Encyclopédie anarchiste/Vautour - Végétarisme

Collectif
Texte établi par Sébastien FaureLa Libraire internationale (p. 2847-2861).


VAUTOUR n. m. du latin Vultur — Zool. : Genre d’oiseaux rapaces, type de la famille des vulturidés. — Arg. : Monsieur Vautour. Usurier. « Propriétaire impitoyable. » (Dictionnaire Larousse.)

C’est exactement, en deux mots, la définition la plus brève de l’oiseau malfaisant dont nous voulons parler très brièvement ici.

Inutile de nous étendre sur l’oiseau à plumes. On le connaît assez comme vilain oiseau qui se repaît de la charogne animale ou humaine, que son œil perçant sait apercevoir de très haut et que son odorat extraordinaire fait se délecter d’avance, de très loin, par cette forte odeur de putréfaction qui l’attire. Après avoir plané quelques instants dans les airs, il se précipite sur sa proie avec avidité, et, de son bec puissant et crochu, il se hâte de déchiqueter le cadavre, de s’en gaver et de s’enfuir. Car le vautour n’est pas l’aigle : il est lâche et craintif ― c’est la nature qui l’a fait ainsi ― et ne s’attaque jamais seul à un être vivant. Il aime mieux la charogne, sans risque, que la chair fraîche avec le moindre danger. Il a bien les mœurs lâches et bourgeoises, telles que nous les connaissons chez la plupart des propriétaires. Aussi, nous ne contestons rien à ce que nous trouvons parfaitement d’accord avec nous dans Larousse : « Arg. : Monsieur Vautour : Usurier. Propriétaire impitoyable… »

Et, les pires de tous, sont ceux qui vivent de la misère des pauvres ! Ceux-ci ne sont-ils pas souvent de mauvais payeurs… et pour cause ?… Mais si, individuellement, on rencontre des locataires payant difficilement l’un ou l’autre des termes dût annuellement à M. Vautour, c’est qu’il y a, chez le petit locataire, le locataire ouvrier, le ménage laborieux avec ou sans enfants, des calamités perpétuelles : maladie, chômage, naissances, décès.

C’est une mentalité spéciale que celle de M. Vautour. Il ne s’occupe pas si la maladie, fréquente chez ses locataires miséreux, est due à la mauvaise hygiène de ses locaux, ordinairement malsains, malpropres. Le cube d’air nécessaire à chaque habitant d’un logement ne lui donne aucun souci. L’architecte à ses ordres, n’est apprécié de lui que par son talent à utiliser les vides et à caser le plus de monde possible en le plus étroit espace, sans s’inquiéter de la facilité d’évoluer en si peu de place, où l’air est incontestablement très souvent, sinon toujours, trop rare et toujours vicié par la disposition incommode, insalubre des pièces qui composent un logement de petit loyer, toujours trop cher pour ce qu’il est.

Dans les faubourgs, dans les cités des petites et grandes villes, « sous le ciel bleu de notre France », ce ne sont partout que des amas de pierres et de plâtras où la lumière ne parvient pas, où l’humidité se maintient où la vie des parasites infectes et nuisibles est seule prospère.

Aussi, la famille ouvrière, première victime de M. Vautour, s’épuise, s’exténue, toute sa vie pour l’enrichir. Plusieurs familles et parfois plusieurs générations entretiennent ainsi l’immonde oiseau : le Propriétaire impitoyable et rapace. Il faut payer recta, sans retard, car la loi est toute à sa disposition, elle est faite pour lui seul et contre ses locataires. Et ceux qui appliquent cette loi, ou ces lois, sont tous à son service, docilement, aussi bien que ceux qui les ont rédigées et votées. Il faut s’y soumettre de gré ou de force.

M. Vautour n’a jamais compté les meurtres dont il est l’auteur direct ou indirect. C’est pour être logés, avoir un abri où se nicher quand même, que des travailleurs se prostituent de corps et d’âme en se soumettant aux volontés, à l’autorité d’un patron, aux baisses de salaires, aux vexations, à l’arbitraire, aux indignes exigences d’un exploiteur stupide et insolent qui les exploite et les pressure sans vergogne ! C’est pour avoir un abri et pour le conserver que des femmes triment dans les usines, à n’importe quel prix, de jour ou de nuit, et que des jeunes filles se prostituent une fois, deux fois, trois fois… puis toujours si, pour elles, la vie de plaisir a plus de bien-être et de tranquillité sinon de charme que la vie de misère !

M. Vautour sait bien tout cela, mais il en vit et, parfois, il en crève… de pléthore !… Car lui, n’est pas poussé au suicide.

On se demande comment il se fait que M. Vautour s’acharne tant à conserver des immeubles à nombreux locataires payant peu, payant mal ou ne payant pas ?

C’est simple : la quantité supplée à la qualité. Un cent de locataires à petits loyers rapportent plus que quelques locataires à logements bourgeois et ils sont bien moins exigeants. Les petits locataires s’usent plus vite dans les locaux meurtriers du criminel M. Vautour. Les locataires passent, l’immeuble reste.


L’ignoble guerre de 1914-1918 a eu, bien malgré elle certes, l’incontestable utilité d’anéantir quelques foyers pestilentiels où s’abritèrent et succombèrent plusieurs générations de malheureux. Ils parvenaient à payer leurs assassins, les bons bourgeois propriétaires. Ceux-ci se gardaient fort d’habiter leurs taudis…, ni même les quartiers où ils étaient !

Où sont-ils les fuyards, qui ne voulaient pas mourir sous les décombres d’immeubles que les Allemands (ou les Français) bombardèrent ? Peut-être sont-ils morts sur la route de l’exode ? Peut-être ont-ils été faire le bonheur d’autres commerçants, d’autres exploiteurs, d’autres propriétaires en d’autres lieux ?

Ils ont changé de pays, mais ils n’ont pas changé de sort sans doute !

Quant à M. Vautour, dont l’immeuble fut anéanti, il a patriotiquement fait état de son malheur. Et la Patrie, reconnaissante, l’a copieusement dédommagé de son sacrifice en le dédommageant amplement de la perte de son immeuble : s’il valait quelques milliers de francs, il a reçu quelques dizaines de milliers de francs. De même que les usines saccagées, les châteaux luxueux, les vastes habitations ont été réédifiés de façon généreuse et moderne et valent en millions ce qu’ils valaient en milliers de francs ! Ah ! la guerre fut, pour quelques possédants, une bonne, très bonne affaire… M. Vautour ne fut pas oublié dans les compensations patriotiques !

Avant la guerre, les Vautours se plaignaient fort (tout en faisant très habilement et très odieusement leurs petits calculs) du rapport de leurs immeubles.

Ainsi, avant le 2 août 1914, ils durent payer une taxe d’ordures ménagères. Ils s’en lamentaient mais se rattrapaient facilement. La taxe était-elle de 20 francs ? Aussitôt, ils augmentaient de 20 francs chaque quittance locative (chaque immeuble contenait 20, 50, 100 locataires). Telles étaient les ruses de M. Vautour, qui savait jouer à qui perd gagne et ne perdait jamais.

Il y eut ― toujours avant guerre ― une certaine agitation populaire contre la hausse des loyers.

Des logements, des appartements se trouvaient vides, inhabités, des années entières… M. Vautour préférant ne pas louer que louer sans augmentation. À ce moment, il y avait aussi des familles entières, des familles nombreuses mises à la rue, parce que, dans divers arrondissements, tous les proprios suivaient le bon exemple. Un M. Vautour avait augmenté ses loyers et fait expulser les récalcitrants ; un autre Vautour ne voulait pas d’enfants, etc…

Enfin, c’était affreux de voir de pauvres gens mis dehors avec leurs pauvres meubles (quand ils en avaient), avec leurs misérables hardes, grelottant de froid. Tous les vautours se valaient.

La Préfecture de Police ne savait où donner de la tête et son aimable et courtois personnel avait « la manière » pour évincer les coupables d’être pauvres et les inviter à circuler.

Il y avait déjà un syndicat des locataires. Il y avait aussi une équipe de bons bougres qui savait gaillardement opérer ce qu’on appelle : un déménagement à la cloche de bois.

C’est à ce moment que survint le camarade Cochon. Il introduisit au syndicat des locataires les salutaires méthodes « d’action directe », dont usait la classe ouvrière dans sa lutte contre le patronat et que préconisaient avec ardeur les militants syndicalistes de la C.G.T. révolutionnaire d’avant guerre, ayant pour but d’action : la suppression du patronat et du salariat.

Ce sacré Cochon devint alors très populaire à Paris et dans la banlieue, par sa façon méthodique d’organiser des manifestations qui ne rendaient guère sympathiques les exploits des propriétaires, à la rapacité desquels collaboraient huissiers, commissaires de police, gendarmes et agents de la force publique. Hou ! hou ! les vautours !

Cochon savait ne pas prendre les choses au tragique. D’un sang-froid imperturbable, il parlementait avec les autorités de l’Ordre bourgeois et, discrètement, installait dans les immeubles inoccupés les Sans-logis de M. Vautour.

Mais cela n’alla pas toujours aussi simplement. Il y eut bien, pour Cochon et son action, les encouragements de la foule et le concours de quelques personnalités cossues et connues, heureuses de participer à l’accomplissement d’une action de justice et de solidarité !

Comme il était à prévoir, la presse prit parti pour ou contre et, de l’une ou l’autre façon qu’elle arrangeât les choses, sa publicité favorisa l’action et l’initiative du camarade Cochon. Celui-ci réunissait, autour de lui, chaque fois qu’il opérait, une foule toujours plus considérable, et M. Vautour palissait de rage impuissante devant l’impuissance même de la police qui avait ordre de ne pas aggraver les choses par des brutalités, se contentant de maintenir l’ordre et de protéger le cortège de M. Cochon qui, accompagné de la musique, conduisait où il fallait, vers un abri provisoire, mais sûr, les malheureux chassés par la rapacité de M. Vautour. La foule populaire qui restait seulement spectatrice, ne ménageait point ses applaudissements à M. Cochon et ses coups de sifflets à M. Vautour.

Le chahut de Saint-Polycarpe, ainsi que se nommait la bande à Cochon, fit, un moment, reculer les représentants de la loi. On riait, on ironisait, mais on songeait combien il était odieux qu’un propriétaire, au nom de la loi, pût mettre dehors des familles entières ne pouvant payer leur loyer par suite de maladie ou de chômage. Une certaine presse fit campagne contre M. Vautour. Des interpellations se produisirent à la Chambre, des projets de lois furent mis en chantier et des commissions parlementaires constituées ; le gouvernement, bien embarrassé, craignant de froisser l’opinion publique par des coups de force contre le fauteur de désordre Cochon et contre ses compagnons, prit des mesures autrement efficaces. La calomnie ne manqua pas de s’exercer. Par insinuations, par délation, avec le concours de la presse docile, on fit courir les bruits les plus infâmes contre Cochon et contre ses amis. Il est facile d’imaginer tout ce qu’on put dire. Il importait peu que ce fût vrai, pourvu que ce fût vraisemblable. Tout cela est dans l’ordre bourgeois. Néanmoins, les bons tours de Cochon ont bien fait mal à M. Vautour.

Mais, depuis, le vautour a eu sa revanche ; la guerre fut sa dernière épreuve, il s’est bien rattrapé depuis. Ses immeubles anciens n’ont pas souffert et si, pendant quelques années, ils ont peu rapporté, ils ont pris de la valeur et ils continuent…


Aux premiers jours de son avènement, la Commune de Paris rendit plusieurs décrets. L’un d’eux, celui du 29 mars 1871, toucha au cœur le gouvernement de Versailles, car il l’atteignait vigoureusement dans son sentiment le plus sacré : la Propriété.

Les Propriétaires, les Vautours, furent défendus par le Gouvernement bourgeois fait homme, M. Thiers lui-même, qui promit vengeance à la tribune de la Chambre, à Versailles.

Voici donc l’un des premiers actes du Gouvernement de la Commune, siégeant à l’Hôtel de Ville :

« La Commune de Paris,

Considérant que le travail, l’industrie et le commerce ont supporté toutes les charges de la guerre, qu’il est juste que la propriété fasse au pays sa part de sacrifices,

Décrète :

Article premier. ― Remise générale est faite aux locataires des termes d’octobre 1870, janvier et avril 1871.

Art. 2. ― Toutes les sommes payées par les locataires pendant ces neuf mois seront imputables sur les termes à venir.

Art. 3. ― Il est fait également remise des sommes dues pour les locations en garni.

Art. 4. ― Tous les baux sont résiliables, à la volonté des locataires, pendant une durée de six mois, à partir du présent décret.

Art. 5. ― Tous congés donnés seront, sur la demande des locataires, prorogés de trois mois.

Hôtel de Ville, 29 mars 1871.

La Commune de Paris. »

Cela était bien un acte de justice, comme il ne s’en accomplit qu’en période révolutionnaire.

Autrement, ce ne sont que promesses fallacieuses et déclarations verbales vite oubliées. On le vit bien au lendemain de la guerre de 1914–1918. « Les vainqueurs de la Guerre du Droit et de la Civilisation, ces héros ― avait dit le vieux pantin Clemenceau ― ont des droits sur nous ! » ― Ils eurent, en effet, le droit de se taire, de subir la vie chère et de payer M. Vautour dont ils avaient protégé les biens. Des médailles et des croix pour les blessés ; des privilèges de priorité dans les transports en commun ; de misérables pensions et des flagorneries infâmes et stupides aux monuments aux morts.

Enfin, vis-à-vis de M. Vautour, le héros, le survivant, le rescapé n’est encore, aujourd’hui, comme hier, qu’un cochon de payant comme tout autre locataire : embusqué ou exempté du service pour une cause quelconque. Le Poilu sert de thème aux exploiteurs de tout ce qui peut perpétuer les crimes engendrés par les idées fausses de gloire nationale et de patriotisme infernal et délirant.


La guerre n’a pas appauvri les propriétaires : elle a simplifié et elle a amplifié, pour eux, les moyens de s’enrichir encore. Il serait fastidieux de le démontrer ici car on sait combien il est difficile de se loger convenablement aux gens qui ne vivent que de leur travail quotidien, de leur salaire frappé d’impôt.

Ce n’est pas la guerre qui, tue les corbeaux, les vautours : elle les engraisse et les multiplie. Seule, une révolution sociale les anéantira. En attendant, comme dit Eugène Pottier :

Combien de nos chairs se repaissent !
Mais, si les corbeaux, les vautours,
Un de ces matins disparaissent,
Le soleil brillera toujours !

Ces vers de l’Internationale datent de juin 1871. Et, depuis, les corbeaux, les vautours n’ont pas encore disparu. Sous la forme du grotesque et rapace M. Vautour, règne la Bourgeoisie.

A Paris, en 1882, Eugène Pottier, l’auteur de l’Internationale, fit un chant révolutionnaire qu’il dédia au citoyen Paul Lafargue, et qu’il intitula « Le Huit ». C’est un portrait ressemblant, réel, de M. Vautour !

Voici ce chant :

Toi, la terreur du pauvre monde,
Monsieur Vautour ! Monsieur Vautour !
Quittance en mains, tu fais ta ronde.
Déjà le huit ! Déjà ton jour !
Vautour !

Cet homme a donc créé la terre,
Le moellon… le fer et le bois !
Non ! cet homme est propriétaire,
Son terme vient tous les trois mois.

Oh ! c’est un rude personnage
Avant tout autre créancier,
Il peut vendre notre ménage,
Nous donner congé par huissier…

De par la loi sèche et bourrue,
Femmes en couches et moribonds,
Tant pis, s’il vous flanque à la rue
On ramasse les vagabonds !

Lorsque chômage et maladie
Attristent déjà nos foyers,
Sur nous, comme une épidémie,
Sévit la hausse des loyers.

Depuis dix ans, la vie afflue
Dans son quartier de terrains nus ;
Encaissant seul la plus-value,
Il décuple ses revenus.

Avec nos pleurs, nos sueurs vaines,
Il a gâché tout son mortier.
C’est le plus pur sang de nos veines
Qu’il touche en rentes par quartier.

Un prompt remède est nécessaire…
Vautour est féroce et subtil :
Mais s’il pousse à bout la misère,
Comment cela finira-t-il ?

Il faut que le pauvre s’abrite,
On a sommeil comme on a faim.
Ne doit-on pas taxer le gîte
Comme l’on a taxé le pain ?

L’usure a ses heures tragiques,
Foulon vous apprend, mes amours,
Comme on promène au bout des piques
La tête pâle des vautours.

Toi, la terreur du pauvre monde,
Monsieur Vautour ! Monsieur Vautour !
Quittance en mains, tu fais la ronde.
Déjà le huit ! Déjà ton jour !
Vautour !

Paris, 1882.

Eugène Pottier.

Oui, un prompt remède est nécessaire et il faudra bien se décider à l’appliquer. C’est sur lui-même, une fois de plus, que le Peuple doit compter pour cela. Quand un oiseau de si haut vol que le vautour ravage une contrée, on prend aussitôt la résolution de l’abattre. Il y a donc longtemps que le pauvre Peuple aurait dû l’abattre, ce bon M. Vautour ! ― G. Yvetot.


VÉGÉTALISME n. m. (rad. Végétal). Le Végétalisme n’est qu’une subdivision du Végétarisme qui a un sens plus large. Le mot « végétarisme » signifie simplement « vigoureux », sans indiquer plus spécialement ce que l’on doit manger, mais assurant que ce que l’on consomme est « revigorant ». Le végétarisme comprend trois subdivisions principales, dont les noms indiquent déjà le régime : 1. Ovo-lacto-végétarisme ; 2. végétalisme ; 3. Fruitarisme.

Le végétalien consomme : 1° les feuilles vertes, tendres, non acides, cultivées (et certaines espèces, connues comme comestibles, sauvages), crues et cuites. On peut citer comme feuilles comestibles rustiques : le pissenlit, la mâche, la lampsane, le salsifis, le laisseron, le laiteron, la chatrure (laitue sauvage) la renoncule ficaire, le lamier ou ortie blanche, la stellaire ou mouron-des-oiseaux, etc… Les feuilles notoirement acides à éviter sont : la rhubarbe, l’oseille, le pourpier.

Les racines et les tubercules, comme les carottes, les radis avec leurs feuilles, les céleris-raves, les navets, le rutabaga, la betterave, la pomme de terre, le topinambour, etc…

La pomme de terre est consommée principalement cuite. C’est un aliment composé essentiellement d’amidon, qui se digère plus facilement cuit. Les autres racines et les topinambours sont consommés en petite quantité, coupés finement, avec de la salade, de préférence crus.

Les feuilles et les racines, consommées crues, nous apportent des sels alcalins. Elles sont acidifiantes quand elles sont cuites, car la cuisson ne fait perdre aucun élément acidifiant, tandis que les sels alcalins très solubles, s’en vont dans l’eau de cuisson. On pourrait conseiller d’employer l’eau de cuisson comme soupe, mais dans ce cas il y a surcharge de sels, ce qui fatigue les reins et occasionne la constipation. Mais la feuille a un double rôle à jouer : a) comme aliment hautement minéralisateur ; b) par sa richesse en albumine « complexe ». Le végétalien consommera donc la feuille verte non-acide cuite, mais en ayant soin de rejeter l’eau de cuisson.

3° Les fruits, bien mûrs, non-acides, autant que possible crus. Les fruits acides à éviter sont : le citron, l’orange, la groseille en grappe, les olives vertes, la tomate.

Le végétalien fait abstinence : 1° De la chair des animaux (viande, poissons, coquillages, etc… ) ; 2° Des produits de l’animal (femelle) destinés à nourrir ses petits, comme le lait et les œufs.

La chair des animaux (aliment cadavérique) est tout à fait impropre à l’alimentation humaine. L’homme possède un tube digestif trop long pour la viande, aliment appelé par V. Lorenc « ouvert », car ses cellules ne sont pas entourées de membrane cellulosique, aliment qui se digère vite dans sa partie supérieure, laissant la partie inférieure sans emploi. Les glandes, chez les animaux carnivores, sécrètent la quantité d’ammoniac suffisante pour neutraliser les poisons (ptomaïnes). L’homme n’a pas ce moyen de défense.

Il y a d’ailleurs peu de personnes qui adoptent de leur propre gré un régime exclusif de viande, ou des œufs, ou du lait. Ceux qui, comme les Esquimaux, refoulés vers l’extrême Nord par suite de guerres avec les Indiens, sont réduits à se nourrir de la viande, ont découvert qu’en mangeant les crottes de rennes ils y trouvent des restes non digérés des Lichens, qui leur apportent des sels et de la cellulose si utile pour diviser les matières dans l’intestin humain. La plupart des hommes consomment, en même temps que de la viande, des légumes et des fruits.

3° Le végétalien ne fait pas usage de sucre industriel, appelé par le Dr Carton aliment meurtrier ». Le sucre industriel, aliment mort, brutal, incomplet désorganise le fonctionnement de tous nos organes (lire : Sucre industriel et plante sucrée de V. Lorenc).

4° Le végétalien préfère l’arôme naturel des fruits et légumes aux épices de toutes sortes.

5° La boisson du végétalien est l’eau naturelle, pas bouillie. Toutes les boissons fermentées, ainsi que le café, le thé, le chocolat, constituent, avec la nicotine du tabac et la cocaïne, la morphine, etc…, le groupe des alcaloïdes appelés par V. Lorenc « poisons overtoniens », du nom du biologiste Overton qui a découvert, presque en même temps que H. Meyer, que leur pénétration dans le système nerveux est fonction d’une propriété physique de double solubilité dans l’eau (respectivement dans le plasma sanguin) et dans les graisses (c’est-à-dire dans les lipoïdes, graisses phosphorées qui sont une des parties constituantes de toutes les cellules végétales et animales).

Le régime végétalien est séduisant, éthique, esthétique, même socialement incontestablement libérateur par ses conséquences, car il permet à l’individu de vivre en Robinson à l’écart de la vie des civilisés ou soutenir la lutte avec le capitaliste plus longtemps, par exemple dans le cas d’une grève, etc… Mais il est toutefois légitime de se demander si ce régime satisfait aux besoins de l’organisme ?

Dans l’ordre d’importance, l’organisme humain a besoin de : l’albumine, des matières hydrocarbonées (amidons, sucres), des sels minéraux, des vitamines, de la cellulose, de la graisse, de l’eau.

Supposons un régime composé uniquement de feuilles.

« La feuille de la plante est riche en cellules vivantes, fonctionnant d’une manière active. Sauf quelques rares exceptions, elles ne contiennent que peu d’aliments de réserve. La feuille est le laboratoire de la plante. Son pigment vert, la chlorophylle, lui permet d’utiliser l’énergie de la lumière solaire. A partir de l’acide carbonique qu’elle absorbe de l’air et à partir de l’eau et des sels minéraux tirés du sol, la feuille construit l’albumine, le sucre et la graisse. Ces matières sont utilisées soit pour permettre la croissance des tissus de la plante, soit pour constituer des réserves dans les grains, tubercule ou autres organes. La surface de la feuille est une mosaïque de cellules vivantes. Elle contient toutes les substances nécessaires à l’alimentation des cellules animales. La feuille est au point de vue qualitatif un aliment complet. » (Mac Collum : The Newer Knowledge of Nutrition, p. 137.)

La feuille apporte en quantité suffisante de l’albumine complexe, ce qui permet au végétalien d’écarter de sa consommation la viande, les œufs et le lait. On sait aujourd’hui, par l’analyse et par les expériences biochimiques (Mac Collum) sur les animaux, que l’albumine ordinaire ne peut pas former de l’albumine animale. La molécule d’albumine est très grande et d’une structure compliquée, elle se compose d’un certain nombre d’acides aminés, parmi lesquels la tryptophane, la lysine, la tyrosine et la cystine sont indispensables pour reconstruire l’albumine animale. Nous appelons « complexe » l’albumine qui possède en quantité suffisante ces acides aminés indispensables. D’ailleurs le besoin total d’albumine (ordinaire et complexe) est moins grand pour le végétalien, dont l’alimentation est en général alcaline, que pour le mangeur de viande et de pâtes cuites. Les expériences du Dr Hindhede au Danemark, du Dr Roese en Allemagne, et des végétaliens français ont démontré que le minimum nécessaire d’albumine varie selon l’alcalinité du régime. Avec un régime végétalien bien conduit, 40 grammes d’albumines suffisent. La feuille est très riche en sels minéraux. Un régime exclusif de feuilles vertes serait même dangereux par excès des sels. La cellulose y est en abondance et les vitamines au complet (A, B, C, D, E). Mais l’absence des sucres et de l’amidon qui se concentrent dans les racines, tubercules et fruits rend cette diète impraticable.

Un régime composé exclusivement des racines et des tubercules nous fournirait en abondance l’aliment de réserve (amidon et sucre), des sels, de la cellulose, de la graisse, mais la série des vitamines ne se trouverait pas complète et il y aurait manque d’albumine complexe. Il serait impossible de composer un menu synthétique avec des racines et des tubercules seuls.

Un régime exclusif de fruits nous fournirait des sucres en excès (danger de diabète), de la cellulose, des graisses en abondance, certaines vitamines, mais les sels ne se trouveraient pas au complet (manque de fer et de chaux) et l’albumine complexe en quantité presque nulle.

La combinaison des feuilles, des racines, des tubercules et des fruits permet de composer un repas synthétique, satisfaisant à tous les besoins de l’organisme, ayant un débit régulier qui, contrairement à la viande, utilise toute la longueur du tube digestif. A l’aube de la civilisation, c’était certainement le régime de l’homme primitif. Sa constitution n’indique-t-elle pas qu’il n’est pas fait pour manger ses « frères inférieurs », les animaux, Il ne court pas assez vite pour atteindre le gibier (il a fallu l’invention du fusil ou tout au moins d’un arc et des flèches), il n’a ni griffes, ni dents assez fortes pour dépecer l’animal et le broyer avec les os, comme fait le tigre et le chat. Il est doué d’une sensibilité nerveuse qui se développe toujours, ce qui lui. permet de posséder sa qualité « d’homme », tandis que ses mains industrieuses seules n’en feraient qu’une brute enrichie. Selon A. de Mortillet, chez les premiers hommes il n’y a pas de traces d’industrie avec de l’os des animaux. Et les légendes anciennes ne nous transportent-elles pas à l’âge d’or où « les bêtes parlaient », c’est-à-dire qu’elles pouvaient se faire comprendre par l’homme qui ne parlait pas encore et vivaient avec lui en paix. Il n’y a rien d’extraordinaire à ce que, dans des couches géologiques, des ossements humains se trouvent à proximité des ossements d’animaux. Ils étaient tous mortels… Ils pouvaient quelquefois être en lutte… mais la présence d’un squelette animal dans le voisinage d’un squelette d’homme ne prouve nullement qu’il ait été mangé par ce dernier. Mais sous l’influence de diverses circonstances, comme la variabilité du climat qui s’accuse de plus en plus et aussi de l’industrialisation progressive du milieu, l’homme s’est habitué à l’alimentation carnée et à son inévitable cortège d’épices, d’acides et de boissons fermentées. Allez donc offrir à un homme dont le palais est brûlé par des sauces sucrées, vinaigrées, alcoolisées, épicées un repas naturel composé de feuilles, de racines et de fruits. Aussi, pour rendre ce régime moins « héroïque », les colons du Milieu Libre de Bascon (près de Château-Thierry, Aisne), fondé par G. Butaud, en 1920, ont réussi à présenter ces aliments naturels, revigorants sous forme d’un plat excitant, fort agréable au goût que nous appellerons « la Basconnaise ». Voici sa formule :

Pour un poids total de 300 grammes (quantité moyenne pour une personne) : 1° 1/10 du poids total, soit 30 grammes de racines et tubercules crus (carottes, betteraves, topinambours, pommes de terre, navets, céleris-raves, radis avec les feuilles), coupés finement au couteau, ou râpés dans une machine à râper le gruyère ; 2° 4 fois autant de feuilles vertes que de racines, donc 120 grammes (dont 1/3 de choux et 2/3 de salades diverses, cultivées et sauvages) ; 3° Autant de pommes de terre cuites que de verdure, donc 120 grammes ; 4° 24 grammes d’huile d’arachide et 1 gramme de sel de cuisine ; 5° On peut ajouter 5 grammes d’oignon, un peu de persil, de cerfeuil ou de fenouil. Les pommes de terre sont cuites en robe des champs. Il faut enlever la pelure.

Il est utile de consommer très peu de pain et d’ajouter à la Basconnaise une cuillerée de blé trempé dans l’eau salée au moins deux jours auparavant. Il faut mastiquer soigneusement, comme le reste d’ailleurs. On peut ajouter à la Basconnaise des haricots cuits, des châtaignes cuites. Il vaut mieux consommer les plats cuisinés séparément, pour faciliter la mastication et par raisons gustative.

Les racines et les tubercules sont nettoyés il l’eau avec l’aide d’une brosse, mais le topinambour demande à être pelé.

Les fruits sont mangés séparément, indifféremment à la fin ou au commencement du repas. L’argument de ceux qui préconisent de consommer les fruits les premiers, afin d’alcaliniser les humeurs, vaut pour ceux qui ont une alimentation acide ou acidifiante, cet argument n’a pas de valeur pour le consommateur de Basconnaise.

La composition de la Basconnaise varie avec les saisons. Mais, en chaque saison, on peut composer ce plat de façon à ce qu’il soit varié. On sait aujourd’hui que la vie est caractérisée par des processus chimiques simples, rapides et dus en grande partie à des ferments et des sels minéraux qui jouent le rôle de catalyseurs. L’organisme humain a besoin d’une foule d’éléments, des sels minéraux en petite quantité et qui sont quelquefois rares chez les plantes. Il est facile à comprendre que nous trouverons d’autant plus aisément tous les principes nécessaires à la vie que notre alimentation sera plus variée.

La Basconnaise est un plat synthétique ; il renferme les albumines, les amidons, les sucres, les sels, les vitamines, la cellulose et l’eau. Elle permet l’individualisation d’un régime. Dans une collectivité, connue par exemple une colonie libre ou un foyer végétalien, chacun étant son propre cuisinier, peut choisir pour la confection de sa salade mixte les éléments qui lui plaisent ou qui sont favorables à sa santé ou pour satisfaire à l’exigence de l’adaptation progressive à un régime nouveau. Au point de vue pédagogique, quel merveilleux centre d’intérêt que la confection d’une Basconnaise : elle éveille la curiosité de l’enfant et l’initie aux sciences physiques et naturelles.

Le régime végétalien a aujourd’hui de nombreux adeptes. Les foyers végétaliens servent journellement des centaines de repas. Le premier foyer, 40, rue Mathis, en plein quartier de la Villette, fut fondé par G. Butaud en 1924. Bientôt, grâce à l’initiative de J. Demarquette, d’autres foyers surgirent (La Source, Pythagore) ; ces derniers, avec le succès, ont perdu leur pureté théorique du début, mais ils avaient pris naissance avec le titre de foyers végétaliens. La Basconnaise est servie dans de nombreux restaurants végétariens, quelquefois appelée autrement : « hors-d’œuvre en salade », « salade composite », etc… Rimbault et son école, à Luynes (près de Tours), font une active propagande autour d’une Basconnaise « d’infinie variété » tendant à la panacée. Il présente son invention à la lumière de théories originales, mais souvent outrancières. Phusis ( « La chute de l’Humanité », « Rajeunir » ) nous conseille, sans sourire, de nous nourrir de l’azote de l’air, de kakis et de salades blanchies, jaunies dans la cave. À ce compte, paraît-il, entre autres miracles, l’émail des dents se refait.

Plus modestes et plus sobres en promesses sont quelques documents publiés par Le Végétalien, 131, rue Saint-Gratien, Ermont (S, —et-O.). (L’Individualisme conduit au Robinsonisme ; Le Végétalisme permet le Communisme, par G. Butaud ; Victor Lorenc et sa contribution. au Naturisme, par S. Zaikowska ; Résumé de la doctrine, G. Butaud, V. Lorenc et Jean Laboulais, et sa critique, par le Dr Hemmerdinger). — Crudivégétalisme (G. Butaud) ; Réponse à l’enquête sur le Végétalisme (V. Lorenc) ; Sucre industriel ou plante sucrée ? (V. Lorenc). — Aux Editions Maloine : Les Poisons Overtaniens (V. Lorenc et J. Laboulais), etc…

Un travail sérieux a été fait par la Société Naturiste Française (48, rue Piard, à Brévannes, S.-et-O.) en éditant la série de nombreux ouvrages du Dr Carton, dans lesquels nous avons puisé souvent. (Traité d’alimentation, Les trois aliments meurtriers, Enseignements naturistes, etc…)

Le Dr Carton nous recommande de procéder avec prudence, car l’homme qui a l’appareil digestif du singe crudivégétalien n’ayant jamais pu s’adapter à l’aliment cadavérique de la Hyène, offert par la civilisation, a souvent la santé si délabrée que son organisme ne peut plus faire les frais d’une nouvelle adaptation vers le régime ancestral, le régime crudivégétalien. — Sophie Zaïkowska.


VÉGÉTARIEN n. m. De l’adjectif latin vegetus qui signifie végéter, dont on a fait le synonyme de vigoureux en raison de ce que le mot végéter, pris dans son sens littéral, exprime tout ce qui croit normalement, par conséquent vigoureusement. — Celui qui pratique le végétarisme.


VÉGÉTARISME n. m. Système d’alimentation excluant tout ce qui est de nature à compromettre l’équilibre physiologico-mental et, par voie de conséquence, la vigueur de l’homme. Ainsi, la viande, les poissons, les spiritueux, les boissons fermentées (improprement dénommées hygiéniques), le chocolat, le café, etc., etc. Préconisé en mode préventif et curatif dans le traitement des maladies.

Ce concept diététique, loin de réunir tous les suffrages, a divisé le monde savant en deux clans antagonistes. Au sein même de la Faculté de Médecine, où certains membres éminents ont introduit ce brandon de discorde, règne semblable division.

Il semblerait cependant, a priori, que le monde médical, particulièrement qualifié pour trancher ce différend dans un sens non équivoque ait abouti à une solution définitive du problème. Il n’en est rien et, pendant que maints fils d’Esculape convient les foules à l’initiation végétarienne, d’autres prêchent, à son égard, une sévère mise en garde. Il convient donc de soumettre au lecteur la copieuse documentation, constituée aujourd’hui, de nature à éclairer ce passionnant sujet.

Une question préalable se pose : A quelle catégorie l’homme appartient-il ? Convient-il de le ranger parmi les carnassiers ou parmi les omnivores ? Devons-nous l’assimiler aux herbivores ou bien, imitant Cuvier, Flourens, Linné, et une foule d’anthropologistes, l’apparenterons-nous à la famille des frugivores-types, représentée par les anthropoïdes ?

Il semblerait, de prime abord, que cette question fût insoluble tant les mœurs alimentaires des multitudes humaines sont divergentes et contradictoires. Elle apparaît beaucoup plus simple si nous faisons intervenir la paléontologie, la palethnologie, l’ethnologie, l’anatomie et la physiologie comparées, l’analyse chimique et biochimique, la toxicologie, la statistique, etc…

Grâce il la science des comparaisons anatomico-physiologiques, nous savons aujourd’hui que, en raison des lois de l’adaptation, tous les êtres, et particulièrement ceux qui ont atteint les cimes de la hiérarchie généalogique, ont acquis une organisation digestive parfaitement caractérisée : denture, estomac, intestin, foie, ont abouti à une structure histologique et morphologique spécifiques, à une aptitude métabolique adéquate. C’est donc cette admirable pierre de touche que nous allons faire intervenir aux fins d’élucider ce point énigmatique.

Derechef, posons-nous donc cette question : A quelle classe appartient l’homme ? Son maxillaire s’orne-t-il de canines aiguës et démesurées, aptes à saisir une proie ; de molaires acérées, capables de sectionner la chair de ses victimes et de déchiqueter ses os, à l’instar des grands carnassiers (lions, tigres, loups, chiens), ou des omnivores, tels que l’ours, le porc, etc… ? Ou bien dispose-t-il de larges molaires aplaties, véritables meules destinées à broyer la cellulose rebelle des herbes coriaces, comme c’est le cas des herbivores ?

Bien au contraire, semblable aux frugivores, représentés par l’orang-outang, le chimpanzé, le gibbon, sa mâchoire ne possède que de pseudo canines émergeant à peine des autres dents et ses molaires et prémolaires de forme cylindrique sont pourvues, sur le pourtour de la couronne, de petits mamelons propres à favoriser la mastication des fruits sauvages, grains, bourgeons, racines. Le gorille offre cependant une exception à cette règle. Quoiqu’étant, ainsi que le souligne M. de Mortillet, le plus herbivore du groupe, une double paire de formidables canines semble le l’approcher des grands fauves. Darwin a donné une explication plausible de cette apparente anomalie dentaire. Ces organes constituent pour ce grand simien, des armes redoutables, offensives et défensives. Quant à ses molaires, elles sont absolument comparables à celles de ses congénères précités. C’est donc seulement à cette dernière variété de dents que doit être conféré le caractère de critérium, en matière de classification zoologique, puisque le chameau, lui-même herbivore avéré, est nanti aussi de canines démesurées.

Notons également que le maxillaire inférieur de l’homme, semblable à celui des autres frugivores ainsi que des herbivores, est susceptible de mouvemente oscillants aussi bien sur le plan horizontal que dans le sens vertical, tandis que celui des carnivores et des omnivores ne peut manœuvrer qu’à la façon d’une cisaille.

Ces différences fondamentales, faciles à vérifier en raison de l’abondance de sujets de comparaison que nous avons journellement sous la main (homme, chien, chat) ne se limitent pas à la cavité buccale, L’estomac des nécrophages est beaucoup plus volumineux, sa paroi est plus puissamment musclée que ne l’est l’outre gastrique des mangeurs de fruits, de racines et autres végétaux. Ces particularités sont amplement justifiées. La trituration stomacale des viandes hâtivement dégluties, sommairement mastiquées, nécessite un péristaltisme particulièrement énergique. Par surcroît, il sécrète, en bien plus grande abondance, de l’acide chlorhydrique destinée à favoriser, non seulement l’élaboration plus rapide des chairs ingérées, mais aussi des os que l’homme ne peut digérer. Cela est important, car la digestion des masses osseuses permet aux carnassiers un copieux ravitaillement en sels minéraux dont le muscle est en partie dépourvu.

Si nous portons notre examen sur la portion intestinale du tube digestif. nous trouvons même dissemblance comparative, Très brève chez les « mangeurs de cadavres », puisqu’elle n’équivaut qu’à cinq ou six fois la longueur de leur corps, mesurée de l’extrémité du museau à la naissance de la queue, permettant ainsi une prompte expulsion du bol fécal de constitution éminemment fermentescible, elle égale dix à douze fois cette proportion chez l’homme et ses consanguins sylvestres (mesure prise du sommet de la tête à la naissance du coccyx) pour atteindre vingt à vingt-cinq fois ce développement parmi les représentants de la faune herbivore en respectant les mêmes procédés de mensuration.

Enfin, fait particulièrement suggestif et d’importance insoupçonnée de la plupart des profanes, le foie des carnophages possède, malgré une apparente similitude morphologique, le privilège, non seulement de neutraliser les toxines recélées par la viande ou celles engendrées au cours de son élaboration, mais aussi et surtout de métamorphoser les résidus albumineux, issus de la digestion, en ammoniaque, substance d’élimination facile, tandis que la glande hépatique des frugivores et des herbivores ne peut élaborer, au détriment de ces reliquats, que de l’urée et de l’acide urique, dont le taux sanguin est d’autant plus élevé que la ration carnée est en prépondérance.

Voici donc établi, du point de vue rigoureusement anatomique et physiologique, que l’homme est loin d’être, par destination, ou carnivore, ou omnivore, puisque sa structure dentaire, hépato-gastro-intestinale l’apparente, au contraire, d’une façon indiscutable, aux seules espèces s’accommodant exclusivement de la plus extrême frugalité.

Certains ne manqueront pas d’objecter, malgré l’évidence de cette démonstration, qu’en raison de pratiques culinaires hétérodoxes, usitées par une incommensurable lignée d’ancêtres, l’homme contemporain a acquis une adaptation l’autorisant à déroger au régime s’harmonisant a sa constitution primitive. Qu’en conséquence, sa « nature » actuelle la dispense des astreintes alimentaires ancestrales.

Ce raisonnement ne tient pas compte, malheureusement, du fait que son organisation digestive n’a même pas amorcé une révolution anatomico-physiologique démontrant le bien-fondé de cette thèse. Ce n’est pas sans raison que le tube digestif et ses annexes glandulaires diffèrent selon les différents modes alimentaires auxquels sont soumises les différentes espèces, Que, par conséquent, une véritable adaptation de l’homme au carnivorisme, partielle ou totale, ne peut logiquement résulter que de leur modification morphologique et histologique. Cette métamorphose organique n’eût d’ailleurs été possible que par l’addition d’un nombre colossal d’années de pratique exclusivement nécrophagiques, condition loin d’être réalisée, ainsi qu’il est facile de vérifier.

Il nous faut, pour cela, remonter le cours des temps géologiques, jusqu’à l’aurore de l’âge tertiaire, À ce moment, le groupe anthropomorphe est constitué. Vers le miocène, puis au cours du pliocène, évoluait parmi la faune anthropoïde, le Dryopithèque, géniteur présumé de l’espèce humaine. Les mœurs de ce simien, analogues à celles de ses autres congénères, étaient rigoureusement fruito-végétaliennes. L’aube du quaternaire voit apparaître les premiers êtres humains, grossières caricatures de leurs descendants actuels, dont le type est l’homme de Néanderthal, homo-simien plutôt qu’homme, et qui évolue vraisemblablement au cours des deux étapes chelléenne et moustérienne. Son anatomie de grimpeur, aux membres inférieurs écourtés, atteste encore ses irréductibles habitudes fruitariennes.

Il nous faut atteindre les portions solutréenne et magdalénienne pour constater une révolution culinaire chez nos ascendants, se traduisant par une dérogation à la frugalité traditionnelle.

Quelle importance revêtit-elle ? C’est ce qu’il importerait de préciser. Affecta-t-elle toute l’humanité existante ou quelques fragments seulement ? Ne fut-elle qu’un pis aller momentané, émaillée de récidives, rares ou fréquentes, commandées par d’impérieuses nécessités (famines, etc…) ou imposée par un rituel dont le caractère nous échappe ? Persista-t-elle au cours d’interminables périodes, ou ne fut-elle que furtive ? Autant de questions vouées au silence, attendu qu’aucun témoin oculaire et avisé, contemporain de ces lointaines époques, n’a pu consigner les faits et gestes de cette naissante humanité.

Ce qu’il y a de certain c’est que, même au cours des longues périodes de revêtements glaciaires embrassant une vaste portion de l’hémisphère boréal, une végétation suffisante tapissait de nombreuses vallées profondes permettant aux pachydermes, aux bovins, aux solipèdes, etc…, de subsister, nous autorisant à admettre que les hommes préhistoriques pouvaient trouver tout ou partie de leur subsistance sans être contraints à répudier d’antiques et frugales habitudes.

Ce qui témoigne de leur souci d’échapper à l’incertitude d’une végétation stérile ou capricieuse, c’est qu’avec l’âge néolithique, apparaissent de rudimentaires instruments aratoires qui se perfectionnent, s’amplifient, se multiplient avec l’âge du bronze, De nombreux indices historiques attestent également que les fils de la Gaule, véritables pionniers de l’agriculture, ne vivaient, eux aussi, « de chasses et de pêches » que d’une façon exceptionnelle, contrairement à ce qu’affirment nos manuels scolaires.

Par conséquent, le dogme du pseudo-carnivorisme outrancier de nos ancêtres préhistoriques est loin d’être fondé.

Si nous descendons le cours de l’histoire en brûlant les étapes, nous constatons qu’au cours de périodes prodigieusement longues, l’incroyable insuffisance des salaires dévolus aux masses laborieuses, citadines et rurales, qui oscillaient encore, il y a une centaine d’années, entre 0 fr. 50 et 2 francs par unité quotidienne, frappait d’interdit tous aliments coûteux, considérés comme luxe, la viande y compris. Le pain lui-même, cet aliment devenu démocratique, ne figurait pas sur toutes les tables en raison du faible pouvoir d’achat des foules besogneuses, Seule, l’infime minorité des classes aisées pouvait s’offrir les plaisirs de la bonne chère, ce dont elle ne se privait pas.

Ce rapide exposé démontre surabondamment que les récentes pratiques d’un carnivorisme généralisé et intensif remontent à peine à quelques générations, grâce aux hauts salaires pratiqués depuis quelques lustres, et qu’elles ne peuvent en rien légitimer la plus minime idée d’adaptation.

Il nous faut cependant encore, avant de pénétrer dans le vif du sujet, répondre à l’inéluctable objection que ne manquent jamais de soulever les détracteurs du végétarisme et tendant à accréditer, aux yeux des non-prévenus, cette version de l’adaptation : à savoir les Esquimaux. Il semble, en effet, a priori, que l’argument possède un dynamisme singulier. On oublie trop que ce peuple constitue un cas exceptionnel et qu’aucune exception n’a jamais infirmé une règle.

Il apparaît, en effet, que ces pygmées de l’Arctique ont, du moins d’une façon toute relative, réalisé ce tour de force de vivre uniquement d’un régime pour lequel, pas plus que nous d’ailleurs, ils n’étaient primitivement physiologiquement constitués. Comment interpréterons-nous, du point de vue adopté, cette curieuse anomalie ?

Notons d’abord que toutes les informations qui les concernent n’ont rien de bien précis ni d’étendu. Nous ne possédons aucun document touchant leur degré de longévité. Quant aux maladies qui les accablent, nous savons déjà, malgré le peu de renseignements en notre possession, qu’ils sont fréquemment atteints de rhumatisme, affection spécifique du régime carné puisqu’elle résulte d’un empoisonnement par l’acide urique, ce qui tendrait à prouver que leur prétendue adaptation laisse à désirer.

Nous savons également qu’ils consomment viandes et poissons crus, faute de quoi, d’ailleurs, ils ne pourraient subsister ; qu’ils dévorent parfois le contenu prédigéré de l’estomac de leurs victimes, riches en principes vitalisants et qu’ils absorbent de fortes masses graisseuses, sources d’énergie thermique, substance dédaignée par les civilisés parce que particulièrement indigeste. Depuis combien de millénaires ces malheureux sont-ils astreints à ce répugnant régime ? Dix ?… Vingt ?… Cinquante ?… plus peut-être. L’origine remonte certainement à une époque extrêmement reculée…

Mais si nous nous avisons de comparer ce peuple rabougri, ratatiné, dégénéré, aux splendides races végétariennes peuplant le monde, en particulier celles du Pacifique, que n’ont point encore exterminées leurs cyniques conquérants, nous sommes contraints de constater qu’il est le triste aboutissant d’une évolution rétrograde qui fait de lui un véritable déchet de l’humanité.

On pourrait objecter que maints facteurs sont intervenus pour accentuer cette pitoyable régression physique, le froid infernal, entre autres, sévissant parfois avec une redoutable intensité, dans les régions particulièrement désolées où ils gîtent. Ces considérations ne peuvent jouer, attendu que d’autres spécimens zoologiques, hôtes accoutumés de la banquise : l’ours blanc, l’éléphant marin, le phoque, etc…, jouissent d’une stature, d’une corpulence, d’une vigueur qui ne le cèdent en rien aux espèces similaires vivant sous des cieux plus cléments. Le grand caribou lui-même, qui hante les plaines glacées de l’Alaska, où le thermomètre enregistre parfois des fléchissements insoupçonnables, est nanti d’une puissance et d’une résistance vraiment exceptionnelles.

Sans vouloir cultiver le paradoxe, on peut affirmer que, loin de nuire au développement et à la vitalité des êtres ayant adopté, par la force des choses, l’incommensurable habitat circum-polaire éternellement congelé, ses implacables rigueurs contribuent, au contraire, à les doter de virtualités souvent inconnues des autres espèces évoluant dans les régions chaudes ou tempérées. Dans ce pays affligé d’une température inexorable, les rejetons malingres, chétifs, ne peuvent subsister. Seuls, les êtres favorablement doués triomphent des traîtrises de l’ambiance. Mais, seuls aussi, ils se reproduisent et une sélection automatique, merveilleuse, impitoyable, se réalise, préjudiciable à quelques-uns, souverainement favorable à l’espèce. On conviendra donc que si les Esquimaux sont handicapés au regard des autres races humaines, c’est surtout le régime qui est intervenu, opérant sur eux une décadence qu’une autre espèce spécifiquement carnivore n’eût point subie.

Nous conclurons donc que, si relative que puisse être l’adaptation de ces pygmées de la banquise à l’alimentation carnée, on ne saurait invoquer leur cas spécial comme la preuve d’une immunité contre les méfaits du carnivorisme chez l’homme.


Mais, objectera-t-on, pourquoi frapper d’ostracisme les produits de boucherie, jusqu’alors réputés, dont se repaissent cependant, sans risques de dommages et pour leur plus grand profit, tous les représentants de la faune carnassière et omnivore ? Que peuvent-ils recéler d’aussi dangereux pour justifier semblable sentence ?

C’est que, contrairement au préjugé courant, la chair des animaux, en raison des principes dangereux qu’elle contient et de ceux qu’elle engendre au cours de son élaboration, ne possède pas, pour l’être humain, le caractère d’interchangeabilité particulier aux comestibles végétaux. Par surcroît, il faut se pénétrer que la Nature n’a pas conféré, en raison des lois de l’adaptation, à tous les êtres vivants organisés, avec une égalité de répartition équitable, le privilège d’immunisation que certains d’entre eux possèdent à l’égard de maintes substances, inoffensives pour eux, dangereusement toxiques pour d’autres. C’est ainsi que le datura et la jusquiame, meurtriers pour l’homme n’offrent aucun danger pour le colimaçon qui s’en repaît. L’amanite phalloïde, dont un seul spécimen suffit pour envoyer ad patres toute une famille humaine, peut être impunément consommé par le lapin. Ce rongeur n’a rien à redouter du seigle ergoté qui tue, à dose modérée, le chien ; la cigüe, susceptible de nous faire emprunter la barque fatidique, n’incommode même pas la souris, la brebis, la chèvre, le cheval. Le crapaud absorbe de l’acide prussique dont les effets, même à quantité infinitésimale, sont foudroyants pour nous. Morphine et opium qui, à certaines doses, nous dépêcheraient chez Pluton, n’indisposent ni l’oie, ni la poule, ni le pigeon. L’alcool, indispensable aliment du ferment acétique, est un universel poison pour les autres êtres vivants.

Or la viande est farcie de purines, de ptomaïnes, de leucomaïnes, etc., poisons plus violents que l’aconit, décelés par l’analyse. Les premières proviennent de phénomène de la désassimilation qui a pour siège les tissus vivants, et toute viande, même de qualité irréprochable, en est saturée. Ce sont elles qui lui communiquent son goût acide que l’on reconnaît facilement lorsqu’elle est mangée crue ; les ptomaïnes, découvertes par Armand Gautier, résultent d’un phénomène spontané de décomposition cellulaire survenant après la mort de l’animal. Si nous ajoutons que la viande de boucherie n’est livrée au commerce que plusieurs jours suivant l’abattage, après l’extinction de toute rigidité cadavérique ; que cet « attendrissement », si apprécié des « gourmets », est l’œuvre des agents de la putréfaction, nous aurons suffisamment précisé que d’autres éléments toxiques sont intervenus, aggravant, par leur pernicieuse présence, celle de leurs sinistres devanciers.

Certes, ces indésirables toxines, pour si dangereuses qu’elles soient, n’ont pas des conséquences immédiatement mortelles pour l’homme parce que présentes en quantités restreintes. Elles n’en sont que plus redoutables en raison de ce que leurs effets désagrégateurs sont insidieux et lents. Tant que foie et reins n’ont pas subi une trop grave altération sous leur action caustique au point de défaillir et de se soustraire à leur mission neutralisante et éliminatrice, l’existence se déroule, apparemment normale. Ce n’est qu’après être amputés de leurs moyens d’action partiels par la destruction de contingents cellulaires nobles que, devenus impuissants à satisfaire à la complexité des exigences organiques, apparaissent les symptômes liminaires des morbidités latentes préludant à d’éventuels accidents pathogéniques d’une gravité plus accentuée.

Nous sommes déjà informés, par ce qui précède, que la désintégration d’origine hépatique des substances albumineuses que nous ingérons aboutit invariablement et définitivement, après un processus régulier, à de l’urée et de l’acide urique. Avec une alimentation hypo-albumineuse, c’est-à-dire rationnellement végétarienne, le taux urique et uréique du sang demeure normal. Leur élimination par le truchement de nos émonctoires s’effectue sans surmenage ni difficulté. Il n’en est plus de même lorsque nous introduisons dans notre ration une notable portion de viande, aliment essentiellement hyper-azoté. Les quantités d’acide urique et d’urée proportionnées à la somme de cette denrée ingérée se trouvent ainsi accrues dans le torrent sanguin, leur causticité ira parfaire l’œuvre funeste ébauchée par les toxines d’apports, tout le long du réseau musculaire, jusque dans les moindres parties interstitielles avant qu’une opportune et laborieuse expulsion ne réduise leur ténacité. C’est ce que l’analyse met en lumière en révélant que le sang charrie des masses d’acides résiduels allant presque du simple au double, selon que l’alimentation comporte peu ou beaucoup de protéiques.

Malheureusement, les méfaits du carnivorisme ne s’arrêtent pas là. Il en a d’autres à son actif.

Metchnikof fut parmi les premiers à signaler les dangers résultant des fermentations anormales et excessives ayant pour siège l’intestin. La plus élémentaire méthode de la logique consistait, en l’occurrence, à déceler les causes de ces anomalies et s’attaquer à elles afin de neutraliser leurs effets. Plus simpliste, la médecine s’est efforcée de réduire ces derniers par une vaine asepsie intestinale appropriée, mais inopérante et dangereuse, tout en laissant subsister les véritables raisons C’est ce que démontrèrent deux physiologistes, Gilbert et Dominici, dans un rapport présenté à la Société de Biologie de Paris, lequel établissait le rôle perturbateur de l’aliment carné, Ayant soumis un individu au régime végétarien et analysé son contenu intestinal, ils trouvèrent 1.500 bactéries seulement par milligramme de matière examinée. Une analyse ultérieure, après qu’il eut été astreint, plusieurs jours consécutifs, à une alimentation carnée, décela 65.000 bactéries par égale quantité de substance fécale traitée. Il est facile de concevoir à quelles interminables épreuves est exposé un tube digestif infesté de micro-organismes plus ou moins corrupteurs, apparemment inoffensifs tant que la muqueuse intestinale triomphe de l’action corrosive de leurs sécrétions virulentes, Mais son invulnérabilité n’étant pas éternelle, les misères physiologiques apparaissent tôt ou tard au premier plan desquelles figurent : appendicites, entérites aiguës ou chroniques, entéro-colites, atonie, occlusions, ptoses, stases, atrophie on hypertrophie, etc…

L’extrême toxicité du régime carné est attestée d’ailleurs, par l’expérience de la fistule d’Eck, dont la description détaillée figure dans le traité de physiologie d’Artus. Si l’on supprime chez le chien, animal carnassier, la fonction du foie par le raccordement de la veine-porte à la veine sus-hépatique, il succombe rapidement, après avoir présenté tous les symptômes de l’empoisonnement, lorsqu’il est alimenté de viande. Il continue à survivre, malgré cette amputation, lorsqu’il est nourri de pâtée lacto-végétarienne.

Cette haute toxicité consécutive à l’alimentation incendiaire adoptée aujourd’hui par toutes les classes de la société et pratiquée depuis un demi-siècle, avec crescendo marqué, par une majorité, ne peut manquer d’avoir de graves et regrettables retentissement sur l’état sanitaire général. Nous l’avons exprimé par ailleurs (voir Santé), si les fléaux épidémiques ont marqué un notable recul, les affections chroniques et aigües, dites infectieuses, ont, au contraire, enregistré des progrès tels qu’il serait malséant de le contester.

A quoi devons-nous imputer cette malfaisante recrudescence ? Certainement pas à l’hygiène qui a marché, malgré son insuffisance, à pas de géants. Pas plus que la réduction des heures de travail ni au développement du machinisme industriel et agricole, qui ont réduit singulièrement le surmenage. Pas davantage à la multiplication des maisonnettes pimpantes, et de conception plus rationnelle, qui ont vaincu de nombreux taudis ! Nous devons donc admettre, bon gré mal gré, que c’est au changement des mœurs culinaires (qui, de simples et sobres qu’elles étaient autrefois pour la majorité du peuple, sont devenues dangereusement compliquées) que nous devons faire grief de cet inquiétant accroissement. de la morbidité.

Le problème de la recherche des causes n’a jamais été abordé dans le sens désirable, ni envisagé d’un plan supérieur par l’ensemble du corps médical qui s’obstine à la chimérique poursuite de la gente microbienne considérée comme étant exclusivement fautive, alors qu’elle ne constitue qu’un pâle accessoire. Cette idée a cependant hanté suffisamment quelques chercheurs pour les inciter à des investigations dans ce sens. Rompant avec la traditionnelle routine, deux médecins français, Lucas Championnière, de l’Académie des Sciences, et Robin, de l’Académie de Médecine, entreprirent, de concert, une enquête de style mondial qui aboutit à cette conclusion que, seuls, les peuples carnivores étaient la proie de l’appendicite. Fait particulièrement typique, les membres des communautés religieuses astreints au régime végétarien par leurs règles monacales, se trouvant enclavées au milieu des cités carnophyles où sévit cette maladie aujourd’hui si répandue, jouissent, à cet égard, d’une absolue immunité. Cette constatation fit, à l’époque, l’objet d’un sensationnel communiqué à l’Académie de Médecine.

Le branle était donné. Malgré l’étrange et inexplicable inertie de la Faculté, se refusant obstinément à suivre la voie que venait de tracer deux de ses plus illustres représentants, d’autres médecins « dissidents », soucieux de l’intérêt public, s’y engagèrent résolument. Le Docteur Simionesco est de ceux-là. Ses travaux sur la tuberculose et surtout sur le cancer le situent parmi les étoiles de première grandeur scintillant au firmament médical. Directeur du Dispensaire Marie de Roumanie, secrétaire de la Ligue Internationale contre le Cancer et la Tuberculose, il est. en relation constante avec tous les organismes mondiaux que préoccupe cette lugubre dualité, et se trouve particulièrement bien situé pour traiter ce sujet. Voici l’opinion qu’il exprima à propos du cancer :

« Une longue enquête, dit-il, et de nombreux exemples, me permettent, en effet., de penser que l’alimentation joue un rôle considérable dans la propagation du cancer. Savez-vous les pays où il y a le plus de cancéreux ? C’est l’Amérique du Nord. Nous a-t-on cependant assez vanté l’hygiène des États-Unis ! Pas une maison où il n’y ait une salle de bains, partout le confort, les jeux de plein air, etc… Mais les États-Unis sont le pays où l’on consomme le plus de conserves et de viande. Or, les conserves, au cours des préparations qu’elles subissent, perdent leurs vitamines et 1eurs diastases, et le manque de ces substances est. justement l’une des causes prépondérantes du cancer. La viande, d’autre part, est un aliment fortement azoté et les cellules cancéreuses prolifèrent par surabondance d’azote. J’ai fait une enquête dans les pays où l’on ne mange pas de conserves et où l’on consomme très peu de viande et je n’ai pas trouvé de cancéreux. Cela m’a amené à constater à la suite du reste de nombreuses expériences que c’est dans les végétaux que se trouvent les principes prophