un architecte du mérite de Sansovino, ne devoit pas avoir besoin de cette ressource défectueuse.

Les beaux ouvrages que cet architecte avoit déjà construits à Venise, propagèrent sa réputation par toute l’Italie. Rome, qui avoit vu naître son talent dans l’architecture, auroit voulu jouir des fruits de son âge mûr, et l’appeloit à la cour du Pontife. De son côté, la ville de Florence, où il avoit débuté dans la sculpture, te sollicitoit pour y venir faire la statue de celui qui lui avoit rendu la liberté, par la mort d’Alexandre de Médicis. Sansovino résista aux instances de toutes ses invitations, et ne songea plus qu’à porter a fin les grandes entreprises commencées à Venise, et a répondre aux espérances que cette ville avoit conçues de son génie.

Bientôt, sur un des côtés du campanile de Saint-Marc, il construisit une loggia destinée à des réunions de nobles vénitiens pour converser ou conférer entr’eux. Ce petit édifice est un peu élevé au-dessus du niveau de la place : par quelques degrés, on arrive à une petite terrasse environnée d’une balustrade dans ses trois côtés. De la s’élève la façade ornée de huit colonnes d’ordre composite, engagées dans le mur, et qui soutiennent un entablement continu. Trois grandes arcades s’ouvrent dans les trois plus grands entrecolonnemens. C’est par elles qu’on passe, pour monter dans la grande salle. Les quatre autres entre-colonnemens sont plus étroits, et reçoivent des niches fort ornées. Au-dessus, el à l’aplomb des arcades, est un attique orné de bas-reliefs en compartimens, qui, par leurs mesures, correspondent exactement aux divisions de l’étage inférieur. Le tout est couronné par une balustrade, qui règne sur les trois côtés de l’édifice, construit des plus beaux marbres, et décoré de statues et de bas-reliefs de la plus belle exécution. Le projet avoit été d’environner d’un corps semblable chacune des trois autres faces du campanile.

Sansovino, dans le rétablissement qui eut lieu de l’église du Saint-Esprit, fut chargé d’en faire le chœur et la façade, qu’il exécuta avec beaucoup de succès, vers l’an 1542. Ce fut à la même époque, qu’il éleva un des plus superbes palais de Venise, sur le grand canal, près de San Salvatore, pour Jean Delphino. On doit y remarquer surtout, la cour et l’escalier, pour la beauté des ornemens, et tout l’intérieur pour son heureuse distribution.

L’église de Saint-Fantin avoit été commencée en 1501, d’après les dispositions testamentaires du cardinal Zenon, neveu du pape Pie II. Malgré les efforts ceux qui en entreprirent la construction, l’édifice étoit loin encore d’être achevé en 1533. Il y manquoit ce qui devoit en être le sanctuaire. Le manque de fonds avoit été la cause de ce délai. On vendit enfin plusieurs maisons de la succession du cardinal fondateur, et de ces deniers Sansovino fut chargé de terminer le monument, en ajoutant à son extrémité, la très-belle chapelle qu’on y admire, et qui, malgré le soin qu’eut l’architecte d’assortir sa composition au reste de l’église, n’en fait pas moins remarquer l’extrême supériorité de son goût, sur celui qui avoit présidé à l’érection de tout le reste, où rien ne semble répondre aux intentions de richesse et de magnificence, que le fondateur avoit énoncées dans son testament.

Vers l’an 1545, Sansovino s’occupa de terminer les grands travaux du monument de la Bibliothèque, et il ne s’agissoit plus que de voûter de l’autre côté, la partie occupée par les bureaux des trois Procuraties ; mais la voûte à peine terminée s’écroula. On attribua cet accident à diverses causes. Selon les uns, c’étoit incurie et malfaçon de la part des ouvriers. C’étoit, selon d’autres, l’effet d’une gelée extraordinaire, survenue cette anuée. On prétendoit ailleurs, que l’ébranlement avoit été causé par des décharges d’artillerie. Le plus probable est que l’architecte avoit trop compté sur ses armatures en ser. Ce malheur eut les suites les plus sâcheuses pour Sansovino. Il fut mis en prison, destitué de son emploi d’architecte en chef, et condamné à payer mille écus d’or, en dédommagement de la perte occasionnée par sa faute, ainsi qu’on le crut alors. Il paroît toutefois que Sansovino parvint à se justifier. Ses nombreux amis, et Aretin à la tête, écrivirent en sa faveur. Mendozza, ambassadeur de Charles-Quint auprès de la république de Venise, sollicita son élargissement. L’affaire enfin s’arrangea, Sansovino sortit de prison, et ce qui fait croire que ce ne fut pas à titre de grâce, c’est que l’amende à laquelle on l’avoit condamné, lui fut remboursée, qu’il fut réintégré dans son emploi, et payé de nouveau, pour le rétablissement de la voûte, qui ne fut plus faite en pierre, mais en char-


pente, avec un lattis de roseaux, sur lesquels fut appliqué l’enduit qui en forme la décoration.

Le nombre des monumens construits par Sansovino, est tel, qu’on doit se contenter d’en citer plusieurs, ne pouvant les décrire tous. Souvent, dans le choix qu’on fait de quelques-uns, on se décide plus par la célébrité qu’ils tirent de leur importance, que par le mérite intrinsèque de leur architecture. Ainsi, l’on ne trouve que de courtes mentions sur des édifices qui seroient la réputation de tout autre. Telles sont l’église de Saint-Martin près l’Arsenal, celle des Incurables, dans la forme d’une ellipse, l’école de San Giovanni degli Schiavoni, et divers ouvrages, parmi lesquels il en est qu’on attribue à d’autres architectes, ce qui, à vrai dire, n’a lieu, que parce que Sansovino, comme tous les grands artistes, eut plus de copistes encore que d’imitateurs.

Une grande construction qui lui appartient exclusivement, fut celle qu’on a appelée les fabriche nuove di Rialto, bâties sur le grand canal, pour l’utilité du commerce. L’édifice est à trois étages. Le rez-de-chaussée offre un portique de vingt-cinq arcades. Pareil nombre de fenêtres leur correspond dans les deux étages supérieurs. Des boutiques occupent le bas, et de chaque boutique un escalier conduit aux pièces d’en haut. Une disposition vicieuse dans les murs de l’intérieur, qui ne portent pas d’aplomb les uns sur les autres, y a occasionné de fréquentes réparations. Ou regrette que la solidité ne se soit pas trouvée, dans cette construction, unie à la beauté de son ordonnance.

Sansovino avoit aussi donné un projet, pour le célèbre pont de Rialto. La république, alors engagée dans une guerre contre les Turcs, ne put donner suite alors à cette entreprise, et le projet de Sansovinofut oublié, dans la suite, avec ceux de beaucoup d’autres célèbres compétiteurs.

Il faut citer comme un des ouvrages recommandables de cet architecte, son église de San Geminiano, au fond de la place de Saint-Marc, dont on ne peut plus parler aujourd’hui que par souvenir, ou d’après les plans et dessins qu’on en a conservés. Elle a été détruite récemment, pour opérer la communication entre les deux bâtimens des Procuraties anciennes et des nouvelles, qu’elle intercepotoit ; et l’on doute que cet avantage ait compensé, pour la ville de Venise, la perte d’un monument que beaucoup de titres auroient dû rendre précieux. Cette église avoit reçu en 1505 une sorte de commencement, et sa principale chapelle avoit été élevée sur le modèle de Cristophoro dal Legname, sculpteur et architecte. En 1556, Sansovino fut chargé d’en compléter l’ensemble. Son premier soin (et c’est un des principaux mérites qu’on y admira) fut de coordonner avec autant d’habileté que de goût, le cintre de la chapelle déjà existante, et son entablement, avec l’ordonnance générale du reste de cet intérieur. Son plan est un carré parfait, au milieu duquel s’élève une coupole de modique hauteur, reposant sur quatre colonnes adossées chacune à un pilier, ce qui forme dans chaque sens, trois nefs, dont la plus large est celle du milieu. Sa façade, ou son portail, n’offre rien de fort remarquable, et il est un des premiers exemples de ces frontispices à plusieurs ordres adossés, que l’on a répétés dans le siècle suivant, avec beaucoup de monotonie. Au reste, Sansovino eut évidemment, dans cette composition, l’intention de la faire concorder, pour la hauteur, avec celle du bâtiment des Procuratie vechie ; intention qu’il avoit déjà eue dans son monument de la Bibliothèque, ainsi qu’on l’a vu, et que Scamozzi paroît depuis s’être étudié à contrarier, aspirant peut-être à faire adapter sa nouvelle élévation, au corps entier de la place Saint-Marc.

Sansovino est l’auteur de beaucoup d’ouvrages moins importans, mais qui constatent, et la multiplicité de ses connoissances, el la sécondité de son génie. Il y a de lui à Venise plus d’un mausolée où le talent de l’architecte le dispute à celui du sculpteur, et où les deux arts n’en sont que mieux unis. On cite, entr’autres, dans l’église de Saint-Sébastien, celui de l’archevêque de Chypre, ensemble aussi simple dans sa majesté, que riche et varié. C’est une belle arcade ornée de colonnes, élevées sur un soubassement, et qui portent un beau fronton. L’entre-colonnement est occupé par la tombe de l’archevêque, et sa statue est représentée couchée.

Ce fut à l’âge de quatre-vingts ans, qu’il exécuta pour le doge Reniero le beau monument sépulcral qu’on admire à l’église de Saint-Sauveur ; les deux statues qui ornent les niches latérales du monument sont aussi de sa main, et rien n’y décèle l’époque d’un âge aussi avancé.

On doit encore faire ici mention des belles portes de bronze, dont il donna les dessins, et qu’il exécuta pour la sacristie de Saint-Marc. C’est là qu’il a consacré par les portraits de Titien et d’Aretin qu’il y a introduits, avec le sien propre, l’étroite amitié qui ne cessa de les unir tant qu’ils vécurent. Liés et par la conformité de leurs vues, et par la réputation dont ils jouirent, et par l’intérêt commun qu’ils prirent à leurs succès réciproques, on a attribué à cette liaison une partie de l’éclat que les arts répandirent alors sur Venise.

Venise aussi se montra digne d’avoir de tels talens, puisqu’elle fut les honorer par les plus flatteuses distinctions. Dans un moment de détresse, où l’on ne trouva forcé d’avoir recours à une imposition extraordinaire, qui devoit peser indistinctement sur tous les citoyens, le Sénat n’en excepta que Titien et Sansovino.

Cet architecte mourat à l’âge de quatre-vingt-onze ans, le 27 novembre 1570.

Sansovino doit être compté dans le petit nom-


bre, non-seulement de ceux qui ont formé et illustré la grande école vénitienne, mais des plus grands artistes du seizième siècle. Quelqu’éclat qu’ait jeté après lui Palladio, dont le nom, dans l’opinion publique, semble avoir effacé ceux de ses prédécesseurs, pour ne l’être plus par aucun de ceux qui l’ont suivi, il est manifeste que pour ce qui est du mérite fondamental de l’art, il n’a rien ajouté aux ouvrages de Sansovino, et lui a dû beaucoup sous le rapport de la composition, du goût, de l’ordonnance et de la manière d’employer les ordres. Aucun architecte n’eut plus que Sansovino de grâce dans le style, de correction dans les détails, de noblesse dans l’invention, de fécondité dans les idées. On lui a reproché de manquer souvent de solidité dans sa construction, défaut qui tint peut-être à ce que l’occupation de ses premières années, ne lui aura pas permis d’approfondir ce genre d’études.

Quant aux dons personnels, il paroît que la nature avoit été fort libérale envers lui. On vante les agrémens de sa figure, ceux de son caractère et la gaîté de son humeur, qualité précieuse, qui contribue autant au bien-être de l’esprit, qu’à la santé du corps, et à laquelle Sansovino fut peut-être redevable d’avoir parcouru, sans infirmités, une si longue carrière.

Bien que prévue depuis long-temps, et arrivée au dernier période de la vie humaine, la mort de Sansovino fut pour Venise qui l’avoit adopté, et pour Florence sa patrie, un sujet de deuil et de vifs regrets. Sa mémoire fut honorée par plus d’un témoignage public de louange, dans plus d’une inscription. Mais il n’en subsiste plus aucune. Nous rapporterons la plus simple et la plus courte, dont l’auteur fut Bernardo Baldovinetti.

Il Sansovin ch’ Adria superba ir fece
Di bronzi e marmi di palagi e tempi
Che illustra l’Arno, e tolse a primi tempi
Della scultura il pregio, orqui si giace.

TAUROMINIUM ou TAORMINE. Ville antique de la Sicile, qui a conservé entre quelques débris de ses anciennes constructions, les restes peut-être les plus intègres qu’il y ait, d’un théâtre aussi remarquable par les détails de son architecture, que par la singulière beauté de la position qu’il occupe au sommet de la montagne, où la ville étoit bâtie.

Ou diroit en effet que la nature elle-même auroit donné le plan et comme l’idée première, de ce théâtre, et que l’art n’auroit fait que l’achever et le façonner à l’usage de l’ancien peuple qui s’étoit chargé de le décorer. En effet, l’anse et la forme même de la montagne avoient donné la portion du cercle, où l’on ne fit que tailler les gradins dans la roche, en surmontant le tout d’une construction en briques, avec une galerie extérieure servant de couronnement à l’édifice. Deux rochers escarpés sormoient comme une avant-scène naturelle, et entre ces rochers on construisit le proscenium sur une sorte de terrasse donnée aussi par la nature. La peinture, et à plus forte raison le discours, ne sauroient rendre la grandeur et la magnificence des aspects, que l’œil embrasse de la galerie qui circule autour du théâtre. La vue s’étend de là sur une large baie, au bout de laquelle coule le fleuve Alcantaro. Plus loin on aperçoit les riches campagnes qui décorent la base immense de l’Etna, les grands bois qui forment la ceinture de sa moyenne région, les neiges perpétuelles qui couvrent la plus haute de toutes, enfin son sommet, qui, selon l’expression du poëte, semble être une colonne du ciel, et qui vomit des torrens de fumée. En se retournant d’un autre côté vers le midi de la Sicile, on découvre les plaines riantes de Leontium, qui s’avancent dans la mer par différens caps, que l’on voit produire autant de plans tous plus riches les uns que les autres, celui de Catania, d’Augusta, enfin jusqu’à celui où est bâtie Syracuse, que l’on voit à peine se perdant dans la vapeur. Voilà quelle est la vue dont on jouit, de la galerie du théâtre de Taormine, et ce qui servoit de perspective aux spectateurs placés sur les gradins supérieurs.

Il n’a point encore paru de dessin qu’on puisse dire fidèle de ce monument, et d’après lequel on puisse en donner des détails exacts. A ce défaut nous extrairons quelques notions de la description qu’en a faite Philippe Dorville, dans sa Sicula illustrata.

Le théâtre de Taormine (dit-il) est aujourd’hui presque dans son entier, ou au moins il conserve les vestiges de son antique forme, car l’amphi-théâtre, c’est-à-dire le lieu où les spectateurs étoient assis, les gradins ou degrés, ainsi que les escaliers, étoient taillés dans le roc vif. Le reste de l’édifice étoit construit en briques de la plus grande forme. Nous ne pouvons déterminer quelle étoit la matière des colonnes, des portiques, et des autres parties de l’édifice ; mais il est probable qu’elles étoient de marbre, car on trouve dans les carrières les plus proches, un marbre diversement nuancé de rouge. Or, telles sont plusieurs des colonnes qui ornent les églises de Taormine, et dans le pays, la tradition est qu’elles ont été enlevées au théâtre.

L’on montoit à la galerie d’en haut, qui circuloit tout à l’entour, par des escaliers et des degrés. On observe qu’il n’y avoit point de ces paliers dans la montée qu’on appeloit prœcinctiones. Il n’y avoit pas non plus de vomitoires, et il ne pouvoit pas y en avoir, puisque les gradins étoient taillés dans la masse même du rocher. Il paroît, autant qu’on en peut juger par ce qui en subsiste encore, que chaque gradin avoit en largeur le double de sa hauteur, et il y a lieu de penser qu’ils étoient recouverts de planches.

Derrière le rang le plus élevé, ou le plus éloi-


gné de l’avant-scène, et autour de l’amphithéâtre occupé par le peuple, il y avoit trente-six niches ornant l’intérieur de la galerie. Ces niches étoient alternativement ornées de frontons angulaires et circulaires. Il est naturel de penser qu’elles étoient remplies par des statues, qu’on sait avoir été très-multipliées dans tous les théâtres des Anciens.

De chaque côté de l’édifice, au lieu où se terminent les gradins de l’amphithéâtre, c’est-à-dire aux deux extrémités de l’avant-scène, on voit les restes assez entiers, de deux corps de bâtiment, dont la construction est antique. Ils étoient distribués en plusieurs pièces, et, autant qu’on en peut juger, il y en avoit deux étages. Ces deux corps étoient réunis par la construction même de ce qui formoit la scène proprement dite, laquelle étoit décorée d’ordonnances d’architecture, et percée de trois portes ; celle du milieu étoit plus grande que les deux autres. Derrière cette devanture régnoit une sorte de corridor qui étoit le postscenium. On peut voir dans le Voyage de Saint-Non, tom. IV, une restititution en élévation et en plan de ce théâtre, d’après laquelle, bien qu’elle laisse à desirer, nous avons rectifié quelques inexactitudes de la description de Dorville, et avec d’autant plus d’assurance, que nous avons nous-même visité les restes de Taormine.

Il existe encore dans cette ville quelques autres débris d’antiquité, tels que des constructions d’anciens aqueducs masquées par des constructions nouvelles. Plus haut, d’autres aqueducs apportoient sans doute des eaux abondantes, dans cinq piscines très-vastes, dont la première, encore parfaitement conservée, indique le plan et la construction des quatre autres qui étoient adossées à la montagne. Ces piscines, quoique moins grandes que celle qu’on appelle à Baies la piscina mirabile, sont absolument dans le même goût ; elles forment de grands carrés longs avec des arcs portés sur des piliers. On y voit encore l’ouverture par laquelle arrivoient les eaux, et une autre pour écouler le trop plein des réservoirs. Il y a un escalier pour y descendre, et enfin une écluse pour les vider entièrement et en ôter le limon.

L’eau de ces piscines se rendoit, dit-on, à une naumachie au milieu de la ville. C’est ainsi qu’on appelle un reste de construction antique décorée en niches ou arcardes de onze pieds d’ouverture, séparées par des piliers carrés en forme de contreforts. Le tout est construit en briques. Quelques autres vestiges du même genre de construction, engagés dans des maisons voisines, donnent le côté parallèle de cet édifice, et permettent de conclure que sa largeur étoit d’environ vingt-quatre toises.

Ce qui faisoit le bassin de cette prétendue naumachie, est rempli de terres et de plantations formant aujourd’hui un jardin. Il est peu vraisemblable, malgré l’opinion vulgaire dans le pays, qu’il y ait jamais eu une naumachie dans cette partie de Taormine. La position du lieu où l’on suppose qu’elle auroit été, et l’escarpement de ce côté de la montagne, suffisent pour persuader le contraire. On peut croire que ce mur antique, décoré d’arcades, faisoit plutôt partie d’une place publique, ou de quelqu’autre monument dont on ignore l’usage.

Près de la porte qui conduit à Messine, on rencontre une fabrique antique qui sert de maison à un particulier et n’a rien de curieux ; mais en dehors de la porte on remarque un grand nombre de tombeaux et diverses constructions du même genre, ce qui fait croire que ce local étoit consacré aux sépultures. Le premier de ces tombeaux est tellement ruiné, qu’il seroit difficile d’en deviner la forme. On y voit encore cependant, deux parties circulaires avec incrustations en marbre blanc, de même qu’à une autre partie de construction en ligne droite, avec des panneaux d’une saillie peu sensible. On y distingue aussi deux tronçons de colonnes en briques : mais tout cela est si enterré et si dégradé, que difficilement distingue-t-on les constructions antiques, d’avec les bâtisses modernes élevées sur le même sol.

Il y avoit près de là un autre grand tombeau, ou peut-être une espèce de temple, construit en grosses pierres de taille, posées à sec et élevées sur trois gradins qui régnoient au pourtour. On en a fait une petite église, ce qui l’a fort dénaturé. L’édifice avoit sept toises de long, sur quatre toises deux pieds de large. Mais il est impossible aujourd’hui de dire ce qu’il pouvoit y avoir d’intéressant pour l’art.

Les environs de Taormine présentent encore d’autres monumens sépulcraux d’une moindre dimension. Ils sont tous d’une forme carrée, avec des pilastres aux angles et un revêtement en stuc. Ils s’élèvent sur trois gradins. Leur intérieur a environ douze pieds en carré, et offre les mêmes détails que les sépulcres romains. Il y a plusieurs petites niches pour recevoir les urnes cinéraires, et une principale pour le chef de la famille. Tout cela semble annoncer des ouvrages faits sous la domination des Romains, et postérieurs à Jules-César, qui, après avoir chassé de Taormine les habitans naturels du pays, y plaça une colonie romaine.

Aujourd’hui tous ces monumens servent d’habitations aux paysans, qui s’y logent et en font des écuries.

TAUDIS, s. m. Petit grenier pratiqué dans le fond d'un comble de mansarde. Ce est aussi Un petit lieu pratique sous la rampe d’escalier, pour servir de bûcher, ous pour tout Autre utilisation domestique.

TECTORIUM OPUS. Au mot ALBARIUM OPUS, on a indiqué déjà la différence de signification qu’il faut mettre entre l’albarium et le tectorium


opus. Le premier de ces mots embrasse l’idée d’un procédé moins important et plus restreint. Il ne faut pas toutefois le borner à n’être que ce que nous appelletions un simple blanchiment à la chaux et au moyen du pinceau. L’albarium pouvoit être un enduit léger dans lequel, selon le poli qu’on lui pouvoit donner, il étoit possible d’employer avec la chaux soit la poussière de marbre, soit simplement du plâtre. Ainsi le pense Galiani, et il est d’avis que le tectorium opus embrasse l’idée d’une opération beaucoup plus étendue.

Le tectorium opus, dans les constructions antiques, est un enduit plus ou moins épais, et qui faisoit le même effet, et remplissoit le même objet que l’enduit de plâtre, dans la bâtisse de Paris. Comme on établit ici sur les murs, et sur les cloisons, des enduits de plâtre de tout degré d’épaisseur, de qualité plus grossière ou plus fine, de plâtre gâché plus serré et plus clair, ainsi le pratiquoit-on dans letectorium opus, mot général, comme a composition le montre, et qui signifie qu’il recouvroit la construction en briques, en mœllons, ou de toute autre matière.

On mettoit beaucoup de soin à la préparation du tectorium, et Vitruve nous a donné sur ce point beaucoup de détails. Nous en avons rapporté déjà plusieurs au mot ENDUIT. (Voyez ce mot.) Nous compléterons ici ce qui regarde la notion précise de ce qui fait l’objet de cet article.

Non-seulement on choissisoit, pour faire l’enduit appelé tectorium, la meilleure chaux, mais on l’éteignoit bien long-temps avant qu’on s’en servît, et on ne la croyoit propre à être employée, que lorsqu’elle avoit acquis assez de ténacité, pour s’attacher à la truelle, comme le fait la terre grasse. Pour mieux élaborer le mortier, on le faisoit pétrir par les ouvriers dans un bassin particulier. Letectorium devoit être composé de trois couches de mortier avec chaux vive, et de trois autres couches d’un mortier mêlé de poudre de marbre, ce qui lui faisoit prendre le nom de marmoratum. Les enduits encore existans en très-grand nombre, dans les restes des édifices antiques, nous prouvent cependant, que l’épaisseur de ces six couches n’étoit pas de plus d’un pouce.

On commençoit par crépir les superficies des murs ou des voûtes avec de la chaux commune. Lorsque cet enduit commençoit à sécher, on le couvroit d’une première couche de mortier de chaux fine, qu’on aplanissoit avec le plus grand soin, afin d’égaliser toute la surface, et pour donner plus de finesse aux parties saillantes des angles. Cette couche étant séchée, on y appliquoit une seconde et ensuite une troisième couche. Le mur ainsi recouvert, recevoit un mortier composé de marbre grossièrement pilé, et ensuite d’un marbre beaucoup plus pulvérisé. Ce dernier enduit étoit battu, et complétement égalisé avec un instrument de bois, et enfin poli avec du marbre, pour lui donner un lustre mat.

Au moyen de ces procédés, les murs et les voûtes se trouvoient couverts d’un enduit très-uni, très-fin, parfaitement propre à servir de fond aux peintures dont on décoroit l’intérieur des bâtimens, et il acquéroit avec le temps une solidité à toute épreuve. C’est ce que nous prouvent les murs aujourd’hui intacts de beaucoup de maisons, dont on pouvoit jadis, comme on le fait encore à présent, détacher, l’enduit orné de peintures, sans crainte de les endommager. De semblables peintures enlevées aux murs en Grèce, étoient transportées en Italie par de riches romains, qui les incrustoient dans les murs de leurs maisons de ville ou de campagne. Ainsi, dans une maison de Pompeia, a-t-on trouvé de ces sortes d’enduits peints, qu’on avoit détachés d’un autre local, et qu’on n’avoit pas encore eu le temps de replacer au nouveau lieu qu’on leur destinoit.

Lorsqu’on vouloit couvrir du tectorium opus des murs qui, au lieu d’être en maçonnerie, étoient de simple charpente, dans la crainte qu’au bout d’un certain temps l’enduit appliqué sur le bois ne vint à se fendre, voici comme on paroit à cet inconvénient. On couvroit d’abord le mur ou la cloison de terre grasse. On y clouoit ensuite des roseaux sur lesquels on appliquoit une seconde couche de terre argileuse, où l’on clouoit encore d’autres roseaux, mais dans une direction telle, qu’ils se croisoient avec ceux de la première rangée, et c’est sur ces roseaux qu’on appliquoit les couches de mortier avec chaux et poussière de marbre dont on a parlé.

On recouvroit le tectorium opus des couleurs les plus brillantes, telles que le minium ou le rouge, l’armenium ou le bleu, le purpurissum ou pourpre-foncé, ainsi que de beaucoup d’autres, dont on formoit des fonds colorés, tantôt unis, tantôt ornés de figures et de compartimens. La couleur étoit appliquée sur la dernière couche de stuc encore fraîche. Pour conserver l’éclat des peintures, on les frottoit avec de la cire punique mêlée d’un peu d’huile très-pure. Ce mélange avoit été fondu et appliqué très-chaud. On le laissoit refroidir sur le mur, et ensuite, avec un réchaud rempli de charbons ardens, on le réchauffoit et l’on faisoit pénétrer dans l’enduit tout ce qu’il pouvoit recevoir. Le tout étant séché, on lui faisoit subir, avec des linges secs, un frottement qui produisoit sur la peinture l’effet d’un vernis.

TÉLAMONS, s. m. pl. Les Grecs désignèrent par plus d’un nom, certaines figures sculptées, qu’ils employèrent dans leur architecture, a être des supports réels ou fictifs, tenant lieu de colonnes.

Au mot CARYATIDE (voyez ce mot), nous avons parcouru avec beaucoup de détails, toutes les notions historiques et théoriques, que comporta jadis l’emploi des figures sculptées, appliquées à


servir de supports dans l’architecture. Si, à cet article, nous avons rassemblé le plus grand nombre de faits, d’autorités, d’exemples et de préceptes de goût, que cet objet de décoration peut comporter, c’est que le nom de caryatide est jusqu’à présent le seul, que l’on ait donné en français, aux statues-colonnes. Mais dans l’antiquité, deux autres mots grecs d’origine, et naturalisés en latin, pouvoient exprimer le même genre d’ouvrage. Ces deux mots, que la langue des arts admet aussi, sont atlantes et télamons. Tous les deux ont pour racine, en grec, le verbe ταλαω, souffrir, supporter. Vitruve nous dit, l. 6, ch. 10, que les figures viriles qui supportent les entablemens, sont appelées télamons à Rome, atlantes en Grèce. Quœ virili figurâ signa mutulos aut coronas sustinent, nostri telamones appellant, Grœci verò eos atlantes vocitant. Il est donc bien permis de regarder ces deux mots, comme parfaitement synonymes.

Au mot ATLANTES, nom nous sommes contentés de donner signification et son étymologie, en renvoyant au mot TÉLAMONS, et plus particulièrement aux mots PERSIQUE et CARYATIDE. Depuis l’époque où ces articles furent publiés, de nouvelles découvertes sont survenues, qui nous mettent à portée de produire d’autres autorités fort curieuses, sur l’emploi très-remarquable que l’on fit des atlantes outélamons dans l’architecture.

Très-probablement, le plus grand exemple qu’il y eut de cet emploi, dans tous les monumens de l’antiquité, fut celui que viennent de nous fournir les découvertes faites parmi lis ruines du temple de Jupiter Olympien, à Agrigente, temple d’une dimension prodigieuse, qui fut une des colossales entreprises de l’architecture grecque (voy. AGRIGENTE), et dont les restes ont porté jusqu’a présent le nom de temple des Géans. Nous eûms le trt, à l’article cité, d’avancer que cette dénomination moderne étoit due, soit à l’énormité de quelques-uns de ses débris, soit au sujet jadis sculpté dans un de ses frontons, et qui représentoit la gigantomachie.

Fazello (de Rebus Siculis), écrivant au commencement du seizième siècle, fit remonter les renseignemens sur cette ruine, jusqu’à l’an 1401, en rapportant des vers rimés en latin, d’un poëte de ce temps, qu’il retrouva dans les archives de Girgenti. Deux circonstances importantes se trouvent énoncées dans ces vers. Il y est d’abord parlé de trois figures gigantesques, dont le col et les épaules servoient de support, et il y est dit ensuite que la chute de ces trois colosses eut lieu le 3 de décembre 1401. Le même Fazello rapporte que ces trois colosses ou géans, comme il les appelle, restés long-temps debout, sur trois colonnes ou piliers, au milieu des ruines de ce temple, devinrent le sujet de la composition des armoiries de la moderne Agrigente, et de l’épigraphe qui les accompagne, signat Agrigentum mirabilis aula gigantum. Ainsi voit-on sur l’écusson de cette ville, trois figures nues, qui semblent supporter trois tours. Gigantes in scuto ostentat arcem humeris sustinentem. De là vint donc à cette ruine, dans le moyen âge, la dénomination populaire de palais de Géans, palazzo dé Giganti.

Quels étoient ces géans ou télamons ? c’est ce que les fouilles exécutées, vers le commencement de ce siècle, au milieu des débris du temple olympien, nous ont manifesté.

Ce temple a été décrit avec beaucoup d’exactitude et de clarté par Diodore de Sicile. Il nous apprend qu’il avoit ses murs en dehors ornés de colonnes circulaires à moitié engagées, et en dedans de colonnes quadrangulaires. On avoit vu là naturellement un pseudopériptère et les colonnes carrées, on les avoit expliquées par une ordonnance de pilastres correspondans aux demi-colonnes extérieures, et la chose peut très-bien s’entendre ainsi. Mais l’état entièrement ruiné de l’intérieur du temple étoit resté inconnu, les décombres cachant entièrement l’aire de son naos. Or, il a été avéré qu’au lieu de colonnes formant les trois nefs comme dans les grands temples, il y avoit des piliers quadrangulaires, et au lieu du second ordre de colonnes surmontant, selon l’usage, l’ordre inférieur, il régnoit une rangée de télamons, ou atlantes en ronde bosse, faisant fonction de colonnes et supportant l’entablement.

Des fragmens de ces colosses se sont retrouvés dans les décombres du temple, et en assez grand nombre, pour qu’il ait été facile à M. Cockerell, il y a quinze années, d’en recomposer une figure toute entière. Depuis, de nouveaux fragmens retrouvés et assemblés, ont permis d’en remettre plusieurs autres dans leur premier ensemble, et ainsi s’est confirmée la vraie raison qui avoit fait appeler cet édifice temple des Géans.

D’après les renseignemens donnés par plus d’un voyageur, et récemment encore par M. Hittorf, ces télamons avoient à peu près vingt-cinq pieds de hauteur. Ils ont les deux bras ployés au-dessus de leurs têtes, dans l’attitude des porte-faix qui chargent des fardeaux sur leurs épaules ; leurs cheveux symétriquement bouclés sont surmontés d’un bonnet. Cette sculpture est d’un style qui tient du genre des anciennes écoles. Les yeux y ont de l’obliquité, et les coins de la bouche sont relevés. Généralement, le goût et le travail en sont assez grossiers. Ce qu’on explique, non par l’époque qui fut très-certainement celle du développement de l’art, mais d’abord par la position très-élee d’où cette sculpture devoit être vue, ensuite par la nature de la pierre du pays, qui ne comporte point de fini, enfin parce que ces figures devoient être toutes revêtues de stuc, et peut-être de couleurs comme l’architecture. Mais Diodore nous apprend que ce temple ne fut point terminé dans son comble, et très-probablement ces télamons


restèrent dans une espèce d’état d’ébauche, auquel la dégradation n’aura pas laissé d’ajouter de nouvelles défectuosités.

A l’article SALONIQUE (voyez ce mot), on a fait mention d’un monument antique, où règne audessus des colonnes une ordonnance de piliers carrés auxquels s’adossent des figures d’un bas-relief assez saillant, et qui, si elles ne paroissent pas faire fonction de caryatides, en sont au moins le semblant. D’autres exemples qu’on a rapportés, et qu’on rapportera encore, prouvent que cet usage d’adosser des statues à des pilastres, et d’en faire le soutien réel ou fictif des plates-bandes ou des entablemens, fut beaucoup plus commun qu’on ne l’avoit pensé. Voici une nouvelle autorité de cette pratique dans une moindre dimension sans doute, et que les découvertes récentes de Pompeia en 1824, viennent de nous fournir.

Une salle qu’on croit avoir été une salle de bains, a son entablement supporté par des montans, entre lesquels sout des ouvertures ou fenêtres. Ces montans ou trumeaux, comme nous les apellerions, servent de fond à des figures de télamons ou atlantes en ronde bosse, tout-à-fait semblables à ceux du temple d’Agrigente. Elles posent chacune sur un socle. Elles ont, comme les télamons d’Agrigente, les deux bras ployés au-dessus de leurs têtes, et elles expriment dans leur attitude l’effort d’un homme portant un fardeau. La plus grande différence entr’elles, et celles du temple de Jupiter Olympien, consiste dans la dimension. Les télamons de Pompeia n’ont guère qu’un pied et demi de hauteur ; ils sont en terre cuite, et les moulures de la corniche qu’ils supportent, sont de stuc. Quelques-unes annoncent par l’espèce de ceinture de poils qu’ils ont, qu’on eut l’intention d’en faire des êtres de la nature du Faune.

C’est ainsi que sont effectivement représentées ces trois grandes figures antiques qui supportent un bassin, qu’on voyoit jadis à Rome dans les jardins de la villa Albani, et qui ornent aujourd’hui le Muséum royal de Paris. L’emploi auquel on les a appliquées, quoique fort convenable à leur caractère, étant très-certainement d’invention moderne, rien n’empêche de croire que ces statues atlantiques surent originairement employées comme support, en place de colonnes, dans quelqu’édifice, sous un couronnement quelconque.

Pirro Ligorio, dans sa description manuscrite de la villa Adriana Tiburtina, nous a conservé la mention d’un semblable emploi de télamons, placés dans une salle à manger ou triclinium (ainsi qu’il l’appelle), dont la forme étoit circulaire, mais décrivant un décagone, dont les angles étoient peu prononcés. Elle avoit, dit-il, à chaque angle, au lieu de colonnes, des figures en marbre noir, drapées de plis légers, avec les nus en marbre rouge. Je vais rapporter les propres paroles de Pirro Ligorio. Aveva questo (Triclinio) alquanto della forma rotonda, ma decagona, e degli angoli dolcemente angolata, incrostata tutta di marmi mischi e di compartimenti. Aveva figure, par colonne, del marmo negro i vestimenti di sottilissimi veli, vestite colle mani e piedi e braccia del marmo rosso, poste in ogni angulo una, che sostenevano mutuli, capitelli e corone, delle quali, solo una ne avemo veduta intera, e delli posamenti delle altre tutti foderati di marmo mischio, cinque piedi alte da terra, ed esse figure sono di grandezza tre volte il naturale.

TELMISSUS. Ville antique de l’Asie mineure, dans la Carie, où M. de Choiseul-Gouffier a fait connoître des restes de monumens fort curieux, et dont on peut voir les dessins dans son voyage pittoresque de la Grèce.

La planche 65, tom. I, contient quelques sarcophages en pierre grise de différentes grandeurs. Il s’en trouve un fort grand nombre sur le penchant de la colline où étoit bâtie Telmissus jusqu’à la mer. Un de ces sarcophages a sur son petit côté une ouverture carrée, par laquelle il est vraisemblable qu’on introduisoit le corps mort. On fermoit sans doute après cette entrée, avec une pierre qu’on scelloit exactement.

La planche 66 nous montre un autre sarcophage beaucoup plus grand. « Il est (dit M. de Choiseul) d’un dessin très-singulier, et je n’en connois aucun du même genre. On diroit, ajoute t-il, qu’on ait voulu imiter un édifice construit en bois ; c’est au moins ce que paroissent indiquer certains dés de pierre faisant au-dessous du couvercle fonction de modillous ou de mutules dans les deux côtés plus longs. »

Il n’y a aucun doute, comme l’observe le ce’lèbre voyageur, que les Anciens aient souvent imité dans leurs sarcophages les formes générales de l’architecture et les détails des édifices. Ces sortes d’imitations plus ou moins exactes sont innombrables. Qui ne sait aussi que de tout temps l’on s’est plu à donner ces sortes de ressemblances à beaucoup d’autres objets, tels que meubles, coffres, armoires, etc. ? Nous hasarderons sur la vue du dessin de ce grand sarcophage, de mettre en avant une autre espèce d’imitation analogique. Elle nous est suggérée par les bandes multipliées que présentent ses élévations. Pourquoi ne supposeroit-on pas qu’on anroit eu en vue d’imiter la construction de certains coffres, entourés de bandes de métal pour en assurer la solidité ?

Dans une montagne voisine de Telmissus, et dans la roche dont elle se compose, on voit un très-grand nombre de tombeaux. Quelques-uns ne sont que de simples trous. Mais il en est deux, véritables monumens d’architecture, qui fixent bientôt tes regards. Ils offrent des façades d’édifices réguliers. M. de Choiseul, tom. I, pl. 68 et suivantes, a fait connoître le plan, l’élévation et les détails des plus importans de ces sépulcres taillés dans la masse du rocher.


L’ordre employé dans ce monument ne permet pas de le croire fort ancien ; on s’aperçoit qu’on a cherché à lui donner un caractère simple et sévère. Toutes les parties de la modénature sont lisses et carrées. On y a supprimé la frise ; l’architrave est en deux bandeaux, et la corniche a des modillons cubiquement taillés. Les acrotères répondent au caractère lisse du fronton. Toute cette simplicité a dû être inspirée, par le travail même d’une architecture prise dans la masse de pierre, dont est formée la montagne. Le frontispice présenté un vestibule composé de deux antes ou très-larges pilastres, et de deux colonnes isolées, dont le chapiteau est ionique. La base a un double plateau, l’un carré, l’autre circulaire, et un seul tore saillant.

Sous ce vestibule est une porte feinte parfaitement figurée, et qui n’a jamais eu d’autre ouverture qu’un des espaces d’un panneau inférieur, par lequel on s’est ménagé le moyen de creuser au-de-là et de pénétrer dans la chambre qu’on a creusée. Cette chambre a onze pieds trois pouces de large, sur neuf pieds deux pouces de profondeur ; sa hauteur est de cinq pieds dix pouces. Autour de cet intérieur règne une banquette de trois pieds deux pouces de large, sur deux pieds neuf pouces de haut.

Il est à croire que les corps déposés dans ce sépulcre ne furent point enfermés dans des sarcophages, de la nature surtout de ceux qu’on trouve à Telmissus, car aucun n’auroit pu être introduit par la petite ouverture dont on a parlé. Peut-être y déposoit-on les corps, de la manière dont on les voit dans les sépulcres de la grande Grèce, sur la banquette même autour de la chambre.

L’entrée de ce sépulcre se fermoit par une dalle de pierre qu’on faisoit glisser dans des rainures taillées pour la recevoir, et dont la surface extérieure répondoit à celle des autres panneaux figurés sur la porte. Sur le panneau correspondant à celui-ci, est une inscription grecque, mais tellement effacée, qu’il a été impossible de la déchiffrer.

La planche 69 renferme, avec d’autres détails de ce monument, le dessin exact de la totalité de la porte feinte, dont le chambranle est formé de deux faces tout unies, et surmonté d’une manière de corniche, qu’accompagnent deux consoles sans ornement ni enroulement. On remarque le soin avec lequel on a cherché à y copier les têtes de clous, dont on fortifie les portes faites en menuiserie.

Il s’est conservé à Telmissus les restes d’un théàtre pratiqué sur le penchant d’une colline, comme le sont presque tous ces édifices en Grèce. Il est construit d’une pierre grise fort dure. Toute la partie circulaire sur laquelle se plaçoient les spectateurs est assez bien conservée, mais les extrémités qui joignent le proscenium, et qui n’étoient pas soutenues par le terrain, sont entièrement détruites. Cette partie, ainsi que la scène, est remplié de décombres, qui ne permettent pas de rechercher les sondations.

On peut donc seulement se faire une idée générale du plan de ce théâtre, et de l’élévation extérieure de la scène. Elle était divisée par cinq portes accompagnées de piédestaux, sur lesquels étoient peut-être placées des colonnes mi des statues. Sous cette élévation un reconnoît parsaitement les trous ménagés pour recevoir les solives du plancher de la scène. Au-dessous sont trois conduits par lesquels ou passait sous la scène et dans l’orchestre.

TÉMOIN, s. m. Se dit dans l’arpentage, dans les fouilles de terre que l’on fait, soit pour abaisser des terrains, soit pour leur nivellement, d’une butte qu’on laisse d’espace en espace, afin de juger de l’état du travail fait ou à faire. On couvre volontiers ces buttes de gazon.

On appelle faux témoins les buttes dont on exhausse les sommets, pour rendre les cubes plus gros qu’ils ne devroient l’être, et à dessein de tromper sur la quantité du travail.

TÉMOINS DE BORNE, pl. Petits tuileaux d’une certaine forme que les arpenteurs mettent sous les bornes qu’ils plantent, où à certaine distance, pour séparer les héritages dont ils font mention dans leur procès-verbal, et qui servent, en cas qu’on transporte les bornes par fraude et usurpation, à reconnoitre leur première situation.

TEMPLE, s. m. Nom général qu’on donne à un édifice consacré au culte et a l’adoration de la Divinité.

De tous les genres d’ouvrages qui appartiennent à l’art de bâtir, aucun n’a obtenu plus de solidité, de grandeur et de magnificence, et aucun n’a été plus multiplié, que celui dont un sentiment universel s’est plu de faire en tout temps, et en tout pays, hommage a la Divinité. L’idée d’un Etre suprême, créateur et conservateur de tous les êtres, s’est toujours trouvée partout, la première dans l’ordre des idées, qui ont fondé les sociétés. Il fut donc naturel qu’en bâtissant des villes, les hommes les missent sous la protection d’un pouvoir supérieur, principe premier de l’harmonie sociale, et de la dépendance sans laquelle aucun ordre de choses ne peut subsister. De là l’érection des édifices sacrés, lieux de réunion ou des croyances et des cérémonies communes, devenant le lien des esprits, produisent cet accord moral qui d’hommes incohérent et isolés, l’orme un corps plitique, sous le nom de cité, de peuple ou de nation.

Toute idée a besoin de signes qui la fixent, qui la rendent sensible, et qui la perpétuent. L’idée de Dieu, bien qu’inhérente à la nature de l’homme,


bien qu’elle soit instinctive, et le résultat partout nécessaire du développement de sa raison, n’en a pas moins besoin d’être sans cesse rappelée et renouvelé à l’intelligence, tant l’état d’ignorance où mille causes retiennent le plus grand nombre, tant l’action des passions et des appétits sensuels qui égarent eu corrompent le sentiment du juste et de l’injuste, tendent puissamment à faire triompher le principe matériel sur le principe moral. Le législateur a donc mis au premier rang des institutions sociales, celle qui place la Divinité en tête de toutes les lois, de toutes les pratiques, de toutes les actions, et maintient sans cesse l’idée de Dieu comme principe de toutes les autres.

Or, comme c’est par les sens qu’il est nécessaire de parler au plus grand nombre des hommes, l’art de bâtir est de tous les arts, celui qui s’est trouvé le plus propre à ce genre d’enseignement sensible et matériel. La supériorité de la demeure divine sur les habitations des mortels, semble leur rappeler, à tout instant, la distance qui sépare les créatures du Créateur, et en faisant dominer son temple si fort au-dessus de leurs têtes, rend l’idée du son existence et de sa puissance toujours présente à leurs yeux, comme a leurs esprits.

Ce qu’on vient de dire n’a rien de systématique. C’est la pure et simple exposition d’un fait, qui existe chez toutes les nations de la terre, que l’on remarque dès les premiers âges des premières sociétés, dont les nombreux vestiges n’ont pu encore être anéantis par le laps des temps, et dont les ruines les plus antiques nous ont conservé les plus éclatans témoignages.

Que trouve-t-on, en effet, lorsqu’on parcourt le Globe, dans tous tes lieux où des restes de constructions attestent l’existence de peuples, dont les noms effacés de la mémoire des hommes, ne vivent plus que dans quelques récits de l’histoire ? Que sont ces blues énormes gisant à terre, depuis une multitude de siècles, comme des pierres tumulaires, témoins en quelque sorte éternels, chargés d’apprendre au voyageur qu’il y eut là un empire ? Ce sont les débris de ses temples. Tout s’est anéanti, on ne découvre plus aucun vestige reconnoissable d’habitations. Pour quoi partout en remarque-t-on des demeures divines ? C’est parce que l’art de bâtir a voit toujours mis en œuvre dans ces monumens, et les matériaux les moins destructibles, et les moyens les plus propres à assurer la solidité de leur emploi. Leur grandeur et la vaste étendue de leurs dimensions, en offrant peut-être plus de prise aux attaques du principe destructeur, n’ont pas laissé du protéger les témoignages de leur antique existence, et partout la terre a conservé les fondations, dépositaires de la grandeur et de la magnificence de leurs plans, comme de leurs élévations.

C’est dans l’érection des temples et dans la diversité de leurs formes, que le génie de chaque peuple semble avoir épuise tout ce qu’on peut imaginer de propre, en architecture, a élever le sentiment et l’esprit des hommes, au niveau de la grande idée que l’ouvrage de l’art doit représenter. Ici, des édifices pyramidaux qui aspirant, par leur procérité, à porter jusqu’aux ciel les yeux et les pensées du spectateur. Là, des masses de rocher taillées et travaillées comme peur être des emblèmes de l’éternité. Ailleurs, des bancs de pierre et de montagne perforés, comme pour assurer aux temples une durée égale à celle de la nature. Dans d’autres pays, de nombreuses enceintes élevées, en amphithéâtre, autour de la colline surmontée par l’autel. Chez quelques peuples, des terrains consacrés en plein air, ni enclos d’épaisses et solides murailles, qui ont survécu à plusieurs générations d’états de royaumes. Ainsi, partout l’idée de Dieu se trouve écrite par l’art de bâtir, en caractères jusqu’à présent ineffaçables, et qui nous prouvent que le temple fut, toujours et partout, l’édifice le plus considérable.

Si des travaux antiques, ou de pays éloignés, nous passons à ce qui s’est fait, dans les temps plus rapprochés du nôtre, et à ce qui existe dans les contrées que nous habitons, nous verrons de même les édifices sacrés, non-seulement occupant la première place dans les entreprises de l’art de bâtir, mais présentant au milieu de toutes les villes, une grandeur, une élévation et un luxe de travail, qui peuvent délier les travaux du même genre, dans les siècles antérieurs. Nous voulons parler de ces vastes constructions du moyen âge, qui, sous la fausse dénommation de gothiques élèvent encore aujourd’hui leurs masses et leurs sommités audacieuses, au-dessus des édifices de toutes les villes du l’Europe. Lorsque le goût de la belle architecture reparut avec celui des autres arts de la Grèce et de Rome, une noble émulation s’empara de tous les peuples modernes, et ce fut à qui adapteroit avec plus de succès, les sormes régulières des ordonnances, des plans et des élévations des temples de l’antiquité classique, aux convenances et aux besoins du christianisme. Des prodiges de dépense, de grandeur et de richesse en ce genre, ont distingué tous les siècles et tous les pays, depuis le renouvellement du bon goût. Toute l’architecture antique a été mise à contribution, pour fournir à la composition des nouveaux temples, dé quoi réunir, avec des ensembles jusqu’alors inconnus, tous ies genres de solidité dans la construction, de grandeur dans les intérieurs, de magnificence extérieure et de hardiesse dans l’élévation des masses. De somptueux péristyles ont annoncé leurs entrées, de riches ordonnances ont décoré leurs enceintes, de vastes et brillantes coupoles élancées dans les airs, ont étendu leur aspect à des distances prodigieuses. Enfin, pour résumer ceci en deux mots, le chef-lieu du christianisme a érigé sur les débris de l’antique Rome, le temple et la coupole de Saint-


Pierre, monument qui n’eut point d’égal dans l’antiquité, et qui très-probablement n’aura jamais de rival dans la suite des âges.

Ce préambule a eu pour objet de faire entendre, quelle immense matière serait celle d’un ouvrage qui comprendroit l’histoire générale des temples, les notions diverses qui se rapporteraient dans une telle étendue de temps et de pays, à leurs formes, à leur structure, à leurs emplois, à leurs mesures, à leur goût, à leurs ornemens, etc. Or, ce n’est pas sans raison que nous avons esquissé eu raccourci le point de vue d’une semblable histoire. On a déjà compris que nous nous sommes proposé d’expliquer par là, pourquoi l’article TEMPLE, dans ce Dictionnaire, ne sauroit approcher de la proportion qu’exigeroit, même dans le plan le plus succinct, l’universalité de ces connaissances.

Nous avons encore une autre raison à rendre de la mesure étroite, dansa laquelle nous avons dû circonscrire ici les notions du mot temple. Nous n’aurions pu, en effet, que répéter les nombreux détails qui ont été déjà donnés dans celle matière, à chacun des articles, soit de ceux que nous avons consacrés sous leurs titres, à chacune des architectures plus ou moins anciennes ou modernes, que l’on connît sons un nom particulier, soit de ceux qui contiennent des descriptions de temples existans encore dans les ruines de toutes les villes antiques, dont les noms font partie de la nomenclature générale de ce Dictionnaire, soit enfin de ceux, où nous avons embrassé la biographie des célèbres architectes, et dès-lors les notions descriptives et critiques de leurs monumens.

L’architecture d’ailleurs, à laquelle ce Dictionnaire doit surtout rapporter les recherches de tout genre, qui en font l’objet principal, étant l’architecture devenue universelle, c’est-à-dire celle des Grecs, la seule qui ait des principes fondés en raison, et un système applicable aux besoins de tous les pays, nous nous bornerons à faire connoître dans cet article, l’origine des temples grecs, les variétés et les progrès de leur construction, leurs différentes espèces, selon leur étendue, leurs formes, leur composition, leurs emplois et leur destination, tant en Grèce qu’en Italie, où le même genre de culte propagea les mêmes usages, et, à quelques différences près, le même système de disposition et de décoration.

NOTIONS HISTORIQUES sur l’origine du temple grec, et fut les causes de formation primitive.

Si l’on s’en rapporte à un certain instinct primitif, dont on retrouve des traces dans l’histoire des plus anciens peuples connus, les hommes eurent d’abord un culte aussi simple, que l’étoient leur intelligence et l’état de leur société. Très naturellement, dans les pays de montagnes, ce fut sur quelque sommet élevé, que le besoin d’adresser des hommages au grand Eire, dut eu rassembler les adorateurs. C’étoit, comme la Bible nous l’apprend, sur les lieux hauts, que la superstition chez tous les peuples voisins du peuple juif, avoit établi ses autels et sis sacrifices. Un grand nombre de documens, de vestiges plus ou moins authentiques, et d’usages postérieurs, traditions de pratiques plus anciennes, nous permettent de conjecturer qu’en Grèce, les sommets des montagnes furent aussi les premiers lieux sacrés ; la plupart ayant reçu celle destination de quelques aventures mythologiques, auxquelles l’imagination avoit donné naissance, et que depuis une pieuse crédulité n’avoit pas manque d’accréditer.

Le premier temple aura dune été un simple Terrain consacré par un autel, où se faisoient les sacrifices, où se déposœint les offrandes. Ce terrain ne s’appela point autrement que lieu sacré hieron en grec. Très-naturellement on l’entoura postérieurement d’une enceinte quelconque. On croit retrouver encore aujourd’hui quelques-unes de ces enceintes, dans des restes de murailles construites en grosses pierres polygones. Bien qu’il y ait un grand abus de critique, à prétendre que partout où l’on trouve de ces vestiges et de ces matériaux, il y eut un hieron ou enceinte sacrée, comme si mille autres raisons n’avoient pu faire employer le même genre de bâtisse à d’autres objets, on peut se prêter à croire que la religion, tout en changeant et de culte e de forme, aura pu faire durer long-temps les restes de ces lieux consacrés par d’antiques souvenirs.

L’hieron, entendu comme enceinte sacrée, a dû subsister dans les usages religieux, et constituer exclusivement le temple tant qu’un simple autel fut l’unique signe du culte, le seul point de centre des cérémonies. On voit qu’il devoit suffire aux besoins des premières sociétés, et sa position à ciel découvert n’exigeoit rien de plus.

Je n’examinerai point ici (tant la recherche seroit longue et inutile au but que je me propose), si, dans la suite même des temps, ce culte en plein air, sur le terrain sacré enclos de murs, dut subsister, et jusqu’à quel point il s’en conserva des traces. Rien n’est durable comme les usages religieux, et sans doute plus d’une superstition l’aura perpétué dans plus d’un endroit. Je ne cherche ici qu’à rendre compte des causes probables, qui influèrent à la fois sur les pratiques du culte, et par suite sur la formation des temples.

Or, j’en crois voir une très-vraisemblable dans l’idolâtrie proprement dite, ou le culte des idoles. On ne sauroit affirmer que, surtout dans les premiers âges de la Grèce, l’enceinte sacrée n’admettoit aucune figure en présence de l’autel. Mais ce qu’il est fort permis île croire, c’est que dans un temps où la première pierre, le premier tronc d’arbre plus ou moins façonné, pouvoit tenir lieu de simulacre, on ne s’occupa guère de met-


tre à couvert d’aussi informes idoles. L’idée d’un temple, comme bâtiment construit, ne dut se présenter que lorsque le progrès dans l’art des figures taillées, eut commencé à donner à la Divinité, une personnification assez sensible, pour qu’on pût, et prendre l’image pour une réalité, et porter quelque soin à sa conservation, en lui procurant une demeure.

De cet usage aura dû dater, ce nous semble, le besoin, et dès-lois l’usage du temple construit, c’est-a-dire du terrain sacré, réduit, selon les lieux, à une moindre étendue. C’étoit toujours l’hieron dans son sens naturel el primitif, mais sa nouvelle destination lui fit donner le nom de naos en Grèce. Plus l’art de la sculpture, par le développement progressif de l’imitation, parvint à perfectionner la forme des idoles, plus l’imagination des peuples crut y voir le Dieu lui-même, et plus il devint nécessaire de lui donner une habitation conforme à son importance, à la grandeur et à la beauté de l’image. Le templefut donc assimilé à une maison. De là la différence qu’on doit mettre dans l’interprétation des textes grecs, entre les deux termes principaux hieron et naos, L’hieron, entendu comme enceinte sacrée, avoit existé d’abord, et put continuer encore d’exister, sans naos ou habitation divine, Le naos exista souvent sans enceinte sacrée ; mais comme, considéré en tant que bâtiment, il renferme encore lui-même un terrain sacré dont il devient l’enceinte ; et comme le mot général hieron ne signifie que lieu sacré, il a pu être donné a des temples construits sans enceinte à l’entour, ainsi qu’à des enceintes sans bâtiment ; et une multitude de passages prouvent ce double emploi. Or, c’est à une critique exercée et sans système, qu’il appartient de discerner, dans quel sens ce mut doit être souvent entendu.

Nous croyons donc voir dans les progrès de l’art des idoles en Grèce, et dans l’accroissement de leur culte, l’origine du besoin d’avoir des temples construits, pour devenir l’habitation du Dieu. La statue de la Divinité devint alors le point de centre du culte, ce qui n’empêcha point l’autel placé en plein air, d’êlre le lieu des sacrifices, et les cérémonies religieuses d’être pratiquées en dehors. Or, voilà ce qui expliquera, quelle fui, par la suite, la conformation des plus grandi temples, et pourquoi le plus grand luxe de l’architecture dut se portera leur extérieur.

Pour le présent, il nous suffit de voir, comment et pourquoi le Dieu devenu idole à figure humaine, fut encore assimilé aux hommes, pur le besoin d’avoir une habitation. Or, dès qu’on fit d’un temple une habitation, il fut tout naturel qu’elle prit la forme des maisons. C’est ce que la suite nous montrera.

Mais je ne peux m’empêcher de m arrêter à ce point, qui paroît d’autant plus certain, que les faits subséquens permettent de remonter à leurs précédens, pour faire observer une des différences caractéristiques de l’architecture grecque, avec l’architecture de l’Egypte, d’où une critique routinière prétend venir luire les modèles des arts de lu Grèce, quoique dans le fait il n’y ait entre les ouvrages des deux nations en ce genre, d’autres ressemblances, que celles de certains élémens, qui ne peuvent point ne pus être communs à tous les hommes, même lorsqu’ils n’ont aucune communication entr’eux.

La différence dont je veux parler, me paroît être résultée, de la différence même du type primitif donné par les symboles du culte, ou par les premiers objets, sous la forme desquels l’idée de la Divinité fut rendue sensible. Il paroît constant que le polythéisme sera né des rapports divers, sous lesquels on se figura les attributs des puissances, et des propriétés de l’Etre suprême. On convient que les idées morales et métaphysiques furent fixées, en Egypte, dans son écriture hiéroglyphique, et exprimées par la forme matérielle des corps et surtout des animaux, qui devinrent, dans l’imitation qu’on en fit, les images sensibles des diverses combinaisons de l’intelligence. Dès-lors on s’explique aisément comment une figure d’animal, connue pour exprimer telle vertu, telle qualité, sera devenue dans son application aux choses divines, une figure consacrée, où sans doute on auroit dû voir, non la chose elle-même, mais celle qu’elle signifioit. De l’habitude d’honorer dans le signe imitatif d’un animal, un des attributs de la Divinité, le peuple ignorant aura dû bientôt passer jusqu’au respect pour le signe matériel (ce qui arrive presque partout). Mais qui pouvoit alors s’opposer à ce que l’un transportàt, au modèle, le respect qu’on avoit pour son image, et qu’on ne le prît lui-même, en toute réalité, pour être un symbole vivant de la chose signifiée ? De là sera provenu ce qu’on appelle le culte des animaux.

Or, il paroît qu’on est d’accord, que dans chaque genre de temple en Egypte, il y avoit un animal sacré, qu’on entretenoit en vie. Tels étoient entr’autres l’épervier, l’ibis, le vautour, le crocodile, le cynocéphale, le chien, le bœuf, etc. Les restes des temples de l’Egypte, encore en très-grand nombre, ont conservé ce qui dut être l’espèce de sanctuaire propre à de pareilles divinités. Les Grecs le nommèrent secos. C’étoit un très-petit local, privé le plus souvent de lu lumière du jour, et qui ne ressermbloit pas mal, à ce que nous nommerions, dans nos ménageries, une loge. Ce local étoit, par le fait, sans rapport avec l’ensemble de tous les bâtimens beaucoup plus considérables, qui, ajoutés les uns en avant des autres, et probablement dans des temps divers, servoient d’antécédent au petit secos occupé par l’animal. Rien, comme on le voit, ne put, en ce genre, ni servir de modèle aux Grecs, dans la disposition de leurs temples, ni leur inspirer la moindre imi-


tation. Chaque temple naquit en chacun des deux pays, d’un principe divers, et se forma sur un type qui fut originairement particulier.

Le temple grec fut donc, dans l’origine, une maison préparée pour l’habitation d’un dieu, que l’art avoit déjà façonné sur le modèle de la figure humaine.

C’est peut-être là, quoique je ne sache pus qu’on l’ait jusqu’ici remarqué la raison la plus simple et la plus naturelle, de la différence caractéristique qu’on est forcé de reconnoître, entre la disposition dutemple égyptien et celle du temple grec, et entre les principaux élémens de leur construction.

A l’article ARCHITECTURE, nous avons essayé de ramener à quelques principes originaires, tels que ceux des premières habitudes, des besoins locaux et des ressources naturelles aux diverses contrées, les formes les plus caractéristiques, sous lesquelles se distinguent certains modes d’architecture. Nous avons attribué en partie à l’usage des excavations souterraines, en Egypte, la simplicité, la massivité el le manque presqu’absolu de projections dans les masses, que nous présentent les monumens construits de ce pays. De pareilles théories ne doivent jamais être prises trop à la lettre, ni entendues dans le sens absolu d’une démonstration. Nous avons d’ailleurs, pour expliquer le genre de couronnement des édifices égyptiens, mis en avant la rareté des bois, qui dut faire trouver dans la pierre seule, et dans son seul emploi, une manière d’être, et une conformation toute différente du système de bâtir en Grèce. On peut ajouter encore à ces causes originaires et déterminantes de l’art de bâtir, l’usage dicté par le climat, de terminer les maisons en terrasse, usage qui s’est perpétué, et qui se perpétuera, tant qu’il sera favorisé pur un ciel habituellement sans nuage. Aussi a-t-on remarqué, que non-seulement tous les temples eu Egypte, ou pour mieux dire tous les corps do bâtiment qui composèrent leur ensemble, sont uniformément couverts en terrasse, mais qu’on n’a pas encore découvert dans ce pays, la moindre indication de ce qu’on appelle un fronton.

Nous ne répéterons pas ici, que le fronton, image du toit, est tout à la fois la représentation de la charpente qui forme les couvertures en bois, et la preuve de l’emploi immémorial du bois dans lestemples de la Grèce. Comme on ne sauroit se refuser à croire que les habitations particulières, dès les premiers âges, furent eu bois, il est tout aussi nécessaire de croire, que les premières demeures préparées aux premiers simulacres des dieux, furent des constructions du même genre. Les premiers temples se composèrent donc de simples murs, dont le bois formoit l’élévation, et que surmontoit un toit composé de solives inclinées, venant s’appuyer sur les pièces de bois horizontalement posées, qui depuis donnèrent naissance à l’architrave, dont le nom qu’il porte apprend l’origine. Les deux extrémités du toit formèrent les deux frontons antérieur et postérieur, et voilà de toute nécessité le premier temple grec.

Comme, par une suite d’inductions et de preuves indubitables, ce premier temple, répétition évidente de la maison alors en usage, nous révèle dans son type originaire, le système que l’architecture s’appropria, en développant et perfectionnant son modèle, l’architecture va nous donner à son tour, l’histoire du temple en Grèce, celle de son accroissement, de son développement, de ses variétés et de ses diverses compositions.

Mais aurons-nous besoin d’aller interroger dans toutes les contrées, les restes de ce nombre prodigieux de temples, ouvrages d’un si grand nombre de siècles ? On sent combien un tel rapprochement seroit difficultueux et long. Puis, qui nous assureroit, vu l’immense destruction qui a eu lieu en ce genre, que le hasard nous attrait conservé un exemple complet de chacune des diversités, auxquelles ces monumens fuient soumis ?

Eh bien ! un seul traite d’architecture celui de Vitruve, va nous mettre à même de parcourir toutes les diversités du temple grec, depuis le plus simple et le plus petit quel nous venons d’imaginer, en quelque sorte à priori, d’après la seule autorité de quelques faits, jusqu’à celui que des vestes encore existans nous lieront connoître, comme étant ce que l’art a conçu et exécuté de plus grand et de plus riche. Or, cette énumération descriptive de tous les genres de temples, qu’a produits l’architecture grecque, bien qu’extraite d’un chapitre ou deux de Vitruve, nous croyons qu’elle doit suffire à l’histoire complète de celte partie de l’art, pour plus d’une raison. D’abord, c’est qu’instruit dans son temps, mieux qu’on ne peut l’être aujourd’hui, sur une matière pour laquelle il avoit fait des recherches, Vitruve a dû être à portée de connoître toutes les variétés qu’il avoit intérêt de rassembler. Disons ensuite que les rîtes religieux avoient, tant en Grèce qu’à Rome, prescrit un certain nombre d’espèces, de formes et de dispositions pour les édifices sacrés, sur lesquelles l’art s’exerçoit librement quant à ce qui est proportion, dimension, ornement et goût, mais toutefois d’après certains types donnés qui évidemment ne furent pas très-nombreux, et que tout architecte devoit connoître. Enfin, deux autres considérations viennent témoigner en faveur de l’exactitude de Vitruve. La première est que toutes les espèces de temples dont il nous a donné idée et la description, ont retrouvé leurs homonymes et leurs pareils, dans les restes encore assez nombreux, que le temps n’a pu achever de détruire, sur le sot d’un grand nombre de villes antiques. La seconde, c’est qu’entre tous ces monumens parvenus jusqu’à nous, on peut douter qu’il s’y en soit trouvé d’une espèce étrangère à ceux que renferme l’analyse de l’architecte romain.


NOTIONS HISTORIQUES ET THÉORIQUES sur les développemens successifs du temple grec.

Nous avons vu que la nature des choses, que les faits et l’histoire, s’accordent à nous donner une idée précise, de ce que dut être dans sa conformation et sa construction, le temple primitif en Grèce. Le système constant et universel de l’architecture grecque perfectionnée, ne nous a pas permis de supposer, qu’il ait pu être autre chose qu’un assemblage de bois de charpente, dans ses murs et dans sa couverture. Vitruve nous a conservé un nouveau témoignage de cette origine et de cette constitution première, dans les notions qu’il nous donne du temple toscan, dont la structure, selon toutes les apparences, s’étoit perpétuée en Etrurie, et s’étoit propagée à Rome. Or, l’on sait que les arts de l’Etruire ne furent, en tout genre, comme sa langue, son écriture et sa mythologie, qu’une émanation très-ancienne des pratiques et des usages de la Grèce. Eh bien, ce temple toscan, décrit par Vitruve, étoit un composé de bois de charpente. Des poutres en bois formoient sa toiture, ses combles et son entablement.

Ainsi peut-on affirmer que la chose avoit eu lieu fréquemment en Grèce, avant une certaine époque. Polybe nous apprend que Dorimaque étant arrivé au temple de Dodone, brûla ses colonnes, ou ses portiques, selon qu’on voudra entendre le mot ςοας ; et comme il ajoute qu’il renversa en suite la cella την ιεν αν οιχιαν il est à croire que la cella étoit environnée de colonnes en bois. Plus d’un passage de Pausanias sait mention de colonnes de bois conservées, comme témoins de l’ancien usage, dans les édifices en pierre qui succédèrent à leurs antiques modèles. Ou peut même croire que l’usage des colonnes aux frontispices du temple ne fut pas, dans les premiers temps, d’une nécessité absolue. Lorsqu’un sommier en bois, vu le peu de largeur de ces constructions, put, sans aucun inconvénient, s’étendre d’un mur à l’autre, il y eut, comme la simple nature l’indique, un vestibule couvert en avant de la porte, qui se trouva reculée sous cet abri.

Ce fut là que prit naissance le premier temple à ordonnance régulière, selon la classification de Vitruve, je veux parler du temple qu’il appelle in antis. Très-naturellement, lorsque la maison du dieu acquit de plus grandes dimensions tant en longueur qu’en largeur, le sommier, ou la plate-bande en bois dont on vient de parler, eut besoin d’être soulagée dans sa portée, par des supports verticaux, en des bois debout, qui furent les colonnes primitives. Mais il est encore plus évident, que lorsque la pierre fut, dans la suite, substituée au bois, l’architrave en pierre n’aura pu remplacer la plate-bande en bois, que pur une réunion de blocs, qui exigèrent plus impérieusement encore, l’emploi des colonnes d’une ante à l’autre, c’est-à-dire de la tête d’un des murs latéraux du temple, a la tête de l’autre mur. Voyez ANTE.

Tout, dans les ouvrages de l’homme, et surtout dans ceux de l’architecture, ayant dû aller progressivement du simple au composé, il nous a paru naturel, en suivant tes résultats de cette loi générale, pour la formation des temples en Grèce, de placer le temple in antis, comme le premier dans les inventions de l’art, ainsi que Vitruve le place en tète, dans l’ordre de leur composition. Cependant la succession des inventions et des compositions de ce genre, ne fut pas telle, qu’on genre plus varié cl plus composé, dut faire tomber dans l’oubli celui qui l’étoit moins. Au contraire, la diversité des besoins et des circonstances, qui toujours ont dû présider à la confection des temples, fit concourir entr’elles, toutes les sortes de dispositions, auxquelles les progrès des sociétés donnèrent lieu. Or, celle qui dans l’ordre naturel des choses fut la première, n’en continua pas moins d’être employée, lorsque les besoins et les convenances l’exigèrent. Il n’y eut de changé, que ce que le perfectionnement de l’art dut y ajouter d’ordre et de régularité.

Ainsi le temple in anits (ou comme les Grecs l’appeloient, εν παραστασιν) reçut aux têtes de ses murs latéraux, la forme d’un pilastre correspondant par ses détails et ses profils, à ceux des colonnes intermédiaires, dont Vitruve porle le nombre à deux, quoique rien n’ait pu empêcher d’y en placer davantage. Mais on doit observer que Vitruve, dans sa classification méthodique, a eu aussi l’intention de soumettre sus exemples, a une progression de richesse comme de grandeur. Le temple à antes paroît donc avoir été en usage dans tous les temps. Tel étoit à Athènes celui dont il s’est conservé des restes fort considérables, et que Smart, dans son premier volume des antiquités de cette ville, appelle temple sur l’lliissus. Vitruve nous apprend qu’il y i n a voit un de ce genre, entre les trois temples de la Fortune, que l’on voyou près de la Porta Coltina, aujourd’hui Porta Salara.

La construction des temples en Grèce, dut suivre les progrès de la population et de la richesse du pays. Tant que les hommes restèrent divisés en bourgades, le temple in antis construit en bois put suffire aux besoins du culte. Nous en dirons autant du second genre de temple qu’ou appela prostyle, parce qu’on y substitua à chaque pilastre des antes formant la tête des murs latéraux, une colonne isolée, laquelle s’alignant avec les deux colonnes du milieu, donna un front du temple, un vestibule ouvert des deux côtés, et ce que nous appelons aujourd’hui un péristyle isolé. L’architecture a conservé, et dans de grandes proportions, trop d’exemples de ce genre de frontispices de temple, pour qu’en ait besoin d’en citer ici. La composition du temple grec acquit bientôt un accroissement, dans la répétition qu’on fit du prostylon à la


face postérieure de l’édifice, en sorte qu’il eut deux entrées parfaitement semblables, deux vestibules à colonnes isolées, et surmontées d’un fronton. Ce genre de temple qu’on nomma amphiprostyle, est le troisième dans l’ordre que leur assigne la classification de Vitruve. Très-probablement, long-temps avant que l’architecture ait été réduite en art, par l’importance que dut exiger le travail de la pierre, les temples dont on vient de parler, avoient reçu dans le travail du bois, des formes déjà déterminées, et une sorte de régularité.

Nous avons déjà eu l’occasion d’expliquer (voy. ARCHITECTURE, CABANE), comment ce qu’on apelle la cabane en bois, devint le modèle de l’architecture, et comment les colonnes, les chapiteaux, les srontons, les entablemens et toutes les parties de la modénature, avoient dû être façonnées dans leur configuration, et même leurs proportions, de manière, que l’art n’eut plus qu’à terminer et à polir, si l’on peut dire, dans des matières plus précieuses, l’ébauche des édifiées en bois. Fixer à cette sorte d’élaboration une époque précise, seroit, surtout aujourd’hui, une prétention d’autant plus vaine, que de pareils travaux, résultais d’une succession d’épreuves et de tentatives, ne sauroient avoir eu de date. On est assez porté à croire que ce fut après la guerre des Perses, qui avoient incendié beaucoup detemples en Grèce, que l’architecture en pierre prit tout son développement dans les temples.

Alors, effectivement, nous voyons s’agrandir outre mesure les images des dieux. C’est de cette époque (ainsi que nous i’avens montré dans notre ouvrage du Jupiter Olympien) que datent ces statues colossales d’or et d’ivoire, et ces trônes qui firent dans des compositions plus ou moins semblables, l’ornement de presque tous tel sanctuaires. Il fallut que l’agrandissement des temples suivit celui des simulacres divins.

La dimension du local destiné à la demeure d’un dieu colossal, exigea l’accroissement de l’extérieur, soit pour que le dehors répondit à la magnificence du dedans, soit pour donner une plus haute idée du culte, soit pour la commodité des cérémonies, et de ceux que leur pompe devoit y appeler et y réunir. De là, probablement, la disposition du quatrième genre de temple, je veux dire, selon Vitruve, letemple périptère.

Il fut dans la nature de l’architecture, et on doit le dire aussi des autres arts, en Grèce, de rester fidèle an type originaire de sa formation. Sortie d’un germe fécond, celui de la construction en bois, où se trouvèrent réunis les deux principes d’unité et de variété, elle ne fit, dans te cours des siècles, que tirer les conséquentes de l’un et de l’autre. Si l’on considère cet art, particulièrement dans l’un de ses plus grands résultats, celui de la disposition des édifices sacrés, on ne sauroit s’empêcher d’admirer, comment, à l’instar de la nature dont il sembla s’approprier les lois qu’elle suit dans la production des êtres, il réussit, par nue suite de développement successifs, à faire arriver ce qu’on peut imaginer de plus chétif, au punit de ce qu’on peut inventer de plus magnifique : de telle sorte que l’élément primitif se retrouve toujours entier, toujours visible dans ses diverses transformations. Ainsi dans l’arbre, dont les rameaux multipliés s’étendent sur le champ qu’il ombrage, on reconnaît toujours le frêle arbrisseau, qui eu renfermoit l’espérance.

Lorsque des colonnes isolées, placées aux deux fronts du bâtiment sucré, eurent procure’, tout à la fois, un abri utile et un aspect agréable, l’analogie toute seule dut suggérer d’ajouter aux deux flancs de l’édifice, et le même agrément et la méme utilité. Deux flies de colonnes ainsi placées auraient par trop rapetissé l’intérieur du naos, si ses deux fronts n’eussent eu que les quatre colonne duprostylon ; et voilà pourquoi Vitruve enseigne de donner six colonnes de front au temple périptère. Ces deux colonnes étoient nécessaires pour former la galerie circulant a l’entour. Du reste, il faut encore observer, comme les monumens nous le prouvent, que cette règle de Vitruve, n’est qu’une condition de l’ordre méthodique qu’il a suivi, connue pour rendre compte de la formation progressive dutemple.

Le sens du mot périptère et l’emploi du mode qu’il exprime, sont tout-à-fait indépendant du nombre de colonnes, que peuvent comporter les deux côtés antérieur ou postérieur du temple. Le mot, par sa composition, ne signifie autre chose qu’édifice avec des ailes. Ces colonnades latérales sont en quelque sorte au bâtiment, ce que les ailes sont à l’oiseau. Ainsi un temple est périptère, lorsqu’il est environné dans tout son pourtour, de colonnes isolées formant galerie continue, et les monumens de l’antiquité encore existant, nous montrent des temples périptères à huit colonnes de front. Tel étoit le temple de Minerve à Athènes. Si nous en jugeons cependant par les restes très nombreux de temples grecs, il est vrai de dire, que le plus grand nombre des périptères sont à six colonnes de front. Sans entrer ici, à cet égard, dans un dénombrement qui seroit étranger et à la question, et à l’objet de cet article, nous pouvons citer comme périptères exastyles, les temples de Thésée à Athènes, de ta Concorde et de Junon à Agrigente, de Cérès à Ségeste, de Corinthe, de Sunium, et deux temples de Pestum, etc.

Du reste il faut dire, que la disposition périptère devint, et pour la magnificence extérieure des temples, et pour l’effet de l’architecture, ce que l’art pouvoit imagine de plus riche et de plus simple à la sois, de plus capable de donner une haute idée des demeures divines. Dans aucune autre disposition, l’emploi des colonnes ne sauroit se montrer avec plus de grandeur, de noblesse et d’harmonie. Le génie de l’art n’a pu rien inven-


ter depuis, dans les temps anciens et modernes, qui égale cette création des Grecs.

Cependant tel fut l’esprit de leur architecture, et du modèle sur lequel elle s’étoit formée, que toujours libre sous les entraves des lois qu’il devoit suivie, l’artiste fut le maître d’eu modifier les applications, au gré des besoins et des convenances, que les temps et les lieux pouvoient présenter. Lorsque, dans un même espace donné, le temple réclama une plus grande étendue pour l’intérieur de la cella, Vitruve nous apprend, que l’architecte eut la liberté d’augmenter la largeur de cet intérieur, aux dépens de l’espace qu’auroit occupé la galerie formée par la colonnade environnante. On supposa alors, que le mur de la cella se seroit interposé dans les entre-colonnemens du péripteron. De là l’usage des colonnes engagées, dont on a pu, par la suite, faire abus, mais qu’on ne sauroit blâmer dans plus d’une occasion. Cette pratique donna naissance au pseudopériptère ou faux périptère, ainsi nommé, parce que cette disposition de colonnes engagées dans le mur, tont à l’entour du temple, n’est véritablement qu’une image réduite, une représentation simulée du viai périptère. Plus d’un exemple antique de cette disposition de temple est parvenu jusqu’à nous. Le vaste temple de Jupiter Olympien, dans la ville d’Agrigente, fut un pseudo-peériptère, comme nous l’avoit appris sa description par Diodore de Sicile, et comme nous l’ont confirmé quelques fragmens conservés dans ses ruines. Ici une cause, autre que celle dont Vitruve a fait mention, motiva cette disposition ; L’énorme dimension de ce temple auroit exigé, dans l’emploi ordinaire de colonnes isolées, des entrecolonnemens proportionnés ; mais leur largeur eût été hors de mesure pour des plates-bande monolithes, avec la nature et l’étendue des pierres du pays. Les colonnes adossées n offrant qu’un demi-diamètre, les blocs multipliés qui composent les plates-bandes de l’architrave, trouvèrent nu point d’appui et une liaison dans le mur de la cella. Nous citerons encore comme exemple d’un pseu-dopériptère, le templeappelé la maison carrée à Nîmes, et à Rome celui qu’un appelle de la fortune virile.

Le plus haut degré de richesse d’architecture qu’ait atteint en Grèce le temple proprement dit, ou considéré comme corps isolé de construction, consista dans la disposition du diptère, ou ayant double rang d’ailes, c’est-à-dire une double file de colonnes latérales, et par conséquent deux rangs de galerie ou promenoirs circulant à l’entour. Cette disposition qui exigeoit également une multiplication de colonnes, aux deux façades antérieure et postérieure du naos, ne paraît avoir dû s’appliquer qu’au moindre nombre de temples, ou à ceux qui furent à la sois les plus célèbres et les plus dispendieux. Vitruve en cite deux exemples, l’un dans Rome, au temple dorique de Quirinus ; le second et de beaucoup le plus fameux, fut celui de Diane a Ephèse, construit par Ctésiphon, selon l’ordre ionique.

Mais l’architecture adopta encore ici, et par plusieurs raisons, au nombre desquelles il est permis de complet celle le de l’économie, une liberté à peu près du même genre que la précédente. Ermogène d’Alabande fut l’auteur de cette innovation, qui consista dans la suppression de la file de colonnes intérieures, ce qui donna à la galerie environnante, la largeur de deux entre-colonnemens. Aussi appela-t-on ce temple pseudodiptère, ou faux diptère. Ermogène, avoit construit dans ce système le temple de Diane à Magnésie, et ou en voyait, du même genre, un autre d’A-pollon, hâti par l’architecte Mnesthès.

A ces diverses espèces de temples, tous construits sur un plan quadrilatère. , il faut joindre celle des temples circulaires.

Pour ne parler d’abord que de ceux dont le circuit consistait eu colonnes, il y en avoit du deux sortes, ceux qu’on appelait monoptères, et ceux qu’on nommoit pèriptères.

Le temple circulaire monoptère étoit ainsi désigné, non par opposition au diptère, c’est-à-dire, non parce qu’il n’avoit qu’un rang de colonnes au lieu de deux, mais parce qu’il consistoit uniquement en ce seul rang, et qu’il n’a vu il point de mur ou de cella. C’est de ce genre qu’était, sans doute, le temple appelé de Sérapis a Pouzzol, dont la colonnade circulaire subsiste encore, dans les restes qui s’en sont conservés, et où rien n’indique qu’il y ail eu un mur, et où tout prouve le contraire. Celle sorte de temple n’avoit point de couverture.

Le temple circulaire périptère avoit, comme le temple périptère de forme quadrangulaire, une cella construite el environnée d’un rang de colonnes. Tels sont à Rome, le temple dit de Vesta, et a Tivoli, celui qu’on a appelé de la Sibylle. L’intérieur se terminoit en coupole qu’on appeloit tholus et selon Vitruve, ce tholus recevoit pour couronnement extérieur un fleuron.

Mais outre ces socles d’édifices, soit sormés, soit entourés de colonnes, il faut compter au nombre des temples circulaires, d’autres grands monumens qui, tels que le l’anthéon de Rome, auroient été beaucoup plus multipliés qu’on ne pense, s’il fal-loit regarder comme ayant été jadis des temples, une très-grande quantité de constructions terminées en coupole, qui existent dans les ruines antiques de Rome, de Pouzzol, de Baies et autres villes. Il est probable qu’on a pu leur appliquer souvent à tort le nom de temple ; cependant le I’anthéon dont on vient de parler, autorise à croire que plusieurs de ces édifices circulaires, furent consacrés à la Divinité. Le magnifique frontispice en colonnes, qu’Agrippa avoit élevé en avant de ce temple dédié à tous les dieux, ne laisse aucun doute sur cette destination. On sait


encore qu’il l’avoit mis particulièrement, sous la protection de Jupiter Vengeur et de Cybèle.

Pausanias fait mention en Grèce de plus d’un édifice circulaire terminé en coupole, et affecté à des usages autres que ceux de la religion. Il en est toutefois qui purent réunir une destination religieuse, à un emploi politique. Il scroit d’ailleurs peu conforme à une saine critique, de conclure rigoureusement que les Grecs n’eurent et ne connurent pas telle ou telle sorte d’édifice, de cela seul, qu on n’en découvre plus aujourd’hui de vestiges. Trop de raisons seroient à rendre de ce manque d’autorités, et le détail de ces raisons alongeroit inutilement cet article.

Il faut le terminer, par la mention de ce qui nous paraît avoir dû fomer dans l’antiquité, ce qu’elle a produit de plus grand, de plus magnifique, et de plus dispendieux en fait d’édifices sacrés. Nous voulons parler des temples à périboles.

Ainsi allons-nous voir que cette sorte de complément du luxe architectural des Grecs, fut comme la dernière conséquence du principe originaire du temple, comme le plus haut développement du germe qui lui donna naissance. L’idée de péribole nous ramène en effet à l’idée primitive, d’où nous avons vu, d’après les laits historiques, et l’autorité des traditions, sortir successivement toutes les productions de l’art. Une enceinte consacrée sous le nom d’hieron (lieu saint), fut le premier temple. Une simple haie en fixa la circonférence. Des bois et des plantations en firent les premiers abris. Lorsque l’habitation du dieu ou le naos cul succédé à la pierre servant d’autel, et lorsque l’espace du local sacré s’étendit au-delà des murs de la maison divine, il fut encore plus naturel de circonscrire ce terrain, par un enclos de murs. Dans cet enclos se trouvèrent enfermés les arbres du bois sacré ; c’est ce qu’on appela temenos, alsos. Ainsi, dans des temps très-postérieurs, Lucien nous a décrit les bois sacrés qui environnoient le temple de Gnide. Ainsi voyons-nous les temples d’Esculape entourés, comme nous le fait voir encore aujourd’hui ce qu’on prend, à l’ouzzol, pour letemple du dieu Sérapis, de chambres et de locaux accessoires à l’usage des malades. Le temple de Jupiter Olympien à Athènes, avoit un péribole de quatre stades de circonférence.

On ne finiroit pas de citer toutes les mentions qu’on trouve chez les écrivains, de périboles autour des temples. La ville de Pompeia nous en offre en petit, à In vérité, un notable exemple dans ce temple qu’on a nommé, on ne sait pourquoi, temple d’Isis. Tout, dans cette ville, ne semble être qu’un diminutif des monumens de l’architecture grecque. Tel est effectivement le petit temple, dont on parle. Ce qui est, à proprement parler, son naos, est élevé sur un assez haut soubassement, non pas au milieu, mais à l’extrémité d’un péribole carre en colonnes, faisant galerie couverte tout à l’entour. L'area de ce péribole a conservé ses autels encore debout, et une trés-petite œdicula. Mais cela suffit, pour nous faire concevoir comment le péribole pouvoit former souvent un ouvrage de beaucoup supérieur en travail, en dépense et en grandeur, à celui du naos. C’est aussi en considérant cet entourage de portiques et de colonnades, formant sur une grande échelle, l’encadrement, si l’on peut dire, d’un de ces vastes temples périptères ou diptères, dont nous avons parcouru les variétés, que nous entendons qu’on doit placer cet ensemble au premier rang, non-seulement des templesgrecs, mais encore des plus spacieux, qui aient été imaginés et construits chez les peuples anciens, même en y comprenant les Egyptiens.

On se rappelle, qu’au commencement de cet article, en montrant la différence élémentaire du temple grec, d’arec le temple égyptien, nous avons fait remarquer que ce dernier, loin de former un tout architectural, subordonné à l’unité de plan, d’ordonnance et d’élévation, susceptible d’offrir de spacieux intérieurs, et tous les rapports sous lesquels la science et l’art de bâtir peuvent se montrer, n’étoit au contraire qu’une série de corps appliqués les uni aux autres, et dans des mesures toutes différentes. Or, quelque grandeur de dimension qu’on puisse accorder à de tels assemblages, nous ne saurions y voir ni la grandeur linéaire du grand temple grec à péribole, ni surtout la grandeur morale de ce qu’on doit appeler un ensemble : car autre chose est un ensemble, autre chose un assemblage.

Mais rien n’a dû être plus exposé à la destruction, surtout dam les régions de l’antiquité grecque et graeco-romaine, où les villes out succédé aux villes, où de nouvelles religions, de nouvelles mœurs, de nouvelles dominations ont remplacé les anciennes, que ces grands corps de bâtimens, ces grandes enceintes formées de portiques en colonnes. En vain chercherai t-on à Athènes des restes de celle qui compléta jadis le temple olympien de cette ville. A peine est-on d’accord sur l’emplacement occupé autrefois par ce temple, enrichi de toutes les merveilles de la sculpture et de l’architecture. Son vaste péribole, selon Pausanias, étoit rempli tant des statues de l’empereur, qui avoit terminé le temple, que des anciens simulacres des divinités, et de quelques petits édifices sacrés.

Pour nous faire une juste idée de cette sorte de temple, il saut comparer aux récits des monumens qui ne sont plus, les plans et élévations du grand temple de Palmyre, qui, bien que dégradé et mutilé dans beaucoup de parties de sa vaste circonférence, doit cependant à l’abandon total où est réduit depuis long-temps le lieu qu’il occupe, d’avoir conservé les restes les plus remarquables de ce qui composa jadis, et son temple périptère, et le péribole qui lui servoit d’accompagnement.


Nous avons dit que le péribole du temple olympien d’Athènes avoit quatre stades de circuit, c’est-à-dire deux mille quatre cents pieds. Celui du temple de Palmyre avoit, d’après les plans des voyageurs anglais, de sept à huit cents pieds, dans chaque côté de son quadrangle. Les dessins de cette enceinte, dont il subsiste de très-grandes parties, nous montrent qu’elle étoit formée, dans trois de ses côtés, d’un mur percé par des portes. En dedans de ce mur s’élevoient deux rangs de colonnes, régnant tout à l’entant, ce qui produisoit deux galeries ou promenoirs. Si l’on en croit les plans que tout le monde peut consulter, ce grand péribole avoit une entrée magnifique, consistant en une colonnade extérieure, occupant le milieu du mur, qui, de ce côté, étoit plein. Cette colonnade conduisoit à trois portes, et dans l’intérieur, au-delà des portes, une colonnade semblable répétoit celle de l’extérieur, espèce de composition qui rappelle l’idée des propylées d’Athènes et d’Eleusis. Le rang intermédiaire des colonnes du côté de l’entrée manque dans le plan que nous avons sous les yeux. S’il manqua de même autrefois, le nombre des colonnes du péribole auroit été de 360.

Si un sort heureux ne nous eût pas conservé mi semblable témoignage de la grandeur et du luxe architectural des grands temples, on l’auroit révoqué en doute, et l’on auroit eu quelque droit d’en contester l’application, aux périboles des temples célèbres, dont nous trouvons de si nombreuses citations chez les écrivains. (Voy. PÉRIBOLE.) Maintenant, lorsque nous voyons que ce fui généralement aux principaux édisices sacrés, aux plus grands et aux plus renommés, que surent affectées ces sortes d’enceintes, qui dévoient ajouter une si grande mgnificence à leur aspect, ne nous sera-t-il pas permis, et de croire que ces enceintes qui n’existent plus que dans les paroles des historiens, dûrent ressembler à celles dont nous connoissons les restes, et qu’elles constituèrent dans l’échelle destemples antiques, le degré le plus élevé, auquel l’art ait atteint en ce genre ?

Pour restreindre dans les bornes d’un article de dictionnaire, la notion principale d’un des plus vastes sujets de l’histoire de l’architecture, nous avons annoncé dès l’abord, que nous ne traiterions ici que du temple grec ou romain, le seul qui soit véritablement en rapport avec la critique et la théorie de l’art proprement dit. Il resterait sans doute beaucoup d’autres points de vue sous lesquels le temple, objet de cet article, pourrait être considéré par l’architecte, comme, par exemple, les différens ordres qu’on y employa, le nombre de colonnes que comportoient leurs frontispices, la manière d’en espacer les colonnes, au gré de plus d’une sorte de convenance. Mais tous les détails de ces différentes pratiques se trouvent à tous les mots grecs latinisés qui les expriment, et qui sont passés dans le vocabulaire de l’architecture, chez les Modernes ; tels que ceux qui se composent du mot style (colonne en grec) et du nombre ou de l’épithète qui en désignent les variétés. Voyez EUSTYLE, EXASTYLE, DIASTYLE, etc.

Sans doute, si l’on vouloit encore parcourir tout ce qu’une telle matière comporte de détails accessoires, il faudroit non pas un article, mais un volume. Tout en restant dans le cercle de l’art des Grecs, l’histoire complète de ses temples, la discussion de toutes leurs variétés, et la description de tous les objets de décoration qui les embellirent, seroient le sujet d’un très-intéressant ouvrage. Il nous semble inutile de faire remarquer au lecteur, qu’un semblable dessein est tout-à-fait en opposition, avec celui qui doit constituer le système et l’esprit d’un dictionnaire, où chaque notion, chaque partie d’un tout doit s’en trouver divisée, par la sujétion qu’impose l’ordre alphabétique.

Si nous touchons ici quelques mots des principaux ornemens qui trouvèrent place au dehors, comme dans l’intérieur des temples, ce sera uniquement pour avoir occasion de rappeler au lecteur, les articles où il pourra rencontrer les notions que celui-ci ne pouvoit pas embrasser.

L’architecture grecque avoit dû, comme en l’a dit bien des fois, au principe même, ou si l’on veut, au besoin de sa construction primitive, une de ses principales beautés décoratives ; on veut parler de la forme du fronton, qui, créé par la nécessité, devint un tel sujet de luxe et de magnificence, que rien de semblable dans toutes les autres architectures ne peut v être comparé. On entend parler surtout de ce qui en fait le complément, c’est-à-dire des sculptures en bas-relief ou en statues, qui remplirent les superficies de son tympan. Voyez FRONTON.

Ce fut ainsi que la frise, cette partie de l’entablement qui, dans le dorique, représentoit ce qu’il y avoit de plus vulgaire originairement, devint, par les accessoires dont on l’orna depuis, une des richesses les plus remarquables du temple grec. Voyez MÉTOPE, FRISE.

On ne sauroit dire à quel point y fut portée la richesse des matières, des peintures, des métaux précieux, et de tout ce qui ajoute au mérite de la forme, celui de l’éclat, de la rareté’, de la grandeur des musses, et de la variété des couleurs. Voyez BRONZE, PEINTURE, COLOSSAL, BASRELIEF, STATUE.

Il faut dire, en terminant cet article, que si l’architecture parvint à donner au temple grec ce rare mérite d unité, d’ensemble et d’harmonie, qu’on est encore aujourd’hui forcé d’admirer, jusque dans les ruines qui en subsistent, cela fut dû, indépendamment du principe primitif de la construction, à la nature même du culte, qui n’admettiot point la multitude dans l’intérieur des édifices sacrés, et dont les cérémonies, toutes extérieures, n’imposoient à l’architecte aucune sujétion susceptible de contrarier la régularité de l’ordonnance la plus simple.


Or, on l’a fait observer déjà dans plus d’an article de ce Dictionnaire, le culte du christianisme repose sur des nécessités directement contraires, et le nom d’église, ecclesia, assemblée, suffit pour faire comprendre comment, d’un principe si divers, devoit naître une aussi grande dissemblance dans les plans, les élévations, les mesures, les proportions et les décorations des deux genres d’édifices. A cette simple cause d’une assemblée nombreuse, réunie dans l’intérieur du temple chrétien, est dû le système moderne, qui a transporté au dedans toute la magnificence, l’étendue et la dépense de colonnes, d’ornemens, d’ordonnances, qui constituèrent le principal mérite de l’exléneur du temple grec. De l’obligation d’une grande étendue en plan, naquit celle d’une procérité extraordinaire dans les nefs, et par conséquent dans les frontispices des églises. Ces réflexions ont été déjà produites à l’article EGLISE. (Voyez ce mot.) Nous n’en reproduisons ici la mention, que dans la vue de prémunir les architectes, contre une indiscrète imitation de l’antiquité, dans la formation des temples chrétiens. Imiter l’antique n’est pas transporter à d’autres emplois, des plans et des dispositions qui ne sauroient leur convenir. Cette sorte d’imitation mécanique mériteroit à peine le nom de copie. Ce que l’artiste doit chercher à imiter chez les Anciens, c’est, non le positif de leurs ouvrages, non les règles que la mesurée et le compas y fout trouver, mais les raisons de ces ouvrages, mais l’esprit de ces règles, mais le principe moral, dont, et les ouvrages et les règles, sont les conséquences. Ce n’est doue pas à faire dans une église, le fac simile d’un temple grec, que doit tendre l’imitateur intelligent de l’antique : mais en employant les formes, les types, les détails de l’architecture grecque, qui ne sont autre chose, que ce que les mots, si l’on peut dire, et les formules du discours, sont à l’art d’écrire, il doit s’efforcer, non de faire ce qui fut fait par les grands architectes de l’antiquité, mais de faire ce qu’ils auroient sait, si d’autres usages, d’autres convenances, d’autres besoins politiques civils et religieux, leur eussent prescrit d’autres obligations.

TÉNACITÉ, s. f. Ce mot exprime, dans la composition des corps, une qualité en vertu de laquelle, leurs élémens et les parties dont ils sont formés, acquièrent une forte adhérence, ce qui les rend plus propre à soutenir la pression, à résister à la percussion ou à toute autre action qui tendroit à les dissoudre. Ainsi l’on dit de certains matériaux, qu’ils ont, ou qu’ils n’ont pas de la ténacité. On le dit de certains enduits, de certaines couleurs.

On le dit aussi des terrains, et il est essentiel d’avoir égard à leur plus ou moins grande ténacité, dans le prix de la fouille des terres, dans le calcul des mines.

TÉNIE, s. f. Du latin ténia, bandelette. Voyez LISTEL.

TENON, s. m. Bout d’une pièce de bois ou de fer diminuée carrément, environ du tiers de son épaisseur, pour entrer dans une mortaise. On appelle épaulemens les côtés du tenon qui sont coupés obliquement, lorsque la pièce est inclinée, et décolement la diminution de sa largeur, pour cacher la gorge de sa mortaise.

Tenon en about. --C’est un tenon qui n’est pas d’équerre avec sa mortaise, mais coupé diagonalement, parce que la pièce est rampante pour servir de décharge, ou inclinée pour contreventer et arbalêtrer. Tels sont les tenons des contre-fiches, guettes, croix de Saint-André, etc.

Tenon à queue d’aronde. --Tenon qui est taillé en queue d’à ronde, c’est-à-dire qui est plus large à son about qu’à son décolement, pour être encastré dans une entaille.

TENONS DE SCULPTURE. Ce sont, dans les ouvrages sculptés, des bossages ou des parties de la matière, étrangères à l’objet représenté, que l’on conserve pour donner de la solidité à des détails détachés de la masse. Tels sont ceux qu’on laisse derrière les feuilles d’un chapiteau corinthien pour leur donner plus de consistance.

TENTYRIS ou TENTYRA, aujourd’hui DENDERA. Ville d’Egypte et jadis la métropole d’un Nome appelé Nomus Tentyrites, du nom de cette ville selon Strabon, Pline, Ptolémée et Etienne le géographe. On y admire encore de fort beaux restes d’antiquité dans plusieurs débris de ses temples. Ces précieux monumens ont été dessinés et décrits dans le grand ouvrage de l’Egypte, avec un tel soin et une telle étendue, que nous y renverrons le lecteur, nous contentant, pour rester fidèles au plan de ce Dictionnaire, d une très-courte énumération des principaux objets conservés par le temps à notre admiration, et de quelques réflexions plus abrégées encore, sur l’époque a laquelle on peut attribuer leur exécution.

Le premier monument que l’on rencontre en arrivant sur les ruines de Tentyris, du côté du nord, est un petit édifice de forme rectangulaire, d’environ cinquante pieds en longueur, sur un peu moins en largeur. Il est composé de quatorze colonnes, dont six subsistent dans leur entier. Les autres n’existent que jusqu’à la hauteur des murs d’entre-colonnement. Cette construction n’a point été achevée, et elle pareil être une des dernières qui aient été élevées dans l’intérieur de la ville. Le fût des colonnes est lisse et sans aucune espèce d’ornement. Les chapiteaux à campane, ne sont en quelque sorte que dégrossis et préparés, pour recevoir les sculptures dont ils devoient être ornés. Deux portes, l’une au nord, l’autre au sud, donnoient entrée dans cet édifice, Tout porte à croire


que ce n’étoit là qu’un de ces petits bâtimens destinés à servir d’introduction à de plus grands.

A une distance d’à peu près trois cents pieds, espace tout parsemé de débris de granit qui paroissent avoir appartenu à des statues, on trouve une fort belle porte remarquable par sa proportion et les sculptures dont elle est ornée. La face nord a éprouvé de fortes dégradations, et est privée de la plus grande partie de son couronnement ; mais la face sud est parfaitement conservée. Sa construction est en grès d’un grain très-sin, et assez compacte pour se prêter aux plus petits détails. On a remarqué que cette sculpture est d’un fini de travail, qu’on ne découvre nulle part ailleurs, que dans les autres édifices de Dendera. A travers l’ouverture de cette porte, on aperçoit en perspective le grand temple dont on parlera tout à l’heure.

A quelque distance de cette porte, se fait remarquer la sommité d’un édifice qui paroît presqu’entièrement ensoui sous les décombres. On lui donne le nom de Typhonium. Quoique sa partie antérieure n’existe plus, cependant il subsiste encore en avant une colonne, qui ne permet pas de douter que sa façade ne fût composée de deux colonnes, avec des antes surmontées d’un entablement. L’édifice est entouré d’une galerie ornée dans chacun des grands côtés de neuf colonnes. La face postérieure en a quatre, toutes réunies ntr’elles et avec les autres, par de petits murs d’entre-colonnement. Les colonnes sont couronnées de chapiteaux ornés de tiges de lotus. Au-dessus des chapiteaux sont des pierres cubiques qui, sur chacune de leurs faces, offrent une figure de typhon enveloppée de fleurs de lotus. La corniche de l’entablement, a pour ornement, un scarabée avec des ailes emblématiques, qui s’élèvent au-dessus de quelques figures hiéroglyphiques. Toutes les superficies de ce monument sont couvertes d’hiéroglyphes sculptés et peints.

En sortant du Typhonium on trouve, à peu de distance, des restes de construction qui appartiennent à un autre monument. Ce qui en subsiste fait présumer qu’il dut avoir une assez grande étendue, et qu’il étoit formé de pilastres et de colonnes. Peut-être fut-il élevé au temps des Romains. On y remarque une portion de frise formée de grappes de raisin et de pampres de vigne.

Mais le grand temple de Dendera est un des plus beaux ouvrages d’architecture égyptienne qui se sont conservés, des mieux exécutés dans toutes les parties et des plus entiers. Son portique ou pronaos est ce qui fixe le plus l’attention. Il se compose de six colonnes placées de sront sur une même ligne, et de deux espèces d’antes angulaires. Excepté l’entre-colonnement du milieu, les autres sont remplis, selon l’usage général des temples, par de petits murs d’appui qui s’élèvent jusqu’à plus du tiers de la colonne. Celui du milieu offre une plus grande largeur que les autres, ce qui s’explique, puisqu’il n’y avoit que cet accès de libre pour pénétrer dans l’intérieur. Les chapiteaux des colonnes sont formés de la réunion de quatre masques d’Isis, lesquels sont surmontés d’un dé dont chaque face représente une espèce de temple.

La masse générale du temple se compose de deux parties bien distinctes, qui sont enchâssées, si l’on peut dire, l’une dans l’autre, savoir, le portique ou pronaos, et le temple proprement dit. La longueur du tout ensemble est d’environ deux cent quarante pieds ; la façade est large d’environ cent trente. De part et d’autre, le portique est en saillie de dix à douze pieds sur les faces latérales du temple. La hauteur totale du portique est d’environ cinquante-cinq pieds ; celle du temple est à peine de quinze pieds. Les murs sont parfaitement dressés suivant un talus qui donne à toute la masse une grande apparence de solidité. Le tout est couvert de sculptures hiéroglyphiques, d’une exécution et d’un fini si précieux, qu’on peut avancer que l’art égyptien y a été porté a sa plus grande perfection.

Nous ne porterons pas plus loin les détails descriptifs des différentes parties dont se composa le temple de Dendera. C’est au dessin qu’il appartient d expliquer aux yeux, ce que les plus nombreuses paroles seroient difficilement comprendre.

Derrière le grand temple et à une assez petite distance, se voit un édifice dont le mur latéral de l’ouest et une partie du mur de face sont en ruine. Sa forme est presque carrée ; son intérieur est composé de quatre pièces. Le tout est couvert de sculptures hiéroglyphiques. La corniche et la frise ont des ornemens aussi riches et aussi variés que ceux du grand temple.

Une porte semblable à celle dont on a fait mention plus haut, est presqu’ entièrement enfoncée sous les décombres provenant de la destruction des maisons particulières qui, à différentes époques, ont sait partie de la ville de Tentyris. Cette porte est remarquable par une inscription grecque portant que sous l’empereur César et l’an 31 de son règne. . . . . . les citoyens de la métropole et du Nome ont consacré ce propylée à Isis, etc. Nous devons faire encore observer qu’à la façade du grand temple ci-dessus décrit, existe également une inscription grecque qui porte que sous le règne de Tibère, César, fils d’ Auguste. . . . . . les citoyens de la ville et du Nome ont consacré ce pronaos à Vénus, très-grande déesse, etc.

Ces inscriptions et beaucoup d’autres semblables, recueillies par M. Letronne dans ses Recherches pour servir a l’histoire de l’Egypte, pendant la domination des Grecs et des Romains, prouvent que beaucoup des monumens encore subsistans, dans leurs débris plus ou mains bien conservés, ont dû être l’ouvrage de siècles très-postérieurs à ceux des Pharaons. Si l’on rapproche ces autorités, du celle même de la description dont


on a fait un léger extrait, et où l’on voit que l’exécution des temples de Tentyris se recommande par une perfection, un soin et une conservation de détails qu’on ne trouve pas ailleurs au même degré, on sera très-porté à croire que pendant cinq ou six siècles d’une domination étrangère, beaucoup d’édifices et de temples ont dû être ou rétablis, ou faits à neuf, tout en conservant les erremens de l’architecture égyptienne. Le planisphère de Dendera a fourni encore une preuve nouvelle que ces constructions ont dû être d’une époque très-postérieure. Le seul goût de décoration symétrique et d’ajustement très-agréable de ses accessoires, goût dont on ne sauroit citer, jusqu’à présent, aucun autre exemple en Egypte, le genre de sa sculpture qui indique un autre style, que celui des figures hiéroglyphiques habituelles, tout donne à penser qu’il faut porter dans l’histoire de l’art et des monumens de ce pays, un esprit de critique qui ne pouvoit se développer, qu avec le secours des voyageurs qui ont eu le loisir d’explorer, ce qu’avant eux on n’avoit fait qu’entrevoir.

TERME, s. m. Ce mot est dérivé du latin terminus, qui vient du grec τερμα, lesquels signifient également, dans ces deux langues, fin, but, borne, extrémité d’un lieu, et qui ont reçu depuis plus d’une application détournée de leur signification matérielle.

Le mot terme est le nom qu’on donne en sculpture et dans la décoration édifices, à certaines figures dont la forme a perpétué l’idée de l’objet qui leur donna naissance.

Le terme en effet fut d’abord une simple borne, une pierre carrée, ou une souche, qui marquoit l’extrémité des héritages, et les limites de chaque propriété. De là naquit à Rome, et dès les premiers temps de sa fondation, l’espèce de culte rendu à ce signe protecteur. Il devint sacré, et bientôt l’instinct de la reconnoissance en fit un dieu. Sans doute ce sentiment étoit déjà parvenu à lui donner une forme humaine, comme à toutes les autres créations de l’esprit, qui dans le paganisme revêtirent des corps. Une tète fut placée sur ces pierres gardiennes des champs ; et Numa, pour inspirer de plus en plus le respect des propriétés, déifia cette sorte d’effigie, en lui élevant un petit temple sur la roche Tarpeïenne. Le dieu Terme continua donc, pour être fidèle à l’idée primitive de sa fonction, d’être représenté sous la forme d’une borne, ou d’une pierre carrée, surmontée d’une tête, et sans bras ni pieds, comme pour exprimer qu’il ne pouvoit changer de place ; car l’immobilité étoit son principal attribut, et l’art n’auroit pu se permettre d’en altérer le caractère.

Il est arrivé à ce symbole figuratif, comme à beaucoup d’autres, de se perpétuer dans les compositions des arts et de l’architecture, après que leur sens primitif, et la raison de leur forme ou de leur emploi avoient disparu. Ce qu’on appelle l’ornement, dans les conceptions de l’art, est devenu, comme on l’a montré à ce mot (voyez ORNEMENT, DÉCORATION), le refuge et le réceptacle d’une multitude de signes, déshérités par l’effet du temps, de la propriété qu’ils eurent autresois d’exprimer des idées, qui ont cessé d’avoir cours dans l’esprit des hommes. Ces signes réduits ainsi à ne pouvoir plus parler qu’aux yeux, sont devenus une sorte d’écriture morte, quant à l’intelligence, mais qui peut encore s’adresser au goût, par l’emploi varié, ingénieux et heureusement combiné que l’architecte en sait faire. Et c’est ce qui est arrivé à la figure du Terme.

Une fois, en effet, qu’il fut rentré’ dans le domaine des signes arbitraires de la langue capricieuse de l’ornement, il fut facile de l’appliquer à de nouveaux emplois dans les édifices. Ainsi le voyons-nous, même dans l’antiquité, servir quelquefois en manière de supports, à remplacer les atlantes et les télamons (voyez ces mots), à suppléer les pilastres, à soutenir des sestons et des draperies sous le nom d’hermes. Voyez ce mot.

Nous trouvons encore chez les Anciens le terme devenir une abréviation de statue dans ces figures, quon nomme aussi hermétiques, parce qu’elles furent d’abord consacrées, et particulièrement sur les routes, aux figures de Mercure. Mais bientôt il y en eut, avec les têtes simples ou accouplées de toutes les sortes de divinités. Le terme ainsi employé reçut quelquefois dans son extrémité inférieure l’addition de deux pieds. Il s’en fit aussi où le buste, c’est-à-dire la partie supérieure du corps, partageoit avec la pierre quadrangulaire, la moitié de la hauteur totale du simulacre. Il paroît qu’à une certaine époque, les figures en terme se multiplièrent, pour l’ornement des bibliothèques, des gymnases et des lieux d’étudé, où ils offroient des portraits de philosophes et d’hommes célèbres. Le grand nombre de ces ouvrages parvenus jusqu’à nous, dépose du grand emploi qu’on fit de la forme du terme sous ce dernier rapport.

C’est donc aussi, comme ornement susceptible de s’appliquer diversement aux œuvres de l’architecture, que le terme est entré dans les usages de la décoration chez les Modernes. A cet égard nous devons dire qu’il n’a guère été mis en œuvre comme partie constituante de l’ordonnance architecturale, que là où il a pu se mêler, comme objet décoratif, aux compositions légères qui peuvent convenir, par exemple, à un intérieur de salle de spectacle, ou à des compartimens arabesques. On ne sauroit nier cependant qu’on ne l’ait appliqué quelquefois aussi, en sorme de pilastre, à soutenir les corniches et frontons de quelques chambranles de fenêtres, ou peut-être même à faire fonction de colonne dans quelques petites parties de corps avancés, comme balcons on galeries. Michel Ange l’avoit appliqué en ma-


nière de pilastre à la décoration du grand mausolée de Jules Il, qui ne reçut pas d’exécution, selon le projet de l’auteur. On en retrouve le souvenir au monument extrêmement réduit qu’il en fit par la suite, et qu’il termina pour l’église de San Pietro in vincoli. Cependant on doit dire que hors quelques rares et légères exceptions, le terme, dans les attributions que l’architecture lui a données, a presque toujours été distinct des atlantes ou caryatides, dont le seul emploi, et la destination particulière, sont de tenir lieu de colonnes.

Le terme, chez les Modernes, a souvent servi, comme chez les Anciens, d’ornement aux intérieurs, employé comme support de têtes ou de bustes, et c est à cette pratique que fut dû très-probablement l’usage de ce que l’on appelle gaine (voyez ce mot), laquelle, dans le fait, ne diffère du terme ou de l’hermes, qu’en ce que la tête qu’on y impose, ne fait pas partie de son support.

La sculpture moderne, en s’emparant de la forme du terme, comme objet de décoration, soit appliqué à l’architecture des portes, soit destiné à figurer dans les embellissemens des jardins, n’a pas laissé que d’enchérir beaucoup sur la composition du terme antique, dans la dimension de la masse, par la diversité de l’ajustement, des sujets et des inventions. On ne fera qu’indiquer ici, tant ces ouvrages son’ connus, et à la vue de tout le monde, dans les célèbres jardins dont ils font l’ornement, ces termes d’une dimension colossale, dont les figures à mi-corps se combinent plus ou moins pittoresquement, avec la forme de gaîne qui les termine par en bas. La sculpture s’est plue à en faire des sujets poétiques et allégoriques. On y voit représentées avec leurs attributs, soit les saisons, soit les heures du jour, soit les quatre parties du monde.

Des termes de ronde bosse peuvent encore quelquefois être employés, et l’ont été avec succès, à former des clôtures, en devenant, dans leur état d’isolement, les points d’appui des grilles ou des barreaux de métal qui s’entremêlent à eux. L’exemple le plus remarquable, qui soit à notre connoissance, d’un semblable emploi des termes, dans l’architecture, se voit en Angleterre, à Oxford. La face principale d’un fort beau bâtiment circulaire, qu’on y appelle, à cause de cette forme, théâtre, lieu de réunion des assemblées de l’Université, est précédée d’une cour demi-circulaire, dont l’enceinte se trouve circonscrite, selon le même plan, par quatorze grands termes que surmontent des bustes et des têtes de philosophes, d’une proportion colossale. Ces termes ou pierres quadrangulaires sont engagés dans leur partie inférieure, et divisés par un petit mur d’appui, sur lequel sout scellées les grilles qui s’étendent ainsi d’un terme à l’autre.

Quoiqu’on ait fait quelquefois les termes de forme arrondie, et tout en avouant, qu'à l’égard d’un objet qui, né du caprice et de l’imagination, ne sauroit avoir de modèle positif, on ne puisse lui prescrire d’autres règles, que celles de la convenance, de l’usage, et de la tradition de son origine, nous pensons que la forme quadrangulaire est celle qui surtout s’allie le mieux avec l’architecture. Nous ne nous arrêterons donc pas à combattre ici les abus qu’un goût insatiable de nouveautés a multiplies, tant dans l’emploi du terme, que dans les diversités de configuration qu’on a quelquesois fait subir à son type, soit en le convertissant en consoles, soit en le chargeant d’ornemens ou de détails qui en dénaturent le caractère. Si nous ajoutons aux notions de cet article, la nomenclature des diverses désignations qu’en ont données quelques lexiques, c’est moins pour autoriser plusieurs de ces abus, que pour les faire éviter. On applique donc aux termes quelques épithètes qui en indiquent la destination, et l’on dit :

Terme angélique. --C’est une figure d’ange représentée a mi-corps, et dont la partie inférieure se termine en gaîne. On eu voit de semblables à plus d’une église.

Terme double. --C’est un terme composé ou de deux demi-corps ou de deux bustes adossés, qui s’élèvent sur une seule et même gaine, en sorte qu’ils présentent deux faces, et que l’on a faits ainsi pour correspondre à deux points de vue.

Terme en buste. --Terme qui consiste dans sa partie supérieure en une tête seule, soit qu’elle se termine au col, soit qu’on y ait joint l’estomac ou les pectoraux. Il s’en trouva ainsi beaucoup dans l’antiquité et dans les imitations qu’en ont faites les artistes modernes.

Terme en console. --On donne ce nom, dans l’ornement, à un terme dont la gaîne, par le bas, se termine en enroulement, et dont le corps ou la tête font fonction de support. On peut citer comme exemples en ce genre, l’emploi qu’on a fait plus d’une fois de cette manière de terme pour décorer les maîtres-autels de quelques églises, ou les montans des cheminées.

Terme marin. --Nom qu’on donne à un caprice d’ornement, qui a été quelquefois appliqué à des décorations de fontaines, de grottes ou d’édifices hydrauliques. Ce sont des figures à demi-corps de tritons, dont la partie inférieure, au lieu d’être en gaîne, se termine par une double queue de poisson tortillée.

Terme rustique. --Terme dont la gaîne est ou taillée en bossages, ou sculptée en manière de congélations lapidifiques, et le corps est la figure de quelque divinité champêtre.

TERMES MILIAIRES, s. m. pl. On trouve ce nom donné à ce que l’on appelle hermes (voyez ce mot), c’est-à-dire à certaines représentations de Mercure, consistant en une tête de ce dieu, placée


sur une longue pierre, ou carrée ou diminuée par le bas en forme de gaîne.

Ces sortes de termes, chez les Grecs, auroient servi à marquer les stades, ou les distances des chemins. Ainsi Plaute les désigne sous le nom de lares viales. Les routes, comme l’on sait, et la sûreté des grands chemins étoient dans les attributions de Mercure. Il y avoit de ces termes hermétiques à plusieurs têtes, peut-être comme pour correspondre à plus d’un chemin. On voit à Rome, à l’extrémité du pont Fabricius, deux de ces termes qui ont chacun quatre têtes, et qui ont fait prendre à ce pont le nom moderne de Ponte quatro capi.

TERMINÉ. Synonyme d ‘ achevé, fini.

TERMINER, v. act. Ce mot, dans la langue des beaux-arts, s’entend de deux manières, et sous deux sens, dont l’un exprime une idée plus matérielle que l’autre.

L’idée la plus simple du mot terminer, est celle qui s’applique à l’achèvement matériel de tout ouvrage, quel que soit le degré de mérite auquel l’artiste soit parvenu. Dans le sens moral du mot, l’ouvrage est terminé lorsqu’il est arrivé au point qui doit lui servir de terme, et ce terme est cette sorte de complément de toutes les qualités, qui empêche de désirer quelque chose de plus, ou quelque chose de mieux.

Il y a entre les mots terminer, achever, finir, certaines variétés que le goût comprend mieux, que le discours ne peut les rendre. Quant à l’architecture, on se sert peut-être plus volontiers, et plus souvent, du mot terminer, dans son acception simple, pour signifier qu’un édifice a reçu, ou n’a pas reçu, le complément de toutes les parties dont il doit être composé, d’après le projet qui en a été donné, ou d’après les besoins qu’il comporte.

S’il s’agit, dans cet édifice, d’exprimer ce qui se rapporte à l’exécution matérielle de sa matière, et des détails de ses profils et de ses ornemens, on se servira par préférence du mot fini ou du mot achevé. Ainsi l’on dira que l’aile de tel palais n’a point été terminée, qu’il reste à terminer la nef de telle église, ou un de ses bas côtés. Mais on dira que les sculptures de sa frise ou de ses chapiteaux, ont été bien ou mal finies.

Il y a encore, en fait d’architecture, d’édifices, et d’objets de décoration, un emploi très-fréquent du mot terminer : c’est celui par lequel on exprime, de quelle manière la masse en hauteur, d’un ouvrage quelconque, reçoit ce qui en doit être la sommité. On dit alors de cet ouvrage, qu’il se termine par tel ou tel objet, par telle ou telle forme. Une colonnade, un péristyle, se terminent par un fronton. Un obélisque se termine par un pyramidium. Une coupole se termine par une lanterne, qui se termine elle-même par un globe et une croix, etc.

TERRAIN. Voyez TERREIN.

TERRASSE, s. f. On fait signifier à ce mot deux choses, qui se rapprochent entr’elles par une idée commune, mais que séparent deux emplois fort distincts.

Ainsi terrasse, comme l’indique le mot et sa formation, est un ouvrage de terre, soit que la nature, selon les diversités des sites, en ait fourni elle-même à l’architecture ou au jardinage la formation primitive, soit que l’art soit parvenu, par des terres rapportées et accumulées, à en produire la masse et l’élévation (voyez TERRE-PLEIN), et terrasse est le nom qu’on donne à toute couverture d’un bâtiment qui est en plate-forme.

TERRASSE (comme ouvrage ou élévation en terre). L’ouvrage qu’on appelle ainsi, se pratique soit pour l’utilité, soit pour l’agrément. Comme objet utile, c’est particulièrement aux fortifications des places de guerre qu’on l’applique. C’est à de pareils travaux que sont dus ces remparts existans encore dans beaucoup de villes, et qui, devenus inutiles, depuis que le système d’attaque et de défense a changé, ont été convertis en promenades plantées d’arbres. On tiroit ordinairement les terres qui devoient produire ces élévations, des fossés que l’on creusoit en dehors des murailles, et qui étoient ensuite remplis d’eau. Mais ces sortes d’ouvrages ne sont point du ressort de ce Dictionnaire.

La terrasse, à quelqu’usage qu’on l’emploie, entre toutefois dans les attributions de l’art de bâtir, loisqu’il est nécessaire de soutenir par des épaulemens de construction, les amas de terre qu’on élève à quelque hauteur que ce soit.

Nous trouvons que dans l’antiquité on employa ainsi les terrasses à formér de très-vastes monumens. L’usage des tombeaux donna naissance à ces grands ouvrages. On sait assez que dans beaucoup de pays anciens, et surtout en Grèce, ce que nous appelons tombeau, tumulus, ne fut, pendant très-long-temps, qu’une butte naturelle ou une élévation artificielle de terre, qu’on surmontoit de colonnes ou de cippes, et dont on entouroit la base par une construction, Pausanias (l. 2. ch. 29) nous décrit comme formé de cette sorte, le tombeau de Phocas. Lorsque le tumulus avoit peu d’élévation, on conçoit qu il n’eut guère besoin d’aucune autre bâtisse, ni d’ouvrage proprement dit en terrasse. Mais l’histoire ancienne, mais des descriptions, et dis restes encore existans, nous apprennent qu’il y eut d’immense tumuli, amas considérables de terre, qui ne peuvent être expliquées que par l’emploi de ce que nom appelons des terrasses. Tel étoit d’abord (nous dit Hérodote) en Lydie, l’antique monument sépuleral du roi Alyates, père de Crésus. Son soubassement étoit en grosses pierres ; le reste, ajoute l’historien, est un amas de terre. Son circuit par en bus étoit de


cinq cent quatre-vingt-dix-huit toises : les deux petits côtés devoient avoir chacun quatre-vingt-quatorze toises. Aussi l’écrivain grec dit-il, qu’à l’exception des monumens de l’Egypte et de Babylone, c’étoit un ouvrage de beaucoup supérieur à tout ce qu’on admiroit ailleurs.

Cependant il reste à concevoir, comment Hérodote auroit pu vanter à ce point un ouvrage qui, hors son soubassement, partie toujours accessoire et insignifiante d’un monument, n’auroit été qu’une montagne artificielle, si cette élévation n’eût consisté qu’en levées de terre.

Un autre monument antique postérieur, décrit avec plus de détail par Strabon, et dont il subsiste des restes et des traditions, le mausolée d’Auguste à Rome, étoit aussi une énorme levée artificielle de terre, comme le site le démontre, et ayant des plantations d’arbres verts jusqu’à son sommet, qui se terminoit par la statue colossale en bronze de l’empereur. Or, il n’est pas permis de croire que la magnificence du mausolée d’Auguste, qu’on plaça au nombre des merveilles du Monde, se seroit bornée à n’être qu’un monticule de terre rapportée, sur les pentes duquel il y auroit eu des arbres. Aussi, d’après l’indication de Strabon, et celle des vestiges encore existans, n’a-t-on pas hésité de le restituer, il y a déjà long-temps, comme formé de terrasses circulaires solidement construites, en retraite les unes audessus des autres. Dans le sol de ces terrasses étoient plantées des rangées de cyprès, qui, d’étage en étage, arrivoient et conduisoient jusqu’au sommet.

Le tombeau d’Auguste peut dune servir de commentaire à la notion d’Hérodote sur le monument d’Alyates. Au lieu de n’être qu’une simple butte naturelle de terre, ou faite de rapport, elle aura présenté un composé de terrasses circulant par étages solidement construits, et s’élevant à une hauteur, que la dimension de son soubassement permet de porter à quatre ou cinq cents pieds.

Tous les critiques qui ont cherché a donner une explication plausible, de ce que l’on appelle les jardins suspendus de Babylone, sont tombés d’accord, que pour avoir été ainsi appelés, ces jardins avoient été, et n’avoient pu être autre chose que des terrasses ou amas de terre, maintenus par des épaulemens en constructions, mais élevés sur des portiques en arcades qui leur donnoient réellement l’apparence d’être en l’air. Or, on avait à Babylone, pour faire de pareils travaux, l’avantage du mortier de bitume, que l’humidité ne pouvoit pas altérer.

La nature, sans doute, a plus ou moins inspiré l’usage des terrasses pour l’embellissement des habitations et des jardins, surtout dans les pays montagneux. Aussi doit-on distinguer eu ce genre d’ouvrages, ceux dont les inégalités du sol font les frais, de ceux qui sont les produits de l’art.

Partout où l’on construit sur des terrains montueux, la terrasse devient comme une sorte de condition obligée de la disposition de l’architecte, et ai les terrasses simples, ou à plusieurs rampes, ajoutent à l’aspect du bâtiment, on ne sauroit dire aussi de quel agrément elles sont pour les belles vues qu’elles procurent. La terrasse la plus célèbre qu’on puisse citer aux environs de Paris, est celle de Saint-Germain-en-Laye, aussi remarquable par sa longueur et sa situation, que par la grande étendue de pays qui de ce point s’offre à l’œil du spectateur.

La terrasse devient souvent un ornement pour les jardins du genre régulier, car pour les autres, dont le système et le goût repoussent l’emploi des lignes droites, il est sensible qu’une terrasse en construction ne sauroit y trouver place. Il n’est pas à supposer cependant que la construction ou la maçonnerie soit toujours nécessaire à la formation d’une terrasse. Quand la nature fournit elle-même des levées d’une terre forte et compacte, on peut se contenter d’y pratiquer des terrasses en talus et en glacis. Souvent encore on ne revêt de pierres, ou de maçonnerie, qu’un seul côté, et l’autre se taille en pente douce, qu’on peut gazonner pour mieux obvier à l’éboulement des terres.

Les terrasses ont lieu dans les jardins, soit sur des terrains plats, pour procurer des aspects plus variés, soit pour sauver des inégalités. Dans tous les cas on les orne de plants divers d’arbres ou d’arbustes, de vases, de caisses, de pots de fleurs posés sur des dés de pierre. On y élève des statues qui, alignées et symétriquement rangées, forment un coup d’œil riche et théâtral. Il y a peu de jardins qui offrent dans leurs terrasses, dans leur disposition et leur correspondance, un emploi des statues plus noble et mieux approprié au local, que le jardin des Tuileries à Paris.

TERRASSE (comme couverture en plate-forme). Ce mot (comme on l’a vu) signifie dans son acception naturelle et primordiale, nue masse de terre exhaussée, dressée et plane, ordinairement épaulée par des murs, et d’où la vue domine sur les objets environnans. Seroit-ce de quelques-unes de ces propriétés qu’on auroit transporté ce mot en italien comme en français, à cette espèce de couverture des édifices, qui, au lieu de toiture, présente à leur sommet une superficie plane, dressée et supportée par les murs ?

Telle est, au reste, la définition des couvertures en terrasse, ou plate-forme, qui surmontent universellement les édifices dans certains pays, et sont encore plus ou moins usitées dans quelques autres.

Nul doute que les diverses températures et les influences variées des climats n’aient décidé dans chaque pays, du mode de couverture à donner aux bâtimens, et à préférer, selon le plus ou le


moins d’agrémens ou d’inconvéniens, selon aussi une multitude de besoins qui dépendent des causes naturelles, et enfin selon les matériaux et les moyens que rencontre et met en œuvre l’art de bâtir.

Ainsi voyons-nous que de nos jours encore, certains pays, comme ils le firent dès la plus haute antiquité, n’emploient d’autre forme de couverture que celle de la terrasse, au sommet de leurs habitations. La Bible est pleine de citations qui déposent de cet usage chez les Hébreux. Dans le Deutéronome, ch. 22, v. 8, un article recommande expressément d’établir sur la couverture de sa maison, et tout à l’entour, un parapet, de peur de se rendre coupable de la mort de celui qui viendroit à se précipiter en bas, faute de cette précaution. Selon les relations des voyageurs modernes, et d’après les dessins qu’ils nous ont fait voir des maisons actuelles de la Judée, tous les édifices se terminent aujourd’hui par des terrasses. Tel doit avoir été, si l’on en croit les pratiques encore usitées, l’usage universel tout l’Orient.

Ce qu’où sait du climat de l’Egypte, où les pluies sont extrêmement rares, et les neiges inconnues ainsi que les glaces, suffiroit pour nous faire penser qu’on ne dut y connoître que les couvertures enterrasse, si le manque de bois qu’a toujours éprouvé ce pays n’en étoit une preuve nouvelle, et si les restes nombreux de ses édifices, ainsi que le caractère én inemment significatif a cet égard, de son architecture, n’étoit la démonstration irrécusable de l’usage des plates-sormes, au lieu de toitures, dans tous les édifices. Au milieu du nombre infini de restes de l’architecture égyptienne, dans tous les pays où elle s’est propagée, on n’a pas encore découvert la forme d’un fronton, signe caractéristique de la toiture en charpente. Nous avons rendu compte à l’article de cette architecture (voyezEGYPTIENNE (architecture), de la manière uniforme dont étoient couverts tous les édifices, les temples, leurs portiques, les galeries, les intérieurs de tout genre, si toutefois on peut donner le nom d’intérieur, à ce qui ne pouvoit être couvert que par des dalles de pierre, posant d’un mur à un mur, ou d’une colonne à une colonne. N’ayant connu ni l’emploi des longues poutres dans leurs constructions, ni la pratique des voûtes, les Egyptiens furent obligés de multiplier singulièrement les mêmes masses à la suite les unes des autres, et surtout les colonnes, dans leurs grandes salles polystyles, parce qu’ils n’avoient, pour les couvrir en plafond, que des pierres d’une mesure donnée. Voilà pourquoi tout est en terrasse dans leurs monumens. Or, ce que nous remarquons, comme un effet nécessaire de leur système et de leurs moyens de bâtir, Hérodote l’avoit remarqué, et il nous l’a dépeint avec beaucoup de justesse, dans sa description du Labyrinthe, lorsque, se plaçant sur une hauteur, d’où l’on apercevoit à vol d’oiseau, cet ensemble contigu de tant de masses d’édifices, il en compare l’aspect à celui d’une plaine de pierres. On peut bien croire dès-lors, que les habitations particulières de l’Egypte antique De dévoient avoir, comme celles d’aujourd’hui, d’autres couvertures que des terrasses.

L’usage des toitures en charpente fut sans doute très-répandu en Grèce et dans l’Italie, mais il ne dut pas exclure entièrement l’emploi des couvertures en plate-forme. S’il existe peu, ou s’il n’existe plus de restes de terrasses dans les ruines des édifices grecs ou romains, la cause en est sensible, c’est que les faîtes de toutes les bâtisses sont ce qui éprouve en premier les coups de la destruction. Mais une multitude de passages et de documens recueillis chez les écrivains, ne peret pas de mettre en doute que dès la plus haute antiquité il y eut des maisons et des palais couverts en terrasse Par exemple, Homère nous en donne une preuve, dans le récit qu’il fait (Odyssée, l 10, v. 552) de la mort d’Elpenor. Il raconte qu’ayant été dormir sur la tarrasse du palais de Circé, qui manquoit de parapet d’un côté, et étant mal réveillé, au lieu d’aller du côté de l’escalier, il se précipita du haut de la maison en bas. On citeroit d’autres traits chez les écrivains latins, comme témoignage de l’emploi des terrasses, s’il ne suffisoit pas de renvoyer le lecteur à Vitruve, qui (liv. 7, ch. 1) nous apprend de quelle manière les aires devoient être exécutées, lorsqu’elles étoient pratiquées à découvert, sub dio. Ces détails, nous les avons déjà donnés à. l’article AIRE. Voyez ce mot.

L’Italie moderne a dû à la bonne qualité de ses enduits, surtout à Naples, l’usage général des terrasses sur les maisons. Toutes celles de la ville qu’on vient de citer sont ainsi terminées par des terrasses, qui ont un parapet donnant sur la rue. L’emploi universel de la pouzzolane, permet de couvrir ainsi les maisons d’un massif assez épais, et imperméable aux eaux p’uviales. La douceur des hivers garantit encore cette sorte de mortier des atteintes de la glace. Rome moderne use aussi volontiers de terrasses au sommet de beaucoup de palais et de maisons ; toutefois le plus grand nombre se trouve surmonté de mœniana, ou de ce qu’on appelle loggia, petites constructions qui mettent au moins perpendiculairement la. terrasse, à couvert de la chute des eaux.

Plus on remonte vers le Nord, plus les terrasses deviennent rares. Le climat en fait beaucoup moins sentir l’agrément. On y éprouve moins long-temps et moins souvent le besoin d’y jouir de la fraicheur, et des aspects que les lieux élevés procurent ; et des longueur des hivers, la chute des neiges surtout, réclament des toitures solides et plus ou moins aiguës. Aussi remarque-t-on que l’on pourroit, en quelque sorte, calculer les climats d’abord par l’absence ou la multiplicité des toits,


ensuite par la pente plus ou moins rapide qu’on leur donne.

En France on fait peu de terrasses, et indépendamment de beaucoup d’autres raisons, il ne paroit pas qu’on ait jusqu’à présent réussi à faire adopter un enduit ou un mastic durable et imperméable, quoique quelques épreuves récentes aient sait concevoir des espérances à cet égard.

On emploie le plus ordinairement, en France, à la formation des terrasses, deux sortes de procédés : celui des dalles en pierres, et celui des lames de plomb. Les inconvéniens en sont générament sentis, lorsque les plates-formes qu’on pratique ainsi, ont lieu sur des planchers en solives. Nous n’entendons toutefois parler du danger des terrasses, qu’à l’égard de ces sortes de constructions, qui sont celles des habitations et des maisons ordinaires. S’il s’agit, en effet, d’édifices qui demandent ou admettent des terrasses sur des voûtes en pierre ou en maçonnerie solide, il est alors possible d’en couvrir les plates-formes, par des pierres d’une épaisseur et d’un volume qui assurent leur solidité, et les rendent moins perméables à l’humidité.

Mais le premier procédé de faire les terrasses dans les bâtisses ordinaires sur solives, n’emploie pas des pierres aussi étendues et d’une semblable épaisseur. C’est, au contraire, de simples dalles que l’on use, et ces sortes de dalles se réduisent ordinairement à l’épaisseur des carreaux. On évite aussi de leur donner trop de longueur, dans la crainte qu’elles ne se sendent ; et de là, le besoin, en les multipliant, de multiplier aussi leurs joints. Or, ce sont ces joints multipliés qui, nécessitant l’emploi du mortier qui doit les unir, occasionnent, selon la nature de ce mortier, de fréquentes désunions, par où s’opèrent des filtrations d’eau. Les inégalités de tassement dans les bâtisses, le travail des bois de charpente, tendent aussi à déranger le niveau des dalles. Ajoutons que le peu d’épaisseur de ces dalles destinées à recevoir les eaux pluviales, à éprouver l’action des neiges qui y séjournent, des gelées et surtout des dégels, fait qu’elles sont facilement pénétrées par l’humidité, et en transmettent le principe dissolvant au massif qu’elles recouvrent.

On peut saire une partie de ces reproches aux couvertures de terrasse en plomb. Ce métal ductile et facile à travailler et a étendre, a l’inconvénient d’être poreux, et de transmettre l’humidité plus encore que la pierre. Il y faut aussi pratiquer des soudures, qui produisent le même inconvénient que celui des joints aux dalles de recouvrement. D’autres métaux encore remplacent le plomb, mais rien ne peut empêcher que l’humidité qu’ils transmettent, ne pourrisse les bois des solives sur lesquelles s’établissent de semblables terrasses.

TERASSE (contre-). On appelle ainsi une terrasse élevée nu-dessus d’une autre, pour quelque raccordement de terrain, ou élévation de parterre.

TERRASSE (en sculpture). On donne ce nom dans les ouvrages de sculpture, à cette partie de la plinthe d’une statue, où pose la figure. Il y a effectivement des cas assez nombreux où l’artiste ménage une certaine épaisseur de matière sur sa plinthe pour former comme une sorte de terrain factice qui devient quelquefois nécessaire, par exemple, pour motiver l’introduction de ces troncs d’arbre qui servent d’accompagnement et de tenon, surtout aux figures en marbre.

TERRASSE (en marbre). Ainsi appelle-t-on, dans le langage de la marbrerie, un tendre, c’est-à-dire un défaut du marbre, qu’on nomme bouzin dans les pierres. On remédie autant qu’on le peut à ce défaut, avec de petits éclats et de la poudre du même marbre, qu’on mêle avec un mastic de la même couleur.

TERRASSIER, s. m. Ce nom Désigne Soit l’ouvrier entrepreneur des travaux D’une terrasse, Soit Les Ouvriers Que l’entrepreneur Emploie aux mouvemens de terre, et Qui travaillent sous Lui, ous à La Tâche, ous à la journée.

TERRE, s. f. La matière à laquelle on donne ce nom, si on la considère, ou si on l’emploie dans son état naturel ou primitif, ne sauroit donner lieu, ni à beaucoup de notions, ni à un grand nombre d’usages applicables à la construction. Ce n’est pas que la terre ne comporte d’innombrables diversités de qualités, dont l’analyse et la connoissance importent beaucoup aux arts du besoin, en tête desquels se place l’agriculture. Mais si l’architecture doit avoir quelques lumières sur ces variétés, ce ne sera guère que sous les rapports que les qualités des terrains, où il élevera ses bâtimens, pourront avoir, soit avec les fondations qu’il leur confiera, soit avec les matériaux qui en recevront l’influence.

Ce que la terre a de plus directement applicable à l’art de bâtir, se rapporte à l’emploi qu’on en fait, comme matière propre à former des murs. Le plus simple et le plus grossier de ces emplois, consiste à faire d’une terre grasse délayée, et mêlée quelquefois d’autres substances qui y forment liaison, tantôt des murs de séparation entre les champs et les jardins, tantôt même des caban ou des chaumières pour les villageois, qui n’ont pas d’autres moyens de se construire des habitations. Ce moyen inspiré par la simple nature, et dont on use encore en plus d’un pays, a pendant reçu, et, à ce qu’il paroît, fort anciennement, un certain perfectionnement, qui en fait un procédé régulier, dont nous avons rendu compte en son lieu, sous le nom de PISÉ qu’on lui donne (voyez ce mot), et qui permet de donner à


cette sorte de bâtisse une solidité, une propreté extérieure, et une régularité qui le rendent applicable à beaucoup de petits corps de bâtimens, dans les grands établissemens ruraux.

Mais la terre ou l’argile a été dès les plus anciens temps mise en œuvre, pour former des briques dont on a composé les plus grands et les plus durables ouvrages. A l’article BRIQUE (voyez ce mot), nous avons donné de nombreux détails sur ce genre de matériaux, et sur ses variétés, particulièrement sur l’emploi que l’Egypte fit des briques crues, c’est-à-dire en terre simplement séchée au soleil. Les voyageurs qui ont poussé les recherches dans ces contrées et à plusieurs centaines de lieues au-delà des cataractes du Nil, ont rencontré partout des restes de constructions antiques en briques crues, et les habitans de ces pays n’usent guère aujourd’hui encore d’antres sortes de matériaux, dans les bâtimens qu’ils construisent. Il est vrai qu’ils ne peuvent convenir que sous des climats où il pleut rarement, et où l’on ignore ces vicissitudes de température, qui dans les hivers du Nord sont succéder aux pluies et aux causes d’humidité, l’action de la gelée et du dégel, action à laquelle ne résisteroient point des matériaux en terre crue.

Il reste à faire connoître quelques-unes des désignations qu’on donne à la terre, sous le petit nombre de rapports qu’a cette matière, soit avec l’art de bâtir, soit avec celui du jardinage, qui est une des attributions de l’architecture. On dit :

Terre argileuse. --Terre dont on se sert pour faire des briques et autres ouvrages.

Terre franche. --Espèce de terre grasse, sans gravier, dont on fait du mortier et de la bauge en quelques endroits.

Terre glaise. --Terre argileuse dont on use pour former les fonds des bassins.

Terre maigre. --C’est une terre sablonneuse qu’on mêle quelquefois avec de la terre trop grasse.

Terre massive. --Nom général qu’on donne à toute terre que, dans le langage du bâtiment, l’on considère, comme étant entièrement solide, sans aucun vide, et toisée cabiquement, ou réduite à la toise cube, pour l’estimation de sa fouille.

Terre naturelle. --On appelle ainsi une terre, qui n’a encore été ni éventée, ni fouillée. On la nomme aussi quelquefois terre neuve.

Terre rapportée. --Terre qui a été transportée d’un lieu à un autre, soit pour combler des fossés ou des bas-fonds, soit pour élever des terrasses.

TERREAU, s. m. (Jardinage.) On appelle ainsi, dans le jardinage, une sorte de terre noire, résidu du fumier pourri et macéré, dont on forme ce qu’on appelle les couches dans les jardins potagers. On le modifie diversement par des mélanges, selon les plantes on les arbustes qu’on veut faire venir et cultiver.

Le terreau est encore employé dans les parterres, et leurs plates-bandes, comme moyen propre à détacher l’effet de la verdure des plantes qui servent à faire desbordures. Plus volontiers cependant on use, pour procurer cet effet, de mâchefer, ou de petits cailloux de couleur concassés, parce que les herbes parasites n’y croissent pas aussi facilement.

TERRE CUITE. Nous avons parlé assez au long de l’emploi que l’architecture grecque a fait de la terre argileuse cuite, comme moyen de construction. (Voyez BRIQUE.) Ce qu’on a dit de la durée et de la solidité de cette matière appliquée à la bâtisse, on peut le dire aussi de ses applications à l’ornement et aux décorations diverses des édifices. Le très-grand nombre de fragmens et d’ouvrages de terrecuite parvenus jusqu’à nous, prouve, que si cette matière le cède à toutes les autres, par la valeur, l’éclat et la beauté, elle a sur elles, outre l’avantage de l’économie, celui de ne point tenter la cupidité, et nous ajouterons qu’elle est peut-être douée de plus de résistance, contre les causes ordinaires de destruction.

Nous sortirions par trop des limites de ce qui fait la matière de ce Dictionnaire, si nous voulions seulement énumérer tous les emplois de la terre cuite dans l’antiquité. La plastique, qui fut une des quatre parties de l’art de sculpter en Grèce, et qui eut de si nombreuses attributions, peut se considérer et se définir en grande partie comme ayant été l’art de travailler en terre cuite. Les seuls rapports sous lesquels il nous est donné d’en considérer ici les produits, sont ceux qui embrassent les ouvrages soit bas-reliefs, soit statues, dont l’architecture, dès les temps les plus anciens, décora les édifices, et surtout les temples.

Nous ne pouvons guère douter que la terre cuite en statues, n’ait été employée à décorer les frontispices des temples, alors que leur construction consistoit particulièrement dans le bois. Ainsi le temple Etrusque, tel que Vitruve nous l’a décrit, et tel qu’il se pratiquoit encore de son temps à Rome, ne devoit recevoir dans ses frontons et sur ses acrotères, que des statues de terre cuite, pour ne pas trop charger les solives qui formoient son entablement. Or, on sait que la légèreté est le propre des ouvrages de ce genre en terre cuite, parce que la condition de la terre, pour être cuite dans de grands volumes, est d’être creuse.

Si la pratique de la terre cuite, par plus d’une autre raison, dut être une des premières et des plus anciennes dans la formation des simulacres divins, elle ne cessa point d’avoir lieu pendant les temps postérieurs de l’art perfectionné. Autrefois, comme aujourd’hui, il y avoit toutes sortes de degrés dans la grandeur et le luxe des édifices sacrés. L’or et l’ivoire, les métaux et les marbres, pourvoient briller au milieu des principaux temples, dans le


même temps et dans la même ville, où de plus petits temples, moins richement dotés, se contentoient d’une idole de bois ou d’un dieu d’argile.

Pausanias fait mention de statues en terre cuite, qu’on voyoit encore de son temps dans plus d’un temple de la Grèce, et il ne les donne pas pour être des ouvrages d’art antiques, ainsi qu’il le fait remarquer à l’égard de plus d’un simulacre en bois. D’une part, on peut croire que la dévotion aura perpétué d’anciennes effigies dans cette matière, et l’on peut supposer d’autre part, que beaucoup d’entr’elles auront fait place par la suite à de plus riches ouvrages. Voilà sans doute la raison pour laquelle les statues antiques en terre cuite sont aujourd’hui assez rares. A peine, je pense, pour-roit-on en citer une qui ait été trouvée dans les ruines de Rome. Mais il s’en est conservé sous les cendres qui ont enseveli Pompeia. On les voit au Muséum de Naples, et leur style n’annonce point un art fort ancien.

Si le temps nous a transmis fort peu de statues antiques de terre cuite, il n’en est pas ainsi des bas-reliefs en cette matière. Le très-grand nombre qui en existe, et dont presque toutes les collections d’antiquité se sont plus ou moins enrichies, nous apprend que l’architecture les employa volontiers, comme ornemens des édifices. La beauté de la sculpture dans plusieurs de ces ouvrages, l’élégance de leurs formes, la perfection du dessin de leurs figures, tout concourt à certifier, que les monumens où ces terres cuites surent appliquées, appartinrent aux âges de l’art le plus développé.

Ce fut ordinairement dans les frises des temples qu’on les employa. L’art du moulage qui fut, chez les Anciens, une partie nécessaire de la plastique, fournit le moyen le plus économique de multiplier cette sorte d’ouvrages. Il y a en ce genre des choses tellement probables, qu’elles pourroient dispenser de les prouver. Mais les répétitions nombreuses et les plus identiques des mêmes figures, des mêmes compositions en terre cuite, qu’ou voit dans les recueils de ce genre, démontrent que tous ces exemplaires sortirent d’un même moule, fait également en terre cuite, ainsi qu’on en trouve la preuve, pl. 33 du Recueil d’ouvrages en terre cuite, par M. d’Agincourt. Beaucoup de ces bas-reliefs ont leur sond percé d’un trou assez grand, pour qu’on puisse y passer une corde, ce qui a fait conjecturer, par un critique, assez mal-à-propos, selon nous, qu’on les suspendoit dans les ateliers pour servir de modèles. Il se présente une supposition beaucoup plus naturelle, et que confirment évidemment les deux bas-reliefs d’une même frise, gravés pl. 7 du Recueil qu’on vient de citer. Sur chacun on voit la marque de quatre trous, qui répartis inégalement sur le champ ou le fond des figures, n’ont certainement point dû servir à l’usage indiqué. Il paroit indubitable que ces trous ont dû être pratiqués, dans l’intention de recevoir ; des crampons, ou ligettes de métal, qui traversant l’épaisseur de la terre cuite, étoient scellées dans le massif de la construction, et dont l’ouverture disparoissoit ensuit par l’introduction de quelque stac ou mortier.

Nous renvoyons au Recueil dont nous avons donné le litre plus haut, le lecteur qui voudroit connoître à combien de genres d’ornemens d’architecture la terre cuite fut employée. Mais pour se faire une plus juste idée de la variété, de l’élégance et du bon goût d’un grand nombre des sujets que la plastique fut multiplier en ce genre, nous recommanderons surtout la belle collection de M. Towneley qui, après la mort de ce célèbre amateur, a passé duns celle du British Muséum, qui a été publiée sous le titre de A Description of the collection of antient terracottas. On y remarque un bon nombre de composition qui se trouvent aussi dans des bas-reliefs en marbre ; en sone qu’on ne sauroit dire si les marbres ont été copiés d’après les terres cuites, ou si ces dernières surent des répétitions de marbres renommés.

Les terres cuites, qui entrèrent, sous de trèsnombreux rapports, dans les ornemens de tout genre des édifices antiques, reçurent très-fréquemment des couleurs : ce qui n’étonnera point ceux qui savent, combien fut usuelle et générale la pratique de peindre jusqu’à l’extérieur des monumens sacrés et profanes. La sui e des bas-reliefs Volsques en terre cuite trouvés à Velletri, nous fait voir ces bas-reliefs revêtus de différentes teintes, qui leur donnoient jusqu’à un certain point l’apparence de tableaux. Mais les enduits de couleur pouvoient avoir encore pour objet, d’en rendre par une teinte égale, la matière plus uniforme à l’œil, et aussi de les garantir contre les intempéries des saisons.

L’usage des ornemens de terre cuite dans l’architecture s’est conservé par tradition en Italie. Les villes de Milan, de Pise, de Sienne, de Florence, de Venise, de Rome, de Naples et. de ses environs, fournissent mille exemples de cet emploi depuis la renaissance des arts.

Il saut mettre, en effet, au nombre des ouvrages en terre cuite, qui firent au seizième siècle un des principaux agrémens des palais et des habitations particulières, ces ouvrages en compartimens de tout genre, dont le sond, de matière argileuse durcie au seu, étoit recouvert d’an émail de. faïence diversement coloriée. Ce procédé devenu si habituel dans les travaux de la poterie domestique, fut à cette époque employé avec autant de goût que de succès, dans la décoration soit extérieure, soit intérieure, Egalement propre à remplacer avec une extrême solidité, sans aucune épaisseur, les teintes variées de la peinture d’ornement, et les formes en relief plus ou moins saillantes de la sculpture, il eut encore l’avantage de multiplier à l’infini ses produits. Il n’y eut rien dans le domaine de la décoration qu’il ne s’appro-


pria. Les rinceaux, les fruits, les fleurs, les guirlandes, les festons, tous ces caprices d’imitation de têtes d’animaux symboliques, de parties détachées ou tronquées du règne animal ou végétal, furent reproduits avec des couleurs variées et formèrent des compartimens qui rivalisèrent avec les inventions peintes de l’arabesque.

Cet art sortit aussi alors de l’Italie, et les artistes de ce pays en propagèrent le goût en France. D’anciens châteaux en ont conservé quelques traces. Il n’y a guère plus de trente ans que le génie de la destruction se fit un jeu de faire écrouler la masse entière, précédemment minée, du célèbre château qu’avoit bâti François Ier. dans le bois de Boulcgne près de Paris, et qu’il avoit appelé Meudon, en mémoire de sa captivité dans la capitale de l’Espagne. Tous les ornemens intérieurs et extérieurs de ce château, brilloient encore de l’éclat des couleurs, et des bas-reliefs émaillés dont la terre cuitefaisoit le fond.

Nous avons vu que l’économie est un des avantages du procédé qui, offrant un moule une fois fait pour les ornemens courans surtout, met à même d’en faire à l’infini la répétition exacte, par les empreintes que l’argile humectée permet d’en tirer. Or, on sait qu’il est dans la nature et dans l’esprit de la décoration architecturale et de l’arabesque, de reproduire soit comme continus, soit comme se faisant pendant, les mêmes objets et les mêmes détails de figures symétriques. Mais c’est encore plus particulièrement aux bâtimens construits en matériaux économiques, aux maisons ordinaires de ville et de campagne, où l’on cherche l’agrément sans grande dépense, que nous sembleroit devoir convenir le procédé des ornements en terre cuite, produits par le moulage. Le plâtre, comme on le sait, est, à Paris surtout, la matière à peu près unique, dont on use, pour produire avec économie soit les ornemens, soit les bas-reliefs dont on veut décorer l’extérieur des habitations. Mais on sait aussi qu’il n’y a rien de moins durable. Pourquoi ne chercheroit-on pas à accréditer pour ces sortes d’emplois, la terre cuite, susceptible de la même économie, par le moyen du moulage, et susceptible encore de recevoir et de garder toutes les couleurs, qui peuvent la mettre d’accord avec celles des matériaux qui la recevroient ?

TERREIN, s. m. Ce mot n’est pas un pur synonyme du mot terre. Il exprime dans l’art de bâtir, ou t’espace du sol sur lequel on élève un bâtiment, ou la nature même de ce sol, considéré non-seulement à sa superficie, mais encore dans ses profondeurs.

Rien de plus important que de bien connoître le terrein sur lequel on se propose de bâtir, c’est-à-dire de le connoître à fond. Or, le fond d’un terrein est très-variable. La terre se compose de couches d’une nature si différente, qu’il est rarement donné de prévoir ce que sera définitivement le sol sur lequel il faudra fonder. Les terreins offrent des fonds de différente densité ou consistance, comme de roche, de tuf, de gravier, de sable, de glaise, de vase, etc. C’est à toutes ces variétés que le constructeur doit avoir égard.

Terrein ne signifie quelquefois rien autre chose qu’espace, ainsi qu’on l’a dit ; c’est ce qu’on exprime en disant terrein vague, terrein enclos. Les Anciens ménageoient souvent dans le voisinage de leurs temples, des terreins consacrés, sur lesquels il étoit défendu de bâtir. --On dit :

Terrein de niveau. --C’est une étendue de terre dressée et sans aucune pente.

Terrein par chutes. --Terrein dont la continuité est interrompue, mais qui se raccorde avec un autre terrein, par des perrons, ou par des glacis.

TERRE-PLEIN, s. m. Nom général Qu’on Donne à tout amas de terre rapportée Entre des murs, Soit faire verser des terrasses, Soit pour servir à de chemins Ou de communications d’Un Lieu à Autre non, Ou de boulevards Dans les villes de guerre.

TÊTE, s. f. En traitant des notions que comporte, dans ses rapports avec la sculpture et avec l’architecture, le mot qui fait le sujet de cet article, nous ne répéterons rien de ce que nous avons développé, et peut-être un peu trop, hors des limites de la matière qui est celle de ce Dictionnaire, au mot BUSTE. Voyez ce mot.

Quoique la tête de l’homme, dans l’imitation séparée qu’eu fait la sculpture, soit la partie, sans doute, la plus importante du buste, cependant sous ce nom, comme son véritable sens l’indique en français, ainsi que dans l’italien busto, il faut comprendre la tête humaine accompagnée d’une portion plus ou moins étendue du corps, comme les épaules, la poitrine, et quelquefois plus encore.

Ici nous considérerons uniquement les divers emplois que l’architecture, dans ses ornemens, sait de la tête seule, non-seulement de l’homme, mais des animaux.

Un des plus anciens emplois de la tête ainsi envisagée, nous paroît être celui qu’en fit l’architecture égyptienne dans un de ses chapiteaux, qui a ses quatre faces ornées d’une tête qu’on croit être celle d’Isis, avec des oreilles de vache et la coiffure ordinaire des statues féminines. Ces quatre têtes sont adossées entr’elles, de façon que chacune se borne à n’être que ce qu’on appelle le masque ou le visage, sculpté plutôt de bas-relief, qu’en bosse. Ce chapiteau à têtes d’Isis est fréquemment employé en Egypte, et on le trouve avec plus d’une variation.

Une tête seule et sans buste, fut très-souvent appliquée par l’architecture grecque, comme ornement symbolique, particulièrement aux clefs des arcades. Nous voyons ainsi à l’amphithéâtre de


Capoue, chaque pierre formant la clef de chaque arcade des portiques extérieurs de ce monument, ornée d’une tête de divinité en relief très-exhaussé. Nous avons déjà fait remarquer à l’arc de triomphe d’Auguste, dans la ville de Rimini, des tétes d’un très-haut relief, sculptées sur des espèces de patères ou de boucliers circulaires, et qui sont, comme l’indiquent leurs attributs, celles de Jupiter, do Vénus, de Neptune et de Pallas.

L’espace qu’on appelle métope, ou l’intervalle qui sépare les triglyphes dans la frise dorique, fut souvent orné de ces parties circulaires qu’on prend pour des patères ou pour des boucliers, et sur lesquelles on sculpta volontiers des têtes de Méduse ou d’autres personnages mythologiques. Il existe encore dans les recueils d’antiques, de ces parties de plafond, qui doivent avoir été comme des caissons circulaires en marbre, dont le milieu, eu place de fleuron ou de rosace, est occupé par une tête d’une sculpture fort saillante.

Rien de plus commun dans tous les monumens d’architecture ou de décoration, que l’emploi de ces têtes qu’on désigne par les noms de masques ou de mascarons. (Voyez ces mots.) Le culte de Bacchus et les mystères dionysiaques ayant été répandus chez tous les peuples antiques, l’art des Grecs s’empara de la plupart des symboles, que les fêtes et les cérémonies avoient propagés. Bientôt encore le théâtre multiplia, par l’emploi qu’on y faisoit du masque, les représentations de toutes les sortes d’expressions dont les rôles des acteurs avoient besoin. La fabrication des masques devint une sorte d’école de l’art d’exprimer par les traits du visage, toutes les passions, toutes les affections de l’ame ; la sculpture ne pouvoit guère manquer de puiser pour l’ornement, dans cette source abondante de motifs et de sujets, qui d’abord eurent une relation spéciale avec les monu¬mens, et qui finirent par n’être plus pour les yeux, que des signes tout-à-fait arbitraires d’idées sans déterminations. De là, sous le nom de masque ou de mascaron, ces représentations de têtes capricieuses soit isolées, soit rangées sur une ligne, et supportant des festons continus.

Les Modernes ont bérité dans leurs pratiques ou leurs routines décoratives, de l’usage antique d’orner avec des têtes, les clefs des arcades de leurs portiques. Aucune idée religieuse ou politique ne s’étant mêlée chez eux à cet usage, on chercheroit souvent en vain dans ces têtes, un motif en rapport avec l’édifice auquel on les applique. Lorsque ce ne sont point des objets banaux et sans aucune signification, ce qui est arrivé trop souvent, la sculpture se donne pour sujet arbitraire de représenter sous des traits, divers, ou les saisons, on les figures capricieuses des faunes, des satyres, des déités agrestes de la Fable, ou tout simplement des tétes d’âges différens et de caractères variés, où l’on se plaît à rendre sensibles, comme dans les masques antiques, l’expression capricieuse ou contrastée de toutes les sortes de physionomie.

La religion chrétienne admet sans doute et applique à l’ornement de ses temples, surtout en médaillons, les bustes des apôtres et des saints. Mais comme ornement de pratique et d’usage, on n’y emploie guère d’autres têtes sans buste, que celles des anges, ou de ce qu’on appelle des petits chérubins ailés. On les trouvera souvent employées ainsi au-dessus des cintres de quelques portes des sacristies, au-dessus des bénitiers, ou dans certaines décorations de gloires rayonnantes.

Un grand nombre de têtes d’animaux furent aussi, dans l’antiquité, la matière d’ornemens propres à beaucoup de parties de l’architecture. Qui ne sait ensuite combien fut général l’emploi qu’on en fit dans tous les objets de luxe, tels que meubles, vases, trépieds, candélabres, ustensiles de tout genre, qui naturellement s’approprient tous les détails de la décoration architecturale ? Ainsi la pierre qui fait la clef de l’arcade du monument triomphal de Rimini, est décorée d’une tête de taureau. Un semblable symbole se voit dans la frise du tombeau qu’on appelle près de Rome la tour de Métella, et à laquelle on a donné plus vulgairement, à raison de cette sculpture, le nom de Capo di bove. On ne sauroit compter les diverses sortes d’ouvrages et de parties d’édifices, où la sculpture employa la tête de lion. Elle figure sur presque toutes les urnes à l’usage des bains et des fontaines. Tantôt elle semble servir d’attache aux anneaux simulés en marbre, à l’imitation des anneaux mobiles qui dans la réalité s’adaptoient aux baignoires de métal : tantôt elle est avec plus ou moins de réalité, l’orifice véritable ou fictif destiné à l’écoulement des eaux. La tête du bélier se trouve sculptée aux angles d’une infinité d’autels, de trépieds et de cippes de toute espèce, etc.

L’usage des sacrifices dans le paganisme, devint encore pour l’imitation des objets qui sont la matière de cet article, une source très-féconde d’ornemens. Nous ne pouvons nous refuser à croire que d’abord on conserva comme indication ou commémoration de l’immolation des victimes, les têtes des animaux sacrifiés, qu’on attacha probablement, ou aux murs des temples, ou aux montans des autels. Ces têtes finirent par se décharner, et leurs squelettes, doués de la l’acuité de su perpétuer, fournirent à la sculpture de si nombreux exemples de cet usage, que l’artiste ayant à caractériser par un symbole intelligible à tous, le lieu des sacrifices, l’autel où on les avoit consommés, fut induit très-naturellement à reproduire l’image de ces têtes décharnées qu’on appela bucrania (voyez BUCRANE), et on les représenta ornées encore des bandelettes-sacrées, des


festons et des guirlandes dont les victimes avoient été parées.

Si cette pratique de la sculpture d’ornement trouva dans les usages religieux de l’antiquité, une origine et une raison plausibles, il a été remarqué déjà, que rien, chez les Modernes, ne put autoriser l’architecture à employer indistinctement cette espèce d’ornement, qui n’étant plus en rapport avec aucune de nos pratiques, a de plus l’inconvénient d’offrir la vue d’un objet on ne peut pas moins agréable. On ne sauroit donc approuver l’emploi que l’architecte Debrosses en a fait dans quelques métopes de sa frise dorique, au palais au Luxembourg.

Si nous faisons ici mention de quelques pratiques de ce genre, dans un ordre d’idées assez analogues, quoique moins importantes, c’est uniquement pour faire voir, comment a dû naître dans l’antiquité, l’usage si multiplié des représentations dont nous avons fait la courte énumération.

Ainsi on connoît certains usages modernes qui consistent également à attacher comme trophées, des têtes d’animaux tués à la chasse, aux portes des habitations du chasseur. De là on a vu dans plusieurs châteaux l’architecture faire des têtes imitées de différons animaux, une sorte d’enseigne ou d’inscription figurée de la destination de certains lieux. Des têtes de chien ont été placées sur la façade du bâtiment qu’on appelle le Chenil. Sur les portes d’un pare on a figuré des têtes de cerf ou de sanglier ; des têtes de cheval ont décoré, comme à Chantilly, le bâtiment des écuries. On a vu des têtes do bœufs et de moutons désigner une boucherie.

On donne le nom de tête a différens ouvrages de construction. L’on dit :

TÊTE DE CANAL. On appelle ainsi, dans nu jardin, l’entrée d’un canal, et ta partie la plus proche du jardin, où les eaux viennent se rendre après le jeu des fontaines. On donne aussi ce nom à un bâtiment rustique, en manière de grotte, avec fontaines et cascades au bout d’une longue pièce, d’eau.

TÊTE DE CHEVALEMENT. Pièce de bois qui porte deux étaies, pour soutenir quelque pan de mur, ou quelqu’encoignure, pendant qu’on fait une reprise sous œuvre.

TÊTE DE MUR. C’est ce qui poroît de l’épaisseur d’un mur, dans une ouverture, et qui est ordinairement revêtu d’une chaîne de pierre, ou d’une jambe étrière.

TÊTE DE VOUSSOIR. C’est la partie soit de devant, soit de derrière d’un voussoir d’arc.

TÊTE PERDUE. On appelle ainsi toutes les têtes des boulons, vis et clous, qui n’excèdent point le parement de ce qu’ils attachent ou retiennent, et qui même y entrent jusqu’à s’y trouver renfoncés.

Tétrastyle. Sur distinguoit sous majoré D’UN rapport, et l’sur classoit diversement Dans Le Système architectonique, les temples, SELON LES différences d’ordre according to their ensemble de la conformation et la répartition des Colonnes Extérieures, according le PLUS OU Le Moins d ‘ espace de Leurs entre-colonnemens, according Le Nombre des Colonnes affectées à Leurs frontispices. Sous CE Dernier Point de Vue, le temple tétrastyle étoit, Comme L’Indique la formation du mot, Celui Qui n’avoit Que Quatre Colonnes de l’avant. Tel est, par exemple, Celui Qu’on Appelle Aujourd’hui, à Rome, de la Fortune virile.

THALAMUS, du mot grecθαλαμος, Éclairé, chambre. Un coucher. SELON Vitruve, le thalamus étoit Placé Dans la maison grecque, AINSI Que l ‘ antithalamus, each D’UN Côte de l’œcus ous salon, Dans Lequel se tenoit la maîtresse de la maison. Le thalamus étoit sa chambre à coucher ; l ‘ antithalamus etoit Celle de Ses esclaves.

THÉATRE, s. m. En latin theatrum, du grec θιατρον formé du verbe θεαομαι, qui veut dire regarder, contempler. Théâtre, détini d’aprés son étymologie, signifie donc un lieu pour voir et regarder. Tel fut, en effet, le but ou l’objet principal des premiers locaux, où les hommes se réunirent pour jouir du plaisir naturel et, si l’on peut dire, instinctif de se voir et de se considérer dans les imitations de l’art. Les récits des voyageurs nous représentent ainsi les peuplades des sauvages, se groupant ou s’assemblant en cercle, autour d’histrions ou de saltimbanques, qui mêlent à des danses grossières, quelques espèces d’actions, dout les sujets sont tirés des habitudes de leurs mœurs, ou des traditions de leurs aventures guerrières. La est l’élément primitif des compositions de l’art dramatique, et aussi de l’art qui devoit, en suivant les progrès de la civilisation, préparer et perfectionner pour le spectacle scénique et pour ses spectateurs, l’édifice qu’où appelle théâtre.

DU THÉATRE CHEZ LES ANCIENE

Plus d’un degré marqua en Grèce les progrès de cet art. Il paroît que les fêtes de Bacchus et de Cèrès, qui de très-bonne heure consacrèrent l’époque de la moisson et des vendanges, devinrent dès lors le sujet et l’occasion de réunions, où les chants et les danses se mêlèrent aux cérémonies religieuses, et firent chercher des emplacemens favorables, au besoin de voir et d’entendre. Le creux d’un vallon, quelque partie circulaire de


montagne donnée par la nature, prêtèrent à ces premiers spectacles un local agreste et sans art. Lorsque quelque chose de semblable à la représentation d’une action entre des personnages s’y fut introduit, une sorte de cabane de branches d’arbres représenta la scène. Peu à peu on façonna le terrain montant sur lequel se tenoient les spectateurs, de manière à inspirer l’idée des gradins ou degrés des théâtres postérieurement construits.

Cet état de choses dut se perpétuer avec peu d’amélioration, tant que la population resta divisés dans les bourgs, avant la formation des villes. Lorsque, dans celles-ci, on eut à célébrer de pareilles fêtes, on fut obligé d’élever quelques échafaudages temporaires, que le retour périodique des, cérémonies tendit à rendre de plus en plus fixes et solides. L’on comprend que plus l’art dramatique, s’étendant et se perfectionnant, attiroit de spectateurs, plus, de son côté, la construction fut obligée d’agrandir et d’améliorer le local destiné à la multitude.

La nature seule des choses nous apprendroit qu’eu suivant le cours des âges, et l’extension donnée aux jeux scéniques, par le culte et par la politique, on dut faire en charpente des théâtres réguliers, si nous ne savions par l’histoire, comme on le verra bientôt, qu’il en arriva réellement ainsi. Disons d’avance que du temps du poëte dramatique Pratinas, qui vécut dans la soixante et dixième olympiade, il n’y avoit encore à Athènes qu’un théâtre en bois. Pendant la représentation des pièces de Pratinas, les sièges s’écroulèrent. Cet accident fut cause que du temps de Thémistocle, on construisit en pierre, le théâtre connu soua le nom de Bacchus.

Mais ce théâtre fut creusé dans le flanc de la montagne de l’Acropole, qui regarde le mont Hymmette. Là, comme on le voit, se seront réunis les élémens de la formation des théâtres primitifs, c’est-à-dire (ce qu’une multitude d’autres théâtres nous démontre) l’emplacement ou l’adossement à une montague ou à un rocher, et la disposition déjà élaborée dans la construction en bois.

On ne prétend point attribuer ici, par-là, au théâtre en pierre d’Athènes, une priorité sur tous ceux qui furent construits de même, soit dans l’Asie mineure, soit dans les autres parties de la Grèce. Une histoire positive et chronologique de ces monumens, ne pourroit reposer que sur des daies données soit par les écrivains, soit par les édifices Les unes et les autres nous manquent. Nous n’entendons établir dans cet article, que des notions. générales sur l’origine et les progrès de cette partie si intéressante de l’architecture grecque, en renvoyant d’ailleurs, pour toutes les notions parliculières et les détails techniques du sujet, aux nombreux articles de ce Dictionnaire qui en traitent.

Quoiqu’on n’eu ait aucune preuve, il nous paroît toutefois probable, que les Athéniens, auxquels est due très-certainement l’invention du drame, ou de l’action scénique régulière, auront été aussi Tes premiers à réduire le lieu de sa représentation à des formes, des distribuions et des proportions déterminées par le besoin et le plaisir. Un édifice tel que le théâtre en marbre de Bacchus, n’aura pu être conçu, projeté, exécuté que sur des données antérieures, déjà consacrées par l’usage et dictées par une longue expérience. Hesychius nous apprend que pendant long-temps on faisoit des gradins en planches pour les spectateurs. Tabulata ligna in quibus spectabant Athenis, priusquàm Dyonisii theatrum extructum esset. Ce fut donc dans ces constructions temporaires que l’art et la science de bâtir les théâtres s’essaya long-temps, et parvint à fixer l’ensemble et les rapports nécessaires des deux parties dont ils doivent se composer.

Lorsqu’on veut se rendre compte de la disposition élémentaire du théâtre grec, il ne faut pas perdre de vue ce qui donna naissance aux représentations scéniques. Le drame, originairement, ne fut qu’un chœur, qui ebantoit des dithyrambes en l’honneur de Bacchus, sans aucun autre acteur déclamant. Dans la suite on y ajouta un acteur récitant quelques aventures mythologiques, puis on lui donna un interlocuteur ; enfin le chœur, de principal qu’il avoit été, devint personnage accessoire, dans l’action dramatique, et ne joua plus que le rôle d’un acteur. La scène (ou le lieu d’une semblable action) fut donc origmairement disposée, pour recevoir un très-grand nombre de personnages chantans ; ce qui explique pourquoi et comment, même après que l’action dramatique fut devenue principale, et que le chœur n’en fut plus que l’auxiliaire, le lieu de cette action dut s’étendre en largeur, beaucoup plus qu’en profondeur. Ajoutons que la très-grande multitude des spectateurs ayant exigé un vaste emplacement en demi-cercle, meublé de gradins les uns au-dessus des autres, le diamètre de ce demi-cercle détermina nécessairement l’étendue en largeur, du local où l’action et le spectacle devoient se donner.

Ainsi la scène, ou ce qu’on appela ainsi (voyez SCÈNE), fut, non l’espace où I action avoit lieu, où les acteurs se tenoient, où le chœur chantoit, mais ce qui servoit, comme dans un tableau, de fonds à tous ces personnages ; et le local qu’aujourd’hui nous appelons scène, répondit à ce que nous nommons avant-scène, proscenium. (Voyez ce mot.) Il n’est pas douteux que dans les premiers théâtres en bois, on dut décorer par la peinture, selon la diversité des sujets qu’on représentoit, cette devanture qui faisoit face aux gradins du théâtre, c’est-à-dire aux spectateurs. Au temps d’Eschyle, un des premiers poëtes tragiques, Agatarchus, selon ce que nous apprend Vitruve, avoit peint, probablement pour une des pièces de ce poëte, une scene dans laquelle il fit montre


d’un grand savoir dans l’art de la perspective. On a déjà parlé de cet ouvrage au mot SCÈNE. Je n’y reviens ici que pour rappeler ce qui est dit à cet article, savoir, qu’avant l’érection du théâtre en matière plus solide, la devanture, ornée par les perspectives d’Agatarchus, ne fut très-probablement qu’une cloison recevant le rideau peint qui la cachoit.

Nous trouvons chez les écrivains plus d’un passage, où il est fait mention de scènes peintes. Mais nous ne rappelons ici ces notions que pour indiquer ce qui dut donner naissance à la disposition définitive, et même au goût de cette partie du théâtre antique. Sans doute, lorsque le théâtre en marbre de Bacchus à Athènes fut construit, les yeux étoient, depuis long-temps, accoutumés à voir les personnages de l’action, se détacher sur des fonds, où l’art de la peinture décorative s’étoit plu à figurer, et en toute liberté, des compositions d’architecture, auxquelles l’artiste avoit pu prodiguer, sans grande dépense, toutes les richesses de l’art. Quand il fallut satisfaire également les yeux, par une architecture réelle et en matériaux solides, l’architecte ne se trouva-til pas induit à porter dans cette partie duthéâtre, le luxe de détails et d’ornemens, que nous savons avoir été habituellement appliqué à la scène ? Il nous suffit d’avoir indiqué, ce qui aura été le principe, et de sa forme définitive, et du goût qui, jusqu’aux derniers temps de l’art, fut celui de sa décoration.

Ce que l’on nommoit proscenium, avons-nous dit, ou avant-scène étoit, dans l’ensemble du théâtre antique grec ou romain, le lieu même où se passoit l’action. Selon Vitruve, chez les Grecs, une portion des acteurs arrivoi’t jusque sur l’orchestre. C’ètoient probablement les danseurs, car le mot orchestre désigne précisément le genre de spectacle qui dépend de la danse. Cet espace avoit une étendue comprise entre le gradin inférieur de ce que nous appelons amphithéâtre, et la ligne du proscenium. Derrière la scène étoient disposées différentes salles, formant le postscenium. Elles étoient affectées aux services divers, dont le détail seroit étranger aux notions purement architecturales.

Si l’on se fait une juste idée des deux parties principales du théâtre antique, on comprend avec la plus grande clarté, qu’il consistoit en un plan semi-circulaire d’un côté, et rectangulaire de l’autre, formet ce qu’on appelle vulgairement un fer à cheval. La moitié dont on vient de parcourir la distrilution, étoit comprise dans la partie quadrangulaire, et de ce côté, pour un très-grand nombre dethéâtres adossés, comme on va le voir, à une côte ou à une pente de montagne, devoit se trouver l’entrée principale. Aussi Vitruve nues apprend-il que cette partie de l’édifice se terminoit par un portique servant à mettre les spectateurs à couvert, lorsqu’il surveoit de la pluie, et qu’on employoit aussi aux répétitions des chœurs.

L’autre moitié du théâtre celle qui, comme on l’a dit, étoit t selon le sens propre du mot, véritablement théâtre ou lieu fait pour voir, se composoit nécessairement d’un demi-cercle, forme dictée par la nature, pour qu’un grand nombre d’hommes réunis pussent également, de tous les points de la demi-circonférence, et voir et entendre ce qui se faisoit et se disoit au point de centre de la ligne duproscenium, qui, chez les Romains, terminoit le demi-cercle.

On a déjà dit que, dès l’origine, œ besoin, et celui d’assembler une multitude d’individus, placés par degrés les uns au-dessus des autres, a voient suggéré le choix des premiers théâtres ; dans des emplacemens donnés par la nature. Effectivement, le três-grand nombre de théâtres dont les restes nous sont parvenus, démontre que partout où les localités le permettoient, on plaçoit cet édifice, de manière à économiser la dépense de construction, que son élévation dans un terrain un iauroit occasionnée. La croupe d’une côte dans laquelle on pouvoit creuser la partie demi-circulaire des gradini, offroit de grands avantages, car d’abord on étoit souvent dispensé de faire des fondations, et ensuite les bancs circulaires ou les degrés se tailloient à même la masse. Cependant on ne pratiquoit. ainsi que la partie qui constituoit spécialement le fonde du demi-cercle. Les deux extrémités qui terminoient de chaque côté les gradins, étoient construites, et formoient un massif propre à augmenter la solidité de l’ensemble, et à lier les gradins à la scène. C’est ce que font voir les ruines de plus d’un théâtre antique, et c’est ce que nous avons déjà décrit avec beaucoup plus de détails, aux articles des deux villes de SAGONTE et de TAUEROMINIUM, où existent les deux théâtres las mieux conservés de tous ceux que le temps a épargnés.

Au mot AMPHITHÉATRE (voyez ce mot), on trouve la description anticipée de ce que nous aurions à faire connoitre ici, sur la disposition des gradins, et sur les escaliers qui établissoient une facile circulation, entre toutes les rangées de degrés. L’amphithéâtre ne fut, en effet, que la conjonction de deux théâtres, et les Romains n’eurent, à cet égard, qu’à se régler sur les pratiques des théâtresgrecs.

Plus d’une variété toutefois eut lieu dans la distribution des degrés. Souvent on ne les divisoit pas en étages, c’est-à-dire en groupes. Il existe effectivement des théâtres d’une fort grande étendue, dont tous les gradins se suivent sans aucune interruption. Lorsqu’on vouloit établir des étages de degrés, par les séparations des paliers, on régloit le nombre de ces étages, d’après la hauteur totale, ou l’étendue de l’intérieur. On en établissoit trois dans les grands théâtres, et deux dans les petits. Ces séparations ou paliers, sont ce que Vitruve appelle prœcinctiones. Voyez BALTEUS.

Pour monter aux degrés, et circuler facilement


entr’eux, l’on séparoit leurs rangées en plusieurs sections, entre lesquelles étoient pratiqués des escaliers. Lorsque la hauteur du théâtre étoit partagée par plusieurs prœcinctions, chacun de ces étages avoit ses escaliers particuliers formés de marches, ayant en hauteur la moitié du gradin servant de siège. Ces escaliers avoient leur direction vers le centre de l’orchestre, et formoient pour ainsi dire les rayons du demi-cercle. Ils furent désignés par les Romains, sous le nom de cunei parce que les gradins ou sièges compris entre-deux, présentoient la figure d’un coin.

Les ouvertures ou entrées qui conduisoient aux gradins, différoient, selon que ceux-ci avoient été taillés et pratiqués dans le penchant d’une montagne, ou bien construits comme partie d’un édifice élevé sur un sol plane. Aux théâtres tout en construction, les entrées des différens étages faisoient partie de la construction même, sur laquelle se trouvèrent établis les gradins, et ils aboutissoient à chaque étage. Dans les autres, on pratiquoit souvent, sur le côté de la montagne, des chemins qui conduisoient jusqu’aux gradins les plus élevés, d’où les escaliers canduisoient au reste des gradins inférieurs. Cela se remarque ainsi au théâtre de Taurominium.

Au-dessus de la montée totale des gradins qui, selon l’acception du mot grec, étoit véritablement le théâtre que l’on désigne en italien par le mot gradinata, et qu’on appelle généralement en françaisamphithéâtre, s’élevoit, le plus souvent en colonnes, une galerie couverte, destinée à des places distinguées, et pouvant servir aussi de refuge en cas de mauvais temps ; car on ne doit pas oublier que dans les villes grecques, l’édifice consacré spécialement aux représentations scéniques, avoit quelquefois une autre destination, celle de servir de lieu d’assemblée, lorsque le peuple entier d’une ville étoit appelé à délibérer en commun sur les intérêts publics. Tacite, dans le chap. 80 du second livre de son Histoire, le dit expressément des habitans d’Antioche, et Ausone eu dit autant des Athéniens ; il ajoute même que cet usage étoit généralement adopté dans la Grèce.

On ne doit donc pas s’étonner que le théâtre ait participé, dans ses décorations, aux pratiques des institutions civiles. Ainsi voyons-nous qu’au théâtre d’Herculanum, d’un côté et de l’autre duproscenium, on avoit élevé à Nonius Balbus. ainsi qu’à son fils, une statue équestre en marbre. Ces deux morceaux se sont retrouvés sous les laves qui engloutirent ce théâtre. Au théâtre de Taorminium, la galerie dont on parle, au-dessus de gradins, avoit des niches qui sans doute reçure des statues.

Ce double emploi du théâtre, en Grèce pour les jeux de la scène, et pour les délibérations ou assemblées politiques, fut cause, sans doute, que cet édifice devint, dès l’origine, de première nécessité. Aussi est-il rmis de croire qu’il y en eut dans toutes les ville. On ne trouve effectivement aucun emplacement de villes antiques encore reconnoissables par quelques débris, où ne se fassent remarquer des rees de théâtre. Cette sorte de monument étant d’une grandeur et d’une solidité remarquables, auro. certainement survécu partout à toutes les destructions, si ses masses n’eussent offert, par la suite di siècles, une sorte de carrière aux habitans des vles nouvelles, qui employant à leurs constructions des matériaux déjà tout taillés, achevèrent de riner des édifices devenus désormais inutiles. Nonossistant ces causes de dégradation, quelques vestigs leur ont toujours survécu, et l’on feroit une ste infinie de toutes les villes, où de semblable témoins déposent de leur ancienne existence.

Pour ne pas laisser cette assertion ans quelque preuve, nous allons citer, d’après les voyages de Pocoke et de Chandler, les villes de l’Asie mineure qui ont des restes de théâtre savoir : Ephèse, Alabanda, Teos, Smyrne, Haerapolis, Cyzique, Alinda, Magnésie, Laodicée, Mylassa, Sardes, Milet, Staratonicée, Telmessus, Jasus, Patara.

On trouve en Sicile des restes de théâtre à Catane, à Taurominium, à Syracuse, à Argyrm, à Segeste.

Les principaux théâtres de la Grèce proprement dite, et dont il existe des ruines, furent ceux d’Athènes, de Sparte, de l’le d’Egine, d’Epidaure et de Megalopolis. Selon Pausanias, celui d’Esculape à Epidaure, et qui avoit été bâti par Polyclète, surpassoit, pour la beauté de sa disposition et les proportions de ses parties, tous les autres théâtres de la Grèce.

Toutefois, en parlant de cet édifice, le même auteur observe, que les théâtres des Romains surpassoient ceux des Grecs, en grandeur et en magnificence. Il nous paroît qu’il dut en être ainsi, et la chose s’explique de soi-même. D’abord, en fait d’édifices destinés à contenir, comme devoit le faire le théâtre, les citoyens d’une ville, il est évident que leur étendue fut nécessairement proportionnée à chaque population. Or, quelle disproportion ne dut-il pas y avoir, entre les villes même principales de chacun des petits Etats de la Grèce, sous le rapport de la population, et la ville de Rome, avant même qu’elle fût devenue la reine du Monde ? Mais si Pausanias a entendu comparer le plus grand nombre des théâtres des Grecs, avec ceux de la ville proprement dite de Rome, on a pu se convaincre déjà par la situation, et le choix habituel des emplacemens du plus grand nombre de ces édifices en Grèce, qu’ils exigèrent une bien moins grande dépense que ceux de Rome. Ceux-ci élevés sur des terrains planes, comme nous le voyons encore aujourd’hui, par les restes du théâtre du Marcellus, nécessitèrent d’immenses constructions de portiques les


uns sur les antres, à l’extérieur, et dans l’intérieur des combinaisons très-multipliées pour les issues, les dégagement et les corridors destinés à la circulation d’une immense multitude. On sait, en effet, que le théâtre de Marcellus devoit contenir trente mille spectateurs.

Vitruve a employé six chapitres de son cinquième livre, a parcourir les notions théorique, et pratiques de l’art de construis tes théâtres. Dans le premier de ces chapitres, il traite des soins à prendre pour situer convenablement l’édifice sur un lieu sain, et qui ne soit pas exposé au midi, ainsi que de l’élévation qu’on doit lui donner, en raison de la portée de la voix et des effets acoustiques. Le chapitre suivant est rempli uniquement par une théorie sur la musique ancienne, et les différens genres de chant, théorie qui, assez étrangère déjà à l’art de bâtir, ne sauroit être aujourd’hui d’aucun intérêt pour l’architecte. La notion relative aux vases de bronze placés entre les sièges du théâtre, occupe le troisième chapitre, qui se termine par un passage important dans l’histoire du théâtre de Rome. Vitruve nous y apprend que l’emploi de ces vases n’avoit lieu, chez les Grecs, qu’à l’égard des théâtres en pierre ou en marbre, qui étoient peu favorables à la répercussion des sons ; qu’à Rome, au contraire, où les théâtre étoient généralement en bois, cette pratique étoit inutile. Dans le chapitre qui a rapport à la disposition du plan des théâtres, l’auteur indique les procédés géométriques, d’après lesquels devoit être tracé le plan du cercle drit par le degré inférieur. Il falloit y faire quatre triangles équilatéraux. C’étoit sur les différons angles résultant de la combinaison des quatre triangles inscrits les uns dans les autres, que devoient se régler la place des escaliers et les diverses parties de la scène. Dans les deux derniers chapitres, Vitruve traite des rapports que doit avoir la hauteur du portique qui s’élève au-dessus des degrés, avec la hauteur de la scène, de la disposition de la scène, des machines à décoration, des trois sortes de décorations analogues aux trois caractères des pièces tragiques, comiques, satyriques, enfin de la différence entre le théâtre romain et le théâtre grec, pour ce qui regarde les procédés géométriques, d’après lesquels devoit être tracé l’intérieur de leur plan.

J’ai donné l’idée succincte de ces détails, beaucoup moins, comme on voit, pour les faire connoître, que pour faire sentir combien seroit inutile à cet égard, un plus grand développement de notions, qui seroient aujourd’hui sans aucune application. J’ajoute qu’en général elles exigeroient, pour être comprises, et de nombreux commentaires, et le secours d’un grand nombre de dessins.

L’histoire chronologique des théâtres romains repose sur des renseignemens plus positifs, que ceux auxquels on auroit voulu soumettre les époques époques des entreprises de ce genre chez les Grecs. Si nous en croyons les documens de l’historie, Rome auroit, dans les premiers siècles, emprunté une grande partie de sus usages et de ses pratiques aux Etrusques ; et comme il est indubitable que les plus anciennes communications eurent lieu en tout genre entre la Grèce et l’Eliurie, ce que Rome emprunta à celle-ci, avant de correspondre directement avec les Grecs, ne put point ne pas avoir des rapports au moins indirects avec leurs arts. Dans l’Etrurie il y avoit trois espèces de jeux scéniques, ou de pièces appelées tragiques, comiques et satyriquesou champêtres. Les jeux Atellans étoient de ce dernier genre. On les nommoit ainsi de la capitale des Osques, Atella, où ils avoient pris naissance. On trouve en Etruire quelques restes de théâtresantiques, mais on ne peut pas savoir leur date, et il est à présumer qu’ils sont de construction romaine.

Quand un voit qu’a Rome, au siècle de Vitruve, les théâtres se construisoient en bois, il dévient très-probable que les Romains imitèrent en cla leurs voisins les Etrusques, chez lesquels l’usage de bâtir en bois nous est attesté par la construction de leurs temples, construction que Vitruve nous apprend s’être perpétuée à Rome jusqu’à son temps, dans ce qu’il appelle le temple toscan. Les premiers théâtresqui y furent élevés, n’étoient guère que des constructions plus ou moins temporaires, en bois de charpente, qu’on assembloit pour le temps des jeux, et que l’on démontoit après qu’ils étoient terminés. Ce fut l’an 599 de Rome, que les censeurs Val. Messala et Cassius Longinius imaginèrent de construire un théâtre permanent ; mais le consul Scipion Nasica le fit détruire, par respect pour les bonnes mœurs.

Cependant le luxe et la magnificence ne se signalèrent qu’avec plus d’éclat, dans la construction des théâtres en bois, dont la durée éphémère étoit subordonnée à celle des fêtes. Scaurus, gendre de scylla (voyez SCÈNE), prodigua des sommes immenses au théâtre temporaire qu’il fit bâtir. Curion ne pouvant enchérir sur la somptuosité de Scaurus, voulut se signaler par une nouveauté aussi hardie qu’ingénieuse. Il fit faire deux théâtres de charpente tourans chacun sur un pivot, et adossés l’un à l’autre, de manière qu’après avoir servi aux représentations scéniques, ils tournèrent sur ce pivot avec tous les spectateurs qu’ils renfermoient, et se réunirent pour former un véritable amphithéâtre, où l’on donna des combats de gladiateurs.

Enfin, le luxe et le goût des spectacles croissant de plus en plus, on en vint à construire en pierre des théâtres qu’on enrichit des marbres les plus précieux. A son retour de la guerre coutre Mithridate, Pompée fut le premier à en élever un de cette sorte, et il le dédia sous son nom, l’an de Rome 699. Il imita, dit Plutarque, celui de Mitylène, mais il le fit plus grand, et capable de contenir


40, 000 spectateurs. Il nn reste plus à présent que quelques foibles vesties dans les écuries d’un palais à Campo di Fiche.

L’an 741 de Rome Cornelius Balbus consacra sous son nom le théâtre qu’il avoit fait construire en pierre, et de la même année data la dédicace de celui de Marcellus.

Il dut son commencement à Jules-César, qui en avoit jeté les fondmens l’an 706 de Rome. Mais la mort vint arrêtir ses projets et suspendre pendant quelque terps l’exécution de ce monument. Auguste le connua sur le même emplacement, et le dédia sonle nom de Marcellus, fils d’Octavie, en l’honne de laquelle il bâtit par la suite le portique vois de ce théâtre. Il est le seul dont on voie encore aujourd’hui des restes assez considérables, pour donner l’idée de goût de son architecture, c’est-à-dire de celle de ses portiques extérieurs. Lerang inférieur étoit d’ordre dorique ; le supérior est de l’ordre ionique. Les diverses parties que le temps en a respectées, ne sont ni également conservées, ni de la même élévation. Ce qui subsiste des portiques ou de la galerie dorique du rez-de-chaussée, se trouve enterré de plus de moitié, et la cymaise supérieure, de son entablement est ruinée presqu’en entier. L’ordre ionique est mieux conservé. Son entablement est intègre, à la réserve de la cymaise et du larmier de la corniche, qui ne se trouve nulle part. Il ne reste absolument aucun vestige du troisième ordre de portiques, qui sans doute fut corinthien. Des palais et des maisons particulières ont été bâtis des ruines de ce grand édifice, et s’élèvent encore sur ses débris. Cependant les fragmens de son architecture sont au nombre des ouvrages classiques, qui ont servi de modèles aux architectes modernes, et ils sont toujours précieux comme ouvrages du siècle d’Auguste, et faisant connoitre l’état de l’art à cette époque. Or, si l’on en juge par des édifices du même genre, c’est-à-dire formes aussi, comme le furent les amphithéâtres, de portiques en piédroits et arcades, ornées de colonnes, et tel est le Colisée bâti sous Titus, on est obligé de convenir qu’aucun de ces monumens n’égala le théâtre de Marcellus, pour la beauté des proportions, pour la pureté des profils et la précision de l’exécution.

L’Italie supérieure nous offre, hors de Rome, fort peu de restes de théâtres assez conservés, pour qu’on puisse se faire une idée de leur architecture. Il paroîtroit que les jeux ou les combats de l’amphithéâtre auroient eu une prédilection, qui auroit nui dans ce pays aux plaisirs de la scène. Il faut en sortir pour pouvoir citer quelques théâtres assez bien conservés. Les deux principaux dont nous avons fait une mention particulière, aux articles sous le nom des villes où ils existent, sont ceux de Sagunte en Espagne et d’Orange dans les Gaules. (Voyez SAGUNTE, ORANGE.) L’un et l’autre, comme on peut le voir à ces articles, fut construit à la manière que nous avons vu avoir été celle des théâtres grecs, c’est-à-dire qu’on en pratiqua la artie circulaire et les gradins dans la cavité de montagne, où on les adossa. Il faudroit réunr ces deux restes d’antiquité pour en former un tout, la partie la mieux conservée du théâtre de Sagunte étant le théâtre, proprement dit, ou les gradins, et la scène de celui d’Orange présentant encore tous les témoignages propres à en aire retrouver l’entière disposition.

Ce seroit sans doute un fort beau sujet de recherches pour l’art, et pour l’antiquité, qu’un cueil qui embrasseroit la notice exacte de tout e qui reste de vestiges des théâtres antiques en Grèce, ou dans les pays soumis à la domination romaine, et les dessins de tous ceux de ces monumens dont les ouvrages des voyageurs contiennent déjà les plans, les vues et les descriptions.

De pareilles recherches, objet d’un long temps et d’un travail très-étendu, auroient été sans aucune proportion avec la mesure d’un article de dictionnaire. Nous bornerons donc celui-ci à cet aperçu général et abrégé, autant qu’il a été possible, des nombreuses notions qu’embrasse le sujet, renvoyant d’ailleurs à tous les articles de détail, où les diverses parties du théâtre antique trouvent leur explication. Nous allons passer de suite, et dans le même système, à l’exposé succinct des notions relatives au théâtre moderne.

DU THÉATRE CHEZ LES MODERNES.

Le goût du théâtre et l’habitude des plaisirs et des jeux de la scène, s’étoient tellement enracinés chez tous les peuples de l’antiquité, que long-temps encore après l’établissement du. christianisme, rien ne sembloit en avoir diminué le besoin et la passion. Le paganisme étoit tombé ou tomboit de toute part eu ruine, un grand nombre de temples étoient ou déserts ou ruinés, et les théâtres étoient toujours debout en continuant de rassembler la multitude. Leur destruction fut la dernière des victoires obtenues par la religion chrétienne. Les Pères de l’Eglise dûrent lutter long-temps contre le penchant, qui entraînoit encore les premiers chrétiens mal affermis dans leurs croyances, à partager des plaisirs qui étoient des fêtes publiques, et dont ils ne sentoient point les dangereuses conséquences. Mais les chefs de l’Eglise naissante y voyoient d’abord le danger d’une fréquentation avec les payens, qui étoit un objet de scandale et de chute, et puis ils ne pouvoient se dissimuler que le plus grand nombre des pièces de théâtre, remplies des souvenirs et des images des fausses divinités, n’étoient propres qu’a en perpétuer l’existence dans l’esprit des peuples. Aussi continuèrent-ils leurs attaques contre la fréquentation du théâtre, jusqu’à ce que le christianisme les eût entièrement détruits.


Il seroit difficile de fixer avec précision l’époque de l’entier abandon des spectacles payens ; mais on ne sauroit douter que cet abandon n’ait été la cause la plus active de l’état de ruine, dans lequel nous sont parvenus des monumens, qui, déchus de leur emploi, et ne pouvant plus être appliqués à aucune destination utile, dûrent devenir des espèces de carrières, dont on exploita à l’envi les matériaux.

Il ne sauroit appartenir au sujet, le seul que comporte cet article, de rechercher ce que purent être, dans le moyen âge, les inventions scéniques, quel aliment nouveau en réveilla le goût, quelle sphère nouvelle de sujets s’ouvrit aux affections publiques, ni quels lieux devinrent les théâtres des compositions, que l’esprit de ces temps offroit à une pieuse curiosité.

Nous nous hâtons d’arriver à cette époque du renouvellement de tous les beaux arts en Italie, où l’on vil renaître alors, sans aucun danger pour la religion chrétienne, et remettre en honneur tous les restes et toutes les traditions de l’antiquité profane. Le goût dramatique se réveilla, et comme dans les autres parties de la littérature, il se calqua d’abord, si l’on peut dire, plutôt qu’il ne se régla, sur les modèles de la scène grecque et latine. Dans un temps où les langues modernes n’avoient pas encore osé rivaliser avec les idiomes d’Athènes et de Rome, très-naturellement on ne dut aussi concevoir d’autres formes, pour les représentations dramatiques, que celles dont les restes des théâtres romains avoient conservé l’image. Aussi vit-on les premiers drames italiens, joués sur de vastes espaces. Tel avoit été, dans une des extrémités de la grande cour du Vatican, un grand amphithéâtre en pierres, construit par Bramante, pour la représentation des pièces italiennes, où le goût moderne préludoit au succès d’un genre de plaisir, qui devoit bientôt se répandre chez toutes les nations.

Tant que ce plaisir fut concentré dans le petit nombre des gens instruits, ou de quelques sociétés choisies, qui se plaisoient à en faire les frais, on vit renaître en Italie quelques répétitions fort exactes duthéâtre antique considéré dans sa construction, sa forme et sa disposition intérieure. Le plus notable exemple de cette imitation, et qui s’est conservé en entier jusqu’à nos jours, est celui du théâtre olympique de Vicence, bâti par Palladio, dont nous avons rendu compte fort au long à la vie de cet architecte (voyez PALLADIO) : on peut y voir avec quel scrupule il se conforma, dans ce bel ouvrage, à toutes les pratiques de l’antiquité. Long-temps il servi aux exercices dramatiques de la société olympique qui en avoit fait la dépense. Mais il n’est plus guère aujourd’hui, pour cette ville, qu’un monument précieux du talent de son célèbre citoyen, et un souvenir du goût régnant dans un siècle, où tout ce qui rappeloit l’antique, étoit objet d’étude et d’émulation.

On peut dire à peu près la même chose du célèbre théâtre de Parme, construit environ l’an 1618, pour le duc Ranuccio Ier, par Jean-Baptiste Aleotti, savant architecte et ingénieur militaire. Sa construction en bois, comprise dans l’enceinte du palais ducal, offre encore par son plan, son élévation et sa vaste étendue, une image très-approximative du théâtre antique. Aleotti s’y conforma jusque pour la disposition de sa scène, qui rappelle dans sa façade, et dans chacun de ses retours, l’idée de la décoration architecturale des anciens, et jusqu’aux portes par lesquelles entroient ou sortoient les acteurs. Le théâtre se compose d’une suite de gradins en demi-cercle, à la manière antique, et au-dessus s’élèvent deux rangs de portiques, en arcades soutenues par des colonnes ; leurs piédroits sont ornés d’un ordre dorique, dans l’étage inférieur. La même disposition règne pour l’étage supérieur, dont l’ordre est ionique. Cas deux étages offrent de grandes et spacieuses loges, et au-dessus s’élève une balustrade ornée de statues, qui forme l’appui d’une galerie circulant tout à l’entour. Ce beau théâtre, devenu inutile, n’est conservé, et entretenu aujourd’hui, que comme un monument précieux du goût d’alors. Ce n’eu plus qu’une curiosité qu’on montre aux étrangers et aux amateurs de l’art.

En effet, dès que le goût des amusemens scéniques se fut répandu, les princes, qui seuls étoient en état d’en payer les dépenses, en firent pour eux un objet de luxe, qu’ils renfermèrent dans leurs palais ; et le théâtre au lieu d’être un monument public, ouvert à la multitude, devint une salle de spectacle nom qu’il a encore gardé depuis en français. Il ne fut plus question alors de cette dispendieuse construction, tant au dehors qu’au dedans, ni de ces vastes dimensions proportionnées á la population, pour laquelle les jeux de la scène étoient devenus un passe-temps habituel.

Bientôt la composition des pièces de théâtre devint une partie importante de la littérature de toutes les nations de l’Europe. C’est à l’histoire littéraire de ces nations, qu’il faut demander les renseignemens propres à faire connoître les variations, et les progrès du goût en ce genre. Quant á nous, nous ne pouvons que constater les causes qui influèrent sur les changemens, que devoit éprouver la construction des théâtres, et lui imprimer, chez les Modernes, des caractères si différens de ceux des édifices antiques.

Le goût du spectacle et de l’art scénique une fois propagé partout, et ayant pris place parmi les divertisse mens des classes élevées et instruites de la société, il se forma des entreprises particulières d’hommes, d’acteurs ri même de poëtes, qui, spéculant sur le besoin de distraction et de plaisir,


chez les habitans des grandes viles, firent des représentations dramatiques une de commerce, qui devint bientôt assez lucratif pour éveiller la concurrence. Rien ni de grand, ni de dispendieux, ni de magnifique, ne devoit résulter en fait de construction de théâtre, des spéculations intéressées, auxquelles les entrepreneurs de spectacle étoient forcés de soumettre leurs projets. Souvent ce n’étroit que des locaux vides, et ans emploi, qu’on mettoit à peu de frais en état le figurer pour un temps borné. Les troupes de médians, assez volontiers ambulantes, n’avoient besoin que d’emplacement provisoires et de salle temporaires. Lorsque ces troupes en vinrent á se fixer, elles s’établirent alors dans des demeures plus solides. Elles construisirent des salles plus spacieuse, plus commodes, mieux décorées, et avec des divisions de places, où les différences de rang el de fortune firent établir des prix proportionnés.

Telle fut pendant long-temps, et dans toute l’Europe, la destinée de l’art dramatique, et tel fut Je genre des lieux où il obtint ses plus grands succès : car il est a remarquer, que les chefsd’œuvre de cet art, au fond très-indépendant du luxe extérieur des ornemens de l’architecture, furent représentés dans des salles el des bâtiment, dont rien au dehors n’annonçait même l’existence, et que rien au dedans ne recommandait sous le rapport du goût et de la disposition. On peut affirmer qu’il en alla ainsi partout, jusque vers le milieu du dix-huitième siècle, lorsque le retour au style et aux pratiques de l’antiquité eut ramené l’attention publique, sur le singulier contraste qui régnoit entre les ouvrages qui honoraient avec le plus d’éclat le génie de chaque nation, el l’indifférence qui sembloit traiter cette sorte d’institution, comme peu digne d’attirer au dehors les regards du public.

On vit bientôt former des projets de théâtres en rapport, par leur importance extérieure et leur capacité intérieure, avec les monumens publics.

Cependant il ne pouvoit pas être donné aux Modernes de rivaliser en ce genre avec les peuples de l’antiquité. Les mœurs d’une part, de l’autre les habitudes théâtrales, le genre d’imitation scénique, et la manière de la déclamation, ne permirent pas de revenir aux formes et aux dispositions qu’avoient commandées et perpétuées, chez les Anciens, un tout autre ordre de besoins, d’idées, d’opinions et d’usages.

On voit d’abord que la gratuité des places pour les spectateurs, ne pouvant exister, qu’autant que les gouvernemens font les frais de ces monumens, et de leurs jeux, le théâtre moderne ne fut plus ouvert à la multitude, mais bien à ceux qui sérient en état d’en payer le plaisir. Dès-lors il ne fut plus possible d’établir cette uniformité des places, donnée par l’uniformité des gradins d’un vaste amphithéâtre. Il fallut faire des rangs divers et séparés, pour toutes les différences d’états et de fortunes. Tout dut être calculé sur le produit des recettes. Une multitude d’autres raisons, tirées de l’état des sociétés modernes, produisit des combinaisons, tout-à-fait étrangères à celles du théâtre antique. Aux gradins de celui-ci, on substitua des rangs de loges en hauteur verticale les unes au-dessus des autres, et qui, ordinairement construites en bois et attachées contre les murs, offrent à l’œil, lorsqu’il n’y a aucune séparation, le vice d’une porte-à-faux déplaisant, ou, si chaque loge est soutenue par un montant, l’espèce de ridicule d’un mur percé de nombreuses fenêtres.

Au nombre des causes qui se sont opposées au renouvellement du système des théâtres antiques, il faut encore mettre les convenances de l’art dramatique moderne, qui, ayant raffiné sur le genre d’imitation et le degré d’illusion dont les Anciens se contentoient, place l’action et les acteurs beaucoup plus sous les yeux du spectateur. On a fini par exiger de L’acteur récitant, une multitude de nuances dans l’expression et la déclamation, qui excluent les grandes distances établies autrefois entre le lieu de la scène, et le plus grand nombre des places occupées par les auditeurs. Ajoutons qu’une lumière artificielle éclaire le théâtre moderne, ce qu’exige avant toute autre raison, l’heure qui est ordinairement celle du soir et de la nuit, où se donnent les spectacles. N’oublions pas la différence du lieu de la scène, qui est tout en profondeur, et le système de décoration dont l’illusion tient à la facilité d’augmenter, de ménager ou de supprimer, à volonté, l’effet de la clarté ou de l’obscurité.

Les théâtres n’étant plus que des entreprises dépendantes d’intérêts particuliers, les grandes villes en virent le nombre augmenter selon leur population, et cette multiplication-là même fut cause, qu’il ne fut plus possible de leur donner les vastes dimensions qu’ils enrent, lorsqu’un seul pourvoit réunir jusqu’à quarante mille spectateurs.

Cependant ces derniers temps ont vu construire dans plus d’une ville, des théâtres, où l’architecture a pu encore faire pompe de quelques-unes de ses ressources. L’Italie en compte sort peu, qui s’annoncent au dehors par une apparence de forme et de richesse proportionnée au luxe de leur intérieur, et n’est presque toujours en bois, que cet intérieur est construit. On doit toutefois excepter lethéâtre de Bologne, ouvrage d’Antoine Galli Bibiena, qui offre cinq rangs de loges construits en pierre, ci qui fut terminé en 1763. Avant lui, François Galli Bibiena en avoit construit un à Véronne, sous la direction du célèbre Scipion Massei. Il y fit un portique en avant, y pratiqua de fort belles salles dans les angles, et par plus d’une disposition intérieure, tendit à se rapprocher, le plus qu’il fut possible, de certains erremens du théâtre antique.


Généralement, en Italie, il s’est conservé, dans la plupart des grands théâtres, un certain goût de grandeur et d’unité de forme, à l’intérieur, pour ce qu’on appelle la salle et la distribution des loges, qui rappellent quelques souvenirs de l’antiquité. Ainsi l’on cite le grand théâtre royal de Naples, ceux de Milan et de Turin. Toutefois la dépense s’est portée à la décoration intérieure de leurs salles, ouvrages de menuiserie plus que d’architecture, où l’on a prodigué la dorure et les ornemens ; mais rien n’annonce à l’extérieur ni la forme du local, ni même le caractère du monument. L’Angleterre n’offre, en fait de théâtre, rien qui mérite d’être cité comme ouvrage d’art, de goût ou de magnificence.

La France, pendant long-temps la plus mal partagée en ce genre, sous tous les rapports d’architecture, a surpassé, vers la fin du dernier siècle, toutes les entreprises précédentes, dans le théâtre de la ville de Bordeaux, grand édifice qu’on peut appeler véritablement du nom de monument public. Sa masse est un vaste corps de bâtiment, qui a près de trois cents pieds en longueur, sur la moitié de cette mesure pour sa largeur. L’édifice est environné d’un rang de portiques formés par des arcades, dont les piédroits sont ornés d’un ordre de pilastres corinthiens, qui règnent dans toute la hauteur, et du rez-de-chaussée, et de l’étage supérieur. Au-dessus de l’entablement s’élèvent un attique assez exhaussé, et quelques degrés en retraite, pour dérober en partie la vue du grand comble exigé par les besoins du théâtre et du jeu des décorations. Tout, dans ce monument, a été mille en grand. Soit qu’on l’examine dans la belle entente et la régularité de son plan, soit qui l’on considère la largeur et la facilité des dégagemens, et tous les accessoires que réunit un pareil ensemble, on peut le proposer pour modèle de ce qui convient aux usages modernes. On y trouve une très-belle salle de concert, un beau soyer, de grands escaliers, et la richesse de la décoration intérieure n’est pas restée au-dessous de ce que demande un lieu de fêtes-et de plaisirs.

Le théâtre de Bordeaux, bâti par M. Louis vers la fin du dernier siècle, auroit pu exciter dans la capitale de la France l’ambition de l’égaler ou de le surpasser, à l’époque surtout, où sembla se réveiller dans celle ville, le besoin d’honorer par des édifices plus dignes de son importance, un art sur lequel se fonde, en grande partie, la gloire littéraire de la nation. Cependant les circonstances et des causes indépendantes du goût et du talent des artistes, ne permirent pas de porter sur un grand nombre de théâtres, que Paris possède, la dépense, que souvent une moindre ville peut appliquer à un monument unique. Le projet du théâtre français, demandé à MM. Peyre l’aîné et de Wailly, fut jugé trop dispendieux. Il fallut en rapetisser toutes les données dans le monument qu’on exécuta, monument qui, depuis, a subi des changemens de plus d’un genre Après deux incendies qui ont consumé son intérieur, sa salle a été rétablie avec assez de luxe et de dépense, et on le désigne aujourd’hui sous le nom d’Odéon. La partie extérieure de ce théâtre, bâti en pierre, qui a survécu aux deux incendies dont on a parlé, n’a éprouvé aucun changement. C’est encore, sous le point de vue de l’architecture et des convenances modernes, le seul théâtre de Paris, que l’on puisse citer comme méritant le titre de monument. Ses abords, la régularité de la place où il est situé, et des rues qui y correspondent, son isolement surtout, ce qui est rare dans une ville aussi serrée que Paris, en recommandent l’aspect, et sous les rapports de commodité du service, ainsi que de facilité de la circulation, aucun autre n’en approche. Entouré de trois côtés par des galeries couvertes ou promenoirs publics, il offre des abris contre les intempéries des saisons, et les embarras que produit l’affluence du monde et des voitures. Son frontispice est décoré d’un portique de huit colonnes doriques, au-dessus desquelles règne une terrasse. De chaque côté a été pratiquée une arcade, qui lie le bâtiment aux maisons voisines, et dont l’objet est de donner une place couverte, à ceux qui descendent de voitures ou qui y remontent. On trouve encore à louer dans ce plan, le vestibule, les grands escaliers qui y aboutissent, et le foyer.

Il est assez surprenant que l’idée ne soit encore venue à aucun architecte, dans la const notion dispendieuse de quelques-uns de ces édisices modernes, de chercher à concilier la sorme extérieure duthéâtre antique, avec les convenances du theâtre moderne. Je veux dire la forme circulaire qui est le véritable type élémentaire du théâtre, en tant que lieu de rassemblement d’hommes pour assister à un spectacle. Cette considération touche particulièrement à une qualité trèsprécieuse en architecture, celle qu’on appelle le caractère Rien de plus désirable en général, pour tous les genres d’édifices, que d’avoir un type constant, qui donnant à chacun d’eux une physionomie distincte, les fasse reconnoître au dehors pour ce qu’ils sont, apprenne au spectateur leur destination, et établisse ainsi entr’eux comme dans les œuvres de la nature, ce charme de variété dont l’œil et le goût éprouvent le besoin. Tel fut, comme on l’a dit ailleurs (voyez CARACTÈRE), l’esprit de l’architecture antique, et tel fut l’avantage de ses principaux monumens, qu’aucun ne peut être confondu avec un autre. L’emploi nécessaire de chacun, ayant dicté la ferme qui lui étoit le plus convenable, l’art s’en empara, la rendit sixe, et lui imprima comme une sorte de signe caractéristique, qui de plus en plus consacré par l’usage, finit par devenir immuable. Dans l’état actuel de nos sociétés, de nos mœurs et de nos arts, il seroit fort difficile de rétablir


cette espèce de langage architectural. Tant de causes ont produit le besoin de diversité, et tant d’autres s’opposeroient à cette simplicité d’idées et d’usages, d’où peut naître le système caractéristique dont un parle, qu’il seroit impossible d’y ramener l’architecture, dans le grand nombre des édifices publies. Aussi voit-on les architectes appliquer à presque tous, les mêmes frontispices, les mêmes ordonnances, les mêmes masses, les mêmes motifs d’ornement et de décoration extérieure ; en sorte qu’il seroit facile de faire servir, sans grande inconvenance, la masse extérieure de beaucoup de monumens, à des destinations extrêmement diverses, C’est surtout à la forme générale qu’il appartient de rendre sensible le caractère dont on parle, et il nous paroît que cette indication extérieure de la destination du théâtre chez les Anciens, s’appliqueroit facilement au théâtre moderne. La partie du monument qui jadis se terminoit en ligne droite, et recevoit, comme on l’a vu, un promenoir en colonnes, seroit encore aujourd’hui la place d’un beau frontispice, et les galeries en portiques couverts de la partie environnante, non-seulement pourrnoient, mais devroient être l’accompagnement obligé de tous les lieux qui, comme les théâtres, rassemblent un grand nombre de personnes.

Ces observations critiques s’adressent, comme l’on voit, moins aux artistes, qu’à l’esprit actuel des arts, et à l’habitude d’employer l’architecture, ses formes et ses ordonnances, comme un luxe d’ornemens arbitraires, et qui peuvent également convenir à tout, Or, dès que l’architecture de chaque édifice ne reposé plus sur les élémens nécessaires d’un besoin quelconque, il est fort naturel que l’architecte use souvent de ses ressources, plutôt à son gré, au prosit de l’honneur qui peut lui en revenir, qu’en vue d’aucune autre raison. Or, on ne nie pas, qu’abstraction faite de cette théorie du caractère propre de chaque édifice, et de celui qui appartiendroit aux théâtres, on n’ait pu produire des ouvrages d’un sort grand mérite, d’une invention très-remarquable, d’une composition sort riche. En tête de ces ouvrages, il faut citer avec beaucoup d’éloges le grand théâtre de Berlin, exécuté dernièrement en pierre à l’extérieur, avec grandeur et magnificence, par M. Schinckel.

Cet édifice l’emporte incontestablement sous le rapport de l’architecture, de la conception de l’ensemble. et de la belle exécution, sur tout ce que l’on peut voir ailleurs. Un très-grand et trèsbean péristyle, composé de huit colonnes d’ordre ionique, orne la saçade antérieure du monument, et s’élève avec beaucoup de majesté au-dessus d’une montée de trente degrés. Les proportions de cette ordonnance, le style du chapiteau, la forme du sronton et les sculptures de son tympan, tout y rappelle ce que l’architecture grecque des meilleurs temps a produit de plus pur et de plus élégant. Ce péristyle se détache comme avant-corps sur la masse de l’édifice, dont l’élévation variée, ainsi que son plan, se compose d’un corps principal avec deux ailes en retraite. Au milieu de cette masse s’en s’élève une autre, qui osfre une toiture séparée, et aussi sur le devant un sronton. On comprend que l’architecte a fait ainsi ce second étage de construction, pour donner au service intérieur des décorations, la hauteur que nécessite le jeu des machines, sans avoir recours, comme on le voit au théâtre de Paris (appelé aujourd’hui l’Odéon), à une procérité de comble et de toiture désagréable, et qui rapetisse l’effet de l’architecture, sans ajouter à sa dimension.

Sans doute le plan et l’ensemble de ce très-bel édifice que nous ne saurions faire apprécier, comme il le mériteroit, par une description aussi abrégée, ne présentent en aucune façon l’idée ni la sorme duthéâtre antique. Toutefois, malgré le vœu que nous avons exprimé, de voir les architectes se rapprocher, le plus qu’il sera possible, de la forme extérieure et du type que la nature avoit indiqués aux Grecs, nous devons reconnoître, qu’outre les changemens, que de nouveaux usages ont introduits, il peut encore être, dans plus d’un cas, impossible de réaliser cette imitation de l’antiquité. Un de ces cas est celui, où le théâtre unique et principal d’une grande ville, doit réunir dans son enceinte plusieurs destinations, qui chacune comporteroient un local spécial et particulier. Il arrive quelquefois que cet édifice est tenu de rensermer, outre la salle de spectacle, une salle de bal, une salle de concert, des locaux destinés à divers plaisirs ou divertissemens. Or, c’est vraiment là ce que le théâtre de Berlin a été obligé de comprendre dans son plan. La chose ainsi expliquée, peul-être doit-on savoir gré, au contraire, à l’architecte d’avoir formé de toutces ces parties obligées, un ensemble varié si l’on veut, mais ramené avec beaucoup d’habileté, à l’unité d’un plan fort régulier.

Or, on ne sauroit s’empêcher d’y louer beaucoup d’intelligence de distribution, et plus d’une sorte de ressource ingénieuse. Telle est, pour en citer une, celle de la manière dont l’architecte a imaginé de faire arriver les voilures à couvert, sans embarras, et sans aucune incommodité pour les gens de pied. On a parlé de cette montée composée de trente degrés, servant de stylobate au péristyle et correspondant au très-beau soubassement qui règne tout à l’entour de l’édifice. C’est précisément sous ce stylobate antérieur, qu’ont été ménagées deux issues, l’une pour l’entrée, l’autre pour la sortie des voitures ; les personnes qui y sont ainsi introduites sous un portique couvert, ont un accès particulier vers la salle, et toutes les parties intérieurs du monument.

Ce qu’on doit dire encore à l’avantage de son


architecture c’est que tous les détails en sont traités grandement, et d’un style qui ne permet aucune confusion avec les habitations et les palais. Les fenêtres nombreuses dont l’édifice est percé, ont une sorme monumentale, et leurs trumeaux consistent en petites colonnes quadrangulaires, avec un chapiteau dorique.

Ayant résolu de ne traiter l’article : THÉATRE, que sous le rapport tout-à-sait spécial et exclusif de l’architecture, nous ne saurions nous engager dans aucun détail, sur tout ce que comporteroit l’analyse de la salle de spectacle, renfermée dans le monument de Berlin. Nous nous sommes aussi dispensés de toute description semblable, à l’égard des autres théâtres. D’abord, le lecteur comprendra, que rien n’engageroit à plus de notions minutieuses, souvent peu intelligibles, et presque toujours étrangères à l’art, vu le système de construction postiche des loges, vu l’extrême diversité des ornemens arbitraires qu’on y prodigue, vu le manque de solidité de la plupart des matériaux qu’on y emploie, Ajoutons encore, que presque tous les ouvrages de l’art moderne, en ce genre, ayant été de simples ouvrages de charpente et de menuiserie revêtus d’ornemens temporaires, aucun n’a pu durer assez long-temps pour servir de modèle à d’autres. De là est résulté, que rien de fixe ni de déterminé n’a pu s’établir, sur la base toujours mobile et inconsistante des convenances locales ; tellement qu’on n’indiqueroit pas deux salles de spectacle construites, et décorées selon système uniforme. Il n’y a d’uniforme en ce genre, que la diversité.

Nous aurions désiré pouvoir réduire ici, à quelques points regardés comme convenus, les théories qu’ont données, sur la construction des salles de spectacle, disférens auteurs. Mais il est visible, que chaque pays, chaque localité, chaque genre de spectacle, chaque mode dramatique, chaque habitude de société, chaque manière d’envisager les plaisirs de la scène, selon les mœurs, les opinions et les goûts de ceux qui y prennent pait, que bien d’autres causes encore, ont dû insluer très-diversement sur les méthodes des théoriciens. Il est sensible que ces causes, trop nombreuses pour être mises d’accord entr’elles, n’ont dû pro¬duire, de la part de ceux qui ont tenté d’en ramener l’ceffet à un système général, et à une loi commune, que des théories partielles et des règles locales.

Cependant, pour ne pas terminer cet article, sans toucher quelques-unes des notions qui peuvent être généralement appliquées à la meilleure construction de l’intérieur d’une salle de spectacle en bois, nous allons parcourir brièvement les points principaux de ce sujet, sous quelques-uns de ses rapports les plus importuns d’utilité, de convenance et de goût.

Sous le rapport d’utilité, les deux points les plus essentiels (en dégageant ce sujet de toutes les vues d’entrepreneur et d’intérêt particulier) sont ceux qui s’appliquent à la forme la plus favorable pour entendre, et à la forme la plus commode pour voir. Or, il nous paroît que ces deux objets ont entr’eux une très-grande connexion, La réunion de leur esset étant pour chaque individu spectateur, et ordinairement auditeur tout ensemble, le but désirable, c’est aussi à trouver la forme qui accorde le mieux, entr’eux, cette double action, que l’art doit tendre.

En traitant de celte question, nous ne parlerons point d’abord de la partis qu’on appelle le parterre, situé ordinairement de la manière la plus avantageuse, et plus indépendant de la sorme du plan et de celle de l’élévation. Nous entendons parler de l’autre partie, qui comprend les loges et qui forme la périphérie de la salle. Or, nous trouvons que trois formes ont été données aux intérieurs des salles : la sorme carrée, la forme ovale, la forme demi-circulaire.

La forme donnée par le plan quadrangulaire, outre qu’elle est moins belle, moins naturellement applicable à la destination du local, a l’inconvénient de mettre le plus grand nombre des spectateurs, c’est-à-dire ceux qui occupent les deux parties latérales des loges, dans une position fausse, qui les oblige de regarder de côté. L’acteur étant en général le point auquel tendent les regards, ceux qui seront placés tout près de l’avant-scène verront à peu près en droite ligne, mais à mesure que dans chaque côté de cette sorme, les loges s’éloigneront de ce point central de l’attention, on comprend, sans qu’il soit besoin d’une démonstration linéaire, que l’angle visuel deviendra de plus en plus aigu, et dès-lors occasionnera une position pénible pour la tête du spectateur. Ajoutons que cette forme n’a rien qui soit favorable à l’audition ou ù la propagation des sons.

La forme d’un ovale tronqué ofsre à peu près les mêmes inconvéniens dans ses parties latérales, que la forme carrée. Elle a de même celui de placer beaucoup de spectateurs éloignés du point de centre de la scène. Elle a de plus le désavantage, qu’à mesure que les loges s’approchent du lieu de la scène, les siéges de ces loges se trouveront placés de manière, que l’on tournera plus ou moins le dos à l’acteur et nu spectacle. La forme de fer à cheval tient, pour ces désavantages, le milieu entre le carré el l’ovale. Elle peut convenir là où le terrain sur lequel il faut construire, aura plus de longueur que de largeur, parce qu’elle donne le moyen de multiplier les loges.

Mais il paroît que lorsque le terrain et l’emplacement, permettent le choix de la forme à donner aux salles de spectacle, la mieux appropriée à leur destination, la plus simple, et dès-lors la plus belle, sera la forme du demi-cercle. C’est celle qui établit entre tous les points où les spectateurs sont placés, le plus d’égalité de distance,


celle où les spectateurs des loges plus voisines de la scène, gênent le moins ceux des loges qui viennent après, celle d’où chacun peut voir librement, non-seulement ce qui se passe sur l’avantscène, mais encore ce qui se passe au fond, celle où le son est reçu plus également, celle enfin dont l’uniformité prête à la décoration la plus régulière. On peut assimiler à cette sorme celle du demi-cercle elliptique, qui sans doute auroit l’avantage, en évasant beaucoup la circonférence, de rapprocher encore plus le spectateur et l’auditeur, du lieu précis de la scène et de l’acteur. Cependant, en considérant le besoin de lier convenablement dans leur élévation respective, l’avant-scène à la salle, on ne sauroit disconvenir, que le demi-cercle elliptique produit une largeur considérable, qui rend d’un ajustement fort difficile le plafond destiné à réunir ces deux parties. Le théâtre antique étant découvert, n’avoit point cette difficulté, et Palladio copiant, mais en petit, dans un plan elliptique, le théâtre des Anciens, put encore facilement le couvrir. Aujourd’hui le besoin de couverture et de plafond ossre à l’architecte le besoin de rétrécir, autant qu’il est possible, l’ouverture de la scène, ce qui peut engager, lorsque l’on emploie la forme demi-circulaire, pour la salle, à lui donner au-delà du demi-cercle, c’est-à-dire une partie quelconque de l’autre moitié du cercle. L’artiste peut encore trouver dans le génie de la décoration, plus d’un moyen de lier la disposition de la salle, avec celle de l’avant-scène, et de façon à sauver le mauvais effet d’une plate-bande par trop prolongée.

L’article des convenances, en fait de salles de spectacle, comprendroit, si on vouloit épuiser ce sujet, la matière d’un très-long ouvrage, mais seroit aussi l’objet des plus nombreuses critiques, tant il y a de nuances et de degrés, dans ce qu’on appelle convenance en ce genre, tant les goûts de chaque peuple, les usages souvent contraires et les modes presque toujours bizarres, ont introduit d’habitudes que rien ne peut ni corriger ni détruire.

S’il s’agit, par exemple, de cette région qu’on nomme le parterre, la convenance sembleroit prescrire de ranger ce qu’on appelle en amphithéâtre, c’est-à-dire par degrés de sièges en hauteur les uns sur les autres, cette portion des spectateurs que l’usage place à l’unisson, les uns derrière les autres, de manière à se cacher réciproquement la vue de la scène. Déjà, il est vrai, l’exemple en est donné à quelque théâtre ; mais comme, selon certains calculs d intérêt, cette disposition retrancheroit quelques loges dans la région inférieure de la salle, il est douteux que cette convenance devienne une règle générale.

On devroit, ce nous semble, regarder comme une convenance impérieuse, de ne point faire empiéter ce que nous appelons l’avant-scène, autrement dit le lieu où l’acteur récite, dans le local même de la salle, c’est-à-dire le lieu où se tiennent les spectateurs. Il est fort inconvenant surtout d’un assez grand nombre de places, de voir l’acteur en costume grec ou autre, confondu pour l’effet, avec les spectateurs, et si cela est autorisé par le besoin qu’ont d’entendre ceux qui occupent le fond du théâtre, il paroît qu’il ne s’agiroit, en construisant, la salle, que de rapprocher ce fond, d’autant de pieds, qu’on en donne à l’empiétement de l’avant-scène.

Pour la même raison, il seroit on ne peut pas plus convenable, de supprimer toutes les loges qui, dans le plus grand nombre des théâtres, occupent les parties latérales de l’avant-scène. Notre avantscène, dans le système de nos représentations dramatiques, doit être considérée uniquement, pour son effet, et dans l’intérêt de l’illusion scénique, comme le cadre d’un tableau. La scène, durant l’action, est une peinture, ou, si l’on veut, un tableau mouvant, que l’avant-scène doit circonscrire et isoler du spectateur, et par conséquent du reste de la salle.

Le goût entre aussi pour beaucoup dans ce qu’on appelle convenance, mais on peut en séparer les préceptes, pour tout ce qui tient à certains principes de vraisemblance dans la construction et aux détails de la décoration.

Le goût, par exemple, répugne à certaines inventions de l’avant-scène qui osfriront dans sa traverse, toutes les parties d’un entablement que rien ne supporte. Mais où ce grave inconvénient devroit révolter les yeux, si l’habitude ne les y avoit familiarisés, c’est dans cette construction en porte-à-faux de tous les rangs de loges les uns au-dessus des autres. On n’ignore pas quelles sont les sujétions imposées à l’architecte chargé de la disposition d’un intérieur de salle de spectacle. On sait qu’il ne sauroit se permettre de donner aux loges, des colonnes pour supports. D’une part, la proportion en seroit par trop raccourcie ; d’une autre part, les colonnes deviendroient, pour les spectateurs, une gêne et un désagrément. Cependant n’en est-ce pas un pour l’esprit et pour les yeux, que ces loges remplies d’individus suspendus en l’air ? et s’il suffit, pour se rassurer sur le danger, de savoir que ces galeries reposent sur des poutres scellées dans le mur, le goût, qui n’est pas tenu d’entrer dans ces combinaisons, n’en doit-il pas éprouver une impression pénible ? Il nous semble que l’architecte pourroit, en prenant quelque chose sur la hauteur totale de ses rangs de loges, faire paroître en dehors des espèces de mutules ornées si l’on veut, qui indiqueroient au moins une apparence de support, et qui, figureroient, dans les plafonds, des espèces de caissons.

Il y auroit bien d’autres remarques de goût et de raisonnement à saire, sur le système général de nos salles de spectacle. Mais tant que ces sortes d’entreprises seront subordonnées aux vues de quelques intérêts particuliers, et aux calculs du


produit des places, il ne faut point se flatter de voir jamais un ouvrage, qui réponde à la fois aux conditions de la forme et de la disposition nécessaires pour bien voir et bien entendre, aux convenances que l’intérêt de la représentation dramatique exigeroit, et aux règles que le goût devroit prescrire.

Aussi n’alongerons-nous pas davantage cet article, sans doute beaucoup trop court, si l’on considère l’innombrable quantité de détails minutieux, et de points de vue que les usages modernes ont multipliés, mais peut-être aussi beaucoup plus long, que ne le comporte un sujet, d’où l’art véritable de l’architecture se trouve en grande partie exclus.

On applique, par analogie, le mot théâtre à quelques autres emplois, mais auxquels il convient, puisque le verbe grec θεομαι dont il est formé, signifie voir, contempler, regarder. Or, tout ce qui est disposé pour être mis en vue, et fixer les regards de nombreux spectateurs, s’appelle fort naturellement théâtre. Ainsi l’on dit :

THÉATRE ANATOMIQUE. C’est, dans une école de médecine ou de chirurgie, une salle avec plusieurs rangs de sièges disposés en amphitéâtre circulaire, et une table de démonstration placée au bas, avec le siège du professeur, en sorte que de tous les points des bancs de cette sorte de théâtre, les élèves puissent distinguer les objets qui sont la matière des leçons. Ainsi est construite la salle de démonstration anatomique de l’Ecole de médecine à Paris : on la nomme aussi amphithéâtre.

THÉATRE D’EAU. On appelle ainsi, dans les grands jardins royaux surtout, une certaine disposition de plusieurs allées d’eau ornées de rocailles, de figures, etc. , dont on obtient divers changemens, dans une décoration perspective pour des fêtes ou des spectacles. Il y a dans les jardins de Versailles un semblable théâtre d’eau.

THÉATRE DE JARDIN. Espèce de terrasse élevée, avec un talus de gazon et un mur de revêtement, sur laquelle sont des allées d’arbres ou des palissades de charmille en perspective. Du côté opposé est un amphithéâtre formé de plusieurs degrés en pierre, bois ou gazon. L’espace plus bas entre le théâtre et les gradins, sert de parterre.

On met encore au nombre des théâtres de jardin, les théâtres de fleurs. Ils consistent en gradins élevés les uns au-dessus des autres, saits ordinairement de menuiserie, sur lesquels on place, en les entremêlant, des vases ou des caisses de fleurs, que l’on remplace ou qu’on renouvelle selon les saisons.

THÉATRAL, adj. m. Signifie, dans le langage ordinaire, ce qui appartient au théâtre, ce qui est du ressort du théâtre. Mais dans le langage de t’art et des monumens, théâtral signifie ce qui rappelle l’idée de théâtre, c’est-à-dire l’aspect d’objets, qui figurent et se développent les uns au-dessus des autres, comme le font les rangées de degrés du théâtre antique.

L’emploi abusif, en français, quant à l’étymologie, du mot amphithéâtre, qui veut dire double théâtre, pour exprimer la montée de gradins d’un seul théâtre, est cause que l’on use volontiers du mot amphithéâtre, dans les comparaisons que l’on en fait avec certaines sites, certaines dispositions de villes, certaines compositions d’édifices, dont les parties, les détails ou les masses se présentent au spectateur, comme les degrés d’une montée. Ainsi on dit qu’une ville est bâtie en amphithéâtre, qu’un jardin a un aspect d’amphithéâtre. Ces locutions ne signisient rien autre chose, que ce qu’exprime l’idée de théâtral.

Les Italiens, chez lesquels la connoissance plus particulière du theâtre et de l’amphithéâtre, c’est-à-dire la distinction des formes propres à l’un et à l’autre, dut résulter des restes nombreux d’antiquité que leur pays possède, donnent non-seulement le nom de théâtral, mais encore celui de théâtre, à tout ensemble de masses, d’édifices ou de plans sur-imposés en retraite les uns au-dessus des autres. Les pays de montagnes, si féconds en sites de ce genre, fournissent de fréquentes applications de ces mots, et de l’image qu’ils expriment. La nature théâtrale de ces sites, a pour ainsi dire, et sans le secours d’aucun art, imprimé le même caractère aux ouvrages que le seul besoin y multiplie, et aux édifices qui, souvent pour s’y élever, nécessitent des terrasses, des rampes, des pentes douces. Rien de plusthéâtral que la ville de Gênes, dès son origine, ainsi que beaucoup d’autres, avant que l’architecture, profitant des ressources et des indications du terrain, s’étudiât à tirer d’heureux partis de ces situations.

Ce fut d’après de semblables inspirations, en Italie, que furent construits par la suite, et dans le genre le plus théâtral, certains palais ou châteaux de ville et de campagne, dont il sussit de citer les noms, pour faire connoître ce que l’art a produit de plus remarquable en ce genre. Tel est, par exemple, le château de Caprarola. Tel est ce qu’on appelle à Tivoli la villa d’Est. Tels sont un grand nombre de palais de la ville de Gênes, qui semblent être des décorations de théâtre.

Si l’on vouloit citer l’antiquité elle-même, il faudroit faire mention du célèbre temple de Palestrina (l’ancienne Praeneste), dont les ruines encore existantes, et disposées par étages, dévoient produire l’effet le plus théâtral.

Nous pouvons citer près de Paris, le château de Saint-Germain-en-Laie. On trouve encore à Versailles, quand on est au bas de l’Orangerie, quelque chose de vraiment théâtral, dans l’aspect


que produit cette belle masse de bâtiment, couronnée par celle du château.

THÈBES. Ancienne capitale de l’antique Egypte, avant que le siège du gouvernement ait été transporté à Memphis, qui passe des-lors pour être plus récente, et dont il ne reste toutefois aucuns vestiges, tandis que de nombreuses ruines et d’énormes restes de constructions subsistent encore au milieu de la vaste plaine qu’occupa Thèbes, sur les deux rives du Nil, où elle a été remplacée par de pauvres et nombreux villages. Là, sans doute, est la cause la plus probable de la destinée si disférente de ces deux villes. Deux grandes capitales, l’ancienne et la moderne Alexandrie, dans le cours de deux mille ans, en s’enrichissant de tous les matériaux de Memphis, sont parvenues à en esfacer la trace. Mais que purent faire pendant cette longue période, pour la destruction de Thèbes, de chétiss villages, dont toutes les forces n’auroient pas réussi à ébranler une seule de ses colonnes ? Ces monumens dépouillés sans doute par les Romains, de tout ce qui put entrer dans les besoins de leur cupide magnificence, restèrent, au milieu des sauvages habitans de ces contrées, comme des espèces d’antres et de rochers, qui n’eurent à se défendre que contre l’action lente du temps, et d’un climat peu destructeur.

Le premier objet qui srappa dans ce vaste champ de ruines, les auteurs de la description de l’Egypte, fut un cirque ou hippodrome dont l’aire est devenue aujourd’hui un champ en culture. A l’extrémité de son enceinte, on aperçoit les restes d’un petit temple tombé en ruine, en avant duquel est une porte, dont les grandes dimensions paroîtroient convenir à un édifice plus considérable.

A l’extrémité nord de l’hippodrome on trouve les ruines de Médynet-Abou. Elles s’élèvent majestueusement sur une butte factice, et sont entourées d’une enceinte construite partie en pierre, et partie en briques crues. Un petit temple se montre d’abord au pied des décombres. Mais les yeux sont bientôt attirés par les ruines d’un édifice, qu’on juge avoir dû être un palais de souverain. En effet, ses deux étages, et ses fenêtres carrées, et ses murs couronnés d’espèces de créneaux, annoncent un édifice différent de ceux qui étoient consacrés au culte. Vers le nord s’élèvent des propylées au-devant d’un temple, qui porte l’empreinte d’une grande vétusté. On remarque surtout les monumens situés plus loin, vers l’ouest. Un pylône très-élevé conduit dans une grande cour presque carrée, dont les galeries septentrionale et méridionale, sont formées de colonnes et de gros piliers carrés, auxquels sont adossées des statues colossales. Un second pylône termine cette première cour, et conduit à un très-beau péristyle, dont les galeries latérales sont formées de colonnes, et dont le fond est terminé par un double rang de galeries, que supportent des colonnes et des piliers avec statues adossées. Ce péristyle ossre tout à la fois, des restes indicatifs de toutes les religions qui se sont succédées en Egypte. Les Chrétiens y ont élevé une église, où se voient encore de belles colonnes monolythes de granit rouge. Les Mahométans, venus depuis, l’ont destinée à leur culte, et ils en ont fait une mosquée où tout rappelle encore l’islamisme.

Un vaste mur d’enceinte, caché en grande partie sous les décombres, renfermoit plusieurs édifices dont on aperçoit aujourd’hui quelques restes. Sans doute beaucoup d’autres monumens qu’on ne voit plus maintenant, furent contenus dans cet espace.

En sortant de Médynet-Abou, si l’on suit le chemin tracé par la limite du désert, on foule aux pieds une suite non interrompue de statues briséees, de troncs de colonnes et de fragmens de toute espèce. A gauche de ce chemin on trouve une enceinte rectangulaire en briques crues, remplie du débris de colosses et de membres d’architecture, chargés d’hiéroglyphes très-bien sculptés. Ce sont les restes d’un édifice renversé jusque dans ses fondemens.

A droite du chemin est un bois assez touffu, où l’on rencontre encore un nombre considérable de sragmens antiques, de bras, de jambes, et de troncs de statues d’une grande proportion. Tous ces colosses étoient monolythes. Les débris qui en subsistent sont de grès brèche, d’une espèce de marbre, et granit noir et rouge. Des troncs de colonnes très-peu élevés au-dessus du sol, annoncent les restes d’un temple ou d’un palais. A l’extrémité de ce bois, vers l’est, sont deux statues colossales. On les a perçoit à la distance de quelques lieues, comme des rochers isolés au milieu de la plaine. Elles ont près de soixante pieds.

Si l’on quitte ces énormes statues pour regagner le chemin qui borde le désert, on arrive bientôt, à travers des débris, aux ruines vulgairement connues sous la dénomination de Memnonium. Des pylônes à moitié détruits, et dont la hauteur dut être considérable ; des colonnes élevées et d’un gros diamètre, des piliers carrés, auxquels sont adossées des statues colossales de divinités ; des portes de granit noir ; des plafonds parsemés d étoiles d’un jaune d’or sur un fond d’azur ; dus statues de granit rose mutilées, et en partie recouvertes par les sables du désert ; des scènes guerrières sculptées sur les murs, représentant des combats, des passages de sleuve, tout annonce un édifice de la plus haute importance. On a conjecturé que ce fut le tombeau d’Osymandias.

Au nord-est de ce monument, dans une gorge formée naturellement dans la montagne Lybique, on trouve un petit édisice, qui paroît avoir été consacré au culte d’Isis. Il est au milieu d’une enceinte en briques crues et très-bien conservé. On y voit des frises et des corniches élégantes, et qui brillent encore des plus éclatantes couleurs.


En reprenant le chemin tracé sur la limite du désert, on arrive bientôt à Qouarnah, où existe le reste de ce qu’on croit avoir été un palais, qui osfre l’exemple d’un portique sormé d’un seul rang de l’étendue des salles, la manière dont les jours sont disposés, tout y est différent de ce qu’on voit dans les temples.

Si l’on traverse le Nil, on trouve, en parcourant la rive droite du fleuve, des restes non moins surprenans d’édifices au village de Louqsor, qu’il faut traverser pour arriver à l’entrée principale du palais. On est frappé tout d’abord de deux superbes obélisques, d’un seul bloc de granit, de soixante-douze à soixante quinze pieds de hauteur. Derrière ces obélisques sont deux statues colossales assises, de trente-quatre pieds do proportion, qui précèdent un pylône haut de cinquante pieds. Toutes ces masses sont inégales entr’elles et irrégulièrement disposées. Li’ntérieur du monument de Louqsor osfre à la vue plus de deux cents colonnes de dissérentes proportions, dont la plus grande partie subsiste encore en entier. Les diamètres des plus grosses ont jusqu’à dix pieds. Tous ces édifices sont environnés de décombres, qui s’élèvent de beaucoup au-dessus du niveau général de la plaine.

De Louqsor on arrive à Karnak par un chemin bien frayé, où de pari et d’autre, et à des intervalles assez, rapprochés, existent des débris de piédestaux et des restes de sphinx ; on en trouve même d’entiers à corps de lion et à tête de femme. De l’allée de sphinx dirigée sur Louqsor, on passe, en déviant un peu sur la gauche, dans une avenue plus large, formée toute entière de béliers accroupis, élevés sur des piédestaux, à l’extrémité de laquelle est une porte très-élégante. Vient un temple qui porte dans toutes ses parties l’empreinte de la plus grande vétusté, et qui cependant est bâti avec des débris d’autres monumens.

Du côté du nord-est on arrive au palais, par une longue avenue des plus gros sphinx, qui existent dans toutes les ruines de l’Egypte. Elle précède des propylées formées d’une suite de pylônes, au-devant desquels sont des statues colossales, dont les unes sont assies, les autres sont debout. Ces constructions ne se recommandent pas seulement par la grandeur de leurs dimensions ; elles se font remarquer encore par la variété des matériaux qui y sont employés. Une espèce de pierre calcaire compacte comme le marbre, un grès siliceux mélangé de couleurs variées, les beaux granits noir et rose de Sienne, ont été mis en œuvre pour les statues. La porte du premier pylône est elle-même toute entière en granit, et couverte d’hiéroglyphes sculptés avec le plus grand soin.

Le palais de Karnak, vu d’un certain côté, ne présente que l’image d’un bouleversement général. La consusion de toutes ces masses est telle, que le spectateur désespère d’en pouvoir comprendre la disposition. C’est pur l’entrée qui regarde l’ouest qu’il faut pénétrer dans cet ensemble de ruines, pour acquérir une idée de son plan et de sa distribution. Il faut se représenter une première cour décorée sur les côtés de longues galeries, et renfermant dans son enceinte des temples et des habitations. Au milieu est une avenue de colonnes qui ont jusqu’à soixante-dix pieds de haut. La plupart d’entr’elles sont écroulées, et étendent au loin les tambours de leurs assises encore rangés dans leur ordre primitif. Une seule reste debout comme témoin d’une magnificence qu’on ne peut plus que deviner. On passe de pylône en pylône et de salle en salle, de galeries en galeries. Une de ces galeries est formée de piliers à statues adossées, et elle renferme le plus grand des obélisques existant encore aujourd’hui en Egypte.

C’est surtout dans une notice abrégée, qu’il faut désespérer de donner une idée d’un tel amas de constructions, et tellement détruites, qu’il paroît impossible d’en reproduire une restitution quelconque. Comment d’ailleurs saisir l’image d’édifices qui probablement ne furent jamais ni imaginés ni réalisés sur un plan formé d’avance, qui ne surent qu’une accumulation successive de masses uniformes, toujours répétées, ouvrages de plusieurs siècles, et où des besoins, des usages, et des institutions que nous ne pouvons plus ni comprendre ni deviner, faisoient ajouter dans des directions différentes, avec des dimensions toutes diverses, des corps de construction à d’autres corps de construction, des galeries à des galeries, des portiques à des portiques ?

Il resteroit à faire quelque mention des sculptures de Thèbes, des tombeaux des rois, des vastes hypogées creusées à toutes sortes de profondeurs. Mais la description de tous ces travaux souterrains échappe encore davantage a l’analyse qu’on voudroit en faire, et fastidieuse pour le lecteur, elle ne seroit d’aucun intérêt pour l’art, d’aucune utilité à l’artiste.

THÉORIE, s. f. L’idée de théorie, opposée à celle de pratique (voyez ce mot), en tant que l’action morale ou spirituelle qui raisonne et combine, est différente de l’action corporelle ou manuelle, qui façonne et exécute, comporte aussi plus d’un degré, selon le plus ou moins d’élévation des points de vue, auxquels on applique les notions dont l’enseignement se compose.

A l’article PRATIQUE, nous avons reconnu, que surtout à l’égard de l’architecture, on devoit diviser en deux parties ce qui est du ressort de l’exécution, l’une que l’on a appelée pratique savante, et l’autre, que l’on a désignée sous le nom de pratique ouvrière.

Ici, nous croyons, qu’en donnant du mot théorie, l’idée sous laquelle on l’entend le plus ordinairement, c’est-à-dire celle qui comprend


cet ensemble des connoissances d’un art, qu’on acquiert par l’étude ou que l’on reçoit de l’enseignement, on peut reconnoître trois degrés d’étude ou d’instruction théorique.

Nous croyons qu’on doit distinguer la théorie des faits et des exemples, qu’on appellera théorie pratique, la théorie des règles et des préceptes, qu’on appellera théorie didactique, et la théorie des principes ou des raisons, sur lesquelles reposent les règles, et qu’on appellera théorie métaphy¬sique.

En appliquant cette division à l’architecture, on comprend, quant au premier genre de théorie, qu’il est possible d’arriver par une instruction bornée, à resaire ce qui a déjà été fait. On peut enseigner aux élèves à se régler sur les inventions et les ouvrages des prédécesseurs, à prendre pour modèle tels ou tels maîtres, tels ou tels monumens, à regarder comme objets constans d’imitation, les formes, les compositions, les décorations d’ensemble ou de détail, sormant la manière, le style et le goût de ceux à la suite desquels on se place, sans songer à se demander, en vertu de quoi ils ont procédé ainsi. Cette sorte de théorie pratique ou routinière, n’a que trop souvent régné en plus d’un pays, et dans plus d’un siècle, et si on lui a dû, quelquefois, selon le mérite et le talent de certains grands hommes, chess d’écoles célèbres, des imitateurs ou des continuateurs plus ou moins heureux de leur manière, il ne s’est d’ailleurs, et dans d’autres temps, rencontré que trop de ces copistes serviles, qui ont perpétué tes travers et les vices de ceux qui les avoient mis en honneur. La théorie routinière dont on parle, celle qui n’enseigne que par les faits et les exemples, est d’autant plus facile, qu’elle n’exige aucune leçon orale, et que le seul ascendant de l’exemple du maître, a souvent plus de force et d’entraînement, que toutes les doctrines des livres et des traités.

Après cette sorte de théorie, vient celle des règles et des préceptes, ou la théorie didactique, qui, soit par l’étude particuliere, soit par les leçons du maître ou de l’école, apprend à distinguer dans les ouvrages de l’art, certains points communs, où leurs auteurs se sont rencontrés, enseigne à faire des observations sur les effets de ces ouvrages, à les comparer entr’eux, à interroger sur la préférence qu’ils méritent, les susfrages des temps passés, et cet assentiment d’une opinion générale, la plus propre à servir de guide au jugement particulier. Ce genre de théorie est le propre d’un grand nombre de traités, faits par les plus habiles architectes. Après avoir décomposé toutes les parties qu’embrasse l’architecture, et après les avoir soumises, dans de nombreux parallèles, aux diverses autorités des exemples, ils ont cherché à établir les meilleurs rapports entre les formes, les proportions les mieux appropriées au caractère spécial de chaque sorte d’ordonnance, les divisions les plus amies entr’elles, les plus conformes à la faculté visuelle, les détails d’ornemens, sur lesquels se sont accordés les artistes les plus accrédites. De ce concert soit d’ouvrages, soit d’observations sur les ouvrages, soit d’approbations successives données aux uns et aux autres, seront nées les règles, qui, dans l’antiquité même, parvinrent à fixer l’art, à réduire en système tous ses procédés. Ces règles, et les préceptes qui en dérivent, ont été la matière de toutes les théories didactiques des Modernes, et de l’enseignement journalier des écoles.

Cependant il est facile de voir, qu’au-dessus de cette théorie il doit y avoir un degré d’enseignement supérieur, une critique d’une nature beaucoup plus subtile. C’est, non celle qui donne les règles, mais celle qui remonte aux sources d’où les règles émanent. C’est, non celle qui rédige les lois, mais celle qui en scrute et en pénètre l’esprit. C’est, non celle qui puise ses principes dans les ouvrages, mais celle qui donne pour principes aux ouvrages, les lois même de notre nature, les causes des impressions que nous éprouvons, les ressorts par lesquels l’art nous touche, nous émeut et nous plaît. Cette théoriedéveloppe les raisons qui servent do base aux règles. Elle reconnoît certaines beautés comme applicables à toutes les architectures ; mais loin d’établir l’égalité entr’elles, ainsi que quelques esprits voudroient se le persuader, elle nous conduit à reconnoître, qu’une seule mérite le nom d’art. C’est celle qui satisfaisant à tous les besoins, et remplissant toutes les conditions d’utilité, prête au génie les plus nombreuses ressources, parce qu’elle fut le produit d’un modèle primitif, qui réunit à la fois le simple et le composé, l’unité et la variété ; parce que seule elle parvint à s’approprier un véritable système imitatis, lequel consiste, beaucoup moins qu’on ne pense, dans la transposition en pierre, des formes de la charpente, et du bois long-temps employé par la construction, mais dans l’assimilation, que d’heureuses combinaisons parvinrent à faire des lois de proportions données par les œuvres de la nature, aux ouvrages de la main des hommes.

Ces trois degrés de théorie ont sait le sujet d’un si grand nombre d’articles de ce Dictionnaire, que nous ne saurions placer ici les renvois aux mots où ils sont traités. Nous osons nous flatter à l’égard du dernier genre de théorie, qu’on n’en trouveroit, nulle part ailleurs, ni autant de développemens, ni d’aussi complets.

THERMES, s. m. pl. , en latin thermœ, du grec θερμαι étuves, bains chauds.

Ici, comme en beaucoup d’autres cas, l’édifice prit et retint le nom de l’usage auquel il servoit, et ici encore il arriva, que beaucoup d’autres emplois se trouvant ajoutés au premier emploi, le nom une fois donné à l’édifice, n’exprima plus


qu’une seule partie de sa destination. Ainsi comme on l’a déjà dit au mot BAIN, le bâtiment qui sembloit, dans son acception simple, ne signifier que bains chauds, non-seulement étoit destiné aussi aux bains froids, mais rensermoit encore une multitude d’autres emplois, qui faisoient de ces lieux, une sorte de point de réunion d’un grand nombre d’établissemens d’utilité et de plaisir, lesquels avoient aussi ailleurs des locaux séparés, et des noms particuliers, tels que Palestres, Gymnases, Sphœristères, Exèdres, Xistes, Ephébées, etc. Chacun de ces édifices trouvant dans ce Dictionnaire des articles qui en font connoître l’ensemble et les détails, nous n’alongerons point de nouvelles notions sur leur compte, le présent article.

Au mot BAIN (voyez ce mot), nous avons traité, avec une très-grande étendue, de tout ce qui, soit dans les bains ordinaires, soit dans les thermes, ou établissemens de bains publics, avoit rapport à leur principal usage, ainsi que des différentes pièces appropriées à toutes les pratiques que le régime sanitaire, ou les besoins du climat, avoient rendues nécessaires. Nous avons parcouru tous les moyens employés pour l’arrivée, la distribution des eaux, les procédés mis en œuvre, pour en tempérer l’influence, au gré de chacun. Nous aidant à cet égard des monumens de l’antiquité, comme des renseignemens des écrivains modernes, nous avons pris soin de renfermer dans cet article, tout ce qui nous a paru le plus détaillé, et le mieux constaté en ce genre, sur ce qui regarde les bains publics des Anciens, considérés sons le point de vue des usages qui avoient fait élever d’aussi grandes constructions. Si nous nous sommes permis quelques descriptions de certaines de leurs parties, c’est que beaucoup de ces usages dépendent tellement de leur localité, qu’on ne sauroit les faire connoître sans y joindre les indications des lieux mêmes, Du reste, nous terminâmes l’article des bains antiques, en renvoyant au mot THERMES, les notions plus particulièrement propres de l’architecture, et qui font prendre une idée de l’importance, et de la magnificence que les Romains donnèrent à ces monumens.

Si on en croit les relations des voyageurs, et les restes nombreux de constructions, qu’on désigne par le nom de thermes, et qui en ossrent des caractères apparens, les Romains, partout où leur domination s’étendit, auroient singulièrement multiplié cette espèce de monument. Des recherches exactes à cet égard deviendroient la matière d’un très-grand ouvrage, et serviroient assez peu à remplir l’objet que nous nous proposons ici, savoir, de donner une idée abrégée de ces entreprises de l’art de bâtir, et de l’immense étendue à laquelle le luxe de Rome les porta.

Ce luxe paroît avoir daté du règne des empereurs. Victor et Rufus comptèrent jusqu’à 800 bains, dont les principaux étoieot ceux de Paul-Emile, de Jules-César, de Mécène, de Livie, de Salluste, d’Agrippine, etc. Mais tous ces édifices, résultats de fortunes particulières, furent effacés par les établissemens des thermes, auxquels leurs fondateurs attachèrent leur noms, Les plus remarquables furent bâtis, selon l’ordre chronologique, par

Agrippa, vers l’an 10 de l’ère vulgaire.
Néron 64
Vespasien 68
Titus 75
Domiten 90
Trajan 110
Adrien 120
Commode 188
Antonin Caracalla 217
Alexandre-Sévère 230
Philippe 245
Dèce 250
Aurélien 272
Dioclétien 295
Constantin 324

Il existe encore à Rome des restes de quelques-uns de tes grands édifices, mais l’immense destruction qui s’est opérée dans cette ville, a dû naturellement les décomposer, el en isoler les par-tics, de manière à rendre impossible, pour le plus grand nombre, la remise ensemble des membres dont il’ étoient formés. C’est aujourd’hui le fait de l’antiquaire d’en rechercher les emplacement, l’histoire à la main, à l’effet d’en compléter la la topographie de l’ancienne Rome. Pour l’architecte, il n’y a plus guère de visibles et d’instructifs que les restes des thermes de Titus, des thermes de Caracalla et de ceux du Dioclétien.

Il avoit manqué jusqu’à présent, une restitution complète du plus entier de ces monumens, qui pût servir d’indication pour faire connoîrtre, par analogie, le lien commun de toutes les parties qui entroient dans la composition de quelques autres moins bien conservés. Mais cet ouvrage vient d’avoir lieu, par la restauration qu’a faite des thermes de Caracalla, M. Abel Blouet, pendant le cours de son séjour à Rome, comme pensionnaire du Roi. Ce beau travail, dont la publication a été encouragée par le Gouvernement, va rendre une sorte d’existence à un genre d’édifices dont il étoit difficile, vu leur grandeur el la diversité des parties qui les composaient, de se former une juste idée.

Au pied du mont Aventin, entre les murs de Rome, et la voie Triomphale, existent des restes très-considérables de ces thermes, qui furent les plus grands de ce genre, et formèrent un des plus vastes, et à la fois des plus magnifiques édifices de la capitale du Monde ancien.

Construis par l’empereur Antonin Caracalla, dont ils prirent le nom, ces thermes furent ache-


vés dans la quatrième année de son règne, c’est-à-dire l’an 217 de l’ère chrétienne. Selon Lampridius, ils n’avoient point eu orginairement de portique. Eliogable et Alexandre-Sévère y en ajoutèrent dans la suite. S’il est difficile, en général, que de grandes entreprises, toujours susceptibles d’augmentations et de changemens, reçoivent leur exécution d’après des projets définitivement arrêtés d’avance, avec, une correspondance parfaite de leurs parties, les fouilles fartes avec beaucoup de dépense pendant deux années, aux thermes de Caracalla, en faisant retrouver le plan exact de toutes les masses, ont mis à jour la régularité des parties qui entrèrent dans leur composition. Il résulte de la certitude de ce plan, que chacune des faces des corps d’édifices intérieurs, étoit disposée avec une correspondance de symétrie parfaite. Pareille disposition devoit régner à l’extérieur, dont les murs, dans les restes de leurs élévations actuelles, n’annoncent pas qu’on ait porté à ces dehors une grande dépense de décoration. Naturellement ce soin et cette dépense furent appliqués à l’intérieur des galeries, des salles de tout genre, où la multitude étoit plus ou moins admise.

On peul juger de cette magnificence, non-seulement par les nombreux démis encore visibles, des ornement répandus sur toutes les superficies de ces intérieurs, mais encore par les monumens de sculpture qui y ont été trouves. Les plus remarquables sont l’Hercule de Glycon, le torse antique, le Taureau dit Farnèse, la Flore, deux gladiateurs, les deux vasques de granit de la place Farnèse, les deux belles urnes de basalte vert qui sont dans la cour du Musée du Vatican, diverses terres cuites, et une infinité d’autres sculptures et objets d’art. La dernière colonne de granit de la grande salle du milieu a été enlevée de ces thermes en 1564, et donnée par le pape Pie IV au grand-duc Cosme de la Trinité à elle est présentement sur la place de la Trinité à Florence, où elle supporte une statue en porphyre de la Justice.

La masse générale des thermes de Caracalla forme, en plan, un quadrangle de 1011 pieds, sur 1080 L’entrée principale du monument est sur le côté plus petit, et elle s’annonce par un portique extérieur composé de deux étages ou rangs d’arcades l’un sur l’autre, au nombre de cinquante-trois dans chaque rangée. Ces arcades ont leurs piédroits ornés de colonnes adossées, doriques dans le rang d’en bas, ioniques dans l’étage supérieur. Ces arcades introduisent dans une longue galerie, et les piédroits qui la forment, ornés de ces colonnes eu dehors, le sont en dedans, de pilastres correspondant à une rangée pareille de piédroits.

Les trois autres côté’ du quadrangle n’offroient en dehors que des murs sans décoration, d autant plus naturellement, que deux de ces façades extérieures étoient adossées au mont Aventin, aux dépens duquel même avoit été taillée une partie de l’espace, en sorte qu’il n’y auroit eu aucune reculée pour jouir de leur aspect.

Le luxe de l’architecture et de la décoration avoit été réservé pour lus façades intérieures du monument, dont l’enceinte renfermoit le corps de bâtiment le plus important par sa distribution, comme pour la décoration et la richesse de son architecture. Il étoit placé au milieu de cette enceinte, entre deux espaces, l’un moius grand du côté du portique, l’autre double du premier, et qui, l’un et l’autre, avoient des promenades plantées de platanes et d’autres arbres. La façade intérieure de la grande enceinte, en face de celle du portique, offroit une sorte d’amphithéâtre ou rangée de gradins.

Mais le grand corps de bâtiment renfermé dans l’enceinte étoit, quant à l’élévation, la partie la plus remarquable de cet ensemble. Ilse présentoit an spectateur, sur une ligne coupée dans son milieu, par une grande rotonde perche de deux rangs d’arcades d’un côté ; de l’autre régnoient avec une parfaite symétrie, des ouvertures ornées de colonnes et séparées par des massifs ; au-dessus de ces péristyles en colonnes, il y avait des arcades surbaissées.

Rien, au reste, ne serait plus difficile, et peut-être plus inutile, que d’essayer de faire comprendre par le discours, toutes les variétés de forme données à cet innombrable assemblage de pif tes communiquant les unes aux autres, et différant entr’elles par leurs plans, leurs élévations et lents détails, autant que par les emplois qui avœint motivé ces différences. Ou ne sauroit rendre compte à l’esprit de ce qui ne peut être commis que par les yeux.

La construction des thermes de Carcalla est, comme la plupart des grandes constructions romaines, du genre qu’on appeloit emplecton, c’est-à-dire maçonnerie en blocage, revêtue de briques triangulaires, le tout relié par des rangs d’autres grandes briques quadrangulaires, placées de distance en distance les unes au-dessus des autres, et traversant toute l’épaisseur des murs. Ces mêmes murs sont encore euduits d’une, et quelquefois de deux couches de ciment, dans lequel on remarque quelques plaques de marbre, sur lesquelles étoient appuyés les revêtemens.

Les voûtes sont construites en pierres ponces (ou pumici) ; elles sont à l’intérieur revêtues de briques carrées, placées à plat. On observe que, dans quelques salles, ces briques sont doublées d’un autre rang de briques plus grandes, posées de la même manière, et recouvertes d’une couche de ciment, destinée à recovoir les stucs peints ou les mosaïques. Sur ce blocage en pierre pouce qui forme la partie supérieure des voûtes, il y a un enduit de ciment, dans lequel étoient incrustées les mosaïques, dont étoit fait le pavement des terrasses qui couvroient une grande partie de l’édifice.

La maçonnerie des canaux et des réservoirs,


qui fournissoient de Peau pour tous les usages du monument, est faite à bain de mortier. L’intérieur en est couvert d’une forte épaisseur de ciment ; tous les angles rentrans sont arrondis. Leur fond, est une surface courbe, en tous sens, plus basse dans le milieu, et qui se raccorde avec les arrondisse-mens le long des murs. Les pavemens des salles d’enceinte sont en marbre blanc, celui de la salle circulaire du milieu des thermes est en marbre de diverses couleurs ; leurs compartimens reposent sur un blocage en maçonnerie.

Les mosaïques qui forment le pavement des autres salles et des portiques, sont établies sur une construction, qui se compose d’abord d’une première couche de grandes briques posées sur un blocage. Ces briques sont surmontées de petits piliers carrés, lesquels portent un double rang de briques recouvertes d’une couche épaisse de ciment grossier, qui sert de base à un ciment plus fin, dans lequel les mosaïques sont incrustées. Cette pratique n’est pas générale à tous les locaux. Il est probable qu’on la réserva pour les pièces où l’on vouloit faire circuler la chaleur des hypocaustes.

Nous ne dirons que quelques mots du genre et du goût des ornmens, qui furent appliqués à la plus grande partie de ces constructions.

La façade dit côté de feutrée et les deux façades latérales du monument, étant plus ou moins cachées par des objets environnans, et par des plantations, leurs constructions étoient seulement revêtues d’un enduit de stuc lisse. La façade du côté du Xiste, a conservé de grandes parties de décoration, qui se composent d’un enduit de stuc, dans lequel étoient incrustées des mosaïques en vitrifications de différentes couleurs. Les colonnes qui décorœint cette façade étoient de granit rouge, ce qu’a fait connaître la quantité de fragmens de colonnes, qui ont été découverts par le propriétaire du terrain.

L’ensemble de la décoration intérieure du corps de monument compris dans l’enceinte générale, se composait d’un revêtement de marbre jusqu’à la hauteur de la naissance des voûtes. Les parties supérieures, ainsi que les voûtes mêmes, étoient ornées de stucs et de mosaïques vitrifiées de diverses couleurs. Les colonnes dont les dernières fouilles unt fait découvrir de très-nombreux fragmens, étoient de granit rouge et gris, d’albâtre oriental, de porphyre et de jaune antique. Les revêtemens étoient de porphyre rouge et vert, de serpentin, de vert africain, de jaune antique, de Porta Santa, de blanc veiné de violet, appelé en Italie pavonazzetto, d’albâtre et de marbre blanc.

Il ne peut appartenir qu’à l’ouvrage dont j’ai fait mention, et qui opérera la restauration totale en dessin, des thermes de Caracalla, de faire bien connoître ce que surent ces immenses édifices, dont l’idée seule confond aujourd’hui notre intelligence, et dont l’image ne peut qu’échapper à toute espèce d’art, ou de talent de description. Comment, en effet, seroit-il possible de faire parcourir au lecteur, avec l’aide seule du discours, plusieurs centaines de pièces, de salles, de chambres toutes diverses dans leurs formes, leurs proportions, leurs détails, leurs emplois ? Que disent les mots qui expriment des détails d’ordonnance, de proportion, de décoration ? Quelles images peuvent-ils produire qui approchent de la ressemblance ? Et comment se flatter de faire juger des bons ou des mauvais effets d’un plan, ou d’une perspective, du bon ou du mauvais goût des ornemens ? Ce que le discours transmet le plus exactement, et ce qu’il fait peut-être le mieux concevoir, c’est la dimension des espaces, des élévations. Mais qui pourroit soutenir l’interminable énumération des mesures d’un si grand nombre de locaux, et le fastidieux inventaire de toutes leurs particularités ?

Nous ne nous appesantirons donc point ici, en vaines recherches, sur ce que purent être les autres monumens de ce genre, dont il subsiste des restes plus ou moins bien conservés. Il y auroit sans doute quelqu’intérêt dans ces parallèles, pour l’histoire du goût de l’architecture à Rome. Nous ne doutons pas qu’on ne pût encore arriver sur ce point à quelques notions précises. Si, par exemple, le Panthéon fit partie jadis des thermes d’Agrippa, comme le prouvent des fragmens de construction qui lui sont contigus, il est bien probable qu’on aura perdu là, comme dans quelques autres édifices semblables, tels que ceux de Néron, de Titus, etc. , des modèles d’architecture plus recommandables. Mais il est douteux qu’aucun ait surpassé en grandeur celui de Caracalla.

Serlio, en effet, s’est trompé, en avançant que les thermes de Dioclétien étoient plus étendus. Quoique leur ensemble soit aujourd’hui rompu, et découpé en morceaux qui n’ont plus de cohérence entr’eux, il est facile, sinon de rétablir en dessin, ce qui a réellement disparu, au moins d’inférer de tous ces membres épars, quelle fut la superficie que le tout dut occuper. Or, ces calculs et ces rapprochemens ont éte faits ; et il en est résulté, que son enceinte avoit dû le céder en étendue à celle des thermes de Caracalla.

Toutefois rien ne donne une plus haute idée de ces entreprises, et en particulier des thermes de Dioclétien, que la vue des vastes terrains, qu’on parcourt aujourd’hui vides et déserts, sur leur emplacement, et que l’architecture avoit jadis couverts de toutes ses magnificences. Le nom de thermes (termini) est devenu à Rome le nom d’un quartier, que ce seul monument occupa jadis. Une de ses étuves placée à un de ses angles, sert aujourd’hui d’église, sous l’invocation de Saint-Bernard. On voit à l’angle opposé, et faisant pendant, une semblable étuve en état de ruine. Les vastes greniers à blé de la chambre apostolique


se sont emparés d’une belle partie de ses dépendances. Des maisons, des palais modernes, avec leurs jardins, se sont élevés sur ses ruines. L’immense monastère des Chartreux, avec tout ce qui en dépend, occupe une foible partie de ses constructions, et l’église de Notre-Dame-des-Anges, attachée au couvent, est un démembrement d’une de ses salles. Cependant la portion qu’on en a affectée à cette destination, sous le pontificat de Pie IV, et au temps de Michel Ange, qui fut employé à cette transformation, n’est pas, à beaucoup près, la moitié en longueur de l’étendue qu’elle avoit, comme on peut s’en convaincre en consultant le plan qu’en a donné Desgodets, avec toutes ses mesures, page 131 des édifices antiques de Rome.

Si l’on consulte ce plan, la salle dont il s’agit, eut en tout 439 pieds de longueur sur 135 pieds de large. Elle se divisoit en trois parties. Celle du milieu est la seule qui forme aujourd’hui la belle et grande nef de l’église. Elle a 180 pieds 8 pouces de long sur 74 pieds 3 pouces de large. Ce vaste local est couvert pur une voûte à arête, dont les retombées posent sur huit grandes colonnes de granit d’un seul morceau (sauf une d’angle, qu’on a remplacée par une imitation en stuc coloré). Le diamètre des colonnes du milieu est par en bas de 4 pieds 4 pouces. On a remarqué que les chapiteaux des colonnes des angles sont corinthiens, et que ceux des colonnes du milieu sont de ce qu’on a appelé composite. Desgodels a cherché à expliquer cette diversité par des raisons ou des exemples qui pourroient bien n’être que de vaines hypothèses. Il y en a une plus simple, c’est que ces thermes auront pu, comme beaucoup d’autres édifices de cette époque, être construits avec les matériaux d’anciens monumens, et que l’architecte aura employé ici les chapiteaux déjà exécutés qui furent mis à sa disposition.

Beaucoup de changemens successifs sont survenus dans l’ajustement moderne de cette salle, surtout par la décoration des grands tableaux qui ont pris la place des renfoncemens, que produisoient jadis de chaque côté, les arcs collatéraux de l’arcade du milieu. Malgré toutes les innovations qui ont pu enlever à ce reste d’antiquité, une partie de son intérêt et de sa grandeur, on est toujours obligé d’y admirer un des intérieurs les plus spacieux que l’on connoisse, des mieux éclairés par les six grandes ouvertures demi-circulaires des cintres supérieurs, une disposition simple et noble, enfin un modèle de construction, qui seroit facilement applicable aux églises modernes.

Nous ne saurions terminer cet article sans faire une mention particulière d’un beau reste de thermes antiques, long-temps oubliés au milieu de Paris, et qui cependant est le titre à la fois le plus précieux et le plus authentique de l’ancienneté de cette ville. Nous voulons parler des thermes de Julien, qu’une ancienne tradition appelle le palais des thermes. Inutile de rechercher ici ce qui a pu donner lieu à cette dénomination vulgaire, et si, par la suite des temps, l’ensemble de ces constructions avoit pu devenir un lieu d’habitation. Ce que témoignent tous les restes de substruction dont tout cet emplacement est encore rempli, c’est que l’on y pratiqua des caveaux voûtés de bâtisse romaine, des conduits et des souterrains tout-à-fait semblables à ce qui existe partout où il reste des débris de bains publics et de thermes.

Mais au milieu de tous ces débris ou fragmens de constructions enfouies, il s’est conservé une très-belle portion des vastes salles qu’on retrouve dans les thermes de Rome. La grande salle dont on veut parler, est venue jusqu’à nous totalement intègre dans ses murs et dans sa voûte. Cette dernière servit jusqu’à ces dernières années de terrasse à une maison ; on l’avoit chargée de huit à dix pieds de terre, et d’assez grands arbres y avoient pris racine.

Désencombrée aujourd’hui de cette surcharge, et débarrassée dans ses alentours, cette salle se Présente maintenant à la curiosité publique, et à instruction des architectes, comme un exemple fort précieux du système de construction, que les Romains mirent en œuvre chez eux, et qu’ils transportèrent partout ou ils étendirent leur domination. On veut parler de l’art de faire des édifices grands et solides, avec de petits et vulgaires matériaux. Il est vrai qu’un pareil système exige d’excellens cimens et de beaux enduits. Les murs de la salle des thermes de Julien étoient reconvertis d’une couche de stuc, qui a, selon les endroits, trois, quatre et même cinq pouces d’épaisseur.

Cette salle a cinquante-huit pieds de longueur, cinquante-six de largeur, et quarante de hauteur au-dessus du sol actuel de la rue de la Harpe. Une grande fenêtre eu forme d’arcade y introduit une très-belle lumière. Elle est pratiquée en face de l’entrée, au-dessus de la grande niche, et précisément sous le cintre de la voûte. Celle-ci est, comme dans les grands intérieurs des thermes de Rome, construite en arêtes, genre de couverture peu dispendieux et très-solide, parce que toutes les poussées y sont divisées, et qu’il ne s’y opère aucun travail latéral. Si quelque chose pouvoit le démontrer, ce seroit sans doute la durée extraordinaire do cette voûte, malgré les causes de destruction auxquelles elle a été si long-temps exposée. Toutetois elle n’est composée que d’un blocage de mœllons et de briques, liés par un ciment compose de chaux et de sable de Paris.

La construction des murs de la grande salle, est formée généralement, de trois rangées de mœllons, séparées par quatre rangs de briques, qui ont un pouce ou quinze lignes seulement d’épaisseur. Les joints qui les séparent, sont également d’un pouce, et cette mesure est uniforme dans toute la construction. Les quatre biques avec leur joints, for-


ment ainsi une épaisseur d’environ huit pouces. Les moellons, taillés de liais très-dur, ont de quatre à six pouces de face, et environ six pouces de queue.

On trouve sous celle salle, un double rang en hauteur de caves en berceaux, ou plutôt de larges conduits souterrains, de neuf pieds de large, et de neuf pieds de haut sous clef, Il y avoit trois de ces berceaux parallèles, séparés par des murs de quatre pieds d’épaisseur, et se communiquant par des portes de trois et quatre pieds de large. Le premier rang de ces voûtes se trouve à dix pieds au-dessous du sol ; on y descend par quinze marches. Le second étage est à six pieds plus bas. La longueur de ces voûtes souterraines est inconnue. On n’y pénètre pas au-delà de quatre-vingt-dix pieds ; des décombres en interceptent l’issue. Les voûtes sont composées du briques, de pierres plates, et de blocages à bain de mortier. La construction des murs est en petits mœllons durs de six pouces de long, sur quatre pouces de haut. L’épaisseur du mortier dans les joints, va depuis six lignes jusqu’à un pouce.

Il n’y a auoun doute que l’aqueduc antique d’Arcueil, dont on voit encore les restes, amenoit des eaux à ces thermes.

Depuis quelques années on s’est occupé du soin de conserver, et de remettre en honneur ce précieux reste d’un édifice riche en souvenirs, et fécond en leçons de tout genre, pour l’art de bâtir. La voûte de la grande salle a été dégagée et mise à couvert des injures de l’air, sous une grande et solide toiture. On espère qu’il sera possible d’isoler sa construction, des maisons qui l’avoisinent, de désobstruer ses abords, et de parvenir à retrouver, dans tous les fragment de construction, et de souterrains des habitations d’alentour, de quoi restituer une grande partie du plan de ces thermes.

Plus on acquerra de connoissances positives sur la véritable distribution des innombrables parties, qui formèrent l’ensemble de ces édifices, que les Romains multiplièrent partout, et principalement dans leur ville, avec une prodigalité vraiment extraordinaire, plus on sera mis à portée de former des conjectures plausibles sur la diversité de leurs emplois : car pour finir, par où nous avons commencé cet article, il est indubitable, que le mot thermes (bains chauds) est fort loin de rendre compte de tous les genres de besoins qui firent créer ces colosses de construction. L’usage du bain fut sans doute la cause primitive des réunions, pour lesquelles on fit des édifices, où ceux qui n’avoient pas de bains particuliers chez eux, trouvaient, soit gratuitement, soit pour une modique rétribution, l’avantage qu’ils n’auroient pu se procurer Mais il est facile de voir que dès qu’il se forme, dans une grande ville, de grandes réunions d’hommes, mille autres sortes de besoins et d’établissemens viennent bientôt à leur suite ; cela dut être encore plus naturel dans les usages de la société chez les Anciens, où les mœurs domestiques se prêtoient beaucoup moins, que chez les Modernes aux réunions particulières. Aussi avons-nous dit au mol BAIN, que les établissemens de ce genre à Rome, comprenoient ce qu’exprimoit le mot gymnase en Grèce. Il faut donc, se figurer les thermes, comme les points de réunion de la population à Rome, et où chaque classe de citoyens trouvoit à passer le temps, soit aux exercices du corps, soit à ceux de l’esprit, soit dans des espèces de cirques, soit dans des bibliothèque, soit dans des promenades, soit dans des galeries d’ouvrages d’art. On doit croire encore que les grandes salles purent servir à des concerts, à des fêtes, à des spectacles de tout genre, à des banquets. Enfin, ce genre d’édifices auroit compris dans un ensemble de bâtiment, ce qui se trouve séparé selon les mœurs modernes, dans nos Académies, nos Wauxhalls, nos jeux de paume, nos cafés, nos jardins de réunion publics ou autres, et tous nos lieux de divertissement.

THESSALONQCE. Voyez SALONIQUE.

THOLUS, en grec θολος. C’est le nom que les Romains et les Grecs donnèrent à cette forme d’édifice, on de construction, que nous appelons coupole.

La forme des édifices sphériques et circulaires, dans l’ordre des inventions et des opérations de l’art de bâtir, ne dut se produire qu’après la forme des bâtimens rectilignes et quadrangulaires. La nature des choses indique cette marche, quel qu’ait été le choix des matières. Là où dés les commencemens, on employa la pierre, il dut se passer beaucoup de temps, avant qu’on ait tenté de faire décrire à un assemblage de blocs taillés, les courbes nécessaires à la configuration d’une voûte, et surtout d’une voûte sphérique. On a présumé que jamais l’antique Egypte n’en éleva, du moins on n’en rencontre aucune indication, dans les restes très-nombreux de ses monumens.

Il nous a toujours semblé que l’emploi du bois dans les constructions primitives, avoit été le plus favorable aux inventions futures de l’art, le plus fécond en combinaisons variées, le plus propre à inspirer à l architecture, non-seulement pour l’extérieur, la régularité des distributions, des membres, des parties et des ordonnances, mais aussi par la facilité des couvertures, la grandeur et l’étendue des intérieurs. Là où le bois devint la matière première des constructions, les arbres fournirent des poutres et des solives, propres à faire des plafonds de toute mesure. Mais le simple assemblage des chevrons qui donnèrent la forme des toits, enseigna bientôt l’art de faire prendre aux solives la courbure qu’exige la configuration des arcades. Dès qu’on eut ainsi fait un arc, il ne lut plus question, que d’en réunir de la


même manière plusieurs, autour d’un axe, et l’on eut un tholus ou une coupole en charpente.

Que cet emploi du bois ait existé, en Grèce, pour de tels ouvrages, cela nous est attesté par la mention que Pausanias a faite du Philippeum, ou monument bâti par Philippe, roi de Macédoine, après la bataille de Chéronée. Il étoit, dit-il, construit en briques, sur un plan circulaire, et environné de colonnes. A son sommet étoit un fleuron en forme de pavot de bronze, qui faisoit le lien des poutres dont se composoit la couverture. On concluroit à tort de cet exemple, et du siècle où le monument fut exécuté, qu’on n’en avoit point fait de semblables auparavant, ou que les Grecs n’avoient pas connu plus anciennement la pratique des voûtes sphériques en pierres.

Dès la haute antiquité, l’édifice appelé le Trésor de Mynias avoit été bâti en marbre, et étoit un véritable tholos ; ainsi l’appelle Pausanias. Il se terminoit par une voûte, dont le comble, dit-il, n’étoit pas trop aigu. Une seule pierre servoit de clef a la voûte. Cette observation sur la forme peu aiguë de son comble, semble indiquer que d’autres constructions du même genre affectoient davantage cette forme, c’est-à-dire la forme pyramidale.

C’est ce qui dut en effet résulter assez naturellement du modèle primitif, que les combles en bois de charpente avoient présenté à l’art de bâtir en pierre. Nous retrouvons cette forme de tholus à voûte aiguë, dans quelques monumens d’une assaez médiocre importance, quant à l’étendue, et qui furent des tombeaux en pierre, dont il s’est conservé un assez grand nombre en Sardaigne. Ils se terminent par un comble, qui, sans être tout-à-fait aigu, l’est cependant assez, pour que leur construction ait pu être élevée, comme celle des arcs aigus du gothique, sans le Secours d’un échafaudage.

On trouve peu de voûtes dans tes ruines de la Grèce, ce qui ne doit pas faire conclure qu’elles y surent aussi rares qu’on le pourroit croire. Si la paique du bois dans les couvertures et dans les voûtes y eut plus généralement cours, cela pourroit expliquer cette rareté, indépendamment de beaucoup d’antres raisons.

Au contraire, en Italie, le genre usuel de la brique, et de la maçonnerie de blocages, favorisa singulièrement la construction des tholus ou coupoles. Rome, d’ailleurs put porter dans de tels ouvrages une grandeur et une dépense, qui eût été hors de proportion avec les ressources des petits Etats de la Grèce. Aussi presque toutes les villes de la domination romaine, dont les vestiges sont parvenus jusqu’à nous, offrent-elles d’assez nombreux exemples de voûtes sphériques, qui se sont d’autant mieux conservées, que leur construction en maçonnerie, ne put fournir aucuns matériaux utiles aux entreprises à des âges suivans : car on ne doit point perdre de vue, que si les grands édifices en pierre, semblent avoir été les moins durables, c’est parce que des pierres peuvent toujours être taillées du nouveau, pour servir à d’autres édifices, tandis qu’il n’y a aucun parti à tirer pour de nouvelles constructions, des bâtisses dont le corps est formé de pierrailles et de ciment.

THORICION on THORICES, étoit un bourg de l’Attique, situé entre Sunium et Potamus, et qu’on appelle maintenant Porto Rafry, à dix lieues d’Athènes. M. Le Roy y a dessiné les restes d’un temple d’ordre dorique. Il en subsistoit encore de son temps dix colonnes, dont le fût, avec le chapiteau, avoit moins de quatre épaisseurs de diamètre mesuré en bas : ces colonnes ont un commencement de cannelures au-dessous du chapiteau, et probablement elles étoient répétées au pied du fût. On en voit de semblables à Corinthe et an temple dit de Cérès, à Segeste en Sicile. Cela ne signifie autre chose, sinon que ce temple n’avoit pas reçu son ragrément, et n’avoit point été achevé. Nous avons expliqué cette particularité, ou plutôt ce procédé d’exécution, à d’autres articles. Voyez SEGESTE et CANNELURE.

THYRSE, s. m. Il n’entre point dans ce qui fait l’objet principal de ce Dictionnaire, de rechercher quelle fut l’origine de cet attribut mythologique de Bacchus. Il nous suffit de dire que l’espèce de lance donnée par les représentations de l’art à cette divinité, se composoit d’un long bâton, environné de lierre, et se terminant pur une pomme de pin. C’est ainsi que le décrivent Euripide, Virgile, Ovide et Sénèque. Quelquefois aussi il est orné de bandelettes.

Sur un trapézophore en marbre, gravé tom. 4, pl. 10 du Museo Pio Clementino, on voit deux thyrses très-grands, et peut-être les mieux caractérisés de tous ceux qu’on rencontre sur les monumens antiques. Ils sont entourés d’amples bandelettes, qui pendent avec grâce, et dont l’extrémité est garnie de petits rubans, ce qui donne l’idée du thyrse, qui dans la pompe d’Alexandrie, décrite par Athénée, étoit dans les mains de la figure colossale de Nysa.

Le thyrse, quoiqu’il soit l’arme, et par conséquent l’accessoire obligé des figures de Bacchus, peut encore être convenablement appliqué à tout ce qui tient aux représentations scéniques, parce qu’autresois elles étoient, ainsi que les théâtres, sous la protection immédiate de Bacchus.

Ainsi le thyrse peut se mettre au nombre des attributs symboliques que l’art de l’ornement appliquera, soit dans les frises, soit sur d’autres objets, à des salles de sestin ou de réjouissances, ou à des salles de spectacle.

TIBUR, aujourd’hui TIVOLI. Ville antique d’Italie, dans la Campagne de Rome, située à vingt


milles de cette ville, selon le calcul des anciens milles. Aujourd’hui, soit par la différence de la rente nouvelle, soit par celle du nouveau mille, on en évalue la distance à nu peu plus de dix-neuf.

La seule énumération des restes d’antiquité qu’on y voit, et auxquels les archéologues modernes ont donné des noms plus ou motus vérita-tables, alongeroit cet article sans aucune utilité. La belle position de Tibur, la magnificence de ses sites, et la proximité de Rome, en avoient fait autrefois le lieu de délices des riches et des grands. Une multitude de ruines sont aujourd’hui éparses dans son territoire, et ne servent plus qu’à donner l’idée, de ce que dut être jadis cette collection de palais, de maisons de plaisance et de monumens, qui se disputèrent les beaux aspects dont la nature est si prodigue en ces lieux.

Pour concevoir l’ancien Tibur tel qu’il fut aux temps de sa splendeur, il faudroit réunir à l’emplacement qu’il occupe aujourd’hui, les vastes espaces occupés par cette villa de l’empereur Adrien, qui eut plus d’étendue qu’un grand nombre de grandes cités, et toute cette partie de territoire qui commençoit au ponte Lugano. Obligés de resserrer ces notions dans un petit espace, nous ne parlerons que des monumens, dont le nom et la forme u’offrent aucun doute, et ensuite nous renverrons à l’article ADRIENNE (villa), où nous avons parcouru les nombreux fragmens d’édifices, qui composèrent ce prodigieux ensemble.

A partir donc du pont Lugano, distant de Rome de seize milles, la plus remarquable antiquité est le tombeau de la famille Plautia, qui, avec ceux de Cecilia Metella et de Cestius, est un des mieux conservés et des plus intègres. Il est en entier de pierre travertine, à l’exception des inscriptions, qui sont de marbre. Sur un soubassement quadrangulaire décoré d’un ordre ionique entremêlé de niches peu profondes, s’élève le corps du tombeau en forme ronde, couronnée par un entablement. Mais dans les temps modernes, on a converti ce monument funéraire en forteresse, et on y a ajouté des créneaux. On croit aussi qu’originairement la masse en fut ronde du haut en bas, et qu’on y ajouta postérieurement la partie de ce soubassement carré dont on a parlé, pour y placer les incriptions relatives à ceux qui depuis y surent inhumés.

Après ce tombeau, sur la même voie, ou trouve à main droite, dans la villa Gentili, les restes encore bien conservés de deux fort beaux sépulcres, connus sous le nom de tombeaux de Sereni. Leur construction est semblable, et consiste en petites chambres carrées, larges chacune de huit pieds. Au dehors ils sont revêtus de gros blocs de pierre travertine, et leur masse est surmontée d’un piédestal qui probablement, jadis, portoit nue statue. Sur une des faces d’un de ces piédestaux, est sculptée en fort beau marbre, une figure en pied qui tient un cheval par la bride. Quoique mutilé, ce bas-relief se recommande par une fort belle sculpture. Le bas-relief de l’autre sépulcre manque, mais on en voit le dessin dans le recueil des Sepolcri antichi par Pietro Santi Bartoli, pl. 48. On y avoit représenté deux figures en pied, l’une d’un homme, l’autre d’un enfant, près d’une table sur laquelle est une espèce de cercle, avec un oiseau dans le milieu ; sous la table est une figure ou de chien, ou de chèvre, ce qu’on ne sauroit distinguer. Ces deux restes d’antiquité sont aujourd’hui assez défigurés dans leur ensemble, par les masses de construction dont on les a surmontés. Toutefois faut-il s’en plaindre ? Peut-être, en effet, ont-ils dû leur conservation précisément à ce qui a semblé les rendre utiles, en les laisant servir de support à la bâtisse nouvelle. L’inutilité matérielle de ces sortes d’objets d’art, fut pendant trop long-temps la cause de leur destruction.

Les seuls monumens de l’ancien Tibur, dont on retrouve des restes dans la ville actuelle de Tivoli, qui lui a succédé, sont :

1º. Un temple qu’on dit avoir été d’Hercule, et qui s’élevoit à l’endroit aujourd’hui occupé par l’église cathédrale de Saint-Laurent, comme l’ont fait reconnoître les découvertes auxquelles ont donné lieu les fouilles opérées sur ce terrain. Derrière le chœur de l’église, il existe un reste de la cella de l’ancien temple. C’est un grand cul de four bâti en reticulatum, semblable à celui de la villa de Mécène. La courbe de cette partie de l’édifice, prouve que la cella avoit à peu près quatre-vingt-quatre palmes de diamètre.

2º. Le temple dit jadis de la Sibylle, appelé aujourd’hui de Vesta, monument circulaire trèsconnu, et mesuré nombre de sois par les architectes. Il s’élève précisément au-dessus de la cataracte de l’Anio, et il est peu de positions aussi remarquables par la variété des aspects. Aussi y a-t-il peu de monumens qui aient plus exercé le talent des peintres et des architectes. Il consistoit en un seul rang de colonnes autour d’un mur intérieur. Cette colonnade portoit sur un soubassement ayant en hauteur les deux tiers de celle de la colonne. Elle se composoit de dix-huit colonnes corinthiennes, cannelées, avec une base attique sans plinthe. Il ne reste plus que dix de ces colonnes, dont sept sont isolées, les trois autres sont engagées dans un mur de construction moderne. On y observe un renflement, c’est-à-dire que le diamètre au-dessous du chapiteau est moindre que celui de la colonne, mesurée au tiers de sa hauteur, à partir d’en bas. Le chapiteau dans sa hauteur a un peu moins du diamètre de la colonne. Ses feuilles sont celles de l’acanthe, plutôt que de l’olivier. L’ordre est couronné d’un entablement qui a de hauteur les deux onzièmes de la colonne. Sa srise est ornée de bucrànes, de festons, de fruits et de patères, symboles de sacrifices. On


lit sur l’architrave un reste d’inscription, qu’on a tenté de restituer. Les colonnes, ainsi que tous les ornemens, sont en pierre travertine ; mais plus d’un vestige démontre que le tout fut jadis revêtu de stuc, comme cela se voit également à Rome au temple de la Fortune virile. On montoit au temple par un escalier dont on reconnoît encore les vestiges. Le portique circulaire, formé par les colonnes et le mur de la cella, a de largeur deux diamètres de colonne. Son plafond est fort simple et n’est orné que de deux rangs de petits caissons avec rosaces. Lacella est construite en réticulaire incertain. L’intérieur, outre l’ouverture de la porte, étoit éclairé par deux fenêtres, dont les chambranles affectent la forme pyramidale. Le pavement ou le sol de l’intérieur est plus élevé que celui du portique. On y montoit par deux degrés dont les traces existent encore. Dans l’intérieur on voit une niche très-peu profonde, et qui ne se trouve point en face de la porte. On croit que c’est un ouvrage des bas siècles, lorsque le temple fut converti on église chrétienne. Cette nouvelle destination trouve un témoignage dans certains restes d’enduits, qui ont conservé des traces de peinture appartenant à des sujets chrétiens.

3º. Non loin du temple de Vesta, il en subsiste un autre quadrilatère, en tout semblable à celui qui, à Rome, a voisine le temple de Vesta, et qu’on appelle de la Fortune virile. Ce temple étoit prostyle, tétrastyle et pseudonériptère, c’est-à-dire n’ayant quatre colonnes qu à un seul de ses fronts, et celles des flancs étant engagées dans le mur de la cella des deux tiers de leur diamètre. Ses colonnes sont de l’ordre ionique, avec la base attique sans plinthe. Elles posent sur un soubassement général de pierres travertines compactes, lorsque le mur de la cella est d’un travertin poreux qu’on appelle cipolaceio. Aujourd’hui ce temple a perdu toute sa partie supérieure, moins un chapiteau assez dégradé dans sa partie postérieure. Une seule colonne de front est restée, c’est celle de l’angle à gauche. Le côté droit de l’édifice est engagé dans des bâtisses modernes. On montoit au temple par un escalier composé de sept gradins, aujourd’hui la plupart enterrés.

Dans la vigne d’un particulier on voit un édifice circulaire, vulgairement appelé tempio della Tosse, dénomination dénuée de preuves et de toute autorité, et d’autant plus arbitraire, que très-probablement cet édifice ne fut pas un temple. Beaucoup de particularités et de considérations tendent à prouver que ce fut plutôt un sépulcre, et sa construction l’annonce pour être des bas temps. La maçonnerie se compose de petits tufs quadrangulaires, mêlés avec des briques et beaucoup de ciment. L’intérieur a encore des restes du peintures chrétiennes. Il est à croire qu’à une certaine époque on fit de ce monument une petite église ou une chapelle rurale.

Une des ruines les plus considérables de l’ancien Tibur, après les vastes débris de la villa Adriana, est celle de la villa de Mécène. Il est difficile de s’en faire maintenant une juste idée, tant ses masses ont subi de dégradations. Pirro Ligorio, qui vit ce grand reste de construction beaucoup plus intègre, en fit une description abrégée qui peut donner quelqu’idée de sa forme ancienne.

A l’extrémité de la colline qui regarde la Campagne de Rome, s’élevoit cette magnifique maison de compagne sur de très-hautes substructions, qui rétablissoient le niveau dans son plan, comme on le voit encore du côté qui regarde l’Anio. Son élévation se composoit de deux ordonnances ou deux étages, l’inférieur orné d’un ordre dorique. L’ordre de l’étage supérieur étoit ionique. Il reste encore des parties du premier ; le second est entièrement détruit. C’est à ce dernier que doit avoir appartenu la colonne qui, bien que déplacée aujourd’hui, existe toujours sur les ruines près de la route. Cet ordre supérieur ne régnoit pas dans toute la circonférence du bâtiment, mais seulement dans le corps du milieu, où étoit l’habitation du maître. C’est cette partie qu’on voit encore dominer maintenant la masse des ruines, malgré tous les objets qui en masquent l’aspect.

La maison de campagne de Mécène, par la grande étendue de ses masses, interceptoit la voie Tiburtine, ce qui obligea de pratiquer un chemin couvert, qui subsiste encore sous le nom de Porta oscura. Une inscription transportée au Museum Vaticanum, nous apprend que ce chemin couvert avoit été pratiqué et construit par Lucius Octavius Vitulus et Caius Rustius Flavius, quatuorvirs, de l’avis du sénat.

Ce chemin couvert l’étoit par une voûte, percée à son sommet de fenêtres qui y introduisoient verticalement la lumière. Deux de ces couvertures existent encore, et l’on voit l’indication d’une troisième. Toute cette construction n’étoit autre chose qu’une partie formant le rez-de-chaussée. La position de l’édifice avoit obligé de bâtir un grand nombre de corridors les uns sur les autres. Il y avoit des pentes pratiquées en avant, et qui conduisoient à une réunion de degrés qui formaient une sorte de théâtre. Rien ne seroit plus difficile que de donner, par le discours, une idée précise d’un édifice dont les ruines incohérentes, sont devenues une matière de conjectures, que le laps des années rend de plus en plus incertaines.

Aujourd’hui les restes de la magnifique villa de Mécène, sont devenus des usines pour une fonderie de ser. C’est à cet effet qu’on a détourné une partie des eaux de l’Anio, qui, s’échappant sous les voûtes antiques, y forment des chutes et des cascades dont l’effet rend ce lieu extrêmement pittoresque. De là les eaux vont se précipiter dans la vallée où coule l’Anio, et forment, en tombant de la montagne, ce qu’on appelle les petites cascatelles.


En quittant la villa de Mécène, on trouve un reste de mur antique, construit de peperino en grandes pierres carrées, à l’instar des murs de Lanuvium et d’autres villes de l’ancien Latium.

TIERCER, v. agir. Ce est Réduire Au niveaux. On dit Que le pureau des tuiles ous des ardoises D’une couverture sérums tiercé à l’ordinaire, Qué Les Deux niveaux en recouverts de will be désastreuses ce est-à- ; en Sorte Que Si ce est de la tuile au grand moule, Qui a Douze A treize pouces de length, sur Lui give Quatre de pureau ous d’Échantillon.

Tiercerons, s. m. pl. Ce are, DANS LES voûtes gothiques, des ares Qui naîssent des angles, et se en vont Qui joindre aux liernes.

TIERCINE. Voyez PIÈCE DE TUILE.

TIERS-Point, s. m. Ce est le point de de la section Qui est au sommet de l’ONU d’triangle équilatéral. Les ouvriers le nomment AINSI, Parce Qu’il est Le Troisième point après Les Deux Qui sont à la base.

TIERS-POTEAU, Sm Pièce de bois de sciage, de Trois sur Cinq pouces et demi de grosseur, Faite D’UN poteau de Cinq et septembre pouces resendu. This pièce SERT verser les cloisons légères, et Celles Qui présage à faux.

TIGE, s. f. On a quelquesois donné ce nom, à ce qu’on appelle généralement aujourd’hui le fût d’une colonne. Mais on le donne avec beaucoup plus de propriété, à la partie montane d’un candélabre. Ce nom emprunté aux arbustes et aux plantes, convient particulièrement à cette espèce de candélabres en bronze, trouvés en fort grand nombre, sous les cendres qui ont enseveli Pompeia, et qui sont une imitation formelle des tiges de beaucoup de plantes.

TIGE DE FONTAINE. C’est le nom qu’on donne à une espèce de balustre creux, ordinairement rond, qui sert à porter une, ou plusieurs coupes, l’une sur l’autre, dans les fontaines en cascades. Cette tige à chaque étage reçoit un profil différent.

TIGE DE RINCEAU. On appelle ainsi une espèce de branche ordinairement eu enroulement, qui semble sortir d’un culot ou fleuron, et qui, dans ses circonvolutions, porte les feuillages d’un rinceau d’ornement.

TIGETTE, s. f. Ce est, Dans le chapiteau corinthien, juin Espèce de tige ous cornet ordinairement cannelé et orné de seuilles, D’où naîssent les volutes et les hélices.

TIL, s. m. Ecorce d’arbre Dont le fait les cordes à puits, et Dont les appareilleurs nouent des morceaux déliés les uns au bout des Autres, pour faire juin Longueur Nécessaire au tracement de Leurs EPURES. ( Voyez EPURE.) This Sorte de cordeau un TEC avantage, de point de ne s’alonger Comme la corde ordinaire.

TIMPAN ou TYMPAN, s. m. Mot dérivé du grec tympanon et du latin tympanum, tambour.

Nous avons déjà vu le mot tambour appliqué à désigner les tronçons de pierre, dont on forme les fûts des colonnes, qui se composent de plusieurs assises, ou encore le corps du chapiteau corinthien qu’on orne de feuillages. Cette désignation a été empruntée a la forme de l’instrument de percussion qu’on appelle ainsi, et qui est revêtu par ses deux extrémités d’une peau tendue. Mais il y avoit chez les Grecs un genre de tambour, et c’est celui qu’ils appeloient tympanon, qui consistoit en une peau tendue d’un seul côté. Les antiquaires ont même remarqué qu’on ne trouve sur aucun monument antique le tambour à deux peaux. Il paroît que c’est de là que le langage aura emprunté la dénomination de tympanum, donnée à cette partie du fronton, qui se trouve encadrée par les trois corniches, l’une horizontale, et les deux autres rampantes, d’un faîtage triangulaire, ou par deux seulement, si le fronton est circulaire.

Dans le modèle primitif de l’art, c’est-à-dire dans la construction en bois, l’intervalle qu’on vient de définir, entre les solives inclinées ou chevrons, et la poutre horizontale ou le sommier, devoit rester vide. C’est ce qu’on appelle vulgairement grenier. Mais il fut naturel de le fermer avec des planches, et ainsi, lorsque la pierre fut employée à refaire ce qu’avoit fait le bois, il fut encore plus nécessaire d’établir d’une manière solide, le fond compris entre les corniches, et qu’on nomme tympan.

Le timpan resta donc, ou du moins put rester lisse, et nous voyons qu’on le laisse encore souvent ainsi dans plus d’un édifice. Cependant il étoit difficile que le goût de la décoration, à mesure qu’il s’étendit et s’accrut, e cherchât point à s’emparer d’un espace aussi favorable aux travaux de la sculpture ; et les timpans des frontons furent ornés de figures soit de bas-relief, c’est-à-dire prises dans la masse même du fond, soit en statues de ronde bosse, c’est-à-dire adossées au timpan. Voyez le mot FRONTON.

TIMPAN D’ARCADES. Par suite de l’analogie qui a fait donner le nom de timpan au fond compris entre les corniches d’un comble, on l’a donné à cet espace triangulaire qui occupe les encoignures d’une arcade. Les plus simples timpans de cette espèce consistent uniquement en une table renfoncée ; mais ils reçoivent des ornemens de plus d’un genre.

Quelquefois on y placera, selon la nature ou la


destination du monument, des branches de laurier, d’olivier ou de chêne, des palmes avec couronnes, des trophées et des festons. Tous ces objets, selon qu’ils comporteront plus ou moins de richesse, conviendront au dorique où à l’ionique.

Les timpans les plus riches appartiendront surtout aux arcades accompagnées de colonnes corinthiennes. Ainsi on les voit dans un grand nombre d’arcs de triomphe décorées des figures volantes, soit de renommées, soit de victoires. Les arcades corinthiennes de plus d’une église, ont dans leurs timpans des figures assises de femmes, ou autres personnages, représentant des vertus et autres sujets allégoriques.

Quelquesois l’on a exagéré, dans la sculpture des timpans, la saillie quil convient de donner aux figures. On trouve des exemples de cet excès, à plusieurs timpans des arcades de la nes de Saint-Pierre à Rome. Certaines de ces figures non-seulement débordent, par leur saillie, l’épaisseur du cadre qui les circonscrit, mais elles offirent des parties que leur isolement fait sortir des convenances du bas-relief.

TYMPAN DE MACHINE. On appelle ainsi une roue creuse, c’est-à-dire un cylindre qu’on nomme aussi roue à tambour, que l’on met en mouvement au moyen de plusieurs hommes qui marchent dans son intérieur pour la saire tourner. Cette sorte de machine est appliquée aux grues, aux calandres, et à certains moulins.

TIMPAN DE MENUISERIE. Panneau dans l’assemblage du dormant d’une baie de porte ou de croisée, qui est quelquesois, éivdé et garni d’un treillis de ser, pour donner du jour. Cela se pratique aussi dans les timpans de pierre.

TIRANT, s. m. Longue pièce de bois, qui, arrêtée à ses extrémités par des ancres, sous une serme de comble, sert à en empêcher l’écartement, et empêche aussi celui des murs qui la portent. Il y avoit jadis beaucoup de ces tirans, et il en reste encore dans quelques vieilles églises. Ils sont chansreinés, et à huit pans, et on les a assemblés avec le maître entrait du comble, par une aiguille ou un poinçon.

TIRANT DE FER. Grosse et longue barre de fer, aveu un œil ou trou à l’extrémité, dans lequel passe une ancre, pour empêcher l’écartement d’une voûte, pour retenir un mur, un pan de bois, ou une fourche de cheminée.

TOISE, s. f. Nom d’une mesure dont la grandeur varie selon les lieux, Celle qu’on appelle toise de Paris, et dont on fait le plus ordinairement usage, est de six pieds de Roi.

On donne le nom de toise aussi bien à la mesure mesure qu’à l’instrument avec lequel on mesure. Cet instrument est communément une règle de bois. On croit que ce mot vient du participe tensus, tensa, qui a fait tesa en italien, et qui exprime l’idée d’un corps étendu.

TOISE A MUR. C’est une réduction de plusieurs sortes d’ouvrages de maçonnerie, par rapport à une toise de gros mur. Ainsi ou dit toiser à mur, de gros ou de légers ouvrages.

TOISE COURANTE. Toise qui est mesurée suivant sa longueur seulement, comme une toise de corniche, sans avoir égard au détail de ses moulures ; comme une toise de lambris, sans considérer s’il est d’appui ou de revêtement.

TOISE CUBE, SOLIDE ou MASSIVE. Toise qui est mesurée en longueur, largeur et profondeur. Elle contient deux cent seize pieds.

TOISE D’ÉCHANTILLON. On appelle ainsi la toise de chaque lieu où l’on mesure, quand elle est différente de celle de Paris.

TOISE DE ROI. C’est la toise de Paris, dont on se sert dans tous les ouvrages publics, sans avoir égard à la toise locale des différens pays où se font ces ouvrages.

TOISE CARRÉE ou SUPERFICIELLE. Toise qui est multipliée par ses deux côtés, et dont le produit est de trente-six pieds.

Toise, s. m. On appelle of cette nom le mémoire ous dénombrement in writing, des toises Qui entrent Dans la Mesure de each Sorte d’ouvrages, ne pas se composer de la Construction d’un bâtiment. Le CE faittoise pour Juger de la dépense, ous pour Estimer et regler les prix et les Quantités those mèmes ouvrages. Voyez ci-aprèsToiser.

TOISER, v. act. C’est mesurer nu ouvrage avec la toise, soit pour en prendre les dimensions, soit pour en saire l’estimation. On dit retoiser. C’est toiser de nouveau le même ouvrage, ce qui a lieu lorsque les experts ne sont pas d’accord entr’eux sur le toisé.

TOISER A TOISE BOUT AVANT. C’est toiser les ouvrages sans retour ni demi-face, et les murs tant plein que vide ; le tout carrément, sans avoir égard aux saillies, qui doivent néanmoins être proportionnées au lieu qu’elles décorent.

TOISER AUX US ET COUTUMES. C’est mesurer tant plein que vide, en y comprenant les saillies, en sorte que la moindre moulure porte demi-pied, et toute moulure couronnée un pied, lorsque la pierre est piquée, et qu’il y a un enduit, etc.


TOISER LA COUVERTURE. C’est mesurer la superficie d’une couverture, sans avoir égard aux couvertures, ni aux croupes, et en évaluant les lucarnes, yeux de bœuf, arestières, égouts, faîtes, etc. , eu toises ou pieds, suivant l’usage.

TOISER LA TAILLE DE PIERRE. C’est réduire la taille de toutes les façons d’une pierre, aux paremens seulement mesurés à un pied de hauteur, sur six pieds courans par toise.

Lorsque ce sont des moulures, chaque membre, couronné de son filet, est compté pour un pied de toise, dont les six font la toise, c’est-à-dire que six membres couronnés sur une toise de long, qui ne sont comptés que pour une toise à l’entrepreneur, sont comptés pour six toises au tailleur de pierre qui travaille à la tâche.

TOISER LE BOIS. C’est réduire et évaluer les pièces de bois, de plusieurs grosseurs, à la quantité de trois pieds cubes, ou de douze pieds de long, sur six pouces de gros, réglée pour une pièce.

TOISER LE PAVÉ. C’est mesurer à la toise carrée superficielle, sans aucun retour. Le prix est différent selon l’ouvrage. Les ouvrages de sortifications se toisent à la toise cube, dont 216 pieds sont la toise.

TOISEUR, s. m. Sur Donne CE nom à Celui Qui Mesure Avec la toise Toutes Les partis d’ONU bâtiment. Il Doit connoître les Principes de géométrie, sur Lesquels Sont sondées Toutes Les opérations Du toise, et Être au SAIT des nous et coutumes de each paie.

TOIT, s. m. Trois mots, que l’usage a rendus synonymes, expriment en français cette partie de construction, qui sert à couvrir les édifices. Ces mots sont comble, couverture et toit. Comme il n’y a point de parsaits synonymes, nous avons déjà cherché à établir une différence et d’emploi et de signification, entre les deux premiers. Nous avons pensé que le mot comble, dérivé soit de culmen (faîte), soit deculmus (chaume), signifioit plus spécialement cette sommité de l’édifice, et ce que nous appelons le point culminant, dans tout objet, et tout corps qui se sait remarquer par son sommet. Or, ce qui produit dans les bâtimens l’effet qu’expriment le mot culmen en latin, et le mot comble en français, c’est très-certainement la charpente, on l’assemblage des bois qui forment leur tête ; et c’est m mot comble, que nous avons réuni le plus grand nombre des notions historiques, théoriques et pratiques, dont la nature des choses, les besoins divers, selon les pays et les climats, et les lois de la construction, fournissent une ample matière. (Voyez COMBLE.) Nous avons pensé que le mot couverture, présentoit dans sa signification propre, une idée assez distincte, lorsqu’on sépare en deux parties, sous chacun des deux mots comble et couverture, ce que l’usage, à la vérité, consond assez souvent sous l’un ou sous l’autre. Car on observe que si le comble peut être pris pour couverture, celle-ci cependant a pour emploi particulier, de devenir la couverture même du comble, ou du bâtis de charpente dont il est formé. C’est donc au mot couverture que nous avons sait l’énumération et donné la description de toutes les manières de couvrir les combles des édifices, soit en tuiles de toute espèce, soit en ardoises ou dalles de pierre, soit en bardeaux, soit en plomb, soit en autres métaux.

Maintenant, si nous cherchons la signification propre du mot toit dans le mot tectum, substantif, fait du participe du verbe tegere, couvrir, nous voyons qu’il saut l’entendre, mais d’une manière plus générale, comme étant cette partie d’un bâtiment, qui couvre toutes les autres. Entendu ainsi, le tectum pourroit s’appliquer non-seulement aux combles en assemblage de charpente, mais aussi aux terrasses. Cependant, en français, le mot toit désigne exclusivement ce que nous avons vu être signifié par le mot comble. Nous croyons seulement que toit se dit plus vulgairement, et s’applique plus communément à toute espèce de bâtisses, même de l’ordre le plus inférieur, tandis que comble semble convenir davantage, dans le langage de l’architecture, aux monumens, et aussi à quelques-unes de leurs sommités, où le bois n’entre point, et qui seront des voûtes construites en pierres ou en maçonnerie. Ainsi, lorsqu’un édifice, comme le l’anthéon d’Agrippa à Rome, se termine en voûte sphérique, on ne donnera point à cette voûte le nom de toit, mais bien celui de comble, et on dira qu’il y a sur ce comble une couverture de métal.

Du reste, pour toutes les variétés de sorme, de construction et de disposition qu’on peut donner au toit, nous renvoyons le lecteur aux mots COMBLE et COUVERTURE.

TOLE, s. f. Nom Que l’sur Donne à du SER en lames, OU seuilles Plus ou moins déliées et battues au marteau. La serrurerie l’Emploie à divers ouvrages, tells Que les cloisons de serrures, les platines des Targettes et Verroux. On en fait des tuyaux de poêles. La tôle SERT encore DANS L’ornement. Sur la découpe en Plus d’Manière non, et sur Lui sait Produire des seuillages, des fleurons, des rosaces et Autres objets, Qui reçoivent des couleurs, et PEUVENT Figurer en certains Endroits, à l’instar des ornemens en pierre.

TOMBE, s. f. Mot sormé du mot gree tumbos, qui exprimoit, comme il exprime encore généralement aujourd’hui, le local destiné à recevoir le corps mort.


On trouve dans le plus grand nombre des lexiques, que selon l’usage de la langue, tombe signifie cette dalle de pierre, on cette tranche de marbre dont on couvre une sépulture, et qui sert de pavé dans une église ou dans un cimetière. Il nous semble que c’est beaucoup trop restreindre la signification et l’emploi de ce mot. Quel qu’ait été, ou quel que soit encore l’usage de placer des pierres horizontales que l’on couvre d’épitaphes, sur les corps morts, il paroît qu’on ne les a nommées tombes que par suite de l’usage qui fait donner si souvent le nom du tout à ce qui n’en est, ou n’est censé en être qu’une partie. Et effectivement, il est assez certain que jadis les morts, sur les corps desquels on plaçoit ces tables de pierre ou de marbre, étoient enterrés dans un cercueil soit de bois, soit de plomb, soit de pierre, qui devoit avoir aussi le nom de tombe. Ce nom fut toujours synonyme de cercueil. Quelques endroits même ont tiré leur surnom, de l’exploitation qu’on y saisoit de pierres taillées en tombes, et dont on trouve encore d’assez nombreux dépôts. Voyez QUARRÉES-LES-TOMBES.

Si l’on consulte certaines locutions métaphoriques, que l’usage a consacrées, comme descendre dans la tombe, être à moitié dans la tombe, sortir de la tombe, il sera prouvé que tombe, en français, exprime la même idée et le même usage, que cercueil, sarcophage, et même, tombeau, quoique ce dernier mot, comme on a eu déjà l’occasion de le remarquer, au mot SÉPULCRE, soit devenu le mot le plus généralement appliqué aux idées, aux objets, aux usages, et aux monumens funéraires, tant de l’antiquité que des temps modernes. Voyez l’article suivant.

TOMBEAU, s. m. C’est par ce mot, ainsi qu’il vient d’être dit, qu’on désigne le plus ordinairement, en français, la demeure des morts. Quoiqu’une multitude d’usages particuliers, et de pratiques funéraires locales, aient singulièrement multiplié, tant chez les Anciens que chez les Modernes, les sormes données à la sépulture, et par conséquent les mots que le langage ordinaire, ou la langue métaphorique, ont appliqués à la désignation de ces formes et de leurs variétés, cependant on doit dire qu’il en est peu que l’on ne puisse, en srançais, appeler du nom de tombeau. Cette expression étant la plus usuelle, ce seroit très-probablement sous ce titre, que placeroit l’histoire des diverses inventions de l’art en ce genre, l’écrivain qui voudroit, dans un ouvrage exprès, en réunir toutes les notions. Mais autre est la méthode d’un Traité, autre est celle d’un Dictionnaire. Dans cette dernière forme d’ouvrage, on est sorcé de décomposer chaque matière, et d’en répartir les notions sous chacun des mots, qui en expriment ou les parties ou les variétés. Lorsque beaucoup de mots synonymes en apparence, se sont accrédités par l’usage, le devoir du lexicographe est d’en faire discerner les nuances, et d’en placer les notions limitrophes, aux mots respectifs qui les expriment.

C’est ce que nous avons pris à tâche de faire à chacun des articles, qui, sous des noms divers, renferment les documens et les faits relatifs aux pratiques des sépultures, chez tous les peuples.

Ainsi on ne doit pas s’attendre de trouver au mot TOMBEAU, quoique devenu en quelque sorte générique dans notre langue, l’ensemble des détails historiques, théoriques ou descriptifs, que l’on pourroit aimer à trouver réunis. Nous ne pourrions satisfaire à ce desir, qu’en répétant ici ce que nous avons exposé, décrit et détaillé déjà dans un grand nombre d’articles. Nous nous bornerons donc, sur un sujet aussi étendu, à faire ce que nous avons pratiqué à l’égard de quelques autres du même genre, c’est-à-dire à concentrer dans le moins d’espace qu’il sera possible, les notions générales que cet objet comporte, en parcourant brièvement les différences caractéristiques des tombeaux anciens et modernes, et les principaux exemples de leurs variétés. Cet exposé sommaire, en nous forçant de renvoyer le lecteur à tous les articles, où se trouvent les détails et les particularités de la matière, le mettra à portée de réunir, ce que nous avons été obligés de désunir, et lui montrera, que nous n’avons rien omis de ce qui pourroit fournir les matériaux d’un corps complet, sur cette partie de l’art et de l’architecture.

Partout où il a existé des hommes réunis en société, on a trouvé, et l’on trouve partout où il en existe, la pratique de certains usages et de certains soins qui ont eu, et qui ont pour objet, d’une part, la sépulture des morts, d’autre part, la conservation, n’importe à quel degré, des dépouilles de l’homme. Il faut laisser à d’autres et à d’autres ouvrages, de rechercher dans les diversités des pays et des climats, dans les variétés des croyances et des opinions religieuses, toutes les causes locales et particulières qui ont influé sur ces usages.

Mais entre ces causes, il en est deux qui reposent, l’une sur un besoin matériel, et l’autre sur une sorte d’instinct ou de sentiment naturel, et qui peuvent rendre compte des pratiques les plus usuelles de la sculpture, et des motifs qui ont multiplié partout les tombeaux ou les monumens funéraires.

Il ne s’agit d’abord que de se représenter dans l’état, qu’on se plaît à nommer de nature, la plus grossière société d’hommes, réunis par les besoins les plus simples. Sans doute ils dûrent éprouver celui de se soustraire aux effets de la putréfaction des corps ; et l’on comprend, comment partout il fut aussi naturel que nécessaire d’enfouir les cadavres, et de les rendre à la terre. De là les mots inhumer, inhumation. Disons d’a-


vance qu’ici, comme à l’égard de presque tous les ouvrages des hommes, on trouve le type originaire de ce qu’ils ont fait de plus grand, précisément dans ce qui semble en être le plus éloigné. Or, nous avons déjà fait voir aux mots TUMULUS et PYRAMIDE, qu’entre la petite butte de terre, produite par la fosse creusée, et la grande pyramide de Memphis, il n’y a de différence, que celle de quelques centaines de pieds. Dès que les sociétés s’étendirent, et que des villes se sormèrent et s’agrandirent, un devoir de la police de ces villes, fut, de pourvoir à leur salubrité, en éloignant des habitations des vivans, les lieux destinés à recevoir les nombreuses générations que la mort y entasse continuellement. On dut, selon les pays et les terrains, établir soit des cimetières entourés de murs, soit des hypogées ou catacombes. Plus d’un procédé fut employé à procurer l’anéantissement des corps, ou à obtenir qu’ils occupassent le moins d’espace qu’il fût possible. On peut croire que la combustion ou la crémation aura eu, dans certains temps, pour objet, de conserver, et de réduire à la fois au moindre volume les restes des individus. Quelques-uns ont cru encore, que la méthode de l’embaumement en Egypte, avoit dû sa naissance à quelques lois sanitaires, dictées par le climat et les particularités de ce pays. On voit qu’il ne nous appartiendroit pas, d’entrer plus avant dans les considérations de cette nature. Il suffit que nous trouvions là de quoi rendre compte d’un grand nombre de monumens funéraires.

Mais la seconde cause dont nous avons parlé, celle qui repose sur une sorte de sentiment moral commun à tous les peuples civilisés, est devenue partout une source beaucoup plus séconde en ouvrages d’art et d’architecture. Il s’agit de ce desir que la nature a mis chez tous les hommes, de prolonger leur existence physique, mais qui transformé par une nouvelle passion, celle de la gloire, leur fait ambitionner de se survivre, en prolongeant leur mémoire bien au-delà du terme de la vie humaine. On a rendu plus d’une raison du soin de la conservation des corps. On a présumé que l’opinion de leur résurrection, chez plus d’un ancien peuple, avoit suggéré tous les moyens les plus propres à les préserver de la violation, en les cachant, ou en les enfermant sous les masses de construction les plus volumineuses. Toutesois il est à croire que chez le plus grand nombre des peuples, le sentiment d’une immortalité vaniteuse, créa le plus grand nombre des tombeaux. Il faut lire les innombrables épitaphes que l’antiquité nous a transmises, dans les débris des villes et des empires, pour s’expliquer la puissance et tout à la fois le néant de cet orgueil, qui fit croire si souvent, qu’il importeroit à la postérité de connoître les noms d’hommes, qui étoient inconnus de leur vivant. On comprend toutefois que les tombeaux ont dû devenir aussi des espèces de monumens politiques, et servir, comme les statues honorifiques, de motifs, pour rendre durable le souvenir des hommes qui avoient bien mérité de leurs contemporains. Il fut en effet naturel de faire servir à perpétuer leurs noms, les lieux mêmes où reposoient leurs corps. C’etoit un moyen d’assurer aux uns et aux autres une garantie réciproque. De cet usage naquit celui d’élever aux hommes célèbres, dont plus d’un pays réclamoit l’honneur, des tombeaux vides ou simulés, qu’on appela cénotaphes. Les tombeaux surent aussi, et seront encore partout, les témoiguages d’un assez grand nombre d’affections particulières, où les sentimens naturels de l’amour, de la reconnoissance, cherchent des consolations, allègent la douleur en la nourrissant.

Telles furent, à ce qu’il nous semble, les principales causes qui ont fait ériger chez tous les peuples anciens et modernes, cette multitude de monumens, qui dans des formes si variées, et sous tant de noms divers, sont une des plus grandes et des plus curieuses parties de l’histoire des arts. Du moins nous croyons, que la revue rapide que nous allons en saire, en partant des peuples les plus anciens, jusqu’aux temps actuels, pourra mettre le lecteur à même d’appliquer charune des causes qu’on a indiquées, à chacune des pratiques et des inventions qui leur correspondent.

En commençant par l’Egypte, point de départ ordinaire de toutes les notions qui entrent dans l’histoire des arts, nous voyons que nulle part les moyens propres à empêcher les effets d’insalubrité, causés par la dissolution des corps, ne furent pratiqués avec autant de soin. L’embaumement paroît avoir été prescrit, avant tout, par le principe de police sanitaire. Si d’autres vues conseillèrent encore les pratiques de, la conservation des corps, il faut convenir qu’aucun peuple n’y a réussi à l’égal des Egyptiens. On retrouve, après quelques milliers d’années, dans un parfait état d’intégrité, les corps qui avoient reçu les préparations usitées. On les enfermoit dans certaines caisses ou gaînes (voyez GAINE) faites le plus souvent en bois et précieusement peintes. D’autres étoient taillées en pierres dures et en marbres de toute espèce. C’est en cet état que les corps, selon le rang on la richesse des personnes, ou trouvoient un asyle particulier dans les sépulcres qu’on leur bâtissoit, ou alloient se ranger dans les hypogées (voyez ce terme), et ce que nous appellerions les cimetières publics, vestes souterrains creusés en divers lieux, d’où l’on ne cesse d’extraire, depuis des siècles, ce qu’on appelle des momies, c’est-à-dire les corps des anciens Egyptiens, conservés par les procédés de l’embaumement.

Le peuple égyptien, borné de tous côtés dans son territoire par la nature, dut être avare de son terrain ; et c’est peut-être là, une explication à donner, entre plusieurs autres, des innombrables excavations que l’on trouve en Egypte. Il


y eut, en quelque sorte, une Egypte souterraine, habitée par les morts. Ainsi les montagnes de la Thébaïde renfermèrent dans leur sein, des sépulcres creusés à plusieurs étages, et qu’on présume avoir été les secrets dépositaires des corps mêmes des rois. Ces tombeaux souterrains étoient ornés avec le même art, distribués avec le même goût, et brillans des mêmes peintures que les édifices construits, ainsi que nous l’a sait voir celui dont M. Belzoni a transporté en Europe l’image fidèle et complète.

Les monumens creusés en Nubie, et entr’autres celui d’Ibsamboul, qui fut, à ce qu’on croit, le tombeau d’un roi, quelques-uns disent de Sésostris, offrent de très-prodigieux exemples des sépultures Souterraines ; il est à remarquer que toute cette partie supérieure de l’Egypte ne présente aucune indication de pyramide.

C’est à la basse Egypte, et ce sut, à ce qu’il paroît, à la nécropole de Memphis, qu’appartinrent les masses plus ou moins énormes des sépulcres construits en pyramides, constructions qui paroissent avoir exercé l’ambition de plusieurs règnes successifs. (Voyez PYRAMIDE.) Ce genre de monument peut avoir trouvé son origine et ses modèles, également dans les montagnes creusées dont on vient de parler, et dans les montagnes artificielles qu’on dut élever d’abord, sur les terrains en plaine, pour y déposer les tombes des morts, et pour leur servir de monument extérieur. On ne doute point que le plus grand nombre des pyramides de Memphis ne soient, dans ce qui en est le fond, ou si l’on veut le noyau, des monticules naturels ou artificiels, où l’on creusa des conduits en pierre, et qui surent revêtus d’une maçonnerie en blocage, qu’on façonna pour figurer les quatre faces, recouvertes enfin d’assises de pierres, ou d’autres matériaux plus précieux. Voyez l’article PYRAMIDE.

Les voyageurs qui ont parcouru les côtes adjacentes ne l’Egypte et de l’Afrique, et les bords de ta Méditerranée, rapportent qu’elles sont couvertes de monticules, qu’ils soupçonnent être des tumulus. Or, tels paroissent avoir été les tombeaux primitifs de la Grèce, et de beaucoup d’autres pays, qui eurent d’anciennes communications avec elle. Ces tombeaux de la Troade qu’on appelle d’Achille et d’Ajax, étoient des tumulus dont les fouilles out fait reparoître les objets qu’on y avoit enterrés. Rien de plus commun dans les descriptions des écrivains, que ces tombeaux qu’ils appellent χωμα γης, amas de terre. Le magnifique tombeau d’Alyates, roi de Lydie, consistoit principalement dans une énorme levée de terre. (Voyez TUMULUS.) L’usage le plus ordinaire étoit d’environner le tumulus d’un mur par en bas, et de placer à sa cime, un cippe ou une colonne.

Généralement, en Grèce proprement dite, le luxe des tombeaux fut resserré dans des limites assez étroites, ce qu’on explique par la nature des gouvernemens populaires, par certaines lois somptuaires, et surtout par le peu de richesses des petits Etats dont ce pays se composoit. Aussi découvre-t-on dans les restes de ses villes, fort peu d’édifices funéraires. Le tombeau qu’on appelle d’Atrée, est ce qu’on peut citer de plus grand en ce genre, et c’est encore une fort modique construction. Pausanias, dans sa description de la Grèce, ne nous a effectivement donné la notion d’aucun grand monument sépulcral, exécuté en cette contrée. Lorsqu’il parle du tombeau d’AEpytus, dont Homère avoit fait mention, et qui n’étoit autre chose qu’un tertre de terre peu considérable, entouré d’un soubassement de pierre, il remarque avec raison que si le poëte l’avoit admiré, c’est qu’il n’avoit rien vu de plus beau. Et il ajoute que pour lui, il connoissoit plusieurs tombeaux dignes d’admiration ; mais qu’il se contentera de citer ceux de Mausole à Halicarnasse, et d’Hélene à Jérusalem. Lorsqu’on voit Pausanias aller chercher hors de la Grèce, proprement dite, les exemples de tombeaux magnifiques, et quand on observe que sa description n’en a fait admirer aucun dans ce pays, on peut, en rapprochant cette double particularité, du si petit nombre de tombeaux ruinés, qu’on rencontre en Grèce, conclure que, très-probablement, les grands ouvrages de ce genre dûrent y être autrefois fort rares.

Quoique rien ne nous ait fait connoître, jusqu’à présent, de quelle nature étoient, dans ce pays, les lieux destinés aux sépultures publiques, on ne laisse pas d’y découvrir une assez grande quantité de petits monumens, en forme de cippes funéraires ornés de bas-reliefs, où sont représentés probablement les personnages morts. Mais où étoient-ils autrefois situés ? Etoit-ce sur le lieu même des sépultures, en plein air, ou dans des intérieurs de tombeaux ? C’est ce que nous ignorons. Voyez CIPPE.

L’ouvrage le plus célèbre et le plus renommé de l’antiquité grecque, en fait de tombeau, fut effectivement le monument funéraire, à Halicarnasse, du roi Mausole, dont le nom désigna depuis les plus grands travaux de ce genre. A l’article MAUSOLÉE (voyez ce mot), nous croyons avoir indiqué, avec assez de vraisemblance, l’origine et les modèles des édifices semblables à celui de Mausole, dans ces immenses constructions de bûchers, dont l’histoire nous a conservé plus d’une mention, et que la description du bûcher d’Héphastion, par Diodore de Sicile, nous représente comme des prodiges de dépense et de luxe architectural. Nous verrons bientôt reparoître chez les Romains, et les traditions de ce genre de monumens funéraires, et les imitations qu’on en fit, dans les tombeaux des empereurs.

La partie méridionale de l’Italie, qui porta jadis le nom de grande Grèce, offre depuis un demi-siècle, aux recherches, du genre de celles


qui nous occupent, la matière la plus abondante et la plus curieuse. Près d’un grand nombre de villes, dont il restoit à peine des vestiges, on a retrouvé des lieux de sépulture souterraine, qui répondent, en quelque sorte, à ce que nous entendons aujourd’hui parcimetière. Non qu’on prétende qu’ils fussent ce que nous dirions des cimetières publics. Les tombeaux ou sacrophages qu’on y découvre, rangés quelquefois à plusieurs étages, les uns sur les autres, dans des espaces creusés exprès, au sein ou sur la pente des montagnes, furent encore des objets de dépense fort au-dessus des moyens de la multitude. Nous renverrons le lecteur, pour plus de détails sur cette matière, au mot SEPULCRETUM. Mais nous devons ajouter que c’est dans ces sortes de tombeaux, qu’on découvre journellement de ces vases de terre cuite ornés de peintures, et de compositions dessinées au simple trait, ouvrages de l’art grec souvent le plus élégant et le plus parfait, que de fausses notions firent autrefois attribuer aux Etrusques.

Quelques vases de même nature trouvés en Etrurie, quoique d’un art fort inférieur, et le manque de critique sur le goût et les ouvrages de cette antique contrée, purent occasionner l’équivoque de cette dénomination, donnée au plus grand nombre de ces vases. Toutefois il résulte de là une conformité d’usage entre les Etrusques et les Grecs, si cependant cette pratique de placer des vases dans lestombeaux des morts, pratique dont on rend plus d’une sorte de raison, ne fut pas plus générale qu’on ne peut le dire. L’Etrurie, au reste, du moins si l’on entend parler de ce pays, avant la domination des Romains, paroît avoir porté très-loin le luxe des tombeaux, à en juger par la description que Pline a donnée, d’après Varron, du célèbre tombeau de Porsenna, composé de plusieurs rangs de corps pyramidaux, s’élevant en retraite les uns au-dessus des autres, et sous la masse desquels avoit été creusé un vaste labyrinthe. Toutes ces choses donnent à croire qu’il y eut fort anciennement des imitations de goût, ou simplement des rencontres naturelles d’idées, entre les Egyptiens et d’autres nations contemporaines. Au nombre des tombeaux et autres monumens funéraires que l’on trouve encore aujourd’hui en Etrurie, il faut compter d’assez grands hypogées, tels que ceux de Corneto, qui avoient été ornés de peintures, plus des urnes cinéraires ou des sarcophages, que leur style et leurs inscriptions en caractères étrusques, ne permet pas de confondre avec les ouvrages des Romains, mais auxquels ou ne sauroit assigner une date certaine, la langue et l’écriture étrusques s’etant maintenues, long-temps après la conquête de ce pays par les Romains.

S’il est naturel que le luxe et la magnificence des tombeaux, soient une conséquence de la richesse de ceux qui les commandent, ou pour qui on les élève ; si, en outre, la vanité ou l’orgueil, qui accompagnent ordinairement la sortune, furent les premiers ordonnateurs de ces monumens, il devoit arriver que le peuple romain surpassât, en ce genre, tout ce qui l’avoit précédé, soit en nombre, soit en grandeur, soit en diversité. Nous avons eu déjà lieu de mettre en parallèle pour la dépense, avec la plus grande pyramide d’Egypte, le tombeaude l’empereur Adrien, entre plusieurs autres du même genre à Rome (voyez PYRAMIDE), et il nous a semblé, comme il semblera à tous ceux qui savent combien, en architecture, la main d’œuvre et ce qu’on appelle vulgairement façon, l’emporte sur le simple équarrissage des pierres, que chaque grand tombeau romain, avec ses innombrables ornemens, dut coûter beaucoup plus que chaque pyramide.

Quant à la diversité des tombeaux, on peut croire que Rome avoit épuisé tout ce que l’esprit humain peut imaginer. Le nombre des restes qui en existent, surpasse peut-être celui de tous les restes qu’un découvre dans toutes les autres ruines des villes antiques. En parlant du magnisique tombeau d’Auguste, Strabon nous apprend que lorsqu’on entroit dans Rome, du côté où est situé le reste de ce mausolée, il y avoit là comme une sorte de nécropolis où les monumens étoient si multipliés, qu’on prenoit de loin cette ville de morts pour la ville même de Rouie. Eh bien, sur cet immense emplacement, il ne reste pas aujourd’hui le moindre vestige qui puisse attester l’existence de cette ancienne population de tombeaux.

Cependant Rome a conservé assez de ces monumens dans son enceinte, et dans ses environs, pour qu’on puisse y recueillir des exemples de toutes les espèces de tombeaux qu’on voit ailleurs. Nous ne pouvons que rappeler ici, ce qui a fait avec assez d’étendue, la matière de l’article PYRAMIDE, où l’on a montré l’emploi de cette forme sépulcrale dans plus d’un tombeau romain, construit soit à l’instar des pyramides d’Egypte, comme le monument de C. Cestius, soit par un assemblage de petites masses pyramidales, comme celui qu’on appelle des Horaces à Albano.

Si l’on en croit certaines traditions, la colonne Trajane auroit été le tombeau de l’empereur dont elle porte le nom ; l’urne qui renfermoit ses cendres auroit jadis couronné son sommet. C’est pourquoi Pietro Santi Bartoli a jugé à propos de la comprendre dans son recueil des Sepolcri antichi, aussi bien que celle de Marc-Aurèle, qui lui avoit été consacrée par Antonin, dont toutefois elle porte aujourd’hui le nom. A l’article MAUSOLÉE, nous avons cru trouver les modèles de ces grands tombeaux, dans les bûchers d’apparat que l’on construisoit avec d’énormes dépenses, pour devenir la proie des flammes. Cutte pratique passa à Rome du temps des empereurs, et se joignit à la cérémonie des apothéoses. Ainsi voit-


on ces monumens temporaires, fréquemment retracés sur les médailles de consécration. On ne sauroit guère se refuser à y voir les modèles de ces grands tombeaux, qui, tels que ceux d’Auguste, d’Adrien, de Septime-Sévère, rivalisèrent avec celui du roi d’Halicarnasse.

Dans des dimensions beaucoup moindres, et avec bien moins de luxe extérieur, se présentent encore comme des ouvrages d’une construction très-remarquable, pour la solidité, certains tombeaux bâtis en forme circulaire, qu’on appelle aujourd’hui des tours, et qui, dans le fait, devinrent sous ce nom, pendant le moyen âge, des lieux fortifiés, ce que montrent encore à présent les créneaux dont on défigura leur sommet. Tel fut le tombeau de la famille Plautia près de Ponte Lugano, dont nous avons parlé au mot TIBUR (voyez ce mot) ; tel fut cet autre grand sépulcre voisin de Rome, qu’on appelleTorre di Metella. Rien n’approche de la solidité de cette construction dans les disférens étages, dont son intérieur étoit composé. Une frise ornée de guirlandes et de bucrânes ou de têtes de taureau, a fait appeler ce lieu Capo di bove.

Toutes les voies romaines, aux approches de la ville, paroissent avoir été bordées de monumens sépulcraux, dont l’architecture varia les formes à l’infini. Tantôt un énorme sarcophage s’élevoit sur un très-haut soubassement, comme celui qu’on appelle sur la voie Flaminienne, tombeau d’un affranchi de Néron. Tantôt des corps carrés, ornés de bas-reliess sur leurs faces, et posés sur des piédestaux, dévoient se terminer par les statues des personnages renfermés dans la chambre sépulcrale du soubassement, ou dans un local souterrain.

Il paroît que les deux méthodes d’inhumation et de crémation furent pratiquées chez les Romains, conjointement, c’est-à-dire dans le même temps, et souvent dans le même sépulcre, puisqu’on trouve des tombeaux qui renserment et des sarcophages et des urnes, ou du moins les dispositions de petites niches destinées à les recevoir.

Ce qui s’est conservé jusqu’à nos jours, en plus grand nombre, parmi les disférens genres de tombeaux, appartient au genre de ceux qu’on appeloit columbaria. (Voyez le mot COLUMBARIUM.) C’est de ces intérieurs privés de toute lumière, soigneusement fermés, inaccessibles à toute espèce de curiosité, et cependant ornés de toutes les délicatesses des ornemens, tant en peintures qu’eu stucs, qu’est ressorti, au temps de Raphaël, le goût de l’arabesque, avec toutes les inventions décoratives, qui font aujourd’hui le charme de nos appartemens les plus recherchés. C’est encore dans les columbaria, qu’on a trouvé ces belles urnes de matières précieuses, ornemens des Musées. Celle d’Auguste, en albâtre oriental, fut extraite d’une des chambres de son tombeau. Le dessin du tombeau de Septime-Sévère, nous fait voir le lieu d’où l’on a extrait avec des peines infinies, l’énorme sarcophage en marbre environné de bas-reliefs, et surmonté des deux statues couchées de l’empereur et de Julia Mammea, qui a été déposé dans une salle basse du Museo Capitolino. La coupe du dessin de ce tombeau, au lieu appelé Monte del grano, sait croire, par la montagne de terre qui le recouvre, que jadis il fut dans le goût de celui d’Auguste, d’Alyates et de beaucoup d’autres, dont on a parlé plus haut, un tumulus, ou levée de terre, qui sans doute fut formé de terrasses, aujourd’hui détruites. L’issue ou le conduit pratiqué dans la hauteur de sa voûte, prouve qu’il y avoit au-dessus quelqu’autre intérieur, aujourd’hui détruit, avec tout ce qui forma la masse extérieure de ce mausolée.

Nous avons vu que quelquefois le tombeau ne se composoit que du sarcophage placé en plein air, sur un massif assez élevé. Cependant on le trouve beaucoup plus souvent dans les intérieurs des sépulcres construits, et occupant tantôt la place principale dans les columbaria, tantôt rangé avec d’autres, le long des murs de la chambre sépulcrale. Le nombre de ceux qui existent encore aujourd’hui est infini, et nous avons fait voir aux mots ARCA SEPULCHRALIS et SARCOPHAGE, qu’il s’en fit de toutes les matières, depuis le bois et la terre cuite, jusqu’au marbre et au porphyre. Le plus beau qu’on connoisse de cette dernière matière, est à Saint-Jean-de-Latran à Rome, et les plus grands se voient dans l’église de Mont-Real près Palerme.

Après les sarcophages, les cippes sont les monumens funéraires, d’un ordre inférieur, que l’on rencontre le plus fréquemment parmi les restes de l’antique Rome, et cet objet dont il a été parlé plus haut, ne mérite pas que nous nous y arrêtions plus long-temps.

Pour qui seroit une histoire complète et critique des sépultures et des tombeaux des Anciens, il y auroit certainement à ajouter plus d’une notion à l’énumération des ouvrages funéraires que nous sommes forcés de parcourir ici raidement. Ainsi il nous semble que les colonnes furent employées fort souvent, soit à décorer les tombeaux, soit à être elles-mêmes des monumens funéraires, tantôt en portant les urnes, tantôt en recevant les inscriptions honorifiques. Il y a lieu de croire aussi que certains édifices, que l’on confond avec les arcs de triomphe, purent n’être autre chose que des monumens élevés à la mémoire de certains personnages, et remplacer à leur égard les tombeaux ou les cénotaphes. Mais ceci deviendroit l’objet d’une discussion archéologique, dont cet article ne comporteroit pas l’étendue.

Au mot CATACOMBES, nous avons indiqué déjà l’emploi qu’on paroît en avoir fait dans plus d’une ville antique pour les sépultures, et nous avons


montré que ce ne fut, et ne put pas être, à Rome surtout, l’ouvrage des chrétiens ; que ces souterrains surent pratiqués pour en extraire la pouzzolane, et qu’il fut naturel de les faire servir aux sépultures publiques ; que le christianisme en usa de même, et que si on y trouve de nombreuses indications de sépultures chrétiennes, c’est que véritablement les chrétiens furent les derniers qui s’en servirent ; que dès-lors beaucoup d’anciens tombeaux des payens, devinrent le patrimoine de la religion nouvelle, qui les marqua de son signe.

C’est dans les catacombes de Rome et de quelques autres villes, qu’on trouveroit â continuer l’histoire des tombeaux et des sépultures, vers la fin de l’Empire romain. Un assez grand nombre d’usages fut alors adopté par le christianisme, et une multitude de sarcophages remplis des symboles de cette religion, tels que le bon Pasteur, nous prouve que les mêmes pratiques d’inhumation, durèrent jusqu’à l’époque où, les églises se multipliant, devinrent des lieux de sépulture, qui, ainsi que les terrains des cimetières consacrés dans leur voisinage, firent cesser les usages du paganisme.

Quant aux tombeaux et sépulcres construits, il seroit assez difficile d’en suivre l’histoire dans les bas siècles de l’Empire. Rien de plus incertain que les traditions établies par l’ignorance de ces temps, sur un grand nombre de ruines dépouillées de tous les caractères, qui pourroient saire reconnoitre leur ancienne destination.

Le dernier monument authentique en ce genre, et qui rappelle quelque chose des entreprises et des usages de l’antiquité romaine, est à notre avis le tombeau de Théodoric à Ravenne, dont nous avons fait ailleurs une mention particulière. (Voyez RAVENNE.) L’état dans lequel il se trouve aujourd’hui, laisse encore juger de ce qu’il fut jadis, et sa coupole, formée d’un seul bloc de pierre de plus de trente pieds de diamètre, annonce encore une certaine puissance de moyens dans l’art de bâtir. On a parlé aussi, a l’article de cette ville, des restes d’un sarcophage de porphyre d’un très-grand volume, ouvrage qui dut être à la vérité antérieur à ce siècle, mais qui fait connoître que les traditions de l’antiquité n’étoient pas encore tombées dans l’oubli.

Après l’entière destruction de l’Empire romain, dans tous les pays sur lesquels s’étoit étendue sa domination, le christianisme devint le seul lien commun, sinon des corps, au moins des esprits. Une croyance générale substitua bientôt avec le nouveau culte, des pratiques nouvelles aux anciennes. Il entra même dans l’esprit du renouvellement des idées, d’inspirer le mépris pour tout ce qui se trouvoit être, ou pouvoit paroître en contact avec les superstitions payennes. Ce fut particulièrement le dogme de la vie suture et de la résurrection des morts, qui contribua à établir la plus grande séparation, entre l’ancien Monde et le nouveau. Les chrétiens, après avoir fait un entier divorce dans les pratiques de la vie, avec les usages, les mœurs et les divertissemens payens, voulurent que leurs corps, après la mort, fussent placés sous la sauve-garde religieuse des églises et des lieux saints.

Ainsi les églises devinrent insensiblement, dans leurs souterrains et dans les emplacemens consacrés qui les environnèrent, des lieux de sépulture particulière et publique. Voyez au mot MAUSOLÉE, les développemens qu’on a donnés à cette théorie.

Il sussit a ce que nous venons de rapporter ici, d’avoir montré une des causes principales, qui firent supprimer ces nombreuses constructions de sépulcres, ces édisices si multipliés, consacrés à la sépulture des familles riches, des hommes puissans ou célèbres. A peine trouve-t-on dans l’antiquité quelque exemple de corps enterrés dans les temples, ou dans leurs enceintes, et ce qu’on connoit de leur étendue comme de leur disposition, prouveroit, indépendamment de toute autre considération, que l’usage dont on parle n’auroit pas pu s’y introduire. La basilique chrétienne destinée à être la réunion des fidèles, ce que signifie, au moral comme au physique, le mot église, fut construite partout dans les plus grandes dimensions. Les cérémonies funéraires y sirent partie du culte. Les souterrains qu’on y pratiqua, formèrent des espèces de catacombes. L’autel, presque toujours construit sur le corps de quelque saint, reçut lui-même la sorme de tombeau ou de sarcophage. On ambitionna l’honneur d’être enseveli près de l’autel, et les places des sépultures, ainsi quil des cénotaphes et des épitaphes, furent réglées selon les rangs on les fortunes, au dedans des églises ou dans les terrains contigus.

Les églises recevant ainsi les dépouilles mortelles des hommes de tout rang et de toute condition, surent donc sous un certain rapport d’immenses tombeaux.

Aussi ne voyons-nous presque pins bâtir de monumens sépulcraux de quelqu’importance, encore verrons-nous que ceux auxquels on pourroit donner ce nom, ne furent plus que des dépendances même des églises.

Ce que nous devons donc faire remarquer dans ce changement, dès les premiers temps, et ce que la suite nous montrera plus clairement encore, c’est que l’architecture perdit presqu’entièrement l’entreprise des tombeaux. Ce fut désormais la sculpture qui en fit les frais, et comme jadis elle n’avoit joué dans le plus grand nombre de ces monumens, que le rôle très-secondaire des accessoires et des ornemens, il dut résulter du nouvel ordre d’idées, que l’architecte fut réduit dans les plus notables mausolées, à n’en faire que les accompagnemens.

Mais rien, comme chacun le sait, ne fut d’abord plus simple que l’œuvre du statuaire, dans les an-


ciens tombeaux du moyen âge. La religion sensuelle des payens n’avoit environné la pensée de la mort d’aucune image attristante. Le mot propre qui l’exprime, fut même banni du langage des hommes, qui se piquoient de quelque délicatesse. La mort avoit été si peu personnifiée par l’art, ou l’avoit été d’une manière si peu sensible, qu’on peut encore disputer aujourd’hui sur l’emblème qui la représentoit. Tous les tombeaux ossroient dans leurs intérieurs des ornemens, que nous avons transportés dans les pièces les plus agréables de nos maisons. Un sentiment tout contraire domina le christianisme. La mort, ses terreurs, ses suites redoutables, devinrent un des plus actifs ressorts de la morale chrétienne. Ce que son idée a de triste et d’humiliant, fut précisément ce que la nouvelle religion se plut à opposer à tous les penchans sensuels, à tous lus mouvemens de l’amour-propre.

Ainsi voyons-nous que tous les tombeaux ne se composèrent que des figures des personnages représentés morts, couchés les mains jointes, et dans l’état même où on tes avoit déposés dans le cercueil. A l’article MAUSOLÉE (voyez ce mot), nous avons fait voir à quel point, vers le quatorzième, et surtout au quinzième siècle, l’art plus développé avoit su embellir et perfectionner ce type primitif destombeaux chrétiens, en y ajoutant des compositions d’accessoires ingénieux, et en profitant de l’usage de l’exposition du mort sur un lit de parade. Jusqu’à cette époque on peut dire que les églises, leurs abords, leurs cloîtres, ne ressembloient pas mal à de grands cimetières. Lorsque l’on ne plaçoit pas les figures des personnages morts en statues couchées de ronde bosse, on établissoit sur le lieu même où reposoient les corps, de grandes dalles de pierre ou de marbre, faisant partie du pavement général des églises, et tantôt on représentoit le défunt, toujours dans la même position, sculpté d’un relies extrêmement bas, tantôt on se contentoit d’en tracer le simple contour, par un trait en creux qu’on remplissoit de noir. Le plus grand nombre de ces dalles étoit rempli par des inscriptions ou épitaphes tracées de même en creux. Ainsi l’on ne marchoit que sur des tombes, et c’est de ce dernier mot (voyez TOMBE) qu’on a long-temps appelé les dalles funéraires dont on parle. Aussi dut-il arriver au plus grand nombre, d’être altérées et usées par le frottement des pieds, an point que les traits des figures et des caractères ont disparu.

Tel fut donc le type général des tombeaux, jusqu’au moment où l’art sorti de la barbarie de ces siècles d’ignorance, on en vint à représenter les personnages vivans, mais toujours accompagnés de l’idée ou des emblèmes de la mort. Ce fut sur des sarcophages ou cercueils qu’on plaça leurs statues, le plus souvent agenouillées, et dans l’action de la prière, quelquefois assises ou à demi couchées. Peu à peu l’image ou l’idée de la mort cessa de se montrer dans ces ouvrages. Certains excès contribuèrent à décrier ces sortes de compositions. On en citeroit quelques-unes, où l’artiste alla jusqu’à faire voir les corps dans l’état révoltant de dissolution cadavéreuse. La personnification de la mort sous la forme d’un squelette, joua aussi un grand rôle dans beaucoup de ces conceptions tristement dramatiques, qu’une pensée de Bernin au tombeau d’Alexandre VI à Saint-Pierre, mil singulièrement en vogue.

Cependant la nouvelle église de Saint-Pierre contribua, plus qu’ on ne pense, à donner une direction nouvelle aux compositions des tombeaux, ou des mausolées modernes. La grande et majestueuse ordonnance de ce temple, ne permit plus de s’emparer indistinctement de tous les espaces, qui auroient pu recevoir l’application des mausolées. Ceux des souverains Pontifes qui y furent exécutés, occupèrent des emplacemens particuliers, qui, sans déparer l’ensemble de l’architecture, semblèrent commander aussi à l’art du sculpteur des compositions plus monumentales. En effet, les tombeauxde Saint-Pierre sont généralement composés dans un style, qui, sans sortir des conve¬nances prescrites par le lieu saint, pourroienut être considérés comme des monumens simplement honorifiques. Si l’on excepte la forme du sarcophage, au-dessus duquel s’élève la statue du pon¬tife, le plus souvent dans l’acte de bénir, tout le reste consiste en figures allégoriques des vertus, qui furent celles du personnage qu’elles accompagnent.

Décrire toutes les idées et toutes les formes de composition, que semble avoir épuisées le génie de la sculpture moderne, seroit l’objet d’un grand ouvrage, dont nous avons donné l’Pabrégé a l’articleMAUSOLÉE, auquel nous ne croyons devoir rien ajouter ici, soit parce que le plan que nous suivons, nous interdiroit de nouvelles recherches à cet égard, soit parce que, dans la vérité, elles seroient plutôt du ressort de la sculpture, que de celui de l’architecture.

Ce n’est pas, comme nous l’avons déjà dit, que l’architecture se soit trouvée entierement exclue de toutes les entreprises, de ce que nous avons appelé les mausolées modernes.

A l’époque, en effet, où l’exercice de tous les arts du dessin se trouvoit, par un enseignement commun à tous, facilement réuni chez un seul artiste, on vit effectivement les compositions de sculpture s’associer avec celles de l’architecture. Avant le célèbre projet du tombeau de Jules IlI par Michel Ange, pins d’un mausolée du quinzième siècle pouvoit faire douter, par la finesse des détails, des ornemens et des profils de ses masses, laquelle, de l’architecture ou de la sculpture, avoit eu l’initiative de la composition générale. Il y eut également dans l’ensemble projeté du monument de Jules II, une sorte de partage entre les


deux arts. Sans doute il ne faut pas entendre ici par architecture, ce que les grands édifices de l’antiquité en ce genre nous ont fait voir. C’étoit bien toujours pour le sculpteur que l’architecte travailloit, et c’étoit par conséquent dans de petites dimensions. Cependant les tombeaux des rois a Saint-Denis doivent une partie de leur valeur, à l’ordonnance des plans et à l’élégance des élévations, des formes et des compositions d’ornemens qui entrent dans leur ensemble. Dans plus d’une ville d’Italie, à Venise surtout, plus d’un grand architecte, à la vérité sculpteur lui-même, tel que Sansovino, orna des plus pures ordonnances de colonnes, d’arcades et de frontispices, certains mausolées, dans lesquels les deux arts se disputent l’intérêt de la composition, et l’admiration du spectateur.

L’architecture cependant n’a pas été toujours entièrement déshéritée par la religion chrétienne, de son ancien patrimoine en fait de construc¬tion de tombeaux. Les églises, comme on l’a vu, étant devenues des lieux de sépulture, naturelle¬ment leur intérieur offrit au rang, ou à la fortune, des places distinguées pour y déposer les tombes. Entre ces places les plus favorables, et sans doute les plus dispendieuses, furent les chapelles, dont toutes les églises sont environnées. Les familles riches firent l’acquisition de ces locaux pour ser¬vir à leur sépulture. Là s’élevèrent les mau¬solées, les tombes, le tables chargées d’épitaphes. Ces monumens donnèrent souvent lieu à l’archi¬tecture, de décorer les chapelles sépulcrales, d’une manière appropriée à leur destination.

Mais ce fut encore quelquefois sons le titre de chapelle, et comme annexes des églises, que furent, dans les derniers siècles, construits d’assez remarquables édifices, auxquels on auroit pu donner le nom de sépulcres ou de tombeaux. Telle avoit été comme dépendance de l’église de Saint-Denis, la chapelle sépulcrale des Valois, bâtie par Philibert Delorme (voyez DELORME), et aujourd’hui détruite.

On peut encore regarder comme chapelle sé¬pulcrale, l’ancienne sacristie de San Lorenzo, bâtie par Michel-Ange à Florence, pour rece¬voir les monumens qu’il y éleva à la mémoire de Julien et de Laurent de Medicis.

Très-certainement l’antiquité auroit donné, et avec admiration, le nom de sépulcre ou de mausoleum, à la vaste et magnifique coupole, édifice commencé pour être simplement une sacristie nouvelle, ajoutée à la même église de San Lorenzo, agrandi depuis et orné avec une extrême dépense, pour être le tombeau des grands-ducs de Toscane (voyez NIGETTI), dont on a rassemblé là les monumens funéraires.

Peut-être convient-il de faire ici à l’architecture des Modernes, honneur de quelques autres constructions destinées aux funérailles, en tête desquelles on ne sauroit s’empêcher de placer le célèbre cimetière de Pise, dont nous avons donné la description au mot CIMETIÈRE. On peut regretter, que depuis, de pareilles entreprises n’aient pas été répétées, et n’aient pas trouvé à se mettre d’accord, soit avec les pratiques de la religion, soit avec les mœurs publiques, et les institutions de la police des grandes villes.

Il devoit en effet arriver à la longue, que les églises devinssent trop étroites, pour recevoir tous les tributs que la mort ne devoit jamais cesser de leur envoyer. Leurs intérieurs aussi ne pouvoient admettre, sans se défigurer entièrement, toutes les espèces de monumens funéraires, que la suite des générations y auroit dû multiplier. La salubrité devoit enfin commander d’en éloigner, ou d’y diminuer considérablement les inconvéniens de ces dépôts toujours croissans des dépouilles des vivans. Il y a donc lieu de regretter que les grandes villes surtout, n’aient pas songé à établir, et pour la dignité des églises, et pour la salubrité publique, et dans le double intérêt des affections ou des vanités humaines, et des arts qui en sont les interprètes ou les ministres, de grands et spacieux édifices plus ou moins dépendans des églises, et dont les vastes enceintes auroient offert tous les degrés de sépultures proportionnés à tous les états, à tous les rangs, à toutes les fortunes.

Nous ne pouvions terminer cet article, sans être ramenés aux réflexions que nous suggéra, il y a près de quarante ans, le cimetière de Pise, dans un temps où il étoit fort difficile de prévoir les événemens, qui auroient pu faciliter à Paris de pareils établissemens, faute desquels, par un désordre contraire à celui des anciens usages, nous voyons sur d’immenses terrains, livrés au hasard ou aux caprices des vanités les plus vulgaires, s’accumuler, comme dans un bois touffu, des monumens éphémères qui s’entre-détruisent, qui s’offusquent, et que menace une prochaine destruction. Triste spectacle, pour la raison et le goût, si le ridicule des misères de l’esprit humain n’en corrigeoit l’effet.

TONDIN. Voyez TORE.

TONELLE, s. f. Vieux mot qui a été employé pour signifier un berceau, un cabinet de verdure. Jean Martin s’en est servi pour désigner un berceau en plein cintre. On croit que c’est de ce mot que fut formé jadis, à Paris, celui de tonnellerie, ou portique de halle.

Le mot tonelle est anglais, et c’est le nom qu’on donne aujourd’hui à un grand conduit, en berceau voûté, qu’on pratique sous la Tamise, pour réunir, en place de pont, deux quartiers de la ville de Londres.

TONNEAU DE PIERRE (construction), s. m. On appelle ainsi la quantité de pieds cubes qui sert de mesure à Paris, pour la pierre de Saint-Leu, et qui peut peser environ un millier ou dix quintaux ; ce qui fait la moitié d’un tonneau pour la cargaison d’un vaisseau. Lorsqu’une rivière a sept ou huit pieds d’eau, la navée d’un grand bateau peut porter à 400 à 450 tonneaux de pierre.

TORCHÈRE, s. f. Ce mot vient de torche, qui signifie un flambeau grossier fait de matière résineuse, dont on s’est servi long-temps, et dont on se sert encore en quelques occasions, pour éclairer hors des intérieurs des maisons, soit les rues, soit des cours ou des passages obscurs.

Torchère signifie donc porte torche. On a donné ce nom à de fort grands guéridons qu’on pourroit appeler candélabres, qui reposent sur un pied ordinairement triangulaire, dont la tige, ornée diversement de sculptures, soutient un plateau qui porte la lumière. On en décore les grandes galeries, et souvent on leur fait supporter des lustres de cristal que l’on garnit de bougies.

La sculpture et l’ornement se sont emparés de ce meuble, et l’on a substitué aux tiges des plateaux, des figures qui posent sur des socles, et portent des espèces de cornes d’abondance, dont l’orifice est le récipient des lumières qu’on en fait sortir.

TORCHIS, s. m. Espèce de mortier fait de terre grasse détrempée, et mêlée avec de la paille coupée, pour faire des murailles de bauge (voyez ce mot), et garnir les panneaux des cloisons et les planchers les entrevoux des planchers de granges et de métairies. On l’appelle torchis, parce qu’on le tortille pour l’employeur, au bout de certains bâtons faits en forme de torches.

TORE, s. m., du latin torus, que quelques-uns dérivent de tortus (tordu, tortillé). Torus signifie proprement, en latin, ces cordes qui, doublées ou triplées par l’art du cordier, forment ce qu’on appelle un câble.

Ceux qui se plaisent à rendre raison de tous les membres, et de toutes les moulures qu’emploie l’architecture, et à trouver cette raison dans les pratiques originairement inspirées par le besoin des constructions primitives en bois, pensent qu’il fut possible que, pour empêcher les bois debout de se rompre par la pression, on les ait environnés dans le bas et dans le haut, de cercles formés par des cordes ou câbles plus ou moins forts. Dans la suite, des liens de fer auroient pu remplacer les câbles, et lorsqu’enfin l’art employa la pierre à reproduire le travail du bois, et l’ouvrage de la charpente, les termes qui exprimoient les premiers procédés du modèle, se perpétuèrent, et continuèrent de s’appliquer aux objets de son imitation.

On appela donc torus, tore, cette grosse moulure ronde, qui entre avec plus d’une variété dans la composition de la base des colonnes. Elle a reçu encore d’autres noms tirés toujours de sa forme, tels que tondin, boudin, gros bâton. En italien, on l’appelle bastone.

La base qu’on nomme attique ou corinthienne, reçoit ordinairement deux tores, l’un qu’on appelle supérieur, et qui est plus mince ; l’autre placé plus bas, qu’on nomme inférieur, est plus épais.

Les ouvriers appellent corrompu, une sorte de tore dont le contour ressemble à celui d’un demi-cœur.

TORON, s. m. , signifie gros tore. On a donné depuis quelque temps ce nom, à une très-grosse baguette courante, qui se rencontre dans les monumens l’Egypte, constamment employée à embordurer les frontispices des temples, et à suivre avec la plus grande uniformité les formes extérieures des murs, qui s’alignent avec leurs colonnades, ou ce qu’on peut appeler leurs péristyles. Le toron et la scotie, l’un en relief, l’autre en creux, sont les seules formes de moulures ou de profils qu’ait employées l’architecture égyptienne. Là se trouve une des preuves de la différence de modèle, et de système imitatif, entr’elle et l’architecture grecque, et rien n’explique mieux la monotonie de l’un et la variété de l’autre.

TORS, TORSE, adj. Ce mot Vient de tordre, Qui Vient de torquere. Il Exprime Dans les corps, en juin configuration vis, ous spirale.

TORSE (COLONNE). A l’article CANNELURE (voy. ce mot), nous avons indiqué avec beaucoup de probabilité, ce nous semble, l’origine la plus vraisemblable de la forme bizarre donnée à la colonnetorse. Nous avons toujours réfuté l’opinion de ceux qui, abusant du système imitatif de l’architecture grecque, ou de la transposition de la construction en bois dans la construction en pierre, vont chercher le modèle des colonnes des les arbres, tels qu’ils existent au milieu des forêts. Aussi ne saurions-nous admettre l’hypothèse, en vertu de laquelle on prétend que la colonne torse auroit été une imitation de troncs d’arbres tortus. Quand même on voudroit se prêter à cette idée, encore faudroit-il dire, que l’antiquité véritable n’offrant aucun exemple de colonnes torses, et ce qu’on peut citer en ce genre ne datant que des derniers siècles de l’art, cette bizarrerie, loin d’avoir été le produit d’un temps où l’art se seroit modelé sur ce que la nature grossière des premiers essais lui auroit présenté, n’aura pu être au contraire qu’une conséquence tardive et capricieuse d’un système mal entendu.

A l’article ci-dessus cité, nous croyons avoir établi, que la cannelure des colonnes ne put guère être autre chose, qu’un ornement arbitraire, sans principe puisé dans aucune convention naturelle ; qu’au contraire elle aura dû son origine à quelque


procédé de pratique, dans la taille du bois, ou la coupe de la pierre. Nous pensons pareille chose de l’origine de la colonne torse, c’est-à-dire qu’elle sera née de l’abus des cannelures en spirale. Nous disons l’abus, parce que si la cannelure perpendiculaire est, par le fait, un ornement arbitraire, et dont on ne sauroit découvrir la raison nécessaire, cependant il faut avouer qu’elle est, en ligne droite, plus conforme à la nature de la colonne, que ne le sont les circonvolutions de la cannelure en spirale.

Aussi, autant qu’on peut en juger, et par les ouvrages antiques, où l’on en trouve des exemples, et par l’époque de ces ouvrages, il paroît que ce caprice n’eut lieu, que sur des monumens d’une légère importance, et qui datent des derniers siècles de l’art. Tel est entr’autres le petit temple de Clitumne. (Voyez SPOLETO.) Du reste plus d’un ouvrage d’ornement, comme vase, candélabre ou autre ustensile, reçut des cannelures en spirale ; et l’on avoue qu’il y auroit une sévérité excessive, à les condamner dans ces objets, pures créations de l’imagination, et auxquels on ne doit demander ni la réalité, ni l’apparence de la solidité.

On est donc porté à croire, que la cannelure spirale une fois appliquée à des fûts de colonnes, aura fait imaginer, dans quelques ouvrages non de construction, mais de décoration, qui datent du moyen âge, des réunions de tigettes tordues ensemble (on en voit de semblables d’une petite dimension dans le cloîtra de Saint-Paul hors des murs), qui auront produit et donné l’idée de la colonne torse. Anastasius, dans la Vie du pape Grégoire III, appelle ces colonnes volubiles columnas. Mais Saumaise veut qu’on lise volutiles, et cette leçon se trouve dans d’autres manuscrits.

Winckelmann (Osservazioni sull’ architettura degli Antichi, cap. 2) cite comme exemples de ce genre de colonnes, les deux qu’il dit être employées à un autel de Saint-Pierre à Rome. Mais une note de l’éditeur Carlo Fea, nous apprend qu’il s’agit ici des deux colonnes qui sont dans la chapelle du Saint-Sacrement. Huit autres semblables ornent les quatre tribunes à balcon, qui sont prises dans l’épaisseur des quatre piliers de la grande coupole, et il y en a encore une dans la chapelle qu’on appelle du crucifix, et que Piranesi a gravée.

Autrefois ces colonnes torses ornoient l’autel, ou ce qu’on appelle la confession de l’ancien Saint-Pierre, et elles étoient au nombre de douze. Une se rompit dans l’enlèvement qu’on en fit. On répète, d’après quelques écrivains qui ont donné des descriptions de la vieille basilique, que Constantin les avoit fait venir de Grèce pour cette destination ; mais il est à croire que ces colonnes torses furent les six qu’Anastasius, cité plus haut, dit avoir été placées au lien indiqué par le pape Grégoire III, qui gouvernoit l’Eglise en 731, et qu’il eut de l’exarque Eutichius, jointes aux six autres qu’il possédoit déjà.

On peut dune juger, par celles qui existent encore, aux endroits que nous avons désignés, que cet usage dus colonnes torses est assez ancien, que celles-ci ont servi de modèles aux grandes colonnes torses en bronze du baldaquin de Saint-Pierre, par Bernin, qui, s’il eut le tort d’employer (ce que nous ne croyons pas) des colonnes torses dans ce monument, n’a pas eu celui de les inventer, comme le répètent mal-à-propos beaucoup de critiques.

Du reste nous ignorons d’où auroient été tirées originairement ces colonnes, et quelle avoit été, dès le principe, leur destination. Quelque supposition qu’on veuille faire à cet égard, nous ne nous en permettrons qu’une seule négative. Cest qu’elles n’auront jamais été employées dans des monumens d’architecture réelle et sérieuse, à supporter les masses des architraves, des entablemens et des srontous, et que leur seule configuration, propre à se prêter aux caprices de la décoration, aurait blessé autant l’œil que lu raison, si on eu eût fait des supports destinés à soutenir les charges qu’on impose aux colonnes verticales.

Ce que nous disons (et nous le croyons d’une vérité trop sensible, pour avoir besoin de preuves de l’invraisemblance d’un tel emploi, il nous paroît juste de n’en pas l’aire l’application rigoureuse à la destination affectée par Bernin, aux colonnes torses de son baldaquin. Nous avons déjà fait observer (voyez BALDAQUIN), que ce grand artiste mit autant de goût que de réserve, dans cette composition, à laquelle il ne donnant ni réalité ni l’apparence d’une construction régulière ou architecturale. Au fond, un impérial de lit, ses pentes et l’amortissement qui le couronne, ne sauroient passer pour de l’architecture. Pent-être ce qu’un tel ajustement comporte d’arbitraire et de légèreté dans ses détails, auroit été peu d’accord avec la sévérité d’une ordonnance grave et régulière.

Nous croyons enfin, qu’autant le goût peut se prêter à l’emploi des colonnes torses dans des compositions libres, purement décoratoires, qui n’ont rien de commun avec les réalités de la construction et les convenances rigoureuses de l’architecture, autant la simple raison en doit interdire l’application, dans toute ordonnance a laquelle la raison doit avant tout présider.

TORSER, v. agir. Sur Trouve CE MOT DANS QUELQUES Lexiques, COMME Forme de teurs, torse, et Qui Doit Être synonyme de tordre, pour dire contourner le fût D’une colonne en vis ous spirale, pour en Saire juin colonne torse.

TORTILLIS, s. m. Espèce de vermoulure faite à l’outil sur un bossage rustique, comme on en


voit à quelques chaînes de pierre du Louvre, et à l’arc de la porte Saint-Martin à Paris.

TOSCAN (ORDRE). Nous ne saurions dire jusqu’à quel point les Anciens avoient porté et développé, ce que nous appelons la théorie systématique de l’architecture. Le seul ouvrage qui nous soit parvenu de l’antiquité sur cet art, est celui de Vitruve, qui le composa au temps d’Auguste. Quant aux Grecs, nous n’avons d’autre connoissance sauce de leurs écrits relatifs à l’architecture, que par les mentions qu’en a faites le même Vitruve, dans la préface de son septième livre. Il nous y apprend qu’il a puisé dans leurs écrits les principales notions de son ouvrage, notions dont il a tâché de faire un corps complet. La liste des écrivains qu’il cite est assez nombreuse, et il la divise en deux classes, celle des plus renommés, et celle des moins célèbres.

Le plus grand nombre des ouvrages de la première classe, avoit pour objet quelque monument célèbre. D’autres traitoient en général des proportions. Quelques-uns, en particulier, des proportions de tel ou tel ordre, à l’occasion du monument construit dans l’un ou l’autre de ces ordres. Silenus avait fait un traité des proportions doriques, De symetriis docricorum. Théodore avoit écrit sur le temple dorique de Samos ; Ctésiphon et Métagènès sur le temple ionique de Diane, a Ephése, et sur celui de Minerve ionique aussi, à Prienne ; Phileus, Ictinus et Carpion, sur le temple dorique de la citadelle d’Athènes ; Théodore sur la coupole de Delphes ; Philon sur les proportions des temples, et sur l’arsenal du Pirée ; Ermogène sur le temple ionique de Diane à Magnésie, et sur le temple monoptère de Bacchus à Teos ; Argelius sur les proportions corinthiennes, et sur le temple ionique d’Esculape à Tralles.

Les écrivains de la seconde classe, en plus grand nombre, firent des traités sur les proportions, et traitèrent de la mécanique. J’omets la liste de leurs noms.

Je n’ai extrait de Vitruve cette énumération des écrivains de l’architecture eu Grèce, que pour faire voir la différence de leurs traités, d’avec ceux des architectes célèbres de nos temps modernes, et pour tirer de là quelques conséquences probables, relativement à la théorie moderne des cinq ordres Aucun de ces anciens ne nous semble avoir traité des ordres d’une manière systématique. L’un écrivit sur les proportions corinthiennes De symetriis corinthiis. Plusieurs ayant pris pour sujets des monumens de l’ordre ionique, il est à croire qu’ils y auront aussi joint les règles des proportions de cet ordre. On ne sauroît dire si les traités relatifs aux proportions en général (prœcepta symetriarum), embrassèrent en grand ce sujet, ou s’ils se bornèrent simplement à fixer les proportions désordres. Enfin, l’extrait des passages de Vitruve nous montre que, dans tous les cas, les Grecs ne reconnoissoient que trois ordres.

Vitruve, dans son Traité d’architecture, composé, ainsi qu’il nous rapprend lui-même, des matériau de ses prédécesseurs, en aura sans doute aussi emprunte l’esprit et la méthode. Nous ne voyou pas qu’il ait réellement entendu parler de plus de trois ordres. Quoique les proportions qu’il affecte à chacun, ne soient point le sujet d’une théorie suivie, puisqu’il en traite en des chapitres, et sous des titres distans et divers entr’eux, cependant il a réuni sous un même titre ce qui regarde l’invention et la diversité des genres de colonnes, qu’il borne au dorique, à l’ionique et au corinthien. C’est après avoir rapporté l’origine du chapiteau de ce dernier ordre (1. 4. c. 1), qu’il dit, que sur la colonne de cet ordre on place d’autres genres de chapiteaux, auxquels on donne différens noms, mais qu’on ne peut pas inférer de ces variétés, qu’elles forment une nouvelle espèce de colonnes.

On ne sauroit, ce semble, faire mieux entendre, qu’une différence de composition dans l’ajustement des ornemen du chapiteau corinthien, ne forme point un ordre distinct. C’est cependant d’après les restes de quelques chapiteaux corinthiens, composés autrement que celui de Callimque, qu’un a imaginé, dans les temps modernes, de créer un cinquième ordre, sous le nom d’ordre composé oucomposite. Nous avons assez réfuté cette erreur, à l’article de ces deux mots (voyez COMPOSÉ) ; nous ne la rappelons ici, que pour tirer une semblable conséquence à l’égard du prétendu ordre toscan.

Cependaut les Modernes se sont crus bien autorisés encore sur ce point, puisqu’ils ont pu alléguer l’autorité de Vitruve, et celle même des monumens. C’est cette double autorité que nous nous proposons de combattre.

A l’article ARGHITECTURE ÉTRUSQUE (voy. ETRUSQUE), nous avons traité d’une manière fort étendue de tout ce qu’on peut connoître de l’origine et du système de l’art de bâtir chez les Toscans, et nous croyons avoir porté à un assez haut degré d’évidence, d’après l’histoire, les faits et les monumens, que tous les arts des Etrusques, ainsi que leur mythologie, leurs institutions, leur langue et leur écriture, étaient dans une correspondance parfaite, chez les Grecs, avec les mêmes objets, considérés surtout dans les temps primitifs ; qu’il étoit avéré que de très-anciennes communications avoient existé entre les deux régious ; qu’on ne pouvoit se refuser à reconnoîre la plus grande similitude entre le système de construction en bois des Etrusques, et celui qui servit de modèle à l’art des Grecs ; que dès-lors il n’y auroit sur ce point, d’autre question que celle-ci : les Grecs ont-ils emprunté aux Etrusques ou les Etrusques aux Grecs, le système de bâtir qui leur fut commun ? Nous ne répéterons pas ici les raisons qui


commandent de croire que la véritable origine de ce système fut en Grèce.

A l’article ORDRE (voyez ce mot), nous avons développé assez au long pour ne pas être obligés d’y revenir ici, la vraie théorie de l’ordre, et nous avons prouvé par les élémens qui le constituent, que l’on ne fait point ou ordre nouveau, par l’addition, le changement, ou la suppression d’une des trois principales parties qui en composent l’essence. Ne faisant ici que rappeler ces considérations, nous nous bornerons à faire observer, que, ce qu’on a voulu appeler ordre toscan, n’est autre chose que l’ordre dorique, dénué de triglyphes et augmenté d’une base d’après la description que Vitruve nous a laissée de la colonne de son temple toscan. Nous renvoyons sur cet objet le lecteur au mot ETRUSQUE (architecture), où nous avons rapporté en entier le passage, dans lequel Vitruve décrit avec beaucoup de détails ce temple toscan, tel qu’il en existoit de son temps à Rome.

Il est bon, en effet, de remarquer, que cette pratique de l’emploi du bois dans la construction des temples, pratiqua qui, comme on l’a dit tant de fois, fut l’origine de l’architecture en pierre, et ne cessa peut-être jamais d’être plus ou moins admise en Grèce (voyez TEMPLE), non-seulement se perpétua en Etrurie, mais même à Rome, jusqu’après le règne d’Auguste. Nous en avons un exemple dans le temple du Jupiter Captiolin, brûlé sous Vitellius. Tacite, en décrivant la cause de son incendie (Histor. lib. 3. c. 71), rapporte que le feu ayant été mis à des nuisons, dont les toits s’élevoient presqu’au niveau du sol de ce temple, la chaleur gagna les vieux bois de ce qu’il appelle aquilas, soutenant le faîtage. Or, comme nous l’avons montré au mot FASTIGIUM (voyez cet article), de quelque manière qu’on traduise le mot aquilas, soit par fronton, ce qui correspondroit au mot aetoi des Grecs, soit par aigles sculptées aux têtes des solives, servant de support au fastigium, il est certain que lé bois étoit entré dans la composition, non pas seulement du toit, mais des parties suit du fronton, soit de l’entablement.

Mais la description du temple toscan par Vitruve, nous apprend que jusqu’à lui, ou faisoit à Rome des temples à la manière des Etrusques, c’est-à-dire mélangés de bois et de maçonnerie. Or, c’est en décrivant ce temple, qu’il parle de sa colonne, de sa proportion et de ses détails. Pline, dans un très-court article de son liv. 36, ch. 23, a copié Vitruve, et a réuni les notions fort éparses de cet architecte, à deux lignes, dans lesquelles il nous dit qu’il y avoit quatre genres de colonnes, genera earum quatuor. Que les colonnes doriques avoient six diamètres de bailleur, les ioniques et les corinthiennes neuf, les toscanes sept. Quœ sextam partem altitudinis in crassitudine imâ habent doricœ vocantur, quœ nonam ionicœ, quœ septimam tuscanicœ. Corinthiis eadem ratio quœ ionicis.

Telles sont, en effet, les proportions que Vitruve a assignées à ces quatre sortes de colonnes.

C’est sur ces données que les architectes modernes ont imaginé de donner à la colonne toscane, rang parmi ce qu’on a appelé les ordres d’architecture. La nature des choses, à ce qu’il nous semble, beaucoup plus qu’aucun système combiné, comme on n’en fait guère qu’après coup, avoit donné en Grèce naissance, à ce qu’on a, chez les Modernes, désigné par le nom d’ordre. Vitruve a imaginé, on ne sait cl après quelle théorie spéculative, de faire venir le dorique d’une imitation par analogie du corps de l’homme, et l’ionique de celle du corps de la femme. Ce sont là de simples jeux d’esprit, des allusions fondées sur certains rapprochemens vagues, entre des objets tout-à-fait étrangers entr’eux. Il paroît beaucoup plus simple de chercher les variétés de caractère, de forme et de proportion, non pas seulement de chaque sorte de colonne (car elle ne constitue pas l’ordre à elle seule), mais de chaque mode d’architecture, dont l’ordre est l’expression, dans le besoin naturel qu’eut l’art de rendre sensibles les qualités principales qui sont de son ressort, par l’accord des lignes, des formes de la matière, des rapports ou des proportions, et des ornemens qu’on y applique. Ainsi l’idée de solide, et par conséquent de simple, l’idée d’élégance et aussi de richesse, formèrent deux caractères opposés, au milieu desquels dut naturellement se placer le point moyen. Là, comme en tout, il y a le plus, le moins, et le milieu. Voilà l’origine toute simple des trois ordres grecs. On a déjà remarqué, que si l’on vent faire plus solide ou plus simple que le dorique, on fera lourd ou pauvre ; que si l’on veut du plus élégant ou du plus riche, que le corinthien, on fera maigre ou chargé.

C’est pourtant ce que les Modernes ont fait, en ajoutant à la richesse du corinthien, par le prétendu composite, à la gravité du dorique, par le prétendu toscan.

On a vu que, faute d’avoir entendu le passage de Vitruve dans son vrai sens, c’est-à-dire comme se rapportant uniquement au temple toscan, et non à un système d’ordre, les premiers architectes modernes qui ont écrit sur l’architecture, se sont crus autorisés à produire, dans leurs traités, comme un ordre, ce qui ne fut qu’une modification du dorique des Grecs.

Mais il faut dire qu’ils y furent encore induits par un certain nombre de monumens romains conservés jusqu’à nos jours, où l’on trouve adossées à des piédroits d’arcades ou de portiques, des demicolonnes d’une proportion beaucoup plus longue que celle du dorique, et qui n’offrent dans leur frise et leur entablement, aucun des détails et des caractères de cet ordre. On sait que le dorique


subit à Rome d’assez grands changemens, surtout quant à sa proportion, qui fut sensiblement alongée, et portée jusqu’à plus de huit diamètres en hauteur. Il paroît donc très-probable, que placé ainsi qu’on vient de le dire, dans l’ajustement des piédroits, il dut être soumis à d’autres sujétions de convenance ou d’économie dans sa frise, et que ce qu’on prend pour du toscan, ne fut qu’un dorique dénaturé.

Nous ne dirons rien des règles, auxquelles les traités modernes d’architecture, ont essayé d’assujettir leur prétendu toscan Tous sont partis d’un système de progression de hauteur, entre ce qu’ils ont appelé les cinq ordres. Or, tandis que, selon Vitruve, la colonne du temple toscan avoit sept diamètres, et que la colonne dorique en avoit six, pour être conséquens au système nouveau, les architectes modernes plaçant leur toscan au dernier degré de leur échelle proportionnelle, ne lui ont au contraire donné que six diamètres, allant ainsi en augmentant plus ou moins, depuis le degré inférieur d’où ils partent, jusqu’au composite. Or, il est visible que ce n’est là qu’un système, qui, pour bien entendu qu’on veuille le supposer, n’a pour soi aucune autorité, ni chez Vitruve, ni dans les monumens romains.

Quand, au reste, on argumenteroit ceux-ci, restera toujours la question de savoir, si ce qu’on prend pour du toscan aujourd’hui, en étoit autrefois. Mais ce qui ne fait pas une question, c’est que les Grecs n’ont jamais connu que trois ordres, et qu’enfin le prétendu toscan, comme le prétendu composite, ne sont que des ordres parasites, inutiles, comme tels, vicieux, et que le bon goût de l’architecture repousseroit, quand la simple raison ne les désavoueroit point.

TOUR. Instrument à tourner. Τορνος en grec, tornus en latin.

Ce mot, en grec surtout, a produit, par sa ressemblance avec le mot toros, de très-fréquentes confusions. Il en a été de même de ses composés τορνευω, τορνευτιχη, avec τορεω, τορευτιχη. Le mot toros étant un instrument de gravure, comme nous dirions le ciselet, forma le mot toreutique (sculpture sur métaux), genre qui eut en Grèce une vogue prodigieuse, dont il y eut d’innombrables ouvrages, et qui devint une des parties les plus importantes et les plus célèbres de l’art des Grecs.

Dans notre ouvrage intitulé le Jupiter Olympien, nous avons consacré une section toute entière, à l’explication de cette partie de l’art, qui compta les plus renommés des artistes grecs, à commencer par Phidias et Polyclète, et nous croyons avoir démontré, que puisqu’ils furent appelés toreuticiens (toreulas), il n’étoit pas possible de rabaisser l’art qui lit leur gloire, et celle de la Grèce, au procédé mécanique du tour ; que d’ailleurs leurs ouvrages les plus vantés, ceux qui furent exécutés en or et ivoire, n’avoient pas pu être le produit de cet instrument. Le tour, de quelque genre qu’il soit, ne peut pas s’appliquer aux grands travaux de la sculpture, et nous ne connoissons que celui qu’on appelle aujourd’hui tour à portrait, qui sert quelquefois à la gravure en médailles, c’est-à-dire en petit et en très-petit bas-relief, qu’on puisse citer comme procédé mécanique, susceptible d’entrer dans quelques opérations de l’art.

Nous ne faisons mention du tour dans ce Dictionnaire, que parce que l’on en a jadis employé en grand le procédé mécanique à faire des colonnes. Nous apprenons encore que depuis peu on a imaginé de le mettre en œuvre pour le même objet, c’est-à-dire pour tourner et arrondir des fûts de colonnes faites d’une sorte de matière artificielle, et qui doit se prêter facilement à cette opération.

Mais la chose dut être beaucoup plus remarquable, et d’une bien autre difficulté, à l’égard de colonnes en marbre. Or, nous ne pouvons guère nous empêcher de croire, que telles avoient été (quoique Pline ne le dise pas) les colonnes du labyrinthe de Lemnos, monument dont il existoit encore des vestiges au temps où il écrivoit. Voici le passage où il rend compte de cette particularité, liv. 36. ch. 13.

« Le labyrinthe de Lemnos ressemble aux deux premiers (celui d’Egypte et celui de Crète), seulement il l’emporte sur eux par les colonnes qu’on y admire au nombre de cent cinquante. Elles furent travaillées dans l’atelier par le procédé du tour. Les pivots par lesquels elles étoient suspendues, furent si bien équilibrés, qu’un enfant suffisoit à faire agir la roue qui les faisoit tourner. »

Peu d’objets qu’on puisse dire être du ressort des arts du dessin, comportent une exécution dépendante du tour mécanique. Peut-être seroit-il permis de citer comme exception, la fabrication de certains vases d’argile, résultats de la roue du potier, qu’on peut effectivement, quant aux effets, assimiler au mécanisme du tour. C’est particulièrement dans l’exécution, la grande variété et la beauté des formes d’un certain nombre de vases grecs peints, mal-à-propos appelés étrusques, que l’on peut se faire une idée du goût qui présida jadis à ces ouvrages, et qui dirigea l’artiste dans la pureté du galbe donné à leurs contours.

On use encore aujourd’hui du tour pour faire d’une manière économique des vases soit de pierre, soit de marbre, que l’on place quelquefois volontiers sur les sommets des édifices, ou dont on orne les jardins.

TOUR, s. f. , du latin turris, qui vient du grec τυρσιζ.

Quelques étymologistes ont prétendu que du


mot de tours (τυρσιζ), dont les anciens Toscans avoient très-anciennement flanqué les murailles de leurs villes, pour les défendre, étoit dérivé le nom de tyrrheniens qu’on leur donna, et que c’est de ce peuple que les Romains empruntèrent l’usage des tours, dont ils fortifièrent aussi leurs murs. Ainsi croit-on que la construction de la tour proprement dite, fut le résultat du système des plus anciennes fortifications.

Quoique le nom de tour, en quelque langue que ce soit, ail été donné dans les travaux de construction et d’architecture, à un très-grand nombre d’édifices qui n’eurent rien de commun avec les fortifications des villes, il n’est pas improbable, toutefois, que l’architecture civile ait tiré soit la forme, soit la dénomination donnée à ces édifices, de ces constructions protectrices des villes. Rien de plus fréquent que cet emblème, dans les images sous lesquelles on personnifia non-seulement les villes, mais encore les provinces. La couronne crénelée se voit toujours sur la tête de Cybèle, déesse de cités, et qu’on appeloit, à cause de cela, turrita. Ces sortes de couronnes si multipliées dans les monumens antiques, ne sont autre chose qu’une imitation rapetissée des murailles de villes entremêlées detours.

Les tours des murai les, soit carrées, soit rondes, destinées à leur défense, dûrent en faire imaginer de semblables pour l’attaque. Celles-ci étoient formées d’un assemblage de poutres et de forts madriers. Elles étoient mobiles, et on les faisoit mouvoir par le moyen de plusieurs roues, sur lesquelles elles étoient portées. Leur hauteur surpassoit souvent celle des murailles et des tours qu’on vouloit assiéger. C’en est assez sur ces notions, pour faire comprendre combien cette sorte de construction fut multipliée dès les plus anciens temps, et comment il fut naturel d’en appliquer le nom, à toute autre sorte de construction semblable pour la forme, quoique destinée à des usages fort divers.

Ainsi un des antiques monumens dont l’histoire ait gardé le souvenir, celui que la Bible nous, dit avoir été commencé et n’avoir pu être fini, le monument de Babel, fut appelé tour, parce qu’il devoit être isolé et s’élever à une très-grande hauteur. Ainsi verrons-nous le nom de tour donné par la suite des temps, à toute construction en hauteur, et qui domine ordinairement tous les autres édifices.

C’est cette procérité extraordinaire, attribut particulier et caractère spécial de ce que généralement on nomme tour, qui a singulièrement multiplié cette sorte d’édifice. On ne Sauroit dire effectivement à combien de besoins divers nous le voyons employé. On élevoit jadis des tours sur les sommets des montagnes, soit pour les signaux de correspondance, soit pour surveiller de très-loin les mouvemens de l’ennemi et les opérations des armées. On en élevoit de même sur les rivages de la mer, dans la même intention, et les phares. (voyez ce mot) ne furent que des tours plus ou moins considérables, destinées à servit’ de guides aux vaisseaux.

La police des villes exiges aussi de tout temps, surtout lorsqu’elles sont bâties en plaine, et sans aucun terrain éminent, qu’on pût d’un lieu trèsélevé au-dessus de toutes les maisons, surveiller les évémmens ou les accidens du feu qui peuvent survenir de nuit. Nous voyons pur l’histoire, que cette pratique, existoit à Rome. De ce que Néron, du haut d’une tour dont on croit à tort, que les restes subsistent encore sur l’Esquilin, se donna, dit-on, le plaisir de voir l’incendie qui ravagea Rome, nous nous bornerons seulement à conclure qu’il y avoit de semblables tours dans cette ville, et certainement bâties pour un usage tout autre que celui dont on vient de parler. Celle de Néron devoit être sur le Quirinal. Celle du mont Esquilin est celle qu’on appelle tour du Mécène.

Mais les Romains construisirent, pour beaucoup d’antres usages, de ces édifices en l’orme de tour, qu’on appelle encore souvent aujourd’hui de ce nom. Au mot TOMBEAU, nous avons fait mention de plusieurs très-grands sépulcres, tels que ceux de la famille Metella et de la famille Plautia, qu’on appelle aujourd’hui du nom de tour. Ce n’est pas que nous prétendions qu’elles en aient eu jadis le nom, quoique dans les temps modernes, elles le soient devenues effectivement, militairement parlant, puisqu’elles furent crénelées, et servirent de fortification ; mais dans la vérité, ces édifices furent réellement construits en forme de tour.

Nous ne rechercherons pas ici, avec plus de détails, entre toutes les sortes d’édifices antiques, soit qu’ils aient été détruits, soit qu’il en existe encore des restes, quels furent ceux qui fuient construits dans le genre des tours, ou de ce que nous appelons aujourd’hui ainsi ; comme, par exemple, ceux qu’où appela septizones masses qui, ainsi que le mut l’indique, s’élevoient jusqu’à sept étages toujours diminuant de diamètre, a mesure de leur exhaussement, et finissant ainsi d’une manière pyramidale. On appelle à Nîmes la tour magne (ou grande tour), un reste assez considérable de construction antique, que les antiquaires jugent avoir été un septizone, dans le goût de celui de Septime Sévère à Rome.

Au moyen âge, les tours devinrent l’objet principal, et presqu’exclusif de tous lrs travaux de l’art de bâtir. Tous les palais lurent des châteaux-forts, et le génie de la fortification antique n’ayant anoure subi aucune altération, on construisit les habitations des grands, selon les anciens erremens de l’attaque et de la défense des villes. Un château ne fut autre chose qu’un assemblage de tours carrées ou arrondies, liées entr’elles par des espèces de remparts crénelés. Cette disposition devenue générale, fut appliquée à tous les bâtimens.


Les tours devinrent des lieux d’habitation. Ainsi le Louvre, tel qu’on le voit représenté dans de vieux dessins, se composoit d’un grand nombre de tours, et ce qu’on a depuis appelé pavillon, modifié par les changemens de tout genre qu’a subis cet antique château, n’est autre chose qu’une tradition des tours qui s’élevoient aux angles et dans le milieu de ses façades. On sait encore qu’au milieu de sa cour, un avoit construit une grande tour très-élevée, qui dominoit le reste des constructions et tous les bâtiment d’alentour. Ce qu’on appelle aujourd’hui le Palais de Justice, reste plus d’une fois métamorphosé du palais de Saint-Louis, a gardé quelques souvenirs de son ancienne disposition de tours, et ce qu’on désigne par le nom de tour de l’Horloge, au bout du quai de ce nom, est un témoin toujours existant de l’usage dont on parle.

Lorsque les villes étoient moins étendues, et avant que l’art de l’horlogerie fût devenu aussi usuel que nous le voyons de nos jours, on construisoit des tours où l’on plaçoit l’horloge publique, et son sommet se terminoit ordinairement en béfroi, d’où l’on annonçoit de nuit les heures, et d’où l’on surveilloit tout ce qui se rapporte à l’ordre général.

Presque tons les hôtels-de-ville avoient de ces hautes tours ou des espèces de donjons très-élevés, où étoit suspendue une cloche pour sonner le tocsin en cas d’alarme, ou pour tout autre signal d’avertissement public.

Ceci nous conduit à un emploi, qui devint le motif le plus général de l’érection des tours aux façades des églises. Je veux parler de l’emploi habituel des cloches, dont le son doit convoquer de sort loin les chrétiens, et les appeler aux prières ou aux cérémonies du culte. Nous avons vu à l’article CLOCHER et à celui de CAMPANILE, quelles furent les sormes et les dimensions des édifices où sont suspendues les cloches. Ces sortes de constructions ne furent pas d’abord établies, comme on le pratiqua postérieurement, au-dessus des combles des églises. Une simple tour, ainsi que cela se voit encore en beaucoup de pays, fut construite à l’entreé même et au-dessus du porche de l’église. A mesure qu’augmentèrent le volume, lediamètre et le nombre des cloches, les clochers en charpente ne suffirent plus. Il fallut des constructions beaucoup plus solides. Alors, comme on le voit à toutes les grandes églises gothiques, on lit entrer les masses énormes des tours, dans l’ensemble de leurs frontispices, et elles en devinrent le principal ornement.

Cependant l’Italie, dans beaucoup de ses plus grands monumens, n’adopta point cet usage, et l’on voit encore à Pise, à Florence, à Venise, à Bologne, la basilique ou l’église cathédrale séparée de son clocher, c’est-à-dire de la tour bâtie à quelque distance pour l’usage des cloches. Telles sont les tours célèbres dont nous avons donné la description aux articles CAMPANILE, GIOTTO, APLOMB, etc. Celle de Pise est un ouvrage qui rappelle l’idée des septizones antiques. Mais la plus remarquable sous les rapports de la matière, de la hauteur et du travail, est la tour de Giotto à Florence, Voyez GIOTTO.

Les cathédrales gothiques, comme on l’a dit, adoptèrent l’usage de faire entrer les tours dans l’élévation de leurs portails. Plus d’une grande église moderne, construite dans le nouveau goût, c’est-à-dire celui de l’architecture antique, se fait remarquer par cette disposition, et entre toutes celles qu’on purroit citer, nous croyons qu’aucune ne mérite de l’être, avant la grande église de Saint-Sulpicie à Paris, dont on a parlé à l’article de SERVANDONI, Deux tours étoient entrées dans le projet de cet habile architecte. Le dessin et la forme en furent changés après lui, mais le goût n’en fut pas heureux, comme le témoigne celle qui subsiste encore, au côté gauche du portail. La composition et l’ajustement général de la tour droite, fait desirer qu’on fasse subir à son pendant la même transformation. Cette opération terminée, on croit pouvoir assurer, qu’aucune grande église ne pourra, en fait de tours de portail, rien présenter qui l’emporte sur celles de Saint-Sulpice.

La tour considérée sous le simple rapport de sa forme et de sa dimension, peut se définir généralement comme étant un corps de bâtiment, qui, lorsqu’il est isolé, s’élève sur un plan circulaire ou quadrangulaire. C’est pourquoi on a, dans le langage ordinaire, donné volontiers le nom de tour, à plus d’une sorte de construction qui, sans tre affectée aux emplois des tours proprement dites, leur ressemblent par la forme. Ainsi on dit :

Tour de dôme. On désigne par ce nom, cette partie de la construction des coupoles d’église modernes, qui en supporte la voûte, et qui consiste en un mur circulaire ou à pans, dont les paremens extérieur et intérieur sont diversement décorés de colonnes, de pilastres, de chambranles, de niches, etc.

Tour de moulin à vent. Mur circulaire qui porte de fond, et dont ce qu’on appelle le chapiteau qui est en charpente, et couvert de bardeau (voy. ce mot), tourne verticalement, pour qu’on puisse exposer au vent les volans, ou les ailes du moulin.

Tour mobile. On appelle ainsi toute construction de charpente en forme de tour, et à plusieurs étages, qu’on établit sur des roues, comme on a vu plus haut que cela s’est pratiqué dans l’antiquité, pour l’attaque des murs fortifiés. On en construit de semblables, encore aujourd’hui, soit pour servir à réparer ou à peindre les voûtes et les plasonds, soit sous le nom de chariots, dans le jardinage, pour dresser les palissades. On appelle, par opposition, tour fixe, une semblable bâtisse


de charpente, pour élever les eaux dans certaines machines hydrauliques.

Tour ronde. Ainsi nomme-t-on, dans le bâtiment, le parement convexe de tout mur cylindrique ou conique, et appelle-t-on tour creuse, le parement concave de tout mur circulaire, cylindrique ou conique.

TOUR, s. m. Ce mot est un synonyme de circuit, de circonférence. On dit de la surface occupée par un jardin, par un établissement ou un édifice, qu’elle a tant de pas ou de pieds de tour. On dit faire letour des murailles d’une ville. Il faut tant d’heures pour faire le tour de Rome.

TOURELLE, s. f. Signifie proprement une petite tour. On a donné autrefois ce nom dans les fortifications et les châteaux, à de petites constructions circulaires, portées sur des encorbellemens, qu’on appela aussi guérites, où l’on plaçoit des sentinelles. L’usage habituel des tours, que nous avons vu plus haut, avoir été universel dans les châteaux et les palais, s’étendit, comme une mode, mais en plus petit, aux habitations et a presque toutes les maisons des villes. Le nombre en étoit considérable à Paris dans certains anciens quartiers, et l’on en trouve encore quelques exemples. Ces tourelles, dontl’intérieur formoit de petits cabinets, se voyoient surtout au coin des rues, et aux encoignures des maisons. Elles étoient portées par des encorbellemens, ou des cul-de-lampe.

Tourelle de dôme. On appelle à Paris de ce nom, une espèce de lanterne ronde on à pans, qui porte sur le massif du plan d’un dôme et en accompagne l’ensemble extérieur, ou qui sert à recevoir dans son intérieur, quelqu’escalier á vis. Il y a de ces tourelles, par exemple, aux dômes du Val-de-Grace et à celui de la Sorbonne.

TOURILLON, s. m. Grosse cheville ous boulon de fer, Qui SERT d’essieu. On en lieu AINSI aux Extrêmités de l’axe d’treuil de l’ONU, des bascules d’un pont-levis, du mouton D’une cloche, pour Qu’ils puissent se mouvoir circulairement.

TOURMENTER, v. act. On se lest de ce mot par métaphore, et le plus souvent au participe, en parlant d’un ouvrage d’art, d’une composition, d’un dessin, d’un projet d’élévation ou de décoration d’un édifice. Lorsqu’au lieu d’être le résultat d’un principe simple, d’une pensée claire et distincte, d’un sentiment naturel et facile, d’un savoir bien ordonné, et d’une exécution libre, l’ouvrage se présente à notre esprit ou à nos yeux, comme le produit d’une conception embarrassée, d’une idée complexe, d’un goût qui trahit la peine et la recherche, et d’un travail où l’effort se fait sentir, on dit que c’est un ouvrage tourmenté.

Tourmenter quelqu’un au moral, c’est s’étudier à lui procurer de la peine, de la douleur, de l’embarras. On se tourmente aussi soi-même, lorsque, par une certaine maladie, ou par l’excès de quelque passion, comme l’envie, la haine, l’ambition, on perd le repos du corps et de l’esprit.

Tels sont, transportés dans un autre ordre de choses, les effets que nous font éprouver les ouvrages qu’on appelle tourmentés. Dans la vérité, ils produisent sur nous une impression semblable à celle qu’a dû subir l’auteur, qui, au lieu de procéder, pour exprimer ses pensées, par la voie la plus droite, s’est torturé l’esprit pour les faire arriver par quelque route pénible et détournée, pour leur faire prendre certaines formes inusitées et contraintes, dont l’étrangeté met aussi notre intelligence en peine et nous cause de l’embarras. Tout auteur qui se tourmente de la sorte, tourmente de la même façon son auditeur ou son spectateur : car il y a réciprocité nécessaire entr’eux. Comme on remarque dans le commerce ordinaire de la vie, qu’un homme qui se gêne, gêne les autres, qu’un homme qui, dans ses manières et ses discours, a de l’aisance, l’inspire et la communique à autrui, de même tout ouvrage portant l’empreinte nécessaire des habitudes, des qualités, des défauts, de l’artiste, en opérera, si l’on peut dire, la contre- preuve chez ceux auxquels il s’adressera.

Le propre de tout ouvrage tourmenté, est de faire connoître et sentir l’effort de quelque nature qu’il soit, car il en est de bien des genres. Nous n’appellerons pas seulement de ce nom, la peine et la contraction qui naissent d’un travail difficile. Il y a un genre d’effort qui paroit moins sensible, parce qu’il annonce la facilité de l’abondance, mais qui ne produit pas moins le même effet sur nous ; car la redondant’’ nous fatigue, quoique d’une autre manière, autant que l’excès de concision. L’une et l’autre nous rendent difficile, surtout dans les compositions, la perception des objets. On devient obscur par le trop dire, comme par le trop peu.

Chaque genre d’ouvrage d’art, au reste, a une manière d’être tourmenté, dans les élémens mêmes de sa Conception, comme dans les procédés de son exécution. On dit des poses des figures d’un tableau, qu’elles sont tourmentées quand l’artiste ambitieux de nouveauté, leur donne des attitudes forcées et trop contournées. On dit que la couleur en est tourmentée quand le peintre, incertain de son effet, ou ne parvenant point à se contenter, retouche sans cesse, et par un maniement excessif de pinceau, altère la fraîcheur des teintes.

Nous ne serions pas en peine de dire ce que c’est qu’une architecture, ou une composition architecturale tourmentée. Il n’y a point d’architecte qui ne convienne que ce défaut doit résulter


d’un plan qui, au lieu de lignes droites, de rapports simples, de combinaisons claires, sera un jeu péniblement controuvé de parties mixtilignes, de contours rompus, de formes incohérentes. Tout le monde sera d’accord qu’une élévation tourmentée sera celle qui se composera, soit de masses décousues et contradictoires, soit de détails bizarrement assemblés, sans aucune raison qui en motive ou en explique la réunion, soit d’une multiplicité confuse d’objets qui ne sont que des hors-d’œuvre. Mais ce sera surtout dans la complication des ornemens, dans la prétention à innover par des mélanges indiscrets, ou par la profusion des motifs décoratifs, que l’architecte qui aura tourmenté son cerveau, à celle laborieuse recherche, fatiguera nos yeux et tourmentera notre esprit, Le dix-septième siècle a produit dans les œuvres de Boromini, et de son école, les exemples les plus clairs et les plus propres à faire comprendre, ne fût-ce que par les yeux, ce que peut être une architecture tourmentée.

TOURNER, v. act. C’est faire un ouvrage quelconque, à l’aide de l’instrument qu’on appelle tour. Voyez ce mot.

TOURNER. Se dit, mais dans le langage plutôt familier, surtout s’il s’agit d’architecture et de bâtiment, comme synonyme d’exposer, de disposer, de situer.

Ainsi l’on dira d’une maison qu’elle est bien tournée, lorsque son exposition est agréable ; que son intérieur est bien tourné, lorsque toutes les pièces offrent des dégagemens commodes, et que toutes les parties ont entr’elles de justes proportions.

On dit aussi d’une église, que son portail doit êtretourné vers l’occident, que son autel doit l’être vers l’orient.

TOURNIQUET, s. m. Espèce de moulinet à quatre bras, qui tourne verticalement, à hauteur d’appui, Dans Une ruelle, Ou A Côté D’une barrière, pour empécher les chevaux d’y passer. On en fait en bois, en bien et en bronze. Il y en un DE CES DEUX Dans Métaux Plus d’Un endroit des cours et des jardins de Versailles.

TRACER, v. act. C’est tirer les premières lignes d’un dessin d’un plan, sur le papier, sur la toile, sur le terrain. Il y a plus d’une manière de tracer, dans les procédés du bâtiment, et on les exprime par les locutions suivantes :

TRACER AU SIMBLEAU. C’est tracer, d’après Plusieurs centres, les ellipses, les arcs surbaissés, rampans, corrompus, etc. , avec le simbleau, qui est un cordeau de chanvre, ou mieux encore de tille, parce qu’elle ne se relâche point. On se sert ordinairement du simbleau pour tracer les figures, dont la grandeur excède la portée du compas.

TRACER EN CHERCHE. C’est décrire, par plusieurs points déterminés, une section conique, c’est-à-dire une ellipse, une parabole ou une hyperbole, et d’après cette cherche levée sur l’épure, tracer sur la pierre, ce qui se fait aussi à la main, et au gré de l’œil, pour donner une certaine grâce aux arcs rampans de diverses espèces.

TRACER EN GRAND. C’est, en maçonnerie, tracer sur un mur, on sur une aire, une épure, pour quelque pièce de trait, ou quelque distribution d’ornemens. En charpenterie, tracer, c’est marquer, sur un étalon, une enrayure, une ferme, etc. , et le tout aussi grand que l’ouvrage.

TRACER PAR ÉQUARRISSEMENT on DÉROBEMENT. C’est, dans la construction des pièces de trait, ou coupe de pierre, une manière de tracer les pierres par des figures prises sur l’épure, et cotées pour trouver les raccordemens des panneaux de tête, de douelle, de joint, etc.

TRACER SUR LE TERRAIN. C’est, dans l’art de bâtir, faire de petits sillons, suivant des lignes ou cordeaux, pour l’ouverture de la tranchée des fondations

C’est, en jardinage, sur un terrain bien dressé et labouré, marquer avec, le traçoir (qui est un long bâton pointu), les compartimens, enroulemens, rouleaux ou feuillages de parterres, pour y planter du buis, ou toute autre sorte de plante propre à faire des bordures.

On dit aussi tracer à la main. C’est faire à vue d’œil, sans le secours d’aucun instrument, ou procédé géométrique, le contour d’une courbe par plusieurs points donnés, ou bien corriger ce contour dans les endroits qui ne satisfont pas la vue.

Traçoir, s. m. Ce est, SELON LES différens ouvrages à tracer, l’instrument sur l’utilisation Ne pour cette opération.

TRAINER, v. act. Se dit particulièrement du moyen qu’on emploie pour faire, dans les bàtimens, les corniches eu plâtre.

Pour faire ainsi une corniche ou un cadre, on fait, au préalable, un calibre, sur le dessin tracé de la grandeur que doit avoir l’ouvrage. Ce calibre répète ainsi en creux ce que la corniche doit avoir en saillie, et donne en saillie ce qui doit devenir creux. On l’adapte à un bâtis quelconque qui sert à le manœuvrer. On place ensuite en avant du massif, ou noyau de la corniche, deux règles bien arrêtées, sur lesquelles le calibre sera promené. On garnit de plaira clair le massif de la corniche, et on passe, en le traînant, le calibre sur


ce plâtre encore ductile et mou. On répète l’opération jusqu’à ce que toutes les moulures et les plus petits profils aient acquis le complément de leurs formes.

TRAIT, s. m. Dans la langue des arts du dessin, d’où les autres arts semblent en avoir emprunté l’emploi, le mot trait s’applique à la ligue qui termine une figure quelconque.

Ce que nous nommons ainsi, le latin l’appelle linea, ligne, synonyme de trait. Aussi doit-on traduire avec ce mot, dans les descriptions d’ouvrages d’art, qu’on rencontre chez, les écrivains latins, le motlinea, que l’on a eu souvent le tort de rendre en fraucais par le mot ligne, lequel habituellement appliqué à l’écriture, a produit une confusion ridicule. C’est ainsi que lorsque Pline nous dit, qu’Appelles ne passoit pas un jour quin lineam duceret, on s’est imaginé que cet exercice du peintre grec se bornoit à faire une simple ligne. De même lorsqu’il raconte l’espèce de défi qui eut lieu entre Apelles et Protogènes, à qui feroit le trait le plus délié, on a cru encore, à cause du mot linea du texte, qu’il ne s’étoit agi entr’eux, que de se disputer l’honneur de tracer la ligne la plus menue. Linea répondant à ce que nous appelons un trait en dessin, il est visible, qu’entre deux peintres, il ne put être question que d’un dessin au trait, ou de ce que nous appelons aussi, par abréviation, un trait en supprimant le mot de dessin.

L’architecture se composant plus sensiblement encore, qu’aucun autre art, de lignes ou de traits qui renferment les formes de l’édifice, la déliénation est un des principaux moyens qu’emploie l’architecte pour tracer ses projets. Il commence donc par les mettre, ce que l’on appelle au trait, soit à l’aide du crayon, soit avec la plume, et c’est lorsque ce trait est arrêté, qu’il donne aux formes leur rondeur et leur effet, par les ombres que procure le lavis.

Mais les matériaux que l’architecte met en œuvre, pour l’exécution d’un édifice, exigent, en pierre surtout, que leur emploi soit déterminé, et que leur configuration soit fixée, en grand et en détail, par des traits qui empêchent les appareilleurs de se tromper. C’est pour cet effet qu’on trace sur une aire, ou sur l’enduit d’un mur, les traits et les lignes, de tout ce qui est nécessaire au développement des parties de l’ouvrage. Voyez le mot EPURE.

La construction en pierre, comme on l’a dit, est particulièrement celle qui exige avec le plus de détails une semblable opération. Plus surtout le travail de cette construction s’est multiplié et compliqué, par le manque des grandes masses de pierres, par le besoin de faire produire à plusieurs la forme et l’étendue qu’une seule ne pourroit pas donner, mais davantage encore par la hardiesse des entreprises, ou par la diversité des plans, et disons-le le même, par la bizarrerie des inventions, plus l’art de réduire en traits, toutes les coupes de pierre, qui doivent former des assemblages aussi compliqués, est devenu difficile. On a invoqué le secours de la géométrie pour tracer ces coupes savantes, qui toutefois ne produisent à grands frais que des difficultés inutilement vaincues. Enfin toutes ces pratiques dont on a rendu compte ailleurs, ont formé une science à part, ou un art particulier que l’on appelle l’art du trait. Voyez COUPE DES PIERRES.

Le mot trait a différentes applications aux travaux des arts, et surtout à ceux de l’architecture, et on leur donne différens noms. On dit :

TRAIT DE REPAIRE, C’est une ligne qui est fixée par un alignement.

TRAIT DE NIVEAU. On appelle ainsi la ligne qui est fixée pour former l’aire d’un plancher, pour la pose d’un lambris d’appui, pour une corniche.

TRAIT se prend quelquefois pour la coupe des pierres. On dit une pièce de trait, pour dire un ouvrage dont toutes les pierres sont taillées selon l’art de la coupe. Voyez ce mot.

TRAIT se dit aussi au lieu de hachure, taille.

TRAIT BIAIS. C’est une ligne inclinée sur une autre, et qui forme avec elle un angle quelconque.

TRAIT CORROMPU. C’est une ligne tracée à la main irrégulièrement, et qui forme des inégalités, des sinuosités.

TRAIT CARRÉ. C’est une ligne perpendiculaire sur une autre. Tous les ouvriers se servent d’un équerre, que la plupart appellent triangle, pour tracer une perpendiculaire on trait carré.

TRAIT DE SCIE. On appelle ainsi le passage de la scie à travers soit une pierre, soit une pièce de bois.

Dans la charpenterie, les scieurs de long appellent rencontre, l’endroit où, à quelque distance près, deux traits de scie se rencontrent, c’est-à-dire à l’endroit où la pièce de bois se sépare. On enlève ces rencontres et traits de scie, aux bois qui doivent être apparens, comme dans les planchers, ou dans d’autres ouvrages.

TRAIT DE BUIS. (Jardinage.) Ainsi nomme-t-on un filet de buis nain, continu et étroit, qui forme la bordure ou les contours d un parterre, qui renferme des plates-bandes et des carreaux. On le fond ordinairement deux fois l’année, pour le faire profiter, ou pour l’empêcher de monter plus qu’il ne faut.


TRAJANE (COLONNE). Monument sans aucun doute le plus beau, le plus entier et le plus remarquable à tous égards, qui nous soit parvenu de la magnificence romaine. A l’article de la colonne Antonine (voyez ANTONINE), nous avons déjà fait sentir la supériorité du monument de Trajan, sur tous ceux qui sont venus après. Comme il semble qu’il n’a guère été fait de ces sortes d’ouvrages, que dans l’Empire romain, aucune notion historique ne nous faisant soupçonner, qu’il en ait été élevé de semblables chez les Grecs, qui n’eurent ni les raisons ni les moyens d’entreprendre de telles dépenses, on est porté à présumer que la colonne Trajane fut le premier monument de ce genre. Si, avant Trajan, quelqu’autre empereur eût érigé une pareille masse, il n’est pas douteux qu’il en seroit resté quelque vestige ; elle auroit, effectivement, résisté plus qu’aucune autre aux moyens, et aux raisons de détruire qui avoient cours alors. Nous ne trouvons point d’ailleurs de colonnes triomphales isolées, sur les revers des monnaies des empereurs qui ont précédé Trajan. Tout porte à croire que ce monument, qu’on voit pour la première fois sur les médailles de cet empereur, fut véritablement original, et comme tel il lui est arrivé, ce qui n’est pas rare, d’avoir été imité depuis, mais de fort loin, dans les colonnes qui nous sont parvenues d’Antoniu ou de Marc-Aurèle à Rome, et de Théodose à Constantinople.

La colonne Trajane fut élevée par le sénat et le peuple romain à l’empereur Trajan, dans le forum qui portoit son nom, et qui avoit été construit par l’architecte Apollodore, qu’on présume avoir également dirigé la construction de la colonne. En y comprenant la base et le chapiteau, elle a cent pieds romains antiques de humeur ; son diamètre au bas du fût est de donze pieds. Le piédestal en a dix-huit d’élévation, et son amortissement seize et demi. Au-dessus s’élève une statue en bronze de treize pieds de proportion. Le tout fait cent quarante-sept pieds romains, qui reviennent à cent trente-quatre pieds trois pouces neuf lignes de noire pied de Roi. On peut croire l’amortissement qui supporte la statue moderne, de quelque chose plus haut, que celui qui portoit jadis la statue de Trajan, si l’on en juge par la médaille antique où l’on voit cette statue poser simplement sur un globe tronqué. La statue paroît avoir tenu de la main droite un globe, dans lequel on prétend qu’avoient été renfermées jadis les cendres de l’empereur.

On monte au sommet de ce monument, c’est-à-dire sur le plateau servant de tailloir à la colonne, par un escalier en limaçon, taillé dans la masse de chacun des tambours de marbre dont est formé le fût. L’escalier se compose de 185 degrés, et il reçoit la lumière par quarante-trois petites ouvertures, pratiquées de distance en distance dans l’épaisseur du marbre, mais sans interrompre la série des bas-reliefs sculptés dans toute la circonférence, sur une ligne spirale du bas du sût jusqu’à son sommet, et qui y fait tout alentour vingt-trois révolutions.

La colonne a de sept à huit diamètres en hauteur, proportion qui est celle que les Romains donnèrent ordinairement à leur dorique. Quoiqu’une colonne isolée manque nécessairement de beaucoup des caractères qui, dans les édifices, font reconnoître la nature de chaque ordre, cependant, vu les oves dont son échine est décorée, il est assez évident qu’il n’y a pas lieu de se méprendre sur l’intention qu’eut l’architecte, d’en faire une colonne dorique. Du reste ou ne sauroit qu’y admirer la beauté de la proportion et le bel accord de toutes les parties.

Le piédestal n’en est pas la moins remarquable, et par son rapport avec le tout, et par les belles sculptures qui embellissent ses quatre faces, où l’on voit des trophées d’armes de toute espèce, exécutées de bas-relief avec un art admirable. Dans une de ces faces est pratiquée la porte d’entrée, au-dessus de laquelle est l’inscription figurée sur une table que supportent deux victoires ailées. Toute cette composition, aussi remarquable par le bon goût que par son exécution, doit être citée comme modele classique en ce genre.

On doit le dire aussi du genre de sculpture de toute la série de bas-reliefs historiques, où toutes les campagnes de Trajan, ses combats, ses entreprises, ses victoires, sont représentées par ordre depuis le bas jusqu’en haut, en suivant une ligne spirale, dont la courbe très-douce se développe, en raison du très-fort diamètre de la colonne, et de manière à s’écarter le moins possible du plan horizontal que la vue de l’ouvrage semble devoir exiger.

Nous avons déjà fait remarquer à l’article BAS-RELIEF, avec quelle intelligence toute cette sculpture avoit été conduite, et sous le rapport de la composition, et selon les vraies convenances de la nature des sujets, de la forme du corps où ils sont tracés, de l’espace qu’ils occupent, et des facultés visuelles de ceux auxquels ils s’adressent. Nous ne répéterons donc pas ici les raisons que nous avons donnes, pour justifier les prétendus défauts de perspective, que l’on avoit coutume de reprocher à cet ouvrage, espèces de défauts qui le sont, dans un sens absolu, mais qui, relativement considérés, non-seulement sont excusables, en tant qu’ils sont nécessaires, mais sont même un mérite, et contribuent à la perfection de l’ensemble. Voyez BAS-RELIEF.

Il faut, pour se rendre compte du mérite dont nous parlons, se figurer l’effet qu’auroient produit sur le nu de la colonne servant de fond à la sculpture, des bas-reliefs, qui, selon la variété des plans, que la perspective exigeroit, pour être tant soit peu exacte, auroient présenté les saillies les plus


inégales, et les renfoncemens les plus divers. Qui ne voit que ce que le sculpteur peut se permettre fut le fond horizontal d’un mur, fond qu’on ne peut voir qu’en face, et où la multiplicité de plans est sans inconvénient, ne pouvoit avoir lieu sur le fond convexe d’une colonne, qui exige impérieusement, qu’un respecte la ligne perpendiculaire de son galbe ? L’effet des plans reculés ne pourroit s’obtenir que de deux manières, ou en enfonçant inégalement le nu de la colonne, ou en faisant déborder et saillir inégalement les objets, et les figures des plans antérieurs. Mais alors, égal inconvénient, dans tin sens comme dans l’autre, c’est-à-dire que la culmine n’offriroit, de quelque part qu’on la vît, que des lignes cahotées, sous l’effet desquelles disparoîtroit la forme de son fût, ce qui produiroit l’impression la plus désagréable.

Il y a un système, le seul raisonnable, dans l’emploi du bas-relief inhérent aux formes de l’architecture, et il consiste à traiter les sujets et les figures, par une convention particulière, selon l’esprit d’une écriture figurative. Disons donc, qu’ayant à écrire en figures, l’histoire des guerres de Trajan, autour d’une colonne, il convenoit, 1°. de n’y observer aucune perspective ; 2°. de n’y pratiquer que le moins de plans, c’est-à-dire de diminutions d’épaisseur entre les figures, de peur d’effacer trop celles du fond ; 3°. de donner au tout assez de saillie, pour faire lire ces sortes de caractères, et pas assez pour interrompre ou altérer le galbe de la colonne.

Cette légère théorie se trouve confirmée, par les imitations qui furent faites du monument de Trajan. Il est a croire que ceux qui firent la colonne Antonine, prétendirent, comme il n’arrive que trop souvent, améliorer et perfectionner en innovant. Les reliefs de cette colonne ont, comme on le voit, infiniment plus de saillie. Quoique l’on y ait évité le vice de la perspective et de la dégradation des plans, cependant la saillie générale donnée aux figures, a exigé partout, d’en fouilles beaucoup plus les contours, De là il résulte que ce grand effet procuré à la sculpture, va au détriment de la forme et du nu, c’est-à-dire du galbe de la colonne. Il en a été de même de la colonne de Théodose à Constantinople.

Au reste, ces deux derniers monumens ne sauroient soutenir le parallèle avec celui de Trajan, pour le mérite intrinsèque de l’ait. Il y auroit à relever et a faire sentir dans ce reste le plus magnifique de la grandeur romaine, une multitude de beautés, de convenances, et de propriétés de goût, particulièrement pour le caractère propre, et pour l’habileté de l’exécution dans tous les détails, qui seroient la matière d’un ouvrage spécial, et qui, par plus d’une raison, excédant les bornes de cet article, paroîtroient d’autant plus étrangéres à l’objet essentiel de ce Dictionnaire.

TRANCHE (DE MARBRE), s. f. Morceau de marbre mince, Qu’on incruste Dans compartiment non, ous Qui SERT de table To receive juin inscription.

TRANCHÉE, s. f. Ouverture en terre que l’on pratique, n’importe dans quel sens, mais le plus souvent en long, soit pour y asseoir les fondations d’un édifice, soit pour poser et réparer des conduites de plomb, de fer, ou de terre, soit aussi pour planter des allées d’arbres.

TRANCHÉE DE MUR. Ouverture en longueur, hachée dans un mur, pour y recevoir et se eller une solive, ou un poteau de cloison, ou une tringle qui sert à porter de la tapisserie.

On appelle encore tranchée de mur, une entaille dans une chaine de pierre, au dehors d’un mur, pour y encastrer l’ancre du tirant d’une poutre, et la recouvrir de plâtre. On fait aussi de ces tranchées pour retenir les tuyaux de cheminées qu’on adosse contre un mur.

TRANCHER, v. agir. Se dit métaphoriquement de couleurs opposées, Qui se détachent Avec dureté les UNES sur les Autres, et produisent Une impression désagréable, Comme Celle, par exemple, de marbres noirs Qu’on placeroit sur des fonds de marbre blanc.

TRANCHIS, s. m. D’ardoises Rang Ou tuiles De échancrées, Qui sont en recouvrement sur d’Autres Entières, DANS L’angle rentrant D’une noue OU D’une fourchette.

TRANSVERSALE, adj. Se dit De toute ligne Qui en coupé obliquement Une Autre.

TRAPE, s. f. Sur Donne CE nom à juin fermeture en bois, Composée D’UN fort châssis et D’UN OU Deux venteaux, Qui, au niveau being de l’aire d’ONU rez-de-chaussée, couvre juin descente de cave.

TRAPÈZE, s. f. Mot grec Qui signifié à quatre pieds, et sur l’utilisation Dont Dans la langue de l’archéologie, Comme being synonyme de table. Voyez TABLE.

TRAVAIL, s. m. Se dit de la peine, ou de la fatigue qu’exige un ouvrage. Il se dit de l’ouvrage lui-même, et se dit encore de la nature de son exécution. C’est un beau travail. C’est, un travail médiocre. Cet ouvrage sent trop le travail. C’est-à-dire que le mérite de l’exécution s’y fait trop apercevoir, et l’emporte par trop sur celui du sentiment. Ou bien il lui manque le charme, et la facilité qui procède ordinairement d’une heureuse inspiration.

TRAVAILLER, v. act. C’est faire un travail


quelconque, et plus d’explication sur la signification usuelle de ce mot, n’ajouteroit rien à l’idée si simple qu’il exprime.

Cependant on emploie ce mot dans un sens détourné de son usage naturel, comme lorsqu’on l’applique à exprimer certains effets, qui ont lieu de la part d’objets inanimés. Ainsi dit-on par métastase, qu’un bâliment travaille, lorsque, soit par vétusté, soit par défaut des fondations, ou par vice de construction, les matériaux se disjoignent, ou sortent de leur aplomb, les voûtes s’écartent, les plafonds s’affaissent, etc.

On dit aussi du bois qu’il travaille, lorsqu’ayant ètè employé vert, ou ayant été mis en œuvre dans quelque lieu trop humide, il se retire ou se gauchit, en sorte que les panneaux s’ouvrent et se cambrent, les languettes quittent leurs rainures, et les tenons, leurs mortaises.

Dans le langage du bâtiment, il y a pour les ouvriers plus d’une manière de travailler qu’on distingue par l’addition de diffères mots, et l’on dit :

TRAVAILLER A LA JOURNÉE. Voyez JOURNEE.

TRAVAILLER A LA PIÈCE. C’est faire de certains ouvrages d’une nature ou d’une mesure semblables entr’eux, et qui permettent de leur affecter d’avance un prix, déterminé. Tels seront des chapiteaux, des bases, des balustres, etc. , que l’on doit exécuter pour un prix convenu.

TRAVAILLER A LA TACHE. C’est, pour un prix convenu, faire une partie d’ouvrage, comme la taille d’une pierre, selon le dessin donné d’architecture ou de sculpture.

TRAVAILLER A LA TOISE. C’est marchander avec l’entrepreneur ou le bourgeois, la toise courante ou superficielle de différens ouvrages, comme taille de pierres, gros ou légers ouvrages de maçonnerie, etc.

TRAVAILLER PAR ÉPAULÉES. C’est reprendre peu à peu, et non de suite, quelque ouvrage par sous-œuvre, ou fonder dans l’eau. C’est aussi employer beaucoup de temps, à construire quelque bâtiment, parce qu’on n’a ni les matières ni les moyens de l’exécuter promptement.

TRAVAISON, s. m. Sur Trouve CE mot employee par Blondel DANS SON Cours d’architecture, pour traduire le mot latin prétendu trabeatio, Que d’Autres Ont Francise en littéraire & humoristiqueentablement. Ce mot toutefois Ne EST Ni Ni français latin.

TRAVÉE, s. f. Se dit généralement d’un espace qui est entre deux poutres, et qu’on remplit d’un nombre quelconque de solives. Ce mot vient du latin trabs poutre.

Dans les églises gothiques surtout, on donne le nom de travée à ces galeries supérieures, qui s’élèvent au-dessus des arcades des nefs. Il paroîtroit que ce nom seroit venu des anciennes constructions en bois, où les intervalles des grosses poutres supportées par les piliers, étoient remplis par des planchers formés de solives.

TRAVÉE DE BALUSTRES. Est un rang de balustres en bois, en fer ou en pierre, placés entre deux piédestaux.

TRAVÉE DE COMBLE. C’est sur deux ou plusieurs, pannes, la distance d’une ferme à une autre, qui est remplie de chevrons des quatre à la latte. Cette distance est de neuf en neuf, ou de douze en douze pieds, et à chaque travée il y a des fermes posées sur un tirant.

TRAVÉE DE GRILLE DE FER. Rang de barreaux de fer, entretenu par les traverses, entre deux pilastres ou montans à jour, ou entre deux piliers de pierre.

TRAVÉE D’IMPRESSION. C’est ainsi qu’on appelle, dans le toisé, la quantité de deux cent seize pieds, ou six toises superficielles d’impression, de couleur à l’huile ou à détrempe, à laquelle on réduit les planchers plafonnés, les lambris, les placards, et autres ouvrages de di différentes grandeurs imprimés, pour en faire le toisé dans lés bâtimens. Les travées des planchers apparens, se comptent doubles, à cause d’une eufonçure de leurs entrevoux.

TRAVÉE DE PONT. (Terme d’architecture hydraulique.) Partie du plancher d’un pont de bois, contenue entre deux files de pieux, et faite de travons soulagés par des liens ou contre-fiches, dont les entrevoux sont recouverts de grosses dosses ou madriers, pour en porter le couchis.

TRAVERSE, s. f. Pièce de bois qui s’assemble avec les battans d’une porte, ou qui croise carrément, sur le meneau montant d’une croisée.

On appelle aussi traverses, des barres de bois, posées obliquement, et clouées sur une porte de menuiserie.

TRAVERSE DE FER. Grosse barre de fer, qui, avec une pareille, retient par le haut et par le bas, les montans de costiers et de battement, et les barreaux du ventail d’une porte de fer. Il y a de ces traverses, qu’on met à hauteur de serrure, pour entretenir les barreaux trop longs, et qui servent à renfermer les ornemens des frises et bordures de serrurerie. Les grilles de fer ont aussi des traverses qui en fortifient les barreaux.

TRAVERSINES, pl s. f. . (Terme d’architec-


ture hydraulique.) Espèces de solives qu’on entaille dans les pilotes, versez Faire un radier d’écluse Voyez RADIER.

On appelle Maîtresses traversines, Celles Qui présage sur Les Seuils.

TRAVERTIN. Sorte de pierre Qu’on Exploité Dans les environs de Tivoli, et Dont were construits Les Édifices principaux de Rome antique et moderne.

TRAVONS, s. m. pl. (Terme d’architecture hydraulique.) Ce are, Dans un pont de bois, les Maîtresses pièces Qui en traversent la largeur, versez portier Autant les travées des poutrelles, au Québec pour servir à de chapeau aux fichiers de pieux. Sur les Appelle also sommiers.

Trèfles, s. m. pl. Ce mot is the Translation du latin Trifolium, Sorte de plante AINSI appelee Parce Qu’elle a trois feuilles.

La sculpture d’ornement une mauvaise cette plante au Nombre de Celles, au Québec sa forme René D’une facile imitation, et susceptible d’effet non Assez piquant, particuliérement Dans les petites moulures. Sur multipliez sur l’AUGMENTE sur l’effet de CET ornement en le découpant un palmettes ous en fleurons.

Trèfles DE MODERNE, Ce are, DANS LES compartimens des vitraux, pignons ET frontons gothiques, de petites roses à jour, Faites de pierre dure, nervure AVEC, et formix portions de Trois nominale de cercle, ous trois petits arcs en tiers-point de pair.

TREILLAGE, s. m. Saumaise sait venir, avec beaucoup de vraisemblance, ce mot du latin trichila, que Columelle emploie pour désigner une treille de vigne.

Un treillage est un ouvrage fait d’échalas dressés et aplanis, qu’on lie carrément entr’eux avec du fil de fer, et dont on forme des mailles de cinq à sept pouces. On les établit ordinairement le long des murs des jardins, pour y attacher les vignes ou les arbres à fruit qu’on dresse en palissades. Les treillages sont peints ou en blanc, ou le plus souvent en vert, et à t’huile, pour la conservation des bois.

TREILLE, s. f. On donne ordinairement ce nom à un berceau soit en forme de voûte, soit en forme de plafond, fait de treillage, comme on l’a dit à l’article précédent, et qui reçoit quelquefois des plantes grimpantes propres à faire de l’ombre, mais le plus souvent des ceps de vignes. On les construit avec des perches de bois blanc. Les treilles servent de cabinets de verdure dans les jardins, et de lieux de retraite contre les ardeurs du soleil.

Sur la mosaïque de Palestrine, on a représenté un très-grand berceau cintré, formé par du treillage que recouvrent des feuilles de vigne, sous lequel on voit, d’un côté, des convives à table sur des lits, et de l’autre, des joueurs d’instrumens. Dans plus d’une peinture d’arabesque antique, on a figure de semblables treilles.

TREILLIS, s. m. Nom qu’on donne assez généralement à une clôture formée de mailles en fer ou en bronze. Telle est, par exemple, celle qui ferme l’ouverture qui est au-dessus de la porte du Panthéon à Rome. Telles sont dans les prisons, les fermetures de la plupart des fenêtres.

On distingue le treillis de la grille, en ce que ses barres sont aillées eu losange comme celles d’un filet, au lieu d’être carrées.

Les Grecs appeloient filet, διχιυον, ce que nous nommons treillis. La chambre qui renfermoit le corps d’Alexandre, sur le char sépulcral qui le transporta de Babylone en Egypte, n’avoit pour clôlure, qu’untreillis en forme de filet d’or, de l’épaisseur d’un doigt) que Diodore appelle διχιυον.

TREILLIS DE FIL DE EFR. On donne ce nom à un châssis de verges de fer maillé, en petits losanges de gros lil de fer, qu’on met au-devant des vitraux. Tels sont les châssis ou treillis du bas d’un édifice, pour empêcher que les vitres ne soient cassées par des coups de pierre. Tels sont ceux qu’on met aux fenêtres élevées d’un dôme, pour résister à l’impétuosité des vents qui pourroiont enfoncer les panneaux. On les place à quelque distance de la vitre.

TREMEAU. Voyez TRUEAU.

TRÉMION, s. m. Barre de fer Qui SERT un sontenir la hotte ous U trémie D’une cheminée.

Trépan, s. m. Outil Dont sur soi SERT DANS LE travail de la sculpture, versez faire des trous. On en utilisation redingote versez Donner des noirs aux détails des ornemens.

TRÉPIED, s. m. , du mot grec τριπονς ou du latin tripus, signifie à trois pieds. On donna d’abord ce nom à une table circulaire reposant sur trois supports, pour la distinguer du trapèze, mot abrégé detètrapèze, à quatre pieds. Voyez TABLE.

Rien ne fut plus commun dans les usages domestiques, que ces tables à trois pieds. On en voit sur beaucoup de bas-reliefs antiques, et la, ils accompagnent des lits de lestins, sur lesquels siègent les convives ; leur plateau est chargé de vases de fruits, etc.

Des emplois domestiques, la table (comme on l’a vu à ce mot) passa aux usages religieux. On la plaça devant les simulacres des dieux, et elle servit à recevoir les offrandes da la piété. Les tables


primitives de ce genre furent portatives. Les cérémonies religieuses admettant plus d’une espèce de sacrifice et de pratique expiatoire, on fit dans le goût et dans la forme d’une table à trois pieds, des espèces de réchauds pour y brûler des parfums, ou des espèces de vases pour les lustrations et l’on donna généralement à tous ces objets le nom de trépied.

Il n’entre point dans l’objet de ce Dictionnaire, de donner avec plus de détail l’histoire archéologique du trépied, dans ses rapports avec les croyances mythologiques, avec les pratiques de la divination chez les anciens peuples, avec les a attributs symboliques des diverses divinités.

Ici, nous n’avons à le considérer que sous deux aspects, ou en lui-même, sous le point de vue de l’ornement, ou dans l’emploi qu’en fil l’architecturé, comme objet de décoration applicable aux édifices.

On ne sauroit dire de combien de manières, la sculpture antique a varié les détails et le goût des trépieds, selon le genre de matière qu’on y employa. Nous ne parlerons ici des trépieds en or, dont on trouve les plus fréquentes mentions chez les écrivains, et dont aucun, comme on le pense bien, ne nous est parvenu, que pour constater l’importance qu’on mit jadis a ces ouvrages. Mais rien ne fut plus multiplié que les trépieds en bronze. Ilest peu de collections d’antiques qui n’en renferme quelqu’un. De tous ceux qu’ou connoît, les plus beaux, d’une sculpture la plus rare, et du goût le plus ingénieux, sont sans contredit les deux que possède le Muséum de Naples, et qui furent découverts à Pompéia Dans l’un, le brasier circulaire, orne de festons, est supporté, ou censé l’être, par les ailes de trois sphinx, à corps de semme, qui reposent chacun sur une sorte de patte alongée, laquelle se termine en bas par un pied de chèvre, et qui, dans sa hauteur, est décorée de colliers, et auties petits accessoires, exécutés d’un travail anssi précieux que spirituel. Le brasier de l’autre trépied, qui sert de pendant au précédent, est supporté par trois termes priapiques, dont les corps se terminent en une patte alongée.

On voit que dans l’ordre religieux, les trépieds furent très-réellement des autels. Aussi ne sauroit-on s’empêcher de reconnaître comme étant des trépieds, les bases triangulaires sur lesquelles la sculpture en marbre, élevoit souvent les fûts des candélabres, Tels sont les deux plus beaux qu’on admire au Muséum du Vatican, et dont la tige est ornée, par étages, de superbes rinceaux, jusqu’à la soucoupe, servant de récipient aux matières combustibles, voyez ce qui a été dit sur ces beaux ouvrages, au mot CANDELABRE.

Mais le trépied de marbre, sans comparaison le plus remarquable pour sa composition, par la beauté, comme aussi par ta difficulté du travail, est celui du même Muséum, el que I’iranesi a gravé avec un art qui en reproduit parfaitement le mérite. Il fut découvert en 1775, dans le terrain qu’on croit avoir été occupé par la ville antique d’Ostia. Sa conque ou sa cuvette est soutenue par trois montans quadrangulaires, qui se terminent dans le bas en patte de lion. Le haut de la cuve est formé par un bourrelet découpé en feuilles de laurier. Au-dessous règne une petite frise où l’on a sculpté, dans un ordre alternatif, deux dauphins avec une coquille, et deux grissons ailés avec un pot à seu. Le culot de la cuvette est en cannelure saillante. Chacun des montans dont on a parlé, est orné, dans sa hauteur, d’une tigette en fleurs et en feuilles, et le compartiment supérieur est rempli par un bucrane. Entre les trois montàns, règne un tronc qui aboutitau milieu de la cuvette et finit par le bas, en manière de culot renversé. Rien de plus ingénieusement compliqué, que l’ajustement de tous les objets qui remplissent le vide des trois montans, et qui nous apprennent que le trépied étoit consacré à Apollon. Vers le bas, ces montans sont réunis par une traverse, qui va de l’un à l’autre C’est de cette traverse, que partent avec beaucoup de goût, des branches d’acanthe qui figurent une lyre, à laquelle on voit suspendue ’un côté le carquois du dieu. Un serpent mêlé à cette composition, et dont la queue sort du tronc dont on a parlé, lorsque sa tête s élève vers le sommet, complète l’ensemble des symboles d’Apollon. On ne sauroit trop faire remarquer, après la belle exécution de tous ces objets, la difficulté que dut occasionner un pareil travail en marbre, travail qu’on croiroit avoir dû appartenir plutôt aux ouvrages métalliques.

Les Anciens employèrent souvent le trépied comme ornement symbolique en bas-relief, dans la décoration des temples, et ils les placèrent encore en toute réalité, et de métal, sur plusieurs parties des édifices. Ainsi lisons-nous dans Pausanias (l. 5. ch. 10), qu’aux deux acrotères latéraux du fronton du temple de Jupiter a Olympie, on avoit placé deux trépieds dorés, Le mot grec. lebes, dont l’auteur se sert, signifie proprement chaudière, bassin. Mais cela même étant ce qui constitue particulièrement pour l’usage, ce qu’on appelle trépied, nous croyons que surtout, pour la place qu’ils occupoient, d’un côté et de l’autre u fronton, ces bassins devoient être élevés sur quelque support.

Rien ne fut aussi multiplié chez les Grecs, que l’usage des trépieds. Les citations qu’on pourroit faire à cet égard, sont innombrables. Un des emplois les plus rinaires de cet objet à Athènes étoit a’être donné en prix à ceux qui avoient dirigé les concours choragiques. Aussi y avoit-il dans cette ville une rue qui s’appeloit la rue des trépieds. C’étoit là que se trouvo ent érigés les monumens de ces petites victoires. Ils consistoient en un édifice surmonté du trépied donné en prix à la tribu qui, dans la composition et l’exécution des chœurs,


avoit obtenu les suffrages. Le monument aujourd’hui subsistant, qu’on appelle vulgairement la lanterne de Démosthène fut érigé par Lysistrate, en l’honneur de sa victoire ; et l’on voit encore au sommet de l’ornement dont il est couronné, les trous qui avoient servi à sceller le trépied de bronze qui fut le prix du vainqueur.

Le goût de plus en plus répandu de l’antiquité, depuis quelques années, a fait de nos jours transporter dans un grand nombre de meubles usuels, la forme des trépieds. On l’applique non-seulement à des tables appelées guéridons, mais encore à certains ustensiles domestiques qui, pour l’usage que tout le monde sait, se composent d’une cuvette portée sur trois montans, et d’un plateau intermédiaire, sur lequel on pose les vases et autres objets de toilette.

Il se fait de ces trépieds en bois précieux, quelfois revêtus d’ornemens de bronze doré. Il s’en fait aussi en bronze. Ce genre de meuble entre volontiers dans les travaux de l’ébénisterie.

TRÉSOR, s. m. Sous le rapport de l’architecture le mot trésor désigne un local, un bâtiment destiné à la garde des deniers publics, et à mettre en réserve un assez grand nombre d’objets précieux, soit comme métaux, soit comme ouvrages rares, et qu’on désire mettre en sûreté.

Nous trouvons les plus anciennes mentions de bâtimens construits en Grèce pour servir de trésors, ou de dépôts, aux richesses des princes. Agamède et Trophonius avoient bâti pour Hyrieus, à Orchomène, un trésor, dans la construction duquel ils avoient pratiqué un secret dont eux seuls avoient connoissance. (Voy Paus. l. 9. ch. 37.) Hyrieusa s’apercevant que son argent disparoissoit, y dressa un piège où Trophonius fut pris. Un autre édifice du même genre, mais beaucoup plus célèbre, fut dans la même ville d’Orchomène, le trésorde Mynias, que Pausanias vante comme une des merveilles de la Grèce, ouvrage, dit-il (voy. ibid.), aussi magnifique qu’il y en ait dans tout le reste du Monde. Ailleurs, le même écrivain (l. 9. ch. 36) s’étonne de ce que les Grecs avoient toujours plus admiré les merveilles étrangères, que œlles de leur propre pays, puisque (ajontet-il) leurs plus célèbres historiens ont décrit les pyramides d’Egypte, avec la dernière exactitude, et qu’ils n’ont rien dit du trésor royal de Mynias, ni des mu s de Tirinthe, qui n’étoient pas moins admirables que ces pyramides. Ce trésor ètot bâti tout en marbre. C’étoit une rotonde dont la voûte se terminoit en pointe, et avoit à son sommet une pierre sormant la clef de toute la construction. C’est par erreur que quelques voyageurs ont donné le nom de trésor, à un édifice circulaire ainsi construit en forme de tholus, qui subsiste encore aujourd’hui dans cette ville. Ce monument, dont quelques dessinateurs nous ont transmis la forme et les mesures, est trop inférieur à l’idée que Pausanias nous a donnée du trésor de Mynias, pour qu’on puisse s’y méprendre. Aussi, en lui supposant une aussi grande antiquité, estil plus vraisemblable d’en faire le tombeau de ce roi, ou de tout autre personnage.

Au mot OPISTODOME (voyez cet article), nous avons montré que ce qu’on appeloit ainsi dans plusieurs grands temples, tels que celui de Minerve à Athènes, étoit réellement un trésor, et avoit dû être non-seulement le dépôt des riches offrandes faites à la Divinité, mais le lieu où l’on gardoit et les sommes d’argent des amendes, et les fonds mème de l’Etat. Chandler a encore trouvé dans les fragmens de marbres et d’inscriptions du temple, des détails d’objets précieux et de valeurs que l’on avoit mises ainsi sous la sauve-garde du respect inspiré pour l’enceinte sacrée qui les renfermoit. Dire qu’il y eut un autre local affecté, à la garde des deniers de l’Etat, placé derrière le temple, c’est ce qu’on ne peut ni nier ni affirmer.

Mais le mot opisthodome étant le nom de la pièce postérieure du temple et tous les écrivains étant d’accord sur la destination qu’on vient d’énoncer, l’autre opinion, qui n’est qu’une supposition, devient tout-à-fait improbable.

Il ne faut pas croire d’ailleurs que les finances des petits Etats de la Grèce aient eu besoin d’un aussi grand local que ceux qu’exigeroit aujourd’hui, dans de vastes Etats, la grande multiplication des espèces monnayées.

Pausanias donne le nom de ξησαυροι, trésors, à de petits édifices, compris dans l’enceinte sacrée de l’Altis à Olympie, et où chaque ville tenoit en dépôt les offrandes, statues et objets votifs de tout genre qu’elle consacroit au dieu. Ces sortes de trésors dévoient ressembler par leur destination, à ce que l’en appelle du même nom, dans plus d’un édifice religieux de notre temps, c’est-à-dire à ces locaux où l’on conserve dans des armoires qu’on ouvre certains jours à la curiosité publique, les richesses des autels.

Autrefois, à Rome, le trésor s’appela ararium, parce que la première monnaie avoit été du cuivre. Il y eut différentes sortes de trésors, selon la diversité ou des monnaies, ou des services auxquels les revenus publics étoient affectés, Pendant long-temps ce fut le temple de Saturne, situé sur la pente du Capitole, qui fut le dépôt général des fonds publics. Sous les empereurs, il y eut plusieurs trésorsséparés, sous différens noms, L’empereur avoit le sien. Il y avoit un trésors militaire. Les pontifes avoit aussi le leur.

Nous appelons aujourd’hui trésors, comme on l’a déjà dit, des dépôts curieux de vaisselle antique d’église, de reliquaires, d’objets rares consacrés par de pieux souvenirs, que l’on conserve dans des pièces garnies d’armoires, et mises sous la garde de quelqu’un des religieux, dans les couvens qui possèdent de ces curiosités. C’est ainsi que le trésor autrefois à Saint-Denis, et ce-


lui de la Sainte-Chapelle à Paris, montroient comme objets d’un prix inestimable en fait d’antiquité, la superbe coupe à deux anses d’agate sardoine autour de laquelle on avoit gravé en relief les mystères orgiques, et la très-grande agate sur laquelle est représentée l’apothéose d’Auguste et de Livie. Ces deux antiquités sont aujourd’hui au cabinet des antiques de la Bibliothèque du Roi, à Paris.

De nos jours l’on ne donne plus le nom de trésor, qu’avec l’épithète soit de royal, soit de public. Ce n’est autre chose, qu’un bâtiment comme tout autre, où se font les opérations de recette, de dépense et de comptabilité, et où l’on acquitte toutes les dépenses du Gouvernement. Rien ne distingue cet édifice de tous les autres bâtimens consacrés à l’administration publique.

TRIANGULAIRE (COLONNE). Nous avons vu au mot TRÉPIED), qu’il entroit dans la nature de l’objet décrit déjà sous ce nom, d’être d’une forme triangulaire. Cette forme ne dut pas être très-ordinaire dans les ouvrages de l’architecture On ne trouve guère dans tous les corps qui supportent, d’autre configuration que la quadrangulaire et la circulaire, C’est aux frontons qu’est affectée surtout celle du triangle. Quant aux colonnes, il paroîtroit difficile d’en citer en forme triangulaire. Winckelmann parle seulement de deux pilastres ainsi taillés, qu’on voyoit de son temps dans les jardins du marquis Belloni à Rome (Osservazioni sopra l’architettura, cap. 2). Quant à celui qu’il cite (Letter. sull’ architettura), sur l’autorité de Pausanias, comme ayant existé dans le temple de Jupiter Ammon en Lybie, il est bon de faire remarquer que l’écrivain grec (l. 9. ch. 16) ne dit ni pilastre ni colonne. Il se sert du moi stèle Or, ce qu’on doit entendre par ce mot, s’applique de préférence à des pierres taillées en sorme d’obélisques, et sur lesquelles on gravoit des inscriptions. Et sur la stèle du temple d’Ammon, étoit gravée une ode de Pindare. Au reste, on ne doute pas qu’il y ait eu des obélisques ou des stèlestriangulaires ; cette forme ne pouvant guère convenir qu’a des monumens isolés.

TRIBUNAL, s. m. Dans l’antiquité sur donnoit CE nom à la place des Nations Unies Élevé, Ayant, Dans les basiliques, la sorme d’hémicycle de l’ONU, et Où étoient endroits les sièges des magistrats Qui rendoient la justice.

Il Est à Croire Que le nom de tribunal Vient de tribun. Les magistrats de CE nom tenoient Leurs auditoires DANS L Place Publique, Sur un siège Élevé, et Séparé de la multitude nominale juin clôture.

Sur un Fait Donné also le nom de tribunal d’un siège du juge.

Dans les Usages modernes, sur Appelle tribunal, non-only les bancs ou Les juges Sont assis, la salle formant le parquet où ils se tiennent et l’auditoire ou Le publique is GESPUB, Mais encore le bâtiment Qui renfermé les differentes pièces nécéssaires à l’administration de la justice de la.

TRIBUNE, s. f. On emploie ce mot sons des acceptions différentes, et on l’applique, en français, à des objets assez divers.

Il est probable que ce mot a la même origine que le mot tribunal. On a vu que c’étoit un lieu élevé, d’où le tribun prononçoit ses jugemens. Tout lien élevé d’où l’on parle, ayant une ressemblance avec le lieu d’où le juge dictoit ses arrêts, il fut assez naturel d’en transporter la dénomination à un autre ordre d’usage. Les Romains appeloient suggestum, le lieu élevé d’où les généraux ct les empereurs haranguoient le peuple. Ils avoient donné le nom de rostrum, à celui qui servoit aux orateurs dans le forum, parce qu’il avoit la forme d’un rostrum ou d’une proue de vaisseau, la place publique ayant été décorée de semblables proues, monumens de la première victoire navale des Romains sur les Carthaginois. Les Modernes ont appelé ce rostrum, tribune aux harangues.

Le mot tribune fut donc affecté très-anciennement, dans la langue française, à tout lieu élevé et dressé pour prononcer des discours. De là ces locutions, l’éloquence de la tribune, discours fait pour la tribune, homme de tribune. Quelques usages nouveaux ont consacré de plus en plus l’emploi du mot tribune dans le même sens.

Ce mot a été transporté à la désignation des lieux où, dans la religion chrétienne, les ministres de la parole évangélique enseignent le peuple, et débitent leurs sermons. L’on dit la tribune sacrée, pour désigner ce qu’on appelle plus ordinairement la chaire, cathedra, siége élevé, d’où l’on enseigne. On peut conclure de là que les mois tribune et chaire, expriment au fond la même chose, en généralisant l’idée de leur emploi, comme étant le lieu ou le siége, d’où l’on parle, et d’où l’on enseigne.

C’est pourquoi les premières chaires, dans le christianisme, furent faites à l’instar d’une tribune à deux rampes (voyez CHAIRE), el c’est encore à cette forme, que le bon sens et le bon goût forcent de revenir en architecture, quand on cherche la composition, qui offre à la fois, le plus de vraisemblance, de noblesse, de solidité, et l’autorité des plus anciens exemples.

On donne aussi le nom de tribune, peut-être par une certaine analogie de forme ou d’apparence, à certains locaux généralement élevés, soit dans de grandes salles, soit dans les églises, soit en d’autres lieux d’assemblée publique, pour des fêtes, pour des cérémonies quelconques, et qui sont destinés à des places de réserve pour un nombre donné de personnes, ou à contenir des orchestres de musiciens, ou pour tout autre objet.


TRICLINIUM. Ce mot latin, formé du grec, signifie trois lits. On donnoit aussi ce nom, chez les Romains, aux lits mêmes sur lesquels on mangeoit, parce qu’ordinairement il n’y avoit place sur chaque lit que pour trois personnes. Mais généralement on appeloit triclinium, ce que nous appelons salle à manger. Vitruve toutefois nous apprend qu’on donnoit encore à ces salles le nom d’œci et d’exedrœ. Nous avons rendu compte ailleurs de ces trois sortes de salles et des variétés de leur architecture, selon les épithètes qu’on ajoutoit à leurs noms, épithètes empruntées des noms de différentes villes. Voy. SALLEà manger.

TRIGLYPHE, s. m. Ce mot est le même en français que triglyphus en latin, et triglyphos en grec. Il signifie, en architecture, un ornement qui se compose de trois glyphes, c’est-à-dire trois gravures ou rainures. On sait, et il a été dit à plus d’un endroit de ce Dictionnaire, que cet ornement étoit exclusivement appliqué à la frise de l’ordre dorique, celui des trois ordres qui a le plus fidèlement conservé les titres originaires de l’art de bâtir en Grèce. Voyez ARCHITECTURE, DORIQUE, FRISE, etc.

Nous ne répéterons donc point ici les preuves données à beaucoup d’autres articles, de l’imitation que firent les Grecs de la bâtisse primitive en bois, dans leur architecture en pierre, et da la transposition évidente des détails de la charpente, dans le travail de matières plus solides. Rien, en effet, n’est plus évident, et le triglyphe seul, par la place qu’il occupe sur l’architrave, par ses formes et ses détails, s’annonce clairement, comme représentant les bouts des solives du plancher.

Il y a sur l’origine de sa forme et ses détails, deux opinions qu’on peut admettre indifféremment, chacune ayant le degré de vraisemblance que de semblables analogies peuvent comporter.

Les uns prétendent que les trois glyphes, ou rainures du triglyphe, sont la tradition des entailles que l’on faisoit jadis sur le bout des poutres, pour l’écoulement des eaux, dont les gouttes se voient encore au-dessous de la bande qui sépare les triglyphes de l’architrave Les autres veulent que le triglyphe ait été originairement un ornement de rapport, pour cacher les extrémités de la solive, et ils en donnent pour preuve qu’à certains temples doriques bâtis en pierre, comme on le voit à Paestum, il y a de semblables triglyphes incrustés après coup dans la pierre, au lieu d’y avoir été originairement sculptés dans la masse.

Qu’importe, dirons-nous, l’une ou l’antre opinion. Le fait en question est tout-à-fait étranger à l’objet qu’il faut constater, savoir, que le triglyphe, dans l’ordre dorique, est la représentation ornée du bout de solives de la construction primitive en bois.

Le triglyphe se compose donc de deux canaux taillés le plus souvent en biseau, séparés chacun par un listel montant. De chaque côté de ces deux montans, sont encore deux demi-canaux. Les listels montans et les canaux aboutissent à une bande qui règne dans toute la longueur de l’entablement. Sous cette bande sont sculptées les gouttes faites ordinairement en forme de petits cônes, au nombre de six, quelquefois seulement de cinq. Le triglyphe a encore ce qu’on appelle son chapiteau ; c’est une petite bande qui le surmonte.

La distribution des triglyphes dans la frise dorique, a été l’objet de beaucoup de diversités d’opinions, et, à ce qu’il paroît, de difficultés dans l’antiquité même, puisque Vitruve nous apprend que plus d’un architecte avoit préféré l’emploi de l’ionique, dans les colonnades des temples, pour éviter l’embarras de l’ajustement régulier des triglyphes, avec les diamètres des colonnes, et les entre-colonnemens. Rien de plus facile que cet ajustement, lorsqu’on lui subordonne, comme cela se doit, l’ordonnance, la disposition et le nombre des colonnes, en sorte que chaque triglyphe corresponde exactement à l’axe de chaque colonne, et au milieu de chaque entre-colonnement, de manière à avoir, entre deux triglyphes, une seule métope exactement carrée. Mais si l’on est tenu, n’importe par quelle raison, d’avoir des entre-colonnemens plus larges qu’il ne le faut, pour l’espace d’un triglyphe et de deux métopes, on conçoit que la régularité ne peut plus se rencontrer avec de tels espacemens. Une autre difficulté de la distribution des triglyphes dans la frise dorique, a été la nécessité de faire porter le triglyphe de chaque extrémité d’une frise, sur l’axe ou le milieu du diamètre de la colonne d’angle. Deux systèmes, l’un chez les Grecs, l’autre chez les Romains et les Modernes, ont eu lieu à cet égard.

Il nous est prouvé par l’universalité des temples d’ordre dorique en Grèce, que les architectes flanquèrent l’angle de la frise par un triglyphe, qui dès lors ne répondoit plus au miieu du diamètre de la colonne d’angle. Pour rendre l’irrégularité de cette disposition moins sensible, il convenoit de la faire partager aussi à la métope, qui précédoit ce triglyphe ; ainsi voyons-nous que cette métope se trouve elle-même portée, beaucoup plus que les autres, et presqu’en entier, à l’aplomb de la colonne d’angle. Sans cela il eût fallu la faire infiniment plus large que le reste des métopes, ce qui auroit, dans cette distribution, produit un mécompte frappant. Au lieu de cela on gagna cet intervalle en donnant de proche en proche un peu plus de largeur aux triglyphes et aux métopes qui vont terminant de chaque côté la frise. Il nous paroît que les architectes, par cette méthode, firent, comme en bien d’autres cas, c’est-à-dire qu’il considérèrent la disposition de la frise dorique de leurs temples, uniquement en elle-même, et selon ce qui leur parut le plus conforme à son


meilleur effet, sans s’inquiéter du manque de correspondance absolue avec les axes des colonnes, ou les entre-colonnemens.

Vitruve enseigne une autre méthode qui paroît plus naturelle, c’est de placer le dernier triglyphe avant l’angle, à l’aplomb du milieu de la colonne d’angle, et de laisser ainsi en face, ainsi qu’en retour, une moitié de métope faisant l’angle. Cette méthode a été suivie par tous les architectes modernes, et véritablement, lorsque l’on ne remplit point les métopes de figures ou d’ornemens, et qu’on les tient lisses, on est porté à préférer ce système.

Il seroit possible, que l’usage de sculpter des figures sur les fonds des métopes, ait fait désirer de n’avoir point à couper un sujet, ou à ployer un ornement, partie sur un côté, partie sur l’autre de la métope d’angle. Il se pourroit encore que ces triglyphes, placés aux angles de la frise, aient paru en terminer mieux la ligne, et donner une apparence plus grande de solidité à cette portion de l’entablement.

Piranesi partant du principe originaire des triglyphes, comme représentant les bouts des solives, a consacré plus d’une planche à la démonstration de ce système (dans sa Magnificenza de Romani). Il fait voir comment on peut supposer, que des solives auroient pû être placées, de manière à ce que les quatre côtés d’un temple a colonnes, par exemple, auroient reçu et montré des bouts de solives, tombant juste à l’aplomb de chaque colonne. Il suppose, qu’à cet effet, un rang de solives auroit été placé en travers d’un autre, par le moyen d’entailles pratiquées dans la moitié de l’épaisseur de chacune, à l’endroit où elles se rencontrent, ce qui auroit formé comme un plancher en gril. Cette hypothèse est faite pour répondre à ceux qui, d’après l’usage sans doute plus ordinaire, de n’employer dans les plafonds qu’un seul rang de solives, condamneroient l’emploi des triglyphes, représentant des bouts de solives aux deux côtés qui, dans la réalité, n’en auraient pas pu avoir. Cet arrangement de solives qui se croisent, sert encore d’argument, ontre le système des triglyphes sur l’angle, puisqu’il ne seroit pas possible a deux bouts de solives effectives, de se rencontrer à l’angle.

Il y a dans toutes ces matières certaines vérités qu’on fausse, à force de les presser par une réalité trop matérielle. Ce que l’architecture a trouvé d’objets ou d’idées a transporter, des bâtimens de bois dans les édifices de pierre, ne sauroit se comparer au modèle impérieux des formes et des proportions, une la nature offre aux autres arts dans l’imitation des corps. L’imitation d’ouvrages, qui sont déjà le produit plus ou moins arbitraire des besoins d’un genre du bâtir, n’a jamais pu enchaîner le goût de l’artiste à une répétition formelle. La transposition dont nous avons tant de fois parlé en ce genre, n’est qu’une métaphore qui, comme telle, doit se borner à l’esprit de la chose, à une approximation libre, comportant plus d’une restriction, et plus d’une modification. Ainsi les Grecs eux-mêmes, auteurs de cette transformation, l’ont-ils comprise et pratiquée, et la liberté seule qu’ils ont prise, dans la distribution de la frise dorique, nous en est une preuve.

Tel est toutefois le double écueil, où il est facile de tomber dans le genre d’imitation mixte qui appartient au système de l’architecture. Le bon sens conduit par le goût, et le goût réglé par la raison, peuvent seuls préserver de l’abus qui, d’un côté comme de l’autre, environne cette imitation. La servilité mettra des bornes inutiles et importunes aux dispositions de l’architecte, et l’entière indépendance le poussera dans les champs sans bornes du caprice.

Déjà dans l’antiquité (romaine du moins), nous voyons l’ancienne distribution des triglyphes et leur accord avec les diamètres et les entre-colonnemens, devenus tout-à-fait arbitraire. Ainsi le temple dorique de Cora nous fait voir trois triglyphes dans un seul entre-colonnement, et le côté droit du temple a un entre-colonnement qui en renferme quatre. On voit bien que cela dut procéder d’un espacement entre les colonnes, plus grand que le caractère de l’ordre dorique ne le comporte. (Voyez l’article CORA.) Mais on doit croire qu’il dut arriver à cet ornement de la frise dorique, comme à beaucoup d’autres, de perdre avec le temps sa signification primitive. Il est à peu près indispensable que la chose arrive ainsi, par l’habitude qu’on prend d’introduire indistinctement, et sans égard au sens et à l’esprit de chacun, presque tous les ornemens des édifices, sur beaucoup d’objets étrangers aux convenances de l’architecture.

De cet emploi purement arbitraire, quelquesuns ont conclu que l’origine des triglyphes, en la supposant véritable, n’imposoit pas l’obligation d’en respecter bien fidèlement la disposition. Mais que peuvent des triglyphes taillés sous des corniches de piédestaux, comme on en voit dans l’antiquité romaine, ou sur des sarcophages, à l’instar du célèbre tombeau de Scipion, découvert il y a une cinquantaine d’années aux environs de Rome ? Que de choses les sculpteurs d’ornement et les décorateurs u’admettent-ils pas dans leurs ouvrages pour le seul agrément, et sans plus d’importance, que n’en demandent des objets auxquels on est habitué à n’imposer d’autre obligation, que celle de plaire aux yeux !

Les hommes ne font guère en général dans leurs inventions, que des emprunts d’un ordre de choses à un autre. L’architecture elle-même repose sur des assimilations d’emplois, de formes, de rapports. On ne sauroit donc ni empêcher, ni peut-être trouver mauvais, qu’un grand nombre d’objets et d’ouvrages de besoin, de luxe ou de goût, aient été chercher dans les besoins, le luxe et le goût de l’architecture dont ils dérivent, des


motifs d’ornement, des analogies de formes, qui par le fait même de la transposition qu’ils subissent, perdant la vérité primitive de leur emploi dans l’original, doivent être jugés dans la copie, d’une manière tout-à-fait relative. Si un sarcophage, par exemple, à son couvercle taillé en fronton, ira-t-on exiger de cette couverture, des rapports de proportion avec les colonnes qui semblent le supporter, comme on le fera pour un édifice ? Concluera-t-on de l’exiguïté des colonnes rapetissées, qu’il sera permis a un péristyle réel, d’avoir les désaccords et les irrégularités de la copie capricieuse que le hasard en a faite ? Nul, sans doute, ne tirera de la ces conséquences absurdes. Il en sera de même des membres d’entablement, dont on couronne une multitude de petits monumens, comme autels, cippes, piédestaux, meubles, etc. Qu’on y place arbitrairement des mutules, des modillons, des denticules, des triglyphes, des métopes, que conclure de là en faveur d’un emploi également arbitraire de toutes ces choses dans l’architecture ?

Mais ici, le comble de la déraison seroit de prétendre, comme quelques-uns l’ont fait, que puisque ces membres et ces détails d’ornement sont au fond insignificatifs, et tout-à fait arbitraires, dans les emprunts qu’on en a faits à l’architecture, ils doivent être considérés de la même manière dans les édifices.

En fait de goût, il faut bien se garder de tirer avec rigueur, les conséquences des conséquences. Ce qui ne seroit pas toujours exact, à l’égard des vérités qui reposent sur des faits positifs, deviendroit tout-à-fait absurde, appliqué à des choses de sentiment, dont la vérité morale n’est soumise à aucune évidence matérielle. L’espèce d’imitation qui fait le charme et le mérite de l’architecture grecque, n’a point, comme nous l’avons répété bien des fois, de principe absolu et reposant sur une nécessité physique. Elle n’est autre chose qu’un accord du goût et de la raison. On la fera disparoître dès qu’on voudra la juger par le goût sans la raison, ou par le raisonnement sans le goût. Voila pourquoi cette sorte d’imitation analogique n’ayant rien de mathématiquement certain, comporte un assez grand nombre de conventions, sans lesquelles elles cesseroit d’être possible, ou ne le seroit qu’en devenant absurde et ridicule. Dès qu’il faut y admettre des conventions, voila le goût appelé à lui donner des règles. Mais les règles du goût ne sont obligatoires que pour le sentiment. Rien, en ce genre, ne se démontre à la raison, qui n’est pas l’organe propre à discerner ces choses. Or, l’imitation dont il s’agit, ne pouvant et ne devant être ni copie, ni répétition positive de son modèle, comporte un assez grand nombre d’exceptions, ou pour mieux dire de libertés, dans les ressemblances qu’elle produit. Et il suffit d’examiner l’emploi seul du triglyphe, et son application â l’architecture la plus régulière, pour voir que cette représentation des solives, en tant que commémoration du système de la construction primitive en bois, n’a lieu qu’à la faveur de plus d’une licence.

Nous convenons que dans cet autre degré secondaire de l’imitation d’une imitation, je veux dire l’emprunt fait pour un meuble, des parties du système propre à l’architecture, l’esprit de l’ornement a pu enchérir de licences et d’exceptions, sur celles de son modèle, et à cet égard c’est encore au goût qu’il appartient, d’évaluer ou de régler le nombre et la mesure des libertés que l’artiste en ce genre se permettra. Mais qui ne voit, d’après cet état de choses, combien il seroit ridicule de faire ici intervenir la raison toute seule, qui, par un étrange abus de raisonnement, au lieu de conclure (peut-être trop sévèrement) des règles de l’architecture réelle, le devoir de les adopter dans de simples copies fictives de cet art, se feroit des licences accordées si l’on veut par l’usage à des fictions sans conséquence, un argument pour les autoriser dans des monumens sérieux, et par conséquent pour y détruire le système imitatif, qui en fait le charme et un des principaux mérites.

TRINGLE, s. f. On appelle le plus souvent ainsi une verge de fer menue, ronde et longue, qui, encastrée et scellée en divers endroits, mais communément au-dessous des corniches et en avant des fenêtres, sert de conducteur aux anneaux qui font mouvoir les rideaux, les tapisseries et draperies, qui entrent dans les besoins tant intérieurs qu’extérieurs des maisons et autres bâtimens.

En menuiserie on a donné, par analogie, le nom de tringle, à une baguette équarrie, longue, plate et étroite, qui sert quelquefois à remplir un petit vide, d’autres fois à former, comme pièce de rapport, une portion de moulures et de profils dans un panneau ou ailleurs.

Plus d’une sorte de marchands appellent aussi tringle, une pièce de bois longue et étroite, garnie de clous, de crochets ou de chevilles, auxquelles on suspend des marchandises.

TRINGLER, v. agir. Tracer Sur une pièce de bois, juin ligne droite Avec Un cordeau frotté de Pierre ou blanche rouge pour façonner cette pièce.

Triomphal. Voyez ARC.

TROCHILE. Voyez Scotie.

TROMPE, s. f. On a donné à ce mot, dans la construction, plus d’une étymologie, dont aucune ne paroît fort satisfaisante. La moins probable est peut-être celle qu’on trouve dans certains lexiques. La trompe est ainsi nommée, dit-on, parce qu’elle trompe ceux qui la regardent, et


qui ne connoissent point l’artifice de son appareil. On suppose avec plus de vraisemblance que ce nom lui auroit été donné par une sorte d’analogie de configuration, avec la forme d’une espèce de conque marine qu’on appelle trompe.

Quoi qu’il ensoit, la trompe, en architecture, est une portion de voûte tronquée, en saillie, dont les pierres posées en encorbellement, ou ce qu’on appelle en porte-à-faux, servent d’appui à un corps de construction quelconque, qui semble reposer sur le vide.

L’usage des trompes fut extrêmement commun, en France, dans toutes les bâtisses du moyen âge, et s’est perpétué jusqu’au dix septième siècle, où le goût de l’architecture antique devenu général, a relégué cette sorte de construction dans la classe des caprices, à moins que quelque nécessité n’en provoquât l’emploi, selon le besoin de certaines localités.

On croit voir que cette forme de support dut être d’un emploi naturel et fréquent dans les anciens châteaux forts, pour l’établissement des gurites, ou védètes qui, s’appliquant aux angles des murs, ou aux tours des bastions, se trouvoient comme suspendues en l’air. Les habitations particulières participèrent naturellement des usages des châteaux. La trompe avoit l’avantage de donner aux intérieurs, des pièces circulaires en saillie, ce qui étoit un agrément pour la vue. Elle offroit une économie de travail et de matériaux, puisqu’elle dispensoit de donner aux pièces ainsi sur-ajoutées en dehors des bâtimens, et aux étages supérieurs, toute la hauteur des constructions que leur position auroit exigées, et surtout les frais de fondations. Dans les maisons situées aux angles des rues, la trompepermettoit d’y établir un corps avancé, qui, porté en l’air, ne prenoit aucun espace à la voie publique. Ajoutons que l’usage de bâtir les étages en surplomb, les uns sur les autres, dans les maisons construites en bois, telles qu’on en voit encore dans beaucoup de villes, avoit accoutumé à chercher ainsi dans le vide, une extension de local dont on avait besoin. Or la trompe est précisément en pierre, et, dans la construction par appareil, une imitation de cette pratique de surplomb ou d’encorbellement dans la bâtisse en bois.

Il est beaucoup plus facile de dire ce que les Grecs et les Romains ont fait en architecture et en construction, d’après les ouvrages qui subsistent encore d’eux, que de dire ce qu’ils n’ont pas fait, vu le peu qui nous reste en tout genre, de leurs ouvrages ; cependant je crois d’une part qu’il est permis d’avancer, qu’il ne subsiste dans les restes de leurs édifices, aucun exemple de trompe, et de l’autre qu’on peut présumer, d’après l’esprit et le système de leur art de bâtir, qu’ils n’usèrent point de ce procédé de support. Effectivement c’est pendant le moyen âge et dans les contrées du Nord, et sous le règne du goût gothique, que nous voyons l’usage des trompes extrêmement multiplié. La bâtisse gothique emprunta beaucoup plus qu’on ne pense, et de ses pratiques et de ses procédés, aux bâtisses en bois telles qu’elles se faisoient et se font encore aujourd’hui dans le Nord. Rien de plus naturel et de plus commun, dans l’emploi du bois, que de faire soutenir les corps avancés dont on a besoin, comme balcons, auvents, etc. , par des perches, qui au lieu de poser perpendiculairement sous l’objet qu’elles supportent, se placent au contraire dans un plan incliné, du bord de l’objet en saillie au pied du mur. Cette pratique n’a pas cessé encore d’être usuelle dans les bâtimens rustiques. Ce système de support en porte-à-faux est en petit celui des consoles, des modillons, des culs-de-lampes. Eh bien ! la trompe a trouvé la son modèle. L’art du trait dans la construction, s’est emparé de cette imitation, et a cherché le moyen de lui donner la plus grande solidité.

Nous voyons encore en France, dans le seizième siècle, les architectes tirer gloire de leur habileté à construire des trompes. Philibert de Lorme se fit de la réputarion en ce genre : on cite encore aujourd’hui, et l’on admire à Lyon rue de la Juiverie, la construction en pierre de deux trompes, dont la coupe est d’un trait savant, et fut pour le temps d’une exécution hardie. Leur saillie est considérable eu égard à la place qu’elles occupent. L’une est biaise, rampante, surbaissée et ronde par devant (ou convexe), et elle a en saillie les trois quarts de sa circonférence. L’autre à l’angle opposé du même bâtiment est également convexe, et son porte-à-faux n’est pas moins saillant. Chacune de ces deux trompes supporte un cabinet en corps avancé sur une galerie suspendue, formée d’arcades et de piédroits ornés d’un ordre ionique qui sert de communication aux deux cabinets. Nous lisons qu’il y avoit au château d’Anet une trompe, qui fut démontée de l’endroit où Philibert de Lorme l’avoit bâtie, pour servir de cabinet au roi Henri II, et remontée en une autre place, avec beaucoup de soin par Gérard Vyet, architecte du duc de Vendôme. On trouve citée par d’Aviler, une tromped’encoignure, construite au bout du pont de pierre sur la Saône à Lyon, ouvrage d’un architecte nommé Desargues, qui fit preuve dans cette construction d’une grande capacité.

L’usage destrompes a diminué sensiblement et progressivement depuis deux siècles. Presque toutes celles qui existoient ont disparu, soit par l’effet de l’agrandissement des villes, des rues et des habitations, soit par la démolition des anciennes constructions. On auroit quelque peine à en citer de modernes, qui fussent le résultat du goût ou même du caprice. Si l’on en trouve quelqu’une due à quelqu’entreprise récente, il faut que quelque raison locale en ait nécessité l’emploi. Telle est en effet celle qui fut construite


vers le milieu du dernier siècle, au chevet de la grande église de Saint-Sulpice, à laquelle on voulut ajouter la chapelle circulaire de la Sainte-Vierge, en prolongement du corps déjà terminé de l’édifice. Il est visible que pour ne pas empiéter sur la voie publique, l’architecte imagina de faire porter la saillie extérieure de sa rotonde, sur une grande trompe concave en manière de coquille.

On donne divers noms aux trompes selon les variétés de forme ou de détail de construction et d’emplacement qui les distinguent. Ainsi on nomme :

TROMPE DANS L’ANGLE, celle qui occupe un angle rentrant. Philibert de Lorme en avoit fait une à Paris dont il a donné la figure dans son traité d’Architecture, liv. IV, ch. 2

TROMPE DE MONTPELLIER, est celle qui, dans un angle rentrant, est construite en tour ronde, et diffère des autres, par cela qu’elle a de hauteur deux fois la largeur de son ceintre. Il paroît que ce nom lui est venu de deux trompes ainsi construites dans la ville de Montpellier.

TROMPE EN NICHE. Trompe concave en manière de coquille, et qui n’est pas réglée par son profil. On la nomme aussi trompe sphérique.

TROMPE EN TOUR RONDE. C’est celle dont le plan sur une ligne droite est un demi-cercle, et qui est faite en manière d’éventail.

TROMPE PLATE, est celle qui, dans un angle rentrant, forme par son plan un carré ou un trapèze.

TROMPE A PANS. Celle qui est dans un angle rentrant, et dont le plan est une partie de polygone.

TROMPE REMPANTE. Celle dont la naissance est une ligne inclinée.

TROMPE RÉGLÉE. Trompe qui est droite par sou profil.

TROMPE SUR LE COIN. C’est une trompe qui porte l’encoignure d’un bâtiment, pour faire un pan coupé au rez-de-chaussée.

TROMPILLON, s. m. Petite trompe. Voyez TROMPE.

TROMPILLON de Voute. Pierre ronde Qui SERT de coussinet aux voussoirs du cul-de-lampe D’une niche, et A porter les Premières retombées D’une voûte. Il ya de bureaux trompillons sous les quartiers tournans, et les Paliers des escaliers voutes en arc de cloître.

TRONC, s. m. C’est, comme chacun sait, le nom qu’on donne à celle partie de l’arbre ordinairement verticale, qui naît des racines, porte les branches, et est cylindrique.

On a, par une parfaite analogie de la ressemblance de sa forme donné le même nom aux fûts des colonnes, et cela indépendamment de l’opinion, que les troncs d’arbre auroient pu être les colonnes primitives dans la naissance de l’art. Ou dit au reste plus volontiers un tronc de colonne, pour exprimer un reste ou un fragment de colonne, et ce qu’on appelle colonne tronquée. Voyez TRONÇON.

On appelle aussi tronc en architecture le dé d’un piédestal.

TRONCHE, s. f. Ce est en charpenterie, Une grosse pièce de bois de Peu de Longueur, ne pas sur Peut Tirer Une courbe rempante d’escalier, Ou non noyau recreusé.

TRONÇON, s. m. Se dit en architecture, de tout morceau de marbre, de bronze, de pierre ous un ancien serviteur le fût D’une colonne. Le tronçon de Différé Ce qu’on Appelle ici tambour, in that la colonne par tronçons Ne est Que Composée d’Un petit Nombre de morceaux d’inégalé hauteur, si l’On veut, TANDIS Que les morceaux Appelés tambours, par le seul fait de Leur dénomination, Ne ONT Guère d’Autre hauteur, au Québec Celle Qu’on Donne à l’instrument de percussion Connu sous le nom de tambour.

TRONE, s. m. Dans son acception actuelle, et selon l’usage aujourd’hui universel, on donne ce nom à un siège riche, élevé, ordinairement sous un dais, qui est la prérogative des rois, des princes, et des plus hautes dignités. Malgré la richesse d’ornemens, de broderies ou d’étoffes dont ce meuble royal est accompagné, il est assez rare que sa construction et sa composition se classent au nombre de celles que l’architecture compte dans ses attributions. C’est uniquement par le goût de quelques ornemens, par l’emploi de motifs ou sujets de décorations dépendans de son art, que l’architecte peut réclamer aujourd’hui soit l’invention, soit la direction de ces sortes de travaux. Ce fut jadis à bien plus juste titre et sous bien plus de rapports, que cette brillante partie de l’art des Anciens dut se trouver partagée entre des arts dont les limites n’étoient pas aussi restreintes à l’égd de chacun d’eux, qu’elles le sont devenues chez les Modernes. Ou va voir d’ailleurs, vu la multiplicité de ces monumens dans les temples, vu leur grandeur et la diversité de leur composition, que l’art de l’ar-


chitecture du présider en premier à leur composition, à leurs détails comme à leur exemple.

Des Trônes de divinités et autres monumens semblables dans les grands temples de l’antiquité.

Avant d’àvoir été donné par métaphore aux dieux de l’antiquité, et appliqué à la décoration de leurs simulacres, le trône dans les pratiques de la vie civile avoit été simplement un siége d’honneur, dont usoient les hommes de condition libre. Ce qui le distinguoit des autres siéges, dit Athénée, e’étoit le marchepied. Insensiblement il devint la prérogative des personnes constituées en dignité, des chefs des peuples, et des rois. Très-naturellement dès qu’on voulut rendre sensible aux yeux, par les formes corporelles, les images des dieux, il n’y eut pas de meilleur moyen, que de donner à leurs elligies les signes et les emblèmes que le grand nombre révère le plus. L’idée de la puissance céleste et du gouvernement du monde, ne pouvoit être mieux exprimée que par l’image d’un monarque.

Ainsi l’opinion établie d’un roi des dieux, souverain du ciel et de la terre, avoit dû habituer les Grecs à se le représenter sous les traits, la forme, et avec les attributs extérieurs d’un roi assis sur untrône, le sceptre en main. Selon la hiérarchie polythéique, les autres dieux, quoiqu’inférieurs, n’en étoient pas moins regardés comme souverains aussi, chacun dans son empire. Naturellement encore on leur déféra les accompagnemens et les marques sensibles de la royauté : Homère leur donne à tous dans l’Olympe des trônes d’or Les artistes grecs n’eurent donc besoin d’aucune autre autorité, que de celle de leurs poëtes, ni d’exemples étrangers pour asseoir leurs dieux dans des trônes.

Il y a dans le langage des arts, comme dans beaucoup d’habitudes sociales, une manière abréviative de signifier les choses, c’est de donner à la partie la propriété d’être prise pour le tout. Ainsi voyons-nous que, dans les usages anciens comme modernes, le trône tout seul veut dire la royauté : seul aussi, après que l’idée de roi eut été transportée aux dieux, il désigna la Divinité. De là ces trônes vides et sans simulacre, que l’on plaçoit dans les temples, pour indiquer (comme Lucien nous dit que cela fut à Hiérapolis) le dieu dont on ne vouloit, ou dont on ne devoit point faire voir l’image.

On rencontre fréquemment de ces trônes isolés sur les monumens et dans les décorations antiques. Les peintures d’Herculanum nous montrent les trônes vides de Mars et de Vénus. On voit sur les médailles le trône de Junon caractérisé par l’oiseau de cette déesse. Un monstre marin fait reconnoître également pour être le trône de Neptune, celui qui fut découvert, il y a déjà long-temps dans les ruines d’un temple antique à Ravenue, et qui est sculpté en bas-relief. Il fit partie d’une très-belle frise représentant, à ce qu’il paroît, une suite de tous les trônes des divinités sculptés avec beaucoup d’art. Les dieux sont absens, mais la sculpture les désigne pur les emblèmes qui leur appartiennent. Paris possède un des fragmens de cette frise dont fut détaché le trône de Saturne qu’on admire au Muséum Royal. Il en existe plusieurs autres qui proviennent du même temple à Venise, à Rome et à Florence. De petits génies sont sculptés à côté de chaque trône, et portent les symboles de la divinité qu on n’y voit pas.

Nous ne parlerons point ici de cette multitude de trônes votifs de toute grandeur et de toute matière, dont on trouve les mentions à toutes les pages de l’histoire ancienne. Ces notions sont uniquement du ressort de l’archéologie. Pour rester dans les limites du sujet de ce Dictionnaire, nous allons parcourir en abrégé une certaine série d’ouvrages, auxquels les Anciens donnèrent le nom de trônes, qui firent l’ornement de presque tous les grands temples, et qui, par leur masse, leur composition et leur décoration, appartiennent plus spécialement à l’architecture.

Rien en effet de plus fréquent dans le voyage de Pausanias, que les mentions qu’il fait de monumens composés d’une divinité principale assise dans un trône, autour duquel se groupent deux autres divinités, l’une à droite, l’autre à gauche, et toutes ensemble réunies sur un soubassement commun. Les médailles, les bas-reliefs, les pierres gravées, nous en offrent beaucoup d’exemples, d’après lesquels il est facile de se figurer, et de restituer en dessin les notions suivantes.

Ainsi dans le temple de Junon à Mantinée Praxitèle droit fait les figures de Junon, de Minerve et d’Hébé, fille de Junon. Ce le-ci étoit assise dans un trône, les deux autres lui servoient d’accompagnement.

Il y avoit à Tégée un magnifique temple bâti par Scopas dont une semblable composition faisoit le principal ornement. Le même Scopas en fut le sculpteur, et il y représenta Minerve surnommée Alea, avec l’accompagnement de deux statues, celle d’Esculape et celle d’Hygiea.

A Mégalopolis, dit Pausanias, on voyoit dans le temple périptère de Jupiter Sauveur, le dieu assis dans un trône. A l’un de ses côtés étoit la figure de la ville de Mégalopolis. Celle de Diane Conservatrice étoit à sa gauche. C’étoit l’ouvrage de deux statuaires athéniens, Céphissodote et Xénophon.

Au temple de Jupiter Olympien à Patra, le dieu étoit de même dans un trône, au milieu des deux figures de Minerve et de Junon.

A Sycione existoit, dans le temple de Bacchus, un monument du même genre. Le dieu étoit sculpté en or et ivoire, accompagné de Bacchan-


tes faites en marbre. Deux des peintures des Thermes de Tite nous représentent ainsi Bacchus sur un trône entouré de Bacchantes d’une manière qui répond avec beaucoup de ressemblance au monument de Sicyone.

Mantinée avoit un temple où Praxitèle avoit sculpté un groupe de Latone entre ses deux enfans, Apollon et Diane. Pausanias nous apprend par un seul mot à l’égard de ce groupe, ce qu’on doit en conclure, à l’égard de tous ceux du même genre, bien qu’il l’ait passé sous silence, c’est que ce trône s’élevoit sur un soubassement, bathrum, dont une face, la seule dont il parle, étoit ornée d’un bas-relief où l’on voyoit une Muse et Marsyas jouant de la lyre. Or nous verrons par la suite, que les plus grands trônes reposoient ainsi sur des soubassemens ornés de toutes sortes de sujets en bas-relief.

On doit ranger dans la même catégorie d’ouvrages le trône d’Esculape et d’Hygiée, un des plus remarquables qu’il y eût à Argos. A leurs côtés étoient assises aussi deux figures qu’on prenoit pour Xénophile el Straton, auteurs de ce grand monument, mais qui bien plus probablement furent les deux fils d’Esculape, Podalyre et Machaon.

Quand on connoît la brièveté et l’irrégularité des notions de Pausanias, qui s’étend quelquefois sur de très-petits détails, et d’autres fois donne à peine deux mots aux plus grands monumens, tels que le Parthénon, d’Athènes, il est permis de suppléer à beaucoup de ses mentions évidemment incomplètes, par ses descriptions plus étendues. C’est ce qu’on pourroit faire ici en rapportant un beaucoup grand nombre de passages su les monumens dont nous parlons, si cette énumration ne devoit pas alonger trop cet article. Mais avant de passer aux célèbres ouvrages qui paroîtront sans doute liés encore plus étroitement avec les formes et les combinaisons propres de l’architecture, je veux faire une dernière mention d’un trône de Jupiter à Rome, qui dut être une imitation de ceux de la Grèce, et dut, comme on va le voir, être porté sur un soubassement. Je tire cette notion de Tacite. Poppée, dit-il, étant accouchée d’une fille, le sénat ordonna qu’on plaçât des figures de la Fortune en or, sur le trône de Jupiter Capitolin. Et Fortunarum effigies aureœ, in solio Capitolini Jovis collocarentur. Si par le mot solio il ne falloit entendre que le siége servant de trône à la statue de Jupiter, il seroit difficile d’imaginer comment ces statues de la Fortune auroient pu y trouver place. Si au contraire une estrade ou un soubassement, peut-être à plusieurs degrés, supportoit la masse du colosse dans sontrône, on trouve alors à s’expliquer la chose au moyen d’un emplacement commode, pour recevoir les différentes sortes d’offrandes et de présens, dont toutes les causes politiques ou religieuses pouvoient environner le dieu.

Nous allons voir en effet que les trônes les plus célèbres sont décrits comme élevés sur des soubassemens.

Pausanias toutefois n’en fait pas mention dans la description du trône colossal de l’Apollon Amycléen ; mais on va voir la raison qui dut rendre cette partie étrangère à la construction, ou si l’on veut à l’architecture de ce prodigieux monument.

Ce qui en fait la principale singularité, c’est que ce trône avoit été fait pour une idole qui ne pouvoit pas y être assise. Loin de cela, l’Apollon Amycléen, simulacre des plus antiques et des premiers temps de l’art, consistoit en une sorte de colonne de bronze haute de 30 coudées ou 45 pieds, à laquelle on avoit ajouté une tête, des mains et les extrémités des pieds. La tête étoit casquée ; l’une des mains tenoit un arc, l’autre portoit une lance. Chaque année on revêtissoit cette idole d’une tunique nouvelle. Ce fut plusieurs siècles après, qu’on imagina de construire à cette idole gigantesque, un siège qui dut être proportionné à sa mesure, et ce fut Batyclès de Magnésie qui exécuta ce grand ouvrage de décoration vers la soixantième olympiade, c’est-à-dire soixante ou quatre-vingts ans avant Phidias, qui trouva dans ce monument, le type de son trône du Jupiter Olympien.

Faute de s’être rendu compte de toutes les particularités décrites par Pausanias, et de tous les détails des parties de cet ouvrage, faute encore de les avoir comparés avec toutes les notions de monumens semblables, qui ne laissent aucun doute sur la manière dont ils étoient formés, et sur le genre de leur composition, un célèbre archéologue (M. Heyne) avoit supposé que le trône d’Amyclée étoit de pierre, qu’il étoit construit en manière de niche, ou d’une grande chapelle, ainsi qu’il le dit. Je crois avoir prouvé (dans le Jupiter Olymp. , pag. 202), que ce dut être une simple construction en bois, dont la hauteur ne put pas être moindre, et dut être plus grande que celle de l’idole, c’est-à-dire avoir au moins 50 pieds d’élévation.

Il doit avoir été formé de grandes pièces de bois de charpente, dans les montans de ses pieds, dans ceux du dossier, dans le plateau qui faisoit le siége, dans les traverses du bas et du couronnement. Letrône, c’est-à-dire le plateau du siége, étoit supporté en devant et en arrière par deux figures, sans doute groupées, des Heures et des Grâces, qui dévoient être la continuation des pieds. Sur la traverse supérieure du dossier existoit une file de figures dansantes. Voilà ce qu’il pouvoit y avoir de figures en ronde bosse. Du reste, il faut, d’après la longue énumération de tous les sujets mythologiques, que l’artiste avoit multipliés dans cet ouvrage, regarder tomes les surfaces des montans et des traverses, comme des fonds à compartimens, remplis de bas-reliefs de rapport,


ajustés et appliqués sur l’espèce de marqueterie dont les bois de charpente étoient recouverts. Qui voudroit en deviner davantage sur ce curieux monument, pourra consulter la restitution très-étendue qu’on a essayé d’en faire dans l’ouvrage déjà cité du Jupiter Olympien.

Nous avons dit que le trône d’Amyclée aura pu servir de modèle à Phidias, dans la composition du trône d’Olympie. Il règne en effet, comme on peut le voir (en consultant l’ouvrage précité), la plus grande conformité entr’eux, pour la composition de l’ensemble, l’esprit de la décoration et l’emploi des sujets d’ornemens.

Phidias avoit assis la statue de son Jupiter d’or et d’ivoire dans un trône, auquel, d’après les mesures probables du temple, et les autorités des écrivains, il est difficile de donner moins de quarante pieds de hauteur. Ce trône reposoit sur quatre pieds, mais entre les pieds existoit une colonne qui ne paroît pas avoir fait partie de la composition principale, et qui servit probablement à soulager le poids de la masse, et renforcer le plateau servant de siége au dieu. Il est possible même de conjecturer que ces petites colonnes hors d’œuvre, ne s’élevoient entre les pieds que dans l’espace intérieur, et n’étoient que des accessoires tout-à-fait indépendans. La construction du monument étoit indubitablement composée de montans et de traverses en fort bois de charpente. Des traverses, très-probablement de même largeur que les montans, s’étendoient d’un pied à l’autre du trône, et quelques traverses aussi, dont toutefois la description de Pausanias ne parle point, parce que sans doute elles ne reçurent point d’ornemens, dévoient réunir, surtout par le haut, les longs montans du dossier.

Cette masse reposoit sur un soubassement, autour duquel régnoit, à hauteur d’appui, un petit mur qui empêchait d’approcher de trop près du monument.

Toutes les parties de cette construction, dont on vient de faire l’énumération la plus sommaire, étoient recouvertes de matières les plus précieuses de peintures, de bas-reliefs, d’ornemens de tout genre, qui, comme les compartimens de ce qu’on appelle arabesques, se détachoient sur des fonds de diverses couleurs.

Au sommet de chacun des montans du dossier, d’un côté et de l’autre de la tête de Jupiter, étoient sculptés les groupes en ronde bosse des Heures et des Grâces. Les bras du trône avoient pour support antérieur, des figures représentant le Sphinx thébain, et chacun de ces Sphinx tenoit un jeune Thébain, qu’il étoit censé avoir enlevé.

Un sort grand nombre de Victoires étoit entré dans la composition de ce monument. La description nous dit qu’à chaque pied il y en avoit quatre, et encore deux au bas de chacun. Il est permis de présumer que ces quatre groupes de Victoires occupoient chacun au-dessus de la traverse du milieu, l’espace entre cette traverse et le plateau du siège. Cette situation, très-analogue à la composition, répond en même temps à l’emploi que la description du trône d’Amyclée donne à de semblables groupes, savoir, de soutenir le trône. Dans cette hypothèse, ces quatre groupes ainsi placés, forment effectivement les véritables soutiens du trône. Quant aux deux autres Victoires, elles posoient sur la plinthe des pieds et elles devoient s’y adosser.

Nous ne serons point ici mention des divers sujets de bas-reliefs répandus sur toutes les surfaces des mentans, des traverses et des plates-bandes du trône. Nous renvoyons pour tous ces détails, ainsi que pour ceux du trône d’Amyclée, à notre ouvrage du Jupiter Olympien, où toutes ces choses sont expliquées par le discours et par le dessin.

Le soubassement du trône de Jupiter n’en étoit pas la partie la moins ornée : mais la plus riche peut-être, fut encore le marche-pied de la statue, supporté par quatre lions d’or et orné de bas-reliefs. Le petit mur d’enceinte avoit sur trois de ses côtés des peintures de Panaenus.

L’intérieur autour du soubassement étoit pavé en marbre, et offroit un bassin avec rebord en marbre blanc, qu’on remplissoit d’huile pour préserver l’ivoire dont se composoit en partie le simulacre, de l’humidité du terrain où le temple avoit été construit.

Nous bornerons à ces deux descriptions, ce que nous avons cru devoir rapporter de ces grands ouvrages de décoration, qui, par plus d’un côté, rentrent dans le domaine de l’architecture.

Tronqué, ÉE, Participe du verbe tronquer, Lequel signifié retrancher, couper Une partie d’Un tout quelconque.

Le mot tronqué ne Se emploie Guère DANS L’architecture, Qué versez signifiant non fût de colonne coupé, et diminué à ne importe quelle hauteur, Qui ne recoit ni chapiteau ni tailloir, et sur Lequel il is Assez d’usage de placer Des Têtes Ou des bustes, comme on se en lieu sur les gaines et les hermès.

En sculpture, sur le nom de give tronqué à l’ONU torse de figure, non pas only Celui Qui sérums non Reste la statue mutilée, Mais encore à Celui Qu’on ajuste Quelquefois en Manière de gaine et Dont le décore des jardins.

TROPHÉE, s. m. L’origine du trophée nous est manifestée par la composition même des plus beaux ouvrages de la sculpture antique en ce genre, et les plus nombreuses notions de l’histoire nous la confirment.

Dès les premiers temps de la Grèce, après une victoire, nous voyons élever sur le champ de bataille le trophée composé des armes des vaincus. Un arbre ou un tronc d’arbre, auquel on laissoit quelques branches, servoit de support au casque,


à la cuirasse, au bouclier, à la lance et aux autres dépouilles de l’ennemi. Tel paroît sur les médailles, le trophée que porte sur son épaule Mars Gradivus. Du reste, on en voit où il se trouve plus ou moins d’armures.

Cette coutume des Grecs passa chez les Romains, et l’on prétend qu’elle fut introduite par Romulus. Dans la suite, on imagina de faire porter les trophées devant le char du triomphateur, Il suffit à cet article d’avoir indiqué ce qui servit de modèle à l’art dans la décoration d’un très-grand nombre de monumens. On ne sauroit dire de combien de manières, et sous combien de formes, les anciens artistes multiplièrent les trophées, soit en ronde bosse, soit en bas-relief. Il est aussi peu de matières qui n’aient été employées à ces signes de victoire.

Florus nous apprend que C. Flaminius en consacra un en or dans le Capitole, l’an de Rome 550. Les quatre Victoires qui ornoient les acrotères de la chambre sépulcrale du char qui transféra le corps d’Alexandre de Babylone en Egypte, portoient des trophées d’or. Mais ce fut en marbre que l’antiquité se plut à rendre durables les trophées, soit dans les arcs de triomphe, soit sur les piédestaux de ces monumens, soit dans leurs archivoltes. Il en est peu où l’arcade principale ne soit surmontée de deux Victoires en bas-relief qui tiennent des trophées.

On ne sauroit citer en ce genre de plus belle sculpture, que celle des trophées en bas-relief dont sont décorées les quatre faces du piédestal de la colonne Trajane. C’est là qu’on voit représentées avec la plus grande exactitude toutes les armures, tous les habillemens, tous les objets d’équipement militaire des peuples vaincus par l’empereur.

Spanheim, dans son bel ouvrage des Césars, a donné la représentation, gravée par Picard, d’un trophée qui existe encore aujourd’hui à Rome, et qu’on attribue à Trajan. Ce trophée indique bien l’origine dont on a parlé. On y voit à découvert le tronc d’arbre couvert d’un casque ouvragé, et revêtu d’une chlamyde. Le reste de la composition offre des carquois, des flèches, des boucliers ornés de figures ailées, de sphinx, de tritons, de centaures.

L’arc d’Orange (voyez ORANGE) a toutes ses superficies couvertes de bas-reliefs, dont la composition représente, sous toutes sortes d’aspects, des amas d’armes sur lesquelles on lit certains noms, d’où l’on n’a pu tirer que de très-vagues conjectures, sur les peuples vaincus auxquels ces armes avoient appartenu. Cet arc offre encore une particularité plus rare en ce genre. On veut parler des trophéesde victoires navales qui y furent sculptés, et où l’on voit des proues de navires, des ancres, des rames, des acrostoles, des aplustres, etc.

Le plus beau, le plus complet et le mieux conservé de tous les ouvrages antiques de ce genre, est le monument double que l’on appelle, on ne sait trop pourquoi, les trophées de Marius, sculptés de plein relief en marbre, et qui orn aujourd’hui la balustrade de la cour du nouveau Capitole. Ces trophées furent trouvés dans deux niches ou arcades faisant partie du château d’eau qu’on appelle Aqua Maria. Rien de plus inutile, surtout dans cet article, que de rechercher pour quelle victoire ils furent élevés, à quelle époque et sous quel règne on les consacra, Le luxe et la beauté de leur composition et de leur sculpture, ne permettent guère de leur assigner une date trop ancienne. Perro Ligorio les croit du temps de Domitien. Pietro Bellori, dans l’œuvre de la colonne Trajane par Pietro Santi Bartoli, estime, à la beauté de leur sculpture, qu’ils durent appartenir aux victoires de Trajan. Il se fonde sur une sorte de ressemblance qu’il leur trouve avec deux trophées sculptés en bas-relief, de l’un et de l’autre côté d’une Victoire, qui, dans la série des sujets représentés autour du fût de ta colonne, occupe le milieu de la hauteur. Ces trophées ont bien sans doute quelques points de rapprochement avec les trophées du Capitole. On y voit de même le tronc d’arbre coiffé d’un casque, avec deux sortes de bras chargés d’armures, et le corps du tronc porte les habillemens des vaincus ; au bas sont des amas d’armes. Mais ce sont là de ces rapprochemens qu’on peut rencontrer presque partout. Quant à la nature des armes qui pourroient indiquer le peuple vaincu, ce seroit encore une désignation assez arbitraire. La plupart des nations qui occupèrent les empereurs romains depuis Trajan, paroissant avoir eu une commune origine, des usages et des costumes à peu près semblables.

On doit ajouter que, dans les trophées appelés de Marins, il se trouve un assemblage de presque toutes les formes connues d’armes offensives ou défensives, de casques, de carquois, de cuirasses, de boucliers. Si quelque chose même paroît probable, quand on examine ces deux compositions, c’est que l’artiste qui les imagina, dut, en consultant l’intérêt de son art, introduire le plus de variété qu’il fut possible.

Rien en effet de plus ingénieusement combiné, pour plaire à la vue et produire un bel ensemble, que la composition du premier trophée.

Malgré quelques mutilations, effet du temps et de la barbarie, il a été facile de le réintégrer d’après les restes incontestables que le marbre a conservés. Ainsi l’on en a restauré le haut sur les données des deux trophées de bas-relief dont on vient de parler, et qui appartiennent à tous les trophées. Il consistoit donc de même en un tronc d’arbre entièrement caché sous l’ensemble des objets décrits, et qui portoit à son sommet un casque ; un bouclier hexagone garnissoit chacun des deux bras : il n’y a de restauré que leur partie supé-


rieure. Une riche cuirasse forme le corps du trophée ; elle porte un baudrier auquel s’attache un large sabre. Telle est la moitié supérieure de cette composition. L’inférieure, beaucoup plus riche, a plus de largeur, et donne au tout une forme pyramidale. Le milieu est occupé par une figure de femme drapée, dont les bras paroissent devoir être attachés, par derrière, au tronc d’arbre. C’est sans aucun doute une figure de ville ou de nation captive. Autour d’elle sont rangés debout des carquois avec leurs flèches. Deux figures de génies ailés sont placés l’un à droite, l’autre à gauche de cette figure, et supportent chacun un bouclier d’une figure quadrangulaire, qui se compose avec les autres de formes circulaires, ovales ou carrées, que le sculpteur a réparties avec beaucoup d’art dans tout cet ensemble. Les deux génies dont on vient de parler, sont des restaurations ; mais le marbre avoit conservé des indications de pieds et d’autres parties, qui ont permis de suppléer ce que la destruction avoit enlevé.

La composition du second trophée a encore quelque chose de plus varié, de plus pittoresque et d’un effet plus riche ; les armures y sont réparties d’une manière plus nouvelle, et entremêlées avec moins de symétrie. Deux génies ailés y soutiennent de même des boucliers, et le sculpteur a placé au milieu d’eux un plus petit qui a la même fonction. On ne sauroit rien imaginer de plus magnifique que l’assemblage de toutes ces armes, où l’on retrouve le luxe des ornemens que l’on gravoit sur le métal, dont leurs originaux étoient formés, et qui servirent de modèle au sculpteur en marbre. On sait, en effet, qu’outre la décoration que reçoivent les casques, les cuirasses et les boucliers d’usage à la guerre, il se faisoit encore de ces armures en bronze, pour servir de trophées. Des casques d’un métal solide et d’un poids énorme, furent trouvés dans les fouilles d’Herculanum et de Pompeia, et telles sont leur proportion et leur pesanteur, qu’il est impossible de leur présumer d’autre destination, que celle d’objets décoratifs pour servir à la composition de trophées ou autres monumens militaires. On ne voit pas dans le fait, pourquoi les trophées primitifs s’étant trouvés naturellement formés des armures métalliques et portatives des guerriers, on n’auroit pas, dans la suite, imaginé de contrefaire ces monumens précaires, locaux et instantanés, par des imitations plus solides, plus durables, et par conséquent faites aussi de métal, auquel l’art pouvoit donner toutes les richesses de l’ornement. Cela nous paroît avoir eu très-probablement lieu à l’égard des trophées que j’appellerai de ronde bosse, et isolés. Certainement la sculpture en marbre s’empara de tous ces usages, et de toutes leurs modifications, comme nous le voyons dans les bas-reliefs dont elle orna les arcs et les monumens triomphaux. Mais lorsqu’on examine les deux trophées de ronde bosse en marbre dont nous parlons ; quand on considère la combinaison ingénieuse de tous les objets positifs et allégoriques qui entrent dans leur ensemble, on est porté à regarder leur composition comme une répétition libre et idéale, de trophéesdéjà précédemment disposés par l’art et le goût pour le plaisir des yeux, et composée plutôt dans une intention générale, qu’affectée à telle victoire, à telle conquête, à telle- guerre contre telle ou telle nation.

En effet, on a cherché vainement dans les symboles, emblèmes ou détails figuratifs des nombreuses armures de ces trophées, quelques caractères qui pussent désigner le peuple dont la défaite ou la conquête auroit fait élever de semblables monumens. La sculpture ne paroît y avoir gravé sur toutes les armes que des emblèmes trop généraux, pour qu’on puisse en déduire aucun signe particulièrement caractéristique, de quelques-unes des nations soumises par les armes romaines. On y voit sur des boucliers de toutes sortes de formes, des ornemens en rinceaux, en ceps et feuilles de vigne, en compartimens que nous dirions arabesques, en foudres, en rosaces ; sur les casques, on remarque des centaures, des tritons ; tout enfin annonce des conceptions dans lesquelles l’artiste semble avoir été libre de se livrer à ce qui pouvoit offrir le plus de richesse, et lui fournir les moyens de faire le mieux briller son art.

Aussi ces deux monumens sont-ils rangés par les artistes dans le nombre des modèles lés plus excellens de l’antiquité romaine, en fait de composition décorative, d’adjustemens ingénieux et d’ornemens applicables à l’architecture. C’est surtout sous ce dernier rapport, que nous avons cru devoir donner quelqu’étendue à leur description.

Les Modernes ont transporté, non dans leurs usages militaires, mais dans les pratiques de leurs arts et de leur architecture, non l’emploi du trophée, mais l’emploi de son imitation. Chez eux, c’est uniquement un signe de victoire, un caractère anciennement consacré à désigner des succès guerriers, qui a pris place dans le langage et dans l’écriture allégorique, soit de la poésie et de l’éloquence, soit des arts du dessin, pour célébrer les faits militaires et la gloire des vainqueurs.

Ce genre d’ornement ne tenant plus d’une manière aussi immédiate, aussi nécessaire à la réalité d’un usage positif, il lui est arrivé, ainsi qu’à beaucoup d’autres, de devenir souvent banal, et, à vrai dire, insignifiant. Ainsi voyons-nous qu’on a plus d’une sois sculpté des groupes d armes, de drapeaux et autres objets semblables, comme amortissement pyramidal, au-dessus des corniches d’un bâtiment, sans rapport avec la guerre et ses résultats. Tels sont ceux qu’on a élevés sur la balustrade du couronnement du château de Versailles ; tels ceux qui terminent de la même manière, le sommet des colonnades de la place de


Louis XV. Pierre Lescot a accompagné de trophées sculptés en bas-relief, les petites fenêtres de son attique, dans une des façades de la cour du Louvre. On citeroit une multitude d’exemples de cet emploi des trophées, comme ornemens indépendans d’une destination spéciale.

Mais on doit citer, d’autre part, une fort belle application de trophées, selon le goût de l’antique, faite par François Blondel, à la porte triomphale de Paris, connue sous le nom de Porte Saint-Denis. On y trouve aux massifs des deux corps avancés, qui accompagnent l’ouverture de l’arc, une très-heureuse et très-exacte imitation des trophées sculptés sur les quatre faces du piédestal de la colonne Trajane. Même ajustement, même goût de composition, même genre de bas-relief très-peu saillant, même précieux d’exécution. En faisant un examen critique des détails de ce grand monument, nous avons eu l’occasion de remarquer (voyez ARC DE TRIOMPHE) que Blondel avoit entassé dans sa décoration, une cumulation trop sensible d’objets étrangers les uns aux autres, comme, par exemple, de grands trophées, adossés à des espèces de pyramide. Quoi qu’il en soit, nous dirons que le sculpteur y fit une fort bonne imitation des trophées appelés de Marius, dont on a rendu compte plus haut, et qui, eux-mêmes, furent aussi adossés, comme le montre la partie postérieure du groupe qui ne fut point travaillée.

Une imitation plus sensible encore de l’antiquité, en ce genre, l’on pourroit presque dire une copie du genre d’ornemens du piédestal de la colonne de Trajan, se voit à Paris, sur le piédestal revêtu de bronze de la colonne de la place Vendôme, qui, à la matière près, et à part la nature des sujets, est fac simile du monument de Trajan. Les trophées du monument moderne offrent en bas-relief, sur les saces de sa base, le même goût de composition ; seulement la sculpture y a groupé fort heureusement toutes les armes de guerre qui entrent dans le système militaire moderne, et les coiffures, habillemens ou costumes des nations belligérantes de cette époque.

Mais les Modernes ont appliqué l’idée et le genre de composition des trophées de guerre antiques, à des objets d’une nature toute différente, et dont il ne nous semble pas qu’on voie d’exemples, chez les Anciens. Un trophée étant un assemblage d’armes et d’instrumens de guerre, le génie décoratif moderne s’est plu à réunir, à peu près de la même manière, toutes sortes d’autres objets relatifs aux arts, aux sciences, et à beaucoup de sujets qui peuvent être rendus sensil les par les instrumens, les ustensiles, ou les symboles qui les désignent. On suppose ordinairement que ces sortes de trophées, qui se font en bas-relief ou en couleur, sur des panneaux, ou dans des compartimens peints ou sculptés, sont attachés et comme suspendus à un fond. Nous voyons dans un des montans arabesques des Loges de Raphaël au Vatican, un trophée d’instrumens de musique ainsi groupés et qu’on suppose adossés. Les trophées de musique sont devenus très-communs dans l’ornement d’un local destiné, par exemple, à des concerts. On a fait de même des trophées de sciences, formés de livres, de rouleaux de papier, de sphères, de globes, d’instrumens de géométrie, d’astronomie, de mécanique, d’optique, de physique, etc. On voit dans des maisons de campagne des trophées de chasse, où figurent des armes à feu, des arcs, des corps-de-chasse, des dépouilles d’animaux, etc. Dans le fait, il y a peu de sujets qui ne puisse fournir à cette sorte d’ornement la matière d’une composition plus ou moins heureuse ; ainsi a-t-on plus d’une sois sait entrer dans la décoration des églises, tous les objets ou symboles des cérémonies religieuses, comme croix, chandeliers, encensoirs, ciboires, ostensoirs, mitres, goupillons, etc.

On doit faire observer de nouveau, que c’est toujours en bas-reliefs, et comme montans d’arabesques, sur les espaces qui en comportent l’emploi, que ces sortes de trophées ont lieu. A cet égard, on convient, qu’en supposant tous ces objets suspendus par un lien qui s’attache à un clou à un support quelconque, rien en cela ne blesse la vraisemblance. Il n’en est pas de même de quelques tentatives récemment faites pour composer, en ronde bosse, les masses isolées de tous les assemblages mentionnés des objets dont on a fait l’énumération. Le trophée antique, tel qu’on l’a fait connoître, tel qu’on le voit répété si souvent, avoit pour support naturel le tronc d’arbre et ses branches, qui servoient de support nu d’appui à tout ce qu’on y vouloit rassembler. Dans les compositions modernes, au contraire, où rien n’autorise l’emploi de ce tronc d’arbre, des trophées en ronde bosse ne présentent autre chose aux yeux et à l’esprit, qu’une compilation d’objets surimposés les uns aux autres, amalgame indigeste, de tout ce qu’on y accumule sans ordre ni raison.

TROTTOIR, s. m. On donne ce nom à une partie plus ou moins élevée d’un côté ou des deux côtés du terrain, soit d’une rue, d’un quai, d’un pont, soit d’une route ou d’un grand chemin. Cette partie de terrain ainsi relevée, est destinée particulièrement aux gens qui vont à pied.

Le trottoir est surtout d’une très-grande commodité dans les villes populeuses, où les voilures sont très-multipliées. Il offre aux piétons une voie toujours propre, sûre et libre d’embarras, et l’on ne sauroit trop en recommander l’emploi dans les villes où la largeur des rues le comporte ; car, bien que dans les cités anciennement bâties, et où les rues sont étroites, on puisse toujours diminuer la largeur à donner au trottoir, il résultera de là le double inconvénient, de rétrécir par trop


la voie publique pour les voitures, et aussi celle des gens de pied.

Nous voyons que le trottoir fut usité dans l’antiquité. La ville de Pompeia nous montre des trottoirs fort étroits, dans des rues peu larges, Mais ces petits espaces pouvoient suffire à une petite ville, et dans des temps où le nombre des voitures et des charrois ne devoit pas être fort considérable. Cet exemple ne sauroit servir de règle aux grandes villes modernes, dont les rues n’ont pas les dimensions nécessaises.

La ville de Londres est celle qui a porté au plus haut point de commodité l’usage des trottoirs. Elle a dû cet avantage à la reconstruction presqu’entière qu’occasionna le grand incendie qui consuma une très-grande partie de la vieille ville en l’année 1666. Toutes les rues furent alors tracées sur un vaste plan, toutes alignées et coupées à angle droit. Toutes les maisons y furent reconstruites sur des plans uniformes et dans des données communes à toutes, et conformes à des usages domestiques complétement semblables. Des trottoirs larges et spacieux surent alors établis dans toutes les rues, et depuis, les nouveaux quartiers dont cette ville s’est agrandie, ont encore enchéri sur les dimensions primitivement prescrites.

Les villes qui, créées et accrues par l’effet d’additions graduelles, sans aucun plan préalable, veulent introduire des trottoirs dans leurs rues, ne doivent le faire d’abord que dans les rues qui ont une largeur suffisante, ensuite dans les rues nouvelles, enfin dans celles où peu à peu de nouvelles constructions de maisons donnent le moyen d’un alignement successif et d’un élargissement convenable. Autant les trottoirs sont commodes, avec les conditions qui leur sont propres, autant leur établissement intempestif et prématuré procureroit d’inconvéniens et d’embarras, dans des quartiers étroits et dans des rues irrégulières, souvent traversées par d’autres, et avec des usages domestiques qui, au lieu d’être assortis à cet usage, en contrariroient l’emploi, et en feroient un nouveau sujet de désordres et d’embarras.

On doit faire encore observer à l’égard de l’établissement des trottoirs, là où ils sont admissibles, qu’on les doit tenir le plus bas qu’il sera possible pour éviter les dangers des faux pas multipliés que leur descente occasionneroit. Ils doivent toutefois avoir assez de hauteur pour empêcher les voitures d’y pouvoir monter.

TROU, s. m. Nom général qu’on donne à oute cavité que l’on pratique pour y introduire un objet quelconque. Ainsi on pratique des trous en terre, pour y planter des arbres. On creuse des trous dans une infinité d’ouvrages, soit pour faire des assemblages, soit pour une multitude d’usages qu’il seroit fort inutile d’énumérer.

Dans l’art de bâtir, on pratique un grand nombre de trous qui se sont plus ou moins profondément selon les matières, bois, plâtre, pierre, et dont l’objet principal et le plus ordinaire est de servir, à sceller des pattes, des gonds, des barreaux de ser, etc. (Voyez SCELLER, SCELLEMENT.) On fait autel des trous dans les murs pour recevoir les solives des planchers. On fait, dans un bâtiment en construction, des trous pour recevoir les boulins ou écoperches qui servent & monter les échafauds, selon le besoin ou la hauteur qu’on donne à la bâtisse : c’est ce qu’on appelle trous de boulin. Voyez BOULIN

TRUELLE, s. f. Outil de fer ou de cuivre polis, emmanché dans une poignée de bois, dont les maçons se servent pour gâcher le plâtre, pour le prendre quand il est en mortier plus ou moins épais, pour le jeter et l’étendre sur le mur, et pour l’unir quand il est encore frais. La truelle se sait de plut d’une façon et dans des formes diverses, selon les pays et selon la nature des enduits. Il y a des truellestriangulaires qui ont deux côtés tranchans, pour gratter el nettoyer les enduits de plâtre au sas, et dont l’autre côté est bretté ou brettelé, c’est-à-dire à petites hoches faites en manière de scie, pour faire des brettures ou gravures, pour tracer des traits en creux sur le plâtre, dont l’effet est d’imiter les joints que produit souvent la construction en pierre de taille.

TRULLIZATION, s. f. Ou Trouve CE MOT DANS Quelques Anciens Lexiques. Ce est le mot latin trullizatio, forme de trulla, truelle, et employee par Vitruve versez Exprimer les Diverses Sortes d’enduits Ou de crépis Qu’on formoit à la truelle, et Qu’on travailloit au-dedans des voûtes, OU BIEN Encore les hachures pratiquées sur la couche, de mortier, verser Retenir l’enduit de stuc.

TRUMEAU, s. m. On donne ce nom, dans la construction des habitations, des maisons, des palais, à cette partie d’un mur de sace qui sépare deux fenêtres, et qui porte ordinairement le fond des sommiers des plates-bandes.

Le trumeau est bâti, selon le genre de la construction adoptée, soit en pans de bois garnis de mœllons, de mortier, etc. , soit en briques, soit en pierres de taille. La solidité des devantures de maisons, dépend beaucoup de la largeur et de l’épaisseur qu’on donne aux trumeaux. Les fenêtres d’une devanture de maison formant les vides, comme les trumeaux forment les pleins, une loi générale de la solidité, en ce genre, veut que les vides ne l’emportent point sur les pleins ; elle veut, au contraire, que le plein l’emporte sur le vide. Entre ces deux points contraires il y a le milieu : c’est que lestrumeaux aient au moins la largeur de la fenêtre.

Si l’on consulte le goût, on trouve qu’il est


tout-à-fait d’accord avec le principe de la solidité. Le juste rapport des pleins avec les vides, est un des premiers mérites de toute composition architecturale, et fait une des principales beautés des édifices. En cela consiste plus qu’on ne pense l’harmonie des masses et l’agréable effet des formes employées par l’art : c’est que de là résulte évidemment la sensation agréable ou pénible que doivent produire la légèreté on la lourdeur, la force ou ta foiblesse. Ces qualités, dans les œuvres de l’art de bâtir, ne peuvent etre soumises ni à un calcul invariable, ni à une théorie absolue ; mille circonstances diverses en changent les résultats et en modifient l’effet. Ce qui seroit légèreté ou foiblesse dans tel édifice, pourra dans tel autre être réputé force ou lourdeur. Ainsi le rapport des pleins avec les vides, ou autrement des trumeaux et des fenêtres dans les devantures des habitations, dépendra de la nature de ces habitations, de la destination de ces édifices, de leur caractère, soit qu’on les considère comme palais, ou comme monumens d’etablissemens publics.

Quant aux maisons de particuliers cl aux habitations ordinaires, mille besoins, mille sujétions de nécessité, de calcul ou d’habitude, s’opposent à ce qu’on puisse appeler l’art, ou faire intervenir le goût, dans la détermination qui régleroit la grandeur ou le nombre des ouvertures, el, par conséquent, la dimension des trumeaux qui les séparent. Aussi voit-on, en cegenre, les diversités les plus arbitraires disposer les intérieurs des logemens, et les percées nécessaires à leur distribution, de manière que les vides des fenêtres l’emportent de beaucoup sur les pleins des trumeaux. Il est même, dans le nord de l’Europe, des villes, dont les maisons construites en bois, genre de bâtisse qui se prête à la plus grande légèreté, semblent en dehors consister uniquement en vitreaux, tant on a cherché à se procurer à raison du climat, le plus de lumière possible. J’ajoute que les moyens et les procédés de chaussage habituels, sont propres à remédier aux inconvéniens de l’hiver, dans des locaux ainsi percés de toute part. Dans le midi de l’Europe, au contraire, en Italie particulièrement, on sait que le climat, indépendamment de toute autre considération, invite à faire les ouvertures des fenêtres plus étroites que lestrumeaux, et cet usage se fait remarquer dans les devantures des maisons ordinaires, a la construction’ desquelles l’architecture ne prend aucune part. Aussi cet art s’est il trouvé très-naturellement porté à rechercher dans les palais des grands el ceux des établissemens publics, les meilleurs rapports entre les vides des fenêtres et les pleins des trumeaux. C’est donc là qu’il convient à l’artiste de chercher des modèles en ce genre.

Il n’y a personne qui n’ait été à portée d’y observer, el d’y admirer combien de larges trumeaux, et de petites, ou du moins, de modiques ouvertures de fenêtres, sont favorables à l’effet des grandes masses de palais, et quelle grandeur de caractère résulte de ces rapports. La cause en est facile à trouver et à donner : 1°. la solidité, ainsi que ion apparence, s’y trouvent prononcées avec une énergie dont les sens sont d’abord frappés ; 2°. toutes les ressources que l’architecture puise dans l’emploi des ordres, en colonnes ou en pilastres, peuvent facilement s’adapter aux parties lisses des grands trumeaux ; 3°. la richesse des chambranles, qui fait le plus bel ornement des fenêtres, se détache avec bien plus d’agrément et d’effet, sur les corps pleins et larges qui les font briller ; 4°. si une semblable masse d’édifice reçoit à son sommet toutes les parties d’un entablement, on aime à voir ces grands couronnemens supportés par une devanture où le plein remporte de beaucoup sur le vide.

Qui pourroit, en effet, supporter la saillie et la hauteur d’un grand entablement, au-dessus d’une devanture qui n’offriroit d’autre aspect, que celui d’un mur percé d’une infinité de trous ? Telle est cependant l’impression désagréable qu’on reçoit des édifices, dans lesquels les fenêtres sont trop multipliées ou trop spacieuses en raison de leurs trumeaux.

Ce qu’on vient de dire n’a rien d’arbitraire ni de systématique, c’est le résultat sensible d’une théorie, dont le simple bon sens peut être juge, et d’une pratique confirmée par des exemples dont le goût et la raison recommandent l’imitation.

L’application de l’une et de l’autre ne sauroit cependant être déterminée par des règles de proportion invariables ; il est visible que l’architecte est obligé de se subordonner à un tel nombre de convenances, dans ce qui forme la disposition de ses édifices, que les rapports réciproques des pleins et des vides dans les devantures de palais, devront varier selon la largeur et la hauteur de l’ensemble, selon les emplacemens prescrits, selon les aspects, selon les divers genres d’ordonnance qu’il emploiera dans sa décoration. Disons, en effet, que d’assez notables variétés existent sur ce point, jusque dans les ouvrages et des meilleurs temps et du même architecte. Généralement on peut dire que jamais la dimension du vide ne doit excéder la mesure du plein en ce genre, que tout au moins les trumeaux doivent avoir en largeur celle des fenêtres ; que ce qui excédera cette mesure en plus pour le trumeau, d’un quart, d’un tiers ou de moitié, ne sera jamais un excès.

Paris offre sans doute (et l’on en sait les raisons) peu de modèles à suivre ou à citer sur cet objet, excepté toutefois au Louvre. Que l’on veuille bien comparer, par exemple, dans la façade septentrionale extérieure de ce monument du côté de la rue Saint-Honoré, les différentes parties de corps avancés ou de corps en retraite dont elle se compose. On sait que cette façade


existoit avant la construction de la colonnade par Perrault, qui, obligé d’en raccorder le retour avec l’architecture de ce côté du Louvre, y laissa subsister les deux parties en retraite, et éleva le corps avancé du milieu, ainsi que celui de l’angle du côté de la rue Fromenteau. Il résulta dans le raccordement de cette façade trois dimensions différentes de trumeaux entre les fenêtres : celle des trumeaux en retour de la colonnade à laquelle répondent les trumeaux du corps à l’angle opposé, et qui offre des pleins égaux aux vides des fenêtres ; celle des trumeaux des deux parties contiguës au corps avancé du milieu dont les pleins n’ont guère plus en largeur que la moitié des vides des fenêtres ; et enfin celle des trumeaux des deux anciennes parties en retraite de celle façade, dont les pleins ont en largeur le double de l’espace vide des fenêtres, et quelques-uns davantage.

Qui est-ce qui, en comparant les diversités de rapport entre les vides et les pleins de ces différentes ordonnances, ne trouvera point un caractère plus grand, plus simple, plus mâle à la dernière de ces dispositions ? Qui ne sent pas combien ces grands lisses, en donnant l’idée d’une plus grande solidité, sont d’autant mieux briller, par des repos convenables, les chambranles des fenêtres, et triompher la richesse de l’entablement qui couronne cette masse ?

En faisant et en proposant ce rapprochement, comme exemple propre à faire sentir la théorie de goût, dont on a essayé de développer quelques maximes, je répète que je n’ai point entendu qu’il pût y avoir ici, plus que dans toutes les parties de l’architecture, de mesure fixe, propre à devenir une règle positive et invariable. On sait à combien d’exceptions et de modifications sont soumises, surtout à l’égard des palais d’habitations, les dispositions intérieures, qui sont la loi au nombre et à la mesure des ouvertures extérieures. Il en sera donc de la règle de goût relative à cet objet, comme de beaucoup d’autres ; elle s’appliquera à tous les édifices où l’architecte sera libre de disposer de son ordonnance extérieure ; dans tous les autres cas, il devra s’en écarter le moins qu’il sera possible.

TRUMEAU. On appelle aussi de ce nom les parquets de glace dont on revêt, dans les appartemens, ces parties de mur de face qui existent entre les baies ou les ouvertures des fenêtres. Il est vraisemblable qu’ils ont reçu ce nom de la partie même de la construction sur laquelle on les applique.

TUERIE, s. f. C’est le nom d’un bâtiment dans lequel les bouchers amènent les bœufs et autres animaux pour les abattre, les écorcher et les dépecer.

Depuis quelque temps on a donné à ces sortes de bâtimens le nom d’abattoirs. Les inconvéniens et les dangers résultant de la conduite des bœufs dans Paris, de la saleté et de l’infection produites par les opérations de la boucherie, out sait adopter la construction, dans les lieux les plus éloignes du centre de la ville, d’immenses bâtimens appelés abattoirs, où sont conduits tous les bœufs et autres animaux pour être abattus et dépecés, et d’où chaque boucher est tenu de ramener dans des voitures les viandes découpées, qui sont eu cet état étalées dans les boutiques de boucherie.

TUF, s. m. Ce mot vient du latin tophus.

On distingue plusieurs natures de tus. C’est un terrain tantôt spongieux, fistuleux et poreux, comme la pierre ponce, tantôt compacte comme certaines pierres à bâtir, quelquefois épais, quelquefois mince, tantôt mêlé plus ou moins de cailloux, de gravier, de sable, tantôt coloré, tantôt calcaire, tantôt argileux. Ces variétés proviennent du genre différent des parties étrangères qui entrent dans la formation du tuf. Aussi y en a-t-il de sort léger dont on se sert pour faire des voûtes, et qui prend bien le mortier ; il y en a d’une foible consistance dont on use pour de légers ouvrages ; il s’en trouve qui a la fermeté de la pierre, et qu’on peut employer même d’ans les fondations.

Le tuf est désigné par Pausanias sous le nom de porinos lithos. Cétoit, à ce qu’il paroît, en Grèce un tuf blanchâtre. Plutarque parle d’un Silène qui étoit sait de relie espèce de tus. Le célèbre temple d’Apollon à Delphes en étoit bâti, ainsi que le temple de Jupiter à Olympie.

A Rome et à Naples, on sait un très-grand usage de l’espèce de tus que l’on appelle peperino à Rome, piperno et pipierno à Naples, nom qui lui vient très-probablement de Piperno (l’ancienne Privernum) où cette pierre s’exploite en grande abondance. C’est de peperino que surent bâtis (comme on le voit encore) les soubassemens du Capitole, dont il reste cinq assises composées de très-gros blocs, qui ont jusqu’à cinq palmes et demi romains de longueur. La Cloaca maxima en fut aussi construite, et généralement l’emploi de celle sorte de tuf se retrouve dans les plus anciennes constructions de Rome. On n’employs que plus tard la pierre appelée travertino.

On continue d’employer aujourd’hui le tuf appelé peperino. Il y eu a de plus d’un genre. L’un est d’une qualité terreuse ; on en trouve dans le voisinage de Naples qu’on travaille à la pointe. Il en est un autre plus tendre, auquel on donne le nom de rapillo, ou plutôt de lapillo. On le diroit formé d’un sablon noir pierreux, et on le travaille en dalles, qui servent de pavemens dans beaucoup de maisons, et aussi à faire des terrasses. On en trouve de la même espèce à Frascati, près l’antique Tasculum. On croit généralement que c’est une production volcanique.


TUILE, s. f. En latin tegula, du verbe tego, qui signifie couvrir. La tuile effectivement est ce qui sert le plus souvent de couverture aux édifices, surtout à ceux qui se terminent par des toitures ou assemblages de solives faits en pente.

Au mot COUVERTURE (voyez ce mot), on a donné des notions fort détaillées sur les diverses manières de couvrir les édifices, et d’y employer les tuiles de terre cuite, selon leurs formes. Nous ne reviendrons point ici sur ces notions générales ; nous bornerons cet article à ce qui regarde la tuile en elle-même, sans rapport avec les diversités de ses emplois, c’est-à-dire spécialement quant aux matières dont on trouve qu’elle sut, et peut être faite, quant aux particularités dont les témoignages de l’antiquité nous ont conservé le souvenir.

Quoique dam nos usages, le nom de tuile fasse toujours naître l’idée qu’en donnent les définitions techniques, je veux dire d’un carreau de terre grasse, d’une épaisseur quelconque, pétrie, séchée, et cuite au four à la manière des briques, il est certain que le mol tegula, dont le mot tuile paroît provenir, on dont il est la traduction et l’équivalent, présente une idée plus étendue, et une notion beaucoup moins restreinte. Comme moyen de couvrir les sommets des édifices, il s’en saut de beaucoup que la tuile doive être considérée comme étant nécessairement de terre cuite. On sait qu’en plus d’un pays on se sert, pour couvrir les bâtimens considérables, de ce qu’on appelle bardeaux. Ce sont de petits ais d’un certain bois de dix à douze pouces de long, sur six à sept de large, dont on sait des tuiles légères et économiques. Tout le monde cannoit la pierre particulière appelée ardoise, qui se délite très-facilement, qui se laisse tailler de la grandeur et de l’épaisseur qu’on désire, et qui forme des tuiles, bien qu’en France surtout ou leur donne le nom de leur matière pour les distinguer des tuiles, qui emportent, comme on l’a déjà dit, dans le langage usuel, l’idée de terre cuite.

Toutefois la tuile en terre cuite, outre la facilite de se procurer l’argile avec laquelle on la sait, et aussi l’économie, a quelques avantages sur les autres matières. D’abord, on eu varie les formes à volonté, et l’on a vu, à l’article COUVERTURE qu’il s’en sait de plates, de creuses, et d’autres contournées en S ; ensuite on peut leur donner le volume et l’extension qu’on veut, selon le genre des couvertures auxquelles on les applique.

On a trouvé, et l’on trouve journellement dans les fouilles des ruines de monumens antiques en Italie, surtout à Rome et dans les environs, des tuiles de dimensions sort différentes. Les plus grandes sont ordinairement marquées d’empreintes portant des noms qui sont, ou ceux du fabricant et propriétaire de la toilerie, ou des magistrats, peut-être, inspecteurs de cette fabrication, ou des empereurs sous le règne desquels avoient été construits les édifices pour lesquels ces tuiles avoient été fabriquées. Les cabinets d’antiquité recueillent avec intérêt jusqu’aux fragmens de ces tuiles, parce qu’elles portent des dates utiles à l’histoire. Ainsi trouve-t-on dans le Recueil des terres cuites antiques de d’Agin-court, deux tuiles sur lesquelles est indiquée l’époque des Antonins, par les mots OP. DOL. EX. PR. M. AURELI. ANTO. Ces tuiles, et beaucoup d’autres empreintes de la même inscription, ont été découvertes parmi divers fragmens retirés des décombres d’un bâtiment, dans une fouille faite sur le mont Aventin.

Les Grecs, généralement, ne voûtant point leurs temples (on parle de ceux qu’on appeloit périptères, ou d’autres du même genre), il devint important de donner à leurs toitures, et aux tuiles qui en formoient la couverture, une solidité qu’on ne sauroit obtenir des tuiles fragiles, comme celles qu’on fait en terre cuite. Lorsque surtout le marbre étoit la matière de leurs murs et de leurs colonnes, il dut sembler que l’argile ne répondoit pas à l’accord qu’exigeoient, pour les yeux, des combles dont les pentes étoient visibles à tout le monde. Pausanias nous apprend qu’un certain Bizès de Naxos avoit obtenu l’honneur d’une statue, pour avoir imaginé d’employer le marbre penthélique en tuiles propres à servir de couvertures aux édifices. Nous lisons dans un ouvrage moderne, que sans doute Bizès avoit trouvé un expédient propre à débiter le marbre du mont Penthèle, en petites seuilles semblables à celles de nos ardoises. Ce n’est point ici le lieu de rechercher quelle fut, à cet égard, l’invention de Bizès ; il est à croire qu’il aura trouvé un procédé abréviateur et, par conséquent, économique, de multiplier des dalles de marbre pour l’emploi dont il s’agit. Toutefois on peut affirmer que les tuiles de marbre employées par les Anciens furent d’une bien autre épaisseur, et d’un bien plus grand volume, que ne le sont nos ardoises. On peut s’en convaincre par celles qui couvrent encore aujourd’hui la tour des Vents à Athènes. Plus d’un édifice antique, représenté sur des bas-reliefs, nous fait voir que ces tuiles étoient, à proprement parler, ce que nous appelons aujourd’hui des dalles, et qu’au moyen des entailles qui les unissoient les unes aux autres, elles devoient produire des couvertures capables d’opposer à la violence des vents la plus forte résistance. En cela devoit également consister l’avantage des tuiles de marbre.

On peut consulter, sur la forme, l’arrangement et le bel effet des tuiles de marbre ; l’ouvrage des Jonian antiquities, où plusieurs édifices, entr’autres celui des Propylées de Mégare, se voient restaurés dans leurs combles, d’après les vestiges et les autorités locales, avec des tuiles de marbre. Cette pratique paroît avoir été fort


répandue en Grèce, et quelques interprètes du passage de Pausanias, sur le comble du temple de Phigalie, dans lequel cet écrivain parle d’un comble en pierre, ont pensé qu’au lieu de traduire par voûte en pierre, il falloit se contenter d’expliquer les mots grecs par ceux de toit couvert en dalles de pierre.

Au reste, plus d’un témoignage dépose du fréquent emploi qu’on fit de ce procédé. Ainsi nous lisons dans l’Histoire romaine, que le vainqueur de Tarente fit enlever de la toiture du temple de Junon, dans cette ville, les tuiles de marbre dont il étoit couvert, et les fit transporter à Rome pour en couvrir le toit du temple de Jupiter Capitolin.

On trouve, chez les écrivains anciens, quelques notions de l’emploi de l’or en tuiles de comble. Il est bien probable que l’on a pris pour de l’or ce qui n’étoit que la dorure ; ce qui toutefois indiqueroit, et cela est beaucoup plus facile à croire, qu’on fit des tuiles en bronze, soit qu’elles aient été des dalles de métal séparées, soit qu’on ait fondu de grandes pièces, auxquelles on donnoit l’apparence de tuilesen recouvrement les unes sur les autres.

Il ne faut pas, au reste, regarder ce luxe des Anciens, relativement aux toitures de leurs édifices, et surtout de leurs temples, de la manière dont on pourroit le considérer dans son rapport avec les usages modernes, et les formes ou les dimensions de nos églises. Jamais les temples les plus vastes de l’antiquité n’arrivèrent à la hauteur que des sujétions particulières ont fait donner aux temples du christianisme. Il résulte de cette seule différence que les toitures du plus grand nombre de ces derniers sont portées et arrivent à une telle élévation, que l’aspect de leurs couvertures est ordinairement hors de la portée de la vue. Au contraire, les pentes des combles répondant toujours à celles des frontons, dans les temples anciens, leurs superficies ne pouvant excéder la hauteur de l’ordre avec son entablement, étoient toujours sous les yeux des spectateurs, et comme, ainsi qu’on l’a fait observer plus d’une fois, les usages religieux avoient dû engager l’architecture à mettre en dehors le plus grand luxe des temples, il fut naturel, on diroit presque nécessaire, de faire participer à ce luxe les combles et les toitures extérieures.

Au reste, la richesse des matières placées ainsi au-dehors des grands édifices, et dans les sommités de leurs combles, n’est pas même une chose tout-à-fait étrangère aux usages modernes. Sans parler des couvertures métalliques de certaines églises gothiques, et en particulier de celle de Saint-Denis, qu’on prétend avoir été autrefois d’argent, nous voyons encore certaines couvertures circulaires de coupoles recevoir des ornemens dorés et les agrémens des couleurs. Cela tient sans doute à la raison que, devenues visibles de toutes parts et frappant tous les yeux par leur position surhaussée, ces sommités de combles sphériques, appellent les recherches de la décoration, et excluent l’effet pauvre et monotone d’une couverture produite par une matière vulgaire.

Dans le Midi, surtout en Italie et à Naples, nous voyons beaucoup de coupoles, et encore d’autres toitures, recouvertes de tuiles vernissées et enduites de différentes couleurs, usage familier à certains peuples de l’Asie, et dont il paroît que l’exemple fut imité par les Grecs à Babylone, dans la formation et la décoration de l’Armamaxe ou de la chambre voûtée qui, placée sur un chariot, servit à transporter le corps d’Alexandre-le-Grand en Egypte. Diodore de Sicile, dans la description de ce rare ouvrage de l’art, nous apprend que la voûte circulaire de cette chambre sépulcrale avoit son extrados, ou comble extérieur, couvert, en place de tuiles, par des pierres précieuses, probablement de chalcédoines, ou de lapis lazuli, dont on fait l’outremer, et autres qui peuvent être encore taillées en morceaux assez étendus pour cet emploi. Mais on doit regarder le petit monument dont nous parlons, comme un ouvrage d’orfévrerie autant que d’architecture, et auquel on put appliquer un précieux d’objets et d’ornemens, qui ne sauroit convenir aux édifices de quelqu’étendue.

pour revenir aux tuiles ordinaires, en terre cuite, telles qu’on les emploie dans la plupart des pays, et à la couverture du plus grand nombre des bâtisses, nous dirons, en renvoyant pour le reste des notions techniques au mot BRIQUE, que, pour être de bonne qualité et durable, la tuile doit être faite d’une argile grasse et où il n’entre pas trop de sable. Cuite, elle ne doit être, en France, ni trop rouge ni trop blanche. Du reste, cette couleur dépend particulièrement en chaque pays, de la nature même de l’argile et de sa couleur. On juge que la tuile est bien cuite, lorsqu’en la frappant elle rend un son clair.

On dit :

TUILE A CROCHET ou PLATE. C’est celle qui est de forme rectangle, ayant ordinairement dix pouces et demi de long, sur six pouces et un quart de large, et qui a un crochet au milieu de la largeur d’une de ses extrémités. Il y en a de deux mesures ; celle qu’on vient de décrire s’appelle petit moule. On donne le nom de grand moule à celle qui a treize pouces de long sur huit pouces et demi de large.

TUILE FAÎTIÈRE. On donne ce nom à la tuile creuse d’un côté et bombée de l’autre, dont on se sert pour couvrir le faîte d’un comble ; elle doit avoir treize pouces de long. On use encore


de semblables tuiles à Rome surtout, et depuis quelque temps à Paris, en les plaçant sur les rangées de tuiles plates, de manière à ne recouvrir que leur rebord saillant, et à laisser à découvert toute l’étendue de leur superficie. Quelquefois aussi on use de ces tuiles creuses dans deux sens contraires, celle de dessous placée sur son côté convexe, et celle de dessus s’emboîtant sur deux de ces tuiles par son côté concave.

TUILE FLAMANDE. Tuile crense qui, vue de profil, ou posée de champ, offre dans son rebord la figure d’un S.

TUILE GIRONNÉE. Tuile plus large en bas du pureau qu’en haut vers son crochet. On s’en sert pour couvrir les chapiteaux en pointe de certaines tours rondes ou des colombiers. On la nomme aussi giron.

TUILE DE GUIENNE. Tuile creuse dont le profil est en demi-canal. On en fait usage dans quelques parties de la France.

TUILE HACHÉE. Tuile qu’on échancre avec la hachette, pour les arétiers, les noues et les fourchettes.

TUILE VERNISSÉE. On appelle ainsi une tuile plombée qui sert à faire des compartimens sur les couvertures.

TUILEAU, EAUX, s. m. On donne ce nom à des morceaux de tuiles cassées que l’on mélange et qu’on broie avec de la chaux. Ce mortier sert à plus d’un usage dans la bâtisse, pour sceller des cordeaux, des gonds, et autres pièces de fer. On l’emploie en liaison dans les pavages des cours. Les tuileaux qui servent à ces emplois doivent être concassés et pilés en fort petits morceaux. En plus gros fragmens, les tuileaux servent à faire les voûtes de four, les contre-cœurs des âtres de cheminées.

TUILERIE, s. f. C’est le nom qu’on donne à un grand bâtiment qui est accompagné de fours et de hangars où l’on fait la tuile.

Les hangars, qu’on appelle aussi hâles, sont des endroits couverts, et percés de tous côtés par plusieurs embrasures, au travers desquelles l’air et le vent passent, pour donner ce qu’on appelle du hâle. On use de ce procédé pour faire sécher à l’ombre la tuile, la brique, le carreau, avant de les mettre au four. Il faut, en effet, se garder d’exposer ces objets encore frais aux rayons du soleil, qui les gerceroit et les feroit gauchir.

On donne aussi à la tuilerie le nom de briqueterie.

Le nom de tuilerie est devenu célèbre par le château que Catherine de Médicis fit commencer à Ducerceau, et qui ne fut fini que long-temps après, château qui, augmenté depuis, modifie et embelli, sous différens règnes, dans son ensemble, ses accessoires, et surtout ses jardins, est devenu, par l’habitation des rois de France, un des plu grands palais et des plus renommés de l’Europe.

Son nom de Tuileries, an pluriel, lui est venu de ce quele terrain, alors situé en dehors de Paris, où Catherine de Médicis voulut établir son palais, renfermoit plusienrs fabriques de tuiles. C’est ce même terrain qui est devenu depuis le jardin qu’on appelle aussi du nom de Tuileries.

Ce fut très-probablement d’un précédent semblable, qu’un des plus beaux quartiers d’Athènes, le Céramique, avoit emprunté son nom. Pausanias dit qu’il l’avoit tiré de Céramus, fils de Bacchus et d’Ariadne. Pline prétend que ce lieu fut nommé Céramique, parce que Chalcosthène, artiste, et Plasticien, célèbre par ses statues et ses ouvrages en terre, avoit eu son atelier en cet endroit. Ceci paroît plus voisin de la vraisemblance. Le mot Ceranios, en grec, signifiant terre cuite et tuile, pourquoi Athènes, en s’étendant, n’auroit-elle pas agrandi son enceinte, aux dépens d’un terrain qui auroit contenu des fabriques de tuiles et d’autres objets, jadis si communs dans tous les édifices, et qui étoient du ressort de la plastique ? On sait, en effet, combien d’ornemens, de frises et de bas-reliefs en terre cuite furent appliqués à l’architecture, lorsque le bois et la brique formoient la principale construction des temples.

Tuilier, s. m. On appelle of this nom Celui Qui fabrique de la tuile.

TUMULUS. Ce mot est formé du verbe tumeo, qui signifie être enflé, gonflé. Il signifie de même une enflure, un gonflement de la terre. C’est dans ce sens que l’on a nommé tumulus une éminence naturelle de terre, comme un tertre, un lieu élevé. Ainsi a-t-on, par analogie, nommé, dans le même sens, l’éminence factice, produite par l’inhumation d’un corps. Cette sorte de protubérance momentanée, qui devenoit le signe d’une sépulture, a dû naturellement être augmentée ou amplifiée, par le simple desir de rendre plus durable le souvenir de l’homme, dont les restes avoient été confiés à la terre. L’usage ayant perpétué et consacré ce signe commémoratif, non-seulement on s’étudia à rendre de plus en plus considérables, ces éminences factices, mais on profita des buttes naturelles, qu’on creusa, qu’on perfora, pour y déposer les corps des hommes, dont on voulut honorer la mémoire. Ce fut ainsi, et par suite de ces accroissemens, que le mot tumulus en vint à signifier, un lieu de sépulture, un tombeau.


Aux mots PYRMIDE et TOMBEAU, nous avons déjà fait voir comment les plus vastes constructions sépulcrales avoient été des imitations successives, et, si l’on peut dire, des dérivés du tumulus primitif. Nous croyons même avoir rendu très-vraisemblable, pour ne pas dire certain, que les pyramides d’Egypte (voyez PYRAMIDE) n’étoient autre chose que des buttes, ou, si l’on veut, des tumulus, à la fois naturels et artificiels, c’est-à-dire, amplifiés par de nouveaux amas de terre, et devenus le noyau de la maçonnerie et des constructions en pierre qui en formèrent le revêtissement solide.

Il est reconnu maintenant, que ce genre de tombeaux ou de sépultures fut infiniment plus multiplié et plus répandu, qu’on ne pourroit le dire, non-seulement dans la Grèce et dans les pays qui formoient le Monde antique, mais dans toutes les régions habitées de la Terre. Il est même prouvé qu’on a souvent interprété, dans un sens tout-à-fait opposé à la vérité, un grand nombre de buttes et d’élévations qu’on découvre partout. Ainsi, Spon et Wheler avoient pris pour des forteresses destinées à défendre les approches de Pergame, deux masses coniques d’un énorme volume, évidemment élevées à main d’hommes. Cette idée n’étoit nullement vraisemblable ; mais leur erreur est démontrée, depuis qu’on a bien reconnu le genre de sépultures désignées par le nom de tumulus, dont il se trouve un si grand nombre en Grèce et en Italie.

Rien, au reste, n’est plus uniforme dans tous les pays que ce genre de monumens. Effectivement, il ne sauroit en exister qui offrent les caractères d’une plus parfaite ressemblance, tant l’art ici se confond avec la nature. Aussi rien de plus inutile que de rechercher la trace des imitations que tel peuple auroit empruntées à tel autre. On trouve les tumulus très-multipliés dans le nord de l’Europe, ainsi que dans toutes les contrées occupées, on successivement envahies par les nations scythes. Il en existe en Amérique, et des voyageurs disent en avoir trouvé jusqu’à l’extrémité de l’Afrique.

M. Pallas, qui a parcouru les pays immenses d’où sortirent, à diverses époques, des nations entières, pour se répandre sur l’Europe et sur l’Asie, a vu partout des tumulus pareils à ceux qu’on rencontre dans la Grèce. Sur les bords des grands fleuves qui traversent ou séparent les provinces tartares, ce savant voyageur trouve des monticules toujours coniques et plus ou moins élevés, souvent réunis en grand nombre sur un même terrain, et dans quelques endroits, recevant encore les hommages de ces peuples, restés fidèles aux opinions et aux usages de leurs ancêtres.

Vers le Midi, les plaines voisines du Pont-Euxin et de la mer Caspienne, ainsi que toute la Chersonèse taurique, offrent un grand nombre de tumulus. On en trouve sur les bords du Dniester, et sur ceux du Danube près de Constantinople. Il est fort probable que les voyageurs, dont l’attention sera éveillée par tous ces faits, découvriront de ces sortes de sépultures sur les côtes de la Thrace, dans le Péloponèse, et surtout dans l’Asie-Mineure, où elles doivent être encore plus multipliées.

Déjà, depuis plusieurs années, quelques personnes instruites ont profité de leur séjour à Smyrne, et dans les environs de Sardes, pour rechercher les monumens de cette espèce, désignés par Hérodote et Pausanias, et que leur volume avoit dû défendre coutre la destruction. Plusieurs, en effet, se retrouvent encore aux lieux où ces auteurs les placent. Il paroît assez vraisemblable que c’est le monument de Tantale qu’on voit aux environs de Smyrne, vers le mont Sipylus.

Ce grand tumulus étoit, comme on le dira plus bas, assis sur un soubassement formé de grosses pierres. Il a, dit M. Cousinery, de qui on tient ces détails, deux cents pas de diamètre, et il est couvert de très-vieux oliviers et d’arbres fruitiers. Le propriétaire du terrain le fit ouvrir pour enlever les pierres du soubassement, et s’en servit à construire une métairie ; mais quoi-qu’elle fût assez considérable, on n’employa pas la trentième partie des pierres qui forment cette base immense, coupée par plusieurs galeries, et contenant un grand nombre de chambres. Au centre, on trouva les débris d’un bûcher placé sur le sol naturel.

On a découvert on autre tumulus à trois lieues de Smyrne, sur le chemin de Colophon ; mais c’est surtout dans les environs de Sardes qu’on rencontre un nombre prodigieux de ces monumens. On en remarque sur toutes les avenues qui y conduisent. A une lieue et demie au nord-est de la ville, au-delà de l’Hermus, s’élève une montagne dont la surface est couverte de ces monticules factices, et qu’on appelle les mille tombeaux. Cet emplacement, selon Chandler, étoit consacré aux sépultures des rois de Lydie, et des habitans les plus distingués. L’on reconnoît encore facilement le tombeau d’Alyates, père de Crésus ; il est beaucoup plus grand que tous les autres, et offre les mêmes dimensions qui lui sont données par Hérodote. Nous parlerons plus bas de ce célèbre tumulus, désigné par les mots grecs qui signifient monceau de terre.

Il y a très-peu de villes de l’Asie-Mineure qui ne conservent ainsi quelques sépultures de leurs fondateurs et de leurs anciens souverains. Il étoit de la nature de ces monumens, sans art et la plupart sans luxe, de résister à tous les agens destructeurs, beaucoup plus que n’ont pu le faire les plus somptneux ouvrages de l’architecture, dont la richesse a provoqué leur ruine, et


qui ont presque tous disparu des lieux qu’ils occupèrent avec tant d’éclat.

Les plus anciennes de ces sépultures sont aussi les plus simples. Ce sont des cônes de terre élevés avec assez d’art, sur la place même qu’avoit occupée le bûcher où le mort fut consumé, et qui contiennent ses restes. Tels sont les tumulus qu’on retrouve sur le rivage de l’Hellespont, et auxquels, comme on le dira, sont attachés des noms célèbres. Tels sont encore la plupart de ceux qui ont été déjà reconnus dans la Thrace et dans le Péloponèse. Mais il paroît que les grands et les riches, tout en conservant dans leurs sépultures la coutume ancienne et la forme primitive, y avoient ajouté des constructions dispendieuses. Elles consistèrent dans de grands soubassemens solidement construits en pierre, et aussi dans une voûte pratiquée sous l’amas de terre, avec des conduits souterrains. On citera aussi quelques exemples de plantations qui ornèrent les pentes de la montagne.

Aux environs de Pergame, on voit des tombeaux ainsi creusés et voûtés dans leur masse inférieure. Il y en a un entouré d’un profond et large fossé, destiné sans doute à en interdire l’approche. Sa masse se divise en deux sommets bien distincts : particularité dont on ne connoît pas d’autre exemple, mais qui paroît devoir indiquer que le double tumulus appartient à deux morts, et que leurs cendres furent placées dans deux caveaux séparés.

Un autre, tout voisin de ce dernier, n’a qu’un sommet. La masse de terre pyramidale qui en fait le corps, s’élève sur un mur circulaire d’environ quinze pieds de haut, et qui paroît avoir été revêtu de marbre. Ce soubassement a une porte donnant entrée dans une galerie qu’unes autre galerie coupe à angle droit. Au centre étoit une voûte dont la clef s’est affaissée. A chaque extrémité des galeries sont de petites salles carrées, où probablement avoient été placés les restes des personnages pour lesquels le monument fut élevé. Pausanias nous apprend, l. 8, ch. 4, qu’on montroit encore de son temps à Pergame, sur le Caicus, la sépulture d’Augé. C’est, dit-il, un tombeau de terre avec une base circulaire en pierre. Il y a sur ce monument une figure de femme nue faite en bronze.

Depuis long-temps, plus d’un voyageur avoit reconnu, au pied du cap Sigée, deux monticules ou masses coniques, évidemment formées de terres amoncelées, et en tout semblables à ceux dont on vient de parler. Le plus rapproché du cap est le plus considérable et le plus élevé. On le prit d’abord pour le tombeau d’Achille, et on lui en donna le nom ; mais M. de Choiseul l’ayant fait ouvrir, et ayant percé jusqu’à son centre, il fallut se désabuser, par l’inspection des objets qu’on y trouva renfermés, et dont aucun ne pouvoit se supposer avoir dû accompagner les funérailles et les restes d’un guerrier tel qu’Achille. On a conjecturé que ç’aurait pu être le tombeau de Festus, le favori de Caracalla, qu’Hérodien nous apprend avoir été inhumé en cet endroit.

Un peu plus loin, à 220 toises de distance, est un autre tumulus, ou monticule de la même forme, mais moins haut, et dont le sommet semble s’être abaissé par l’action des pluies, et le laps du temps. On regarde comme probable que c’est là le monument, le σημα, élevé sur l’emplacement du bûcher de Patrocle, et qui ne devoit pas être loin de la sépulture d’Achille, dont on a cru retrouver quelqu’indice, ainsi que du temple qui l’accompagnoit.

Du reste, il ne manque, pour vérifier beaucoup de notions antiques de ce genre, que le temps et les moyens qu’ont rarement les voyageurs, de faire des fouilles sur tout ce terrain, rempli de buttes qui auront pu être des sépultures. « Le temple et le tombeau d’Achille (dit strabon) sont près du promontoire Sigée ; on y voit aussi les monumens de Patrocle et d’Anti-loque. Les habitans d’Ilium honorent d’un culte religieux tous ces héros, ainsi qu’Ajax. »

Beaucoup d’indications et de renseignemens, puisés dans le texte même d’Homère, ont porté M. de Choiseul-Gouffier à reconnoître, malgré sa haute antiquité, le grand Séma, comme l’appelle le poëte, ou le tumulus, sépulture d’Ilus, fils de Dardanus. C’est une chose remarquable qu’encore aujourd’hui les habitans, ou Grecs modernes, lui donnent le même nom. Beaucoup d’autres monumens, du même genre, et de différentes grandeurs, n’attendent que de nouvelles recherches pour multiplier les découvertes qui resteront encore long-temps à faire en ce genre.

Ce qui sans doute s’est opposé, et s’opposera long-temps dans tous les pays de l’antiquité, à ces découvertes, c’est l’entière similitude de ces monumens funéraires avec les buttes naturelles, les collines, et les nombreuses élévations qu’on rencontre presque partout. Autrefois, il n’en étoit pas ainsi. Nous avons déjà vu que des constructions plus ou moins considérables étoient établies au pied des tumulus, et en faisoient le soubassement. Or, cet usage nous est également révélé par Pausanias, à l’égard des tumulus, dans la Grèce proprement dite, qui, sur ce point, usa du même genre de sépultures. Nous n’en citerons pour exemple que le tombeau de Phocas, décrit par l’écrivain que l’on vient de nommer, liv II, chap. 29. C’est, dit-il, un amas de terre, χωμα, et il est environné d’un soubassement circulaire appelé crepis en grec. On ne pouvoit donc point se méprendre à ces buttes artificielles, lorsqu’on les trouvoit ainsi remparées.

Mais il est tout aussi indubitable que le sommet de ces monticules factices, étoit surmonté


d’un monument quelconque, soit sculpture, soit architecture, portant, ou des inscriptions, ou des symboles allégoriques, ou les signes mêmes de la profession du mort, comme trophées, statues, armures, bas-reliefs, etc. Ainsi, sur le tumulus de Misène Enée suspend et attache des rames indicatives de la profession de son pilote.

Il paroît que l’objet le plus ordinaire, auroit été une colonne à laquelle on auroit facilement groupé les objets dont nous parlons. Homère nous dit que Pâris, lorsqu’il décocha la flèche dont il perça le pied de Diomède, étoit monté au haut du monument d’Ilus, et s’appuyoit contre la colonne placée à son sommet.

Pline, liv. VIII, chap. 64, nous apprend qu’à Agrigente, on voyoit plus d’un tumulus élevé à des chevaux, qui probablement reçurent cet honneur, pour les victoires qu’ils avoient sait remporter à leurs maîtres, dans les jeux da Stade. Agrigenti complurium equorum tumuli pyramides habent. Or, ces tumuli, buttes ou amas de terre, ne pouvoient avoir de ces pyramides qu’à leur sommet. Mais que faut-il entendre ici par le mot pyramides ? On est habitué à se figurer, dans l’usage du langage, la pyramide sous la forme des grandes masses de construction, qui se sont conservées en Egypte. On sent, toutefois, combien peu cette idée est admissible ici. Cependant, comme la forme pyramidale, et le mot qui la désigne, s’appliquent à d’autres corps qui se terminent en pointe, tels que les obélisques, les stèles, nous croirons que, sur ces tumulus élevés à des chevaux, on avoit simplement placé certaines meta ou bornes, telles qu’on les voit dans les cirques, et qui aussi, se terminant en pointe, affectent la forme pyramidale.

Il est moins question ici de déterminer les variétés d’objets, qu’on imposoit sur les sommités des tumulus, et les diversités du sens des mots qui les expriment, que de constater l’usage de terminer ces monticules par quelqu’objet apparent, soit stèle, colonne, cippe ; soit statue, obélisque, pyramide, pierre debout, etc. Aux témoignages déjà cités, nous allons ajouter les notions de deux des plus grandstumulus, qui, probablement, aient été élevés dans l’antiquité, savoir, le tombeau d’Alyates, père de Crésus, en Lydie, et le Mausolée d’Auguste, à Rome.

« On voit en Lydie (voyez Hérodote, liv. I, chap. 93) un ouvrage bien supérieur à ceux qu’on admire ailleurs ; j’en excepte les monumens des Egyptiens et des Babyloniens. C’est le tombeau d’Alyates, père de Crésus. . . . . Son soubassement est de grandes pierres, le reste du monument consiste en levée de terre. . . . . De mon temps subsistoient encore, au sommet, cinq ouroi, où on lisoit des inscriptions portant que, etc. . . . . Le soubassement du monument a six stades deux plèthres de circuit, sa largeur est de treize plèthres. » C’est-à-dire, selon le traducteur, M. Larcher, cinq cent quatre-vingt-dix-huit toises deux pieds dix pouces de tour. Ainsi, dit-il, les deux petits côtés devoient être chacun de quatre-vingt-quatorze toises trois pieds huit pouces.

Le plan de ce soubassement, d’après ces mesures, est facile à connoître : c’étoit un carré ayant deux côtés, doubles en longueur des deux autres, et c’étoit sur ce quadrangle parallélogramme, bâti en grandes pierres, qui servoit de soubassement (crépis) au véritable monument, que s’élevoit ce dernie. Rien de plus simple à imaginer.

On ne sauroit nier qu’un tel soubassement, construit en pierres, n’ait été un ouvrage d’une assez notable dépense. Mais enfin, ici, comme dans toutes les autres constructions, le soubassement n’a jamais pu être regardé comme une merveille, et l’on ne sauroit s’expliquer ce qui auroit pu motiver l’admiration d’Hérodote, si tout le reste n’avoit consisté qu’en une simple levée de terre. Hérodote, cependant, ne parle que d’une montagne ou d’un monceau de terre, χωμα γηε. J’ai dit montagne ou monceau ; ce put être, en effet, une élévation naturelle, comme cela cut certainement lieu dans beaucoup de tumulus. Ce put être aussi une butte artificielle, et, si l’on veut, tout à la fois l’un et l’autre, c’est-à-dire, une hauteur naturelle, surchargée de terre et ainsi exhaussée par l’art. Mais quelque hypothèse qu’on adopte, reste encore à chercher ce qu’il y avoit là, qui eût mérité d’être vanté comme un immense ouvrage, εργον πολλον μειιστον, à moins de supposer, ce que le commencement de la description rend inadmissible, que l’écrivain n’auroit entendu parler que de la grandeur linéaire, chose assurément bien peu remarquable dans une butte de terre.

Disons donc que le monument d’Alyates dut être quelque chose de plus, que ce qu’indiquent au sens simple, les mots χωμα γης. Aussi, M. de Caylus a-il avancé que par le mot γης, terre, il falloit entendre non pas simplement de la terre, mais de la terre cuite, autrement dit, une construction en briques. Nous ne croyons pas qu’on puisse se permettre une telle interprétation ; d’abord, parce que l’usage de ces tombeaux, formés d’une simple terre, fut, comme on l’a vu, extrêmement commun. Tel étoit en Grèce le tombeau de Phocus, ταφος χωμα εστι, entouré d’un soubassement, περιεχομενος χνχλω χρηπιδι. Disons ensuite que lorsqu’il s’agit d’édifices bâtis en briques ou en terre cuite, nous voyons que les écrivains grecs ne manquent point de dire οπιης γης.

Il y a, selon nous, une manière de concilier l’idée trop simple qui résulte des mots d’Hérodote, χωμα γης, agger terrœ, avec l’opinion que sa notion, très-abrégée sans doute, force


toutefois de concevoir, c’est-à-dire celle d’une vaste entreprise, qui ne le cédoit qu’aux immenses travaux de l’Egypte et de Babylone.

Nous trouvons ce moyen de conciliation dans un vaste tumulus, qui fut, à Rome, le mausolée d’Auguste. Nous l’appelons tumulus, et, d’après l’idée élémentaire des monumens de ce nom, ou va voir que cette dénomination lui convient parfaitement. D’abord, Strabon, dans courte notice qu’il en a donnée, l’appelle χωμα, agger. Ensuite, des plantations d’arbres toujours verts (probablement des cyprès) s’élevoient, dit-il, jusqu’à son sommet ; ce qui prouve que sa masse étoit formée de terre.

Nous ne croirons pas, en effet, que la magnificence du mausolée d’Auguste, se seroit bornée à être un monticule de terre rapportée sur le bord du Tibre, et dont les pentes auroient en des arbres plantés, ce qui eût ôté au tumulus jusqu’à la forme de monument, et se seroit trouvé bien peu en accord avec la statue colossale, en bronze, de l’empereur au sommet.

Ce qui reste encore aujourd’hui de ce vaste tombeau, et qui se réduit à la partie circulaire de sa périphérie inférieure, nous montre, qu’outre le soubassement de marbre dont parle Strabon, il y avoit d’autres parties de construction. Aussi, d’après l’indication de ces vestiges, et la notion de Strabon, on n’a point hésité à restituer, il y a déjà long-temps, la masse de ce monument d’une manière qui répondît à son importance ; ce qu’on a fait en établissant, dans toute cette élévation, des terre-pleins et des murs de terrasses en amphithéâtre ou en retraite les uns sur les autres. Et c’est alors que l’on conçoit comment des cyprès, plantés par étages sur ces terrasses, ont pu faire un effet théâtral, et conduire l’œil du spectateur, avec beaucoup d’agrément, vers la partie du sommet que couronnoit la statue d’Auguste.

Ainsi, l’idée de terrasses ou de terre-pleins par étages et plantés d’arbres, loin de contredire celle du tumulus primitif, s’y applique tout naturellement. Sans doute, un tel monument pouvoit être appeléχωμα, agger. Cependant, qui ne voit que l’addition des constructions de l’art, faites à cette butte de terre, dut, selon la hauteur et le nombre des périphéries, faire de cette masse un ensemble des plus dispendieux ?

Ne seroit-il pas permis maintenant de supposer, à l’égard du tumulus d’Alyates, et pour justifier la grande admiration d’Hérodote, que ce monument, qui, selon l’écrivain grec, ne le cédoit qu’aux entreprises de l’Egypte et de Babylone, au lieu de n’être qu’une simple butte de terre naturelle ou rapportée, auroit pu aussi, sans cesser d’être et de pouvoir être appelée agger terrœ, présenter un composé de terrasses circulant par étages, soit horizontaux, soit en spirale, solidement construits, et s’élevant à une hauteur, que les mesures données de son soubassement, permettroient de porter à quatre ou cinq cents pieds ?

Nous avons été conduits à parler de ces deux immenses tumulus, particulièrement à l’occasion des objets que l’usage imposoit à leur sommet pour en faire le couronnement. Ainsi, comme nous le montre le tumulus d’Auguste, on pouvoit placer des statues à leur cime. Celui d’Alyates nous présente, comme faisant le couronnement de sa masse, cinq corps que le mot grec οροι ou ουροι semble nous désigner comme des corps pyramidaux, de la nature des bornes ou des termes, selon la signification propre du mot. Aussi M. Larcher a-t-il dit, dans sa traduction, cinq termes sont placés au haut du monument. Cependant, le mot terme a, dans notre manière d’entendre ce mot, plus d’une signification qui ne conviendroit guère à la position dont il s’agit. Je préférerois le mot borne, pris dans le sens des meta, qui terminoient et ornoient la spina des cirques. Ces meta, dont le temps a conservé quelques modèles, se rapprochoient davantage, par leur procérité, de la forme des stèles ou des obélisques, témoin celle qui orne les jardins de la ville Albani à Rome, et qui est circulaire, comme toutes celles qu’on voit groupées au nombre de trois ou de cinq, et élevées sur une base commune, dans les représentations des cirques antiques que les monumens nous ont conservées.

C’est d’après cette analogie, et cette ressemblance, soit de position, soit de nombre, et précisément parce que ces oroi du tumulus d’Alyates durent avoir une grande hauteur, que la forme obéliscale m’a paru la plus propre à former les cinq corps, qui lui servirent d’amortissement.

TURCIE, s. f. (terme d’architecture hydraulique). Sur Donne CE nom, Dans la langue des Ponts-et-Chaussées, à juin Espèce de digue sur de levée Qu’on pratique en forme de quai, versez empécher les Inondations D’une rivière Telles are Celles Qu’on un construites, sur les bords de la Loire.

TUSCULUM, ville d’Italie, dans le Latium, au nord de la ville d’Albe, sur une colline, selon Strabon ; ce qui a fait qu’Horace lui a donné le surnom de supernum :

. . . . . . . superni villa candens Tusculi.

On croit ordinairement que Frascati occupe l’emplacement de l’ancien Tusculum. On a voulu reconnoître aussi dans Grotta Ferrata le lieu où auroit été situé le Tusculanum, ou la maison de campagne de Cicéron à Tusculum. Quelques antiquités découvertes à Grotta Ferrata, parmi les-


quelles s’étoient trouvés un trapèze et un hermaphrodite, avec quelques bustes, où, disoit-on, se lisoit le nom de la famille Tullia, accréditèrent d’abord cette opinion. La table sembla devoir être le trapézophore dont parle Cicéron. On confondit l’idée d’hermaphrodite avec celle des Herm-Athènes qu’Atticus lui avoit envoyés de Grèce pour l’ornement de sa bibliothèque. Tout cela fut bientôt convaincu de faux.

La vérité est que l’ancien Tusculum étoit situé sur une hauteur qui domine l’emplacement actuel de Frascati, ce qui, à la vérité, n’empêcheroit pas que quelques-unes des anciennes maisons de campagne des Romains, n’aient occupé quelques-uns des emplacemens de Frascati. Au reste, ce dernier site, où se trouvent réunies aujourd’hui les plus belles maisons des Romains modernes, n’a presque, dans aucune ruine, un seul reste d’antiquité digne d’être cité.

On croit que quelques débris, qui existent au Quarto di Borghetto, ont pu appartenir au Tusculanum de Scaurus, beau-fils de Sylla.

On assigne, comme caractères du Tusculanum de Gabinius, premièrement d’avoir été voisin de celui de Cicéron ; secondement d’avoir été bâti au haut d’une montagne élevée sur une autre, ce qui convient justement à un certain emplacement entre la Rufinella et le Tusculo, emplacement qui a de nombreux terre-pleins. C’est bien là que dut être placée une grande construction.

Il est permis de mettre au nombre des situations qui se laissent encore reconnoître, comme ayant pu être celles d’une grande maison de campagne, celle de la villa de Mécène aux Grottoni d’Amadei, d’après l’application naturelle qu’on peut leur faire, de la grandeur et du point de vue que la phrase d’Horace fait supposer.

Les ruines imposantes qui sont à la droite de Frascati, sous Mont Dragone, et à sa gauche près la villa Conti, reçoivent, sans aucune autorité, les noms de maisons de campagne de Pollion & de Varron.

Tout ce qu’on peut dire, c’est que Frascati doit avoir succédé à l’emplacement occupé par un grand nombre de riches maisons de campagne dépendantes de Tusculum, et que des fouilles habilement dirigées sur plus d’un endroit de la ville moderne, feroient très-probablement découvrir de nouvelles richesses d’antiquité, ou de précieux renseignemens, aux antiquaires qui cherchent à retrouver des traces de la magnificence de l’antique Rome.

TUYAU, s. m. Nom général qu’on donne, dans une infinité de travaux, d’ouvrages et d’emplois divers, à toute espèce de conduit, le plus souvent en forme de tube, qui sert, soit à l’écoulement, soit à l’évaporation, soit à la transmission des liquides, et, dans beaucoup d’instrumens, à la conduite et à la propagation des sons. En un mot, il y a tant d’emplois de l’objet appelé tuyau, qu’on ne sauroit se flatter de les énumérer tous. Au reste, nous en restreindrons les notions, et en les abrégeant beaucoup, à ce qui regarde l’architecture, et particulièrement la construction.

Dans cet ordre de choses, ce qu’on appelle tuyau est un conduit qu’on fait le plus souvent rond, mais souvent aussi quadrangulaire, quand il est engagé dans la construction, et qui sert à la descente des eaux s’il est placé en hauteur, et s’il est horizontal à leur transmission, par tous les moyens qui dépendent de l’hydraulique. Il se fait aussi des tuyaux pour l’évaporation de l’air et de la fumée, pour la circulation de la chaleur, et, si l’on veut, de l’air froid, etc., etc

Les tuyaux se font en beaucoup de matières, selon la diversité de leurs emplois. On en voit dans les thermes antiques, pour l’écoulement des eaux pluviales, qui furent bâtis avec le monument, et formés, tantôt de grandes briques quadrangulaires, maçonnées avec les murs, tantôt composés de tuyaux de terre arrondis.

On appelle aujourd’hui ces conduits tuyaux de descente, et on les fait, soit en plomb, soit en ferblanc, soit en fonte, pour servir dans toutes les maisons de Paris à la décharge des eaux du toit. On a ainsi depuis peu d’années remplacé par de semblables tuyaux les gouttières, qui, saillant hors des toits et de leurs égouts, versoient en temps de pluie des torrens d’eau, et occasionnoient beaucoup d’inconvéniens.

On pratique aussi quelquefois les tuyaux de descente en terre cuite, mais ils sont sujets à être cassés s’ils sont à découvert, et à se fendre dans l’hiver par la congélation des eaux.

On fait des tuyaux en bois d’aune ou de chêne, que l’on perce avec des tarières de différentes grosseurs ; on les emboîte les uns avec les autres, et l’on en use particulièrement à Paris pour les conduites d’eau souterraines.

Les tuyaux de cuivre servent surtout pour les corps de pompe, à élever les eaux. On les courbe aux endroits où il y a des robinets ou des regards.

Chaque genre de tuyaux consistant, selon ses emplois, en une réunion plus ou moins nombreuse de morceaux plus ou moins longs, l’art d’opérer cette réunion dépend de la nature différente de chacune des matières employées à leur confection.

Les tuyaux de fer ont à chaque extrémité trois ou quatre oreilles percées, par lesquelles on les joint, en moyen d’autant de vis, avec leurs écrous, en mettant entre les deux tuyaux qu’on veut réunir un morceau de cuir ou de feutre.

Les tuyaux de terre s’emboîtent par leurs extrémités les uns aux autres ; le bout le plus étroit de l’un entrant dans celui de l’autre qui est tenu


plus large. On garnit la jonction de mastic et de poix, avec de la filasse et de l’étoupe.

Les tuyaux de bois s’emboîtent également les uns aux autres, moyennant la précaution d’amenuiser en pointe, le bout de celui qui doit entrer dans l’orifice de l’autre.

Les tuyaux de plomb se réunissent à volonté les uns aux autres, au moyen de la soudure.

Les tuyaux de cuivre peuvent s’assembler par soudure comme ceux de plomb, ou de la manière décrite pour les tuyaux de fer.

C’est pour la conduite de la fumée que l’on fait peut-être le plus d’emplois des tuyaux, surtout à l’égard des poëles, auxquels on ajuste à volonté des tuyaux qui s’emboîtent diversement, selon qu’ils sont de terre recouverte en faïence, de cuivre, ou de tôle.

Les tuyaux de cheminée sont, dans la construction des maisons d’habitation et de location, un objet de haute importance. Nous renvoyons, sur cet objet, le lecteur à l’article CHEMINÉE.

On appelle tuyau de cheminée apparent celui qui saille hors du mur ; tuyau de cheminée dans œuvre, celui qui est pratiqué dans l’épaisseur d’un mur ; tuyau de cheminée adossé, celui qui est doublé au-devant d’un autre tuyau ; tuyau de cheminée dévoyé, celui qui ne monte pas aplomb, et que l’on fait passer à côté d’un autre.

TYMPAN. Voyez TIMPAN.

TYPE, s. m. Vient du mot grec τυπος, mot qui exprime, par une acception fort générale, et dès-lors applicable à beaucoup de nuances ou de variétés de la même idée, ce qu’on entend par modèle, matrice, empreinte, moule, figure en relief ou en bas-relief.

Il n’est pas douteux que les ecrivains grecs n’aient exprimé souvent par les mots επι τυπων, ce que nous entendons par bas-reliefs plus ou moins saillans.

C’est dans ses composés que le mot τυπος exprime certaines diversités des travaux de la sculpture. Ainsi, le mot entupos doit avoir exprimé l’idée d’un travail en creux, appliqué, à des figures, soit comme dans les ouvrages moulés ou coulés, soit poussées en terre dans un creux, soit formées par un moule, en bronze ou en plâtre. Il a pu se réduire aussi à exprimer les figures gravées en creux sur pierres fines pour cachets, etc. Le mot ectypos semble désigner l’ouvrage comme produit par un moule en creux d’où l’on extrait l’exemplaire qui s’y est imprimé. Le mot prostypos signifie d’une manière sensible l’ouvrage qui se détache en relief sur un fond plan, et ce qu’on appelle relevé en bosse. Mais beaucoup de diversités ayant dû s’introduire dans l’emploi de ces mots, par le fait de l’ignorance où le plus grand nombre des hommes dut être jadis, comme il l’est aujourd’hui, des caractères particuliers à chaque sorte d’ouvrages, nous ne dirions pas que nonobstant la composition des mots, plus d’un écrivain n’ait pu employer l’un pour l’autre, surtout dans des descriptions souvent faites d’aprês d’autres descriptions.

Du reste, on peut affirmer que partout où Pausanias a employél le mot tupos, dans les ouvrages de la sculpture, soit qu’il en indique la matière, comme lorsqu’il dit que l’ouvrage est en marbre blanc, soit lorsqu’il l’emploie à des ouvrages de sculpture sur métaux, toujours il exprime par cette dénomination des ouvrages que nous appelons bas-reliefs.

L’emploi du mot type en français est moins souvent technique et plus souvent métaphorique. Ce n’est pas qu’on ne l’applique à quelques arts mécaniques, témoin le mot typographie. On en use aussi comme d’un mot synonyme de modèle, quoiqu’il y ait entr’eux une différence assez facile à comprendre. Le mot type présente moins l’image d’une chose à copier ou à imiter complètement, que l’idée d’un élément qui doit lui-même servir de règle au modèle. Ainsi on ne dira point (ou du moins auroit-on tort de le dire) qu’une statue, qu’une composition d’un tableau terminé et rendu, a servi de type à la copie qu’on en a faite. Mais qu’un fragment, qu’une esquisse, que la pensée d’un maître, qu’une description plus ou moins vague, aient donné naissance, dans l’imagination d’un artiste, à un ouvrage, on dira que le type lui en a été fourni dans telle on telle idée, par tel ou tel motif, telle ou telle intention. Le modèle, entendu dans l’exécution pratique de l’art, est un objet qu’on doit répéter tel qu’il est. Letype est, au contraire, un objet d’après lequel chacun peut concevoir des ouvrages qui ne se ressembleroient pas entr’eux. Tout est précis et donné dans le modèle, tout est plus ou moins vague dans letype. Aussi voyons-nous que l’imitation des types n’a rien que le sentiment et l’esprit ne puisse reconnoître, et rien qui ne puisse être contesté par la prévention et l’ignorance.

C’est ce qui est arrivé, par exemple, à l’architecture.

En tout pays l’art de bâtir régulier, est né d’un germe préexistant. Il faut un antécédant à tout. Rien, en aucun genre, ne vient de rien, et cela ne peut pas ne point s’appliquer à toutes les inventions des hommes. Aussi voyons-nous que toutes, en dépit des changemens postérieurs, ont conservé toujours visible, toujours sensible au sentiment et à la raison, ce principe élémentaire, qui est comme une sorte de noyau autour duquel se sont agrégés, et auquel se sont coordonnés, par la suite, les développemens et les variations de formes dont l’objet étoit susceptible. Ainsi, nous sont parvenues mille choses, en tout genre, et une des principales occupa-


tions de la science et de la philosophie, pour en saisir les raisons, est d’en rechercher l’origine et la cause primitive. Voilà ce qu’il faut appeler type en architecture, comme dans toute autre partie des inventions et des institutions humaines.

Il y a pour remonter au principe originaire, et au type de la formation de l’architecture, en divers pays, plus d’une route qui y conduit. Les principales seront dans la nature de chaque région, dans les notions historiques, et dans les monumens mêmes de l’art développé. Ainsi lorsqu’on remonte à l’origine des sociétés qui ont un commencement de civilisation, on voit l’art de bâtir naître de causes, et avec des moyens assez uniformes partout. La pierre taillée ne dut point constituer les premières bâtisses, et nous voyons partout, sauf en Egypte et dans l’Inde, le bois se prêter avec bien plus de propriétés, aux besoins peu dispendieux d’hommes, ou de familles réunies sous le même toit. La moindre connoissance des relations des voyageurs dans les contrées peuplées de sauvages, rend ce fait incontestable. Ainsi tel genre de combinaison dont l’emploi du bois est susceptible, une fois adopté dans chaque pays, y devint selon le besoin des constructions, un type qui, perpétué par l’usage, perfectionné par le goût, accrédité par un emploi immémorial, dut passer dans les entreprises en pierre. C’est là cet antécédent que nous avons, en plusieurs articles de ce Dictionnaire, donné comme letype de plus d’un genre d’architecture, comme le principe sur lequel se modela, par la suite, un art perfectionné dans ses règles et dans ses pratiques.

Cependant cette théorie qui s’appuie sur la nature des choses, sur les notions historiques, sur les opinions les plus anciennes, sur les faits les plus constans, et sur les témoignages évidens de chaque architecture, a souvent contre soi deux genres d’adversaires.

Il y a ceux qui, parce que l’architecture ne sauroit être, ni donner l’image d’aucune des créations de la nature physique ou matérielle, ne conçoivent d’autre genre d’imitation, que celle qui se rapporte aux objets sensibles, et prétendent que, dans cet art, tout est, et doit être soumis au caprice et au hasard. N’imaginant point d’autre imitation, que celle qui peut montrer aux yeux son modèle, ils méconnoissent tous les degrés d’imitation morale, par analogie, par rapports intellectuels, par application de principes, par appropriation de manières, de combinaisons, de raisons, de systèmes, etc. Dès-lors ils nient, dans l’architecture, tout ce qui repose sur une imitation métaphorique, et ils le nient, parce que cette imitation n’est pas matériellement nécessaire. Ils confondent l’idée de type (raison originaire de la chose) qui ne sauroit ni commander, ni fournir le motif ou le moyen d’une similitude exacte, avec l’idée de modele (chose complète) qui astreint à une ressemblance formelle. De ce que le type n’est pas susceptible de cette précision que les mesures démontrent, ils le rejettent comme une spéculation chimérique. Abandonnant ainsi l’architecture, sans régulateur, au vague de toutes les fantaisies que ses formes et ses lignes peuvent subir, ils la réduisent à un jeu, dont chacun est le maître de régler les conditions. De là l’anarchie la plus complète dans l’ensemble et les détails de toutes les compositions.

Il est d’autres adversaires, dont la vue courte et l’esprit borné, ne peuvent comprendre dans la région de l’imitation, que ce qui est positif Ils admettent si l’on veut l’idée de type, mais ne la comprennent que sous la forme et avec la condition obligatoire de modèle impératif. Ils reconnoissent qu’un système de construction en bois, par une tradition constante d’assimilations modifiées et améliorées, aura dû être transposé enfin dans la construction en pierre. Mais de ce que celle-ci en aura conservé seulement les motifs principaux, c’est-à-dire ce qui, en faisant remonter l’esprit à l’origine des choses, pour lui donner le plaisir d’un semblant d’imitation, aura épargné à l’art tous les travers du hasard et de la fantaisie, ils conclueront de là qu’il n’est permis de s’écarter d’aucun des détails du modèle, auquel ils veulent donner après coup une réalité inflexible. Selon eux, les colonnes auroient dû continuer de paroître des arbres, les chapiteaux des branches d’arbre. Il eût fallu supprimer le tympan du fronton. Toutes les parties de la toiture auroient dû être servilement copiées dans les combles. Nulle convention n’auroit dû être admise entre la construction en bois, et sa traduction en pierre.

Ainsi les uns et les autres en confondant l’idée du type, modèle imaginatif, avec l’idée matérielle de modèle positif, qui lui ôteroit toute sa valeur, s’accorderoient, par deux routes opposées, à dénaturer toute l’architecture ; les uns en ne lui laissant plus que le vide absolu de tout système imitatif et l’affranchissant de toute règle, de toute contrainte ; les autres en enchaînant l’art, et le comprimant dans les liens d’une servilité imitative, qui y détruiroit le sentiment et l’esprit d’imitation.

Nous nous sommes livrés à cette discussion, pour faire bien comprendre la valeur du mot type pris métaphoriquement, dans une multitude d’ouvrages, et l’erreur de ceux qui, ou le mécon-


noissent parce qu’il n’est pas modèle, ou le travestissent en lui imposant la rigueur d’un modèle qui emporteroit la condition de copie identique.

On applique encore le mot type dans l’architecture à certaines formes générales et caractéristiques de l’édifice qui les reçoit. Cette application rentre parfaitement dans les intentions et l’esprit de la théorie qui précède. Du reste on peut encore, si l’on veut, s’autoriser de beaucoup d’usages propres à certains arts mécaniques, qui peuvent servir d’exemples. Personne n’ignore qu’une multitude de meubles, d’ustensiles, de sièges, de vêtemens, ont leur type nécessaire dans les emplois qu’on en fait, et les usages naturels auxquels on les destine. Chacune de ces choses a véritablement, non son modèle, mais son type, dans les besoins et la nature. Malgré ce que l’esprit bizarrement industriel cherche à innover dans ces objets, en contrariant jusqu’au plus simple instinct, qui est-ce qui ne préfère pas dans un vase, la forme circulaire à la polygone ? Qui est-ce qui ne croit pas que la forme du dos de l’homme, doive être le type du dossier d’un siège ? Que la forme arrondie ne soit le seul typeraisonnable de la coiffure d’une tête ?

Il en a été de même d’un grand nombre d’édifices dans l’architecture. On ne sauroit nier que plusieurs n’ayant dû leur forme constamment caractéristique, au type primitif qui leur donna naissance. Nous l’avons surabondamment prouvé des tombeaux et des sépultures, aux mots Pyramide et Tumulus (voyez ces mots). Nous renverrons aussi le lecteur à l’article Caractère, où nous avons fait voir avec beaucoup d’étendue, que chacun des principaux édifices doit trouver dans sa destination fondamentale, dans les usages auxquels il est affecté, un type qui lui est propre ; que c’est à s’y conformer le plus possible que l’architecte doit tendre, s’il veut donner à chacun une physionomie particulière, et que c’est de la confusion de ces types, que naît le désordre trop commun, qui consiste à employer indistinctement les mêmes ordonnances, les mêmes dispositions, les mêmes formes extérieures, dans des monumens appliqués aux usages les plus contraires. (Voyez Caractère.)

TYRSE. Voyez Thyrse.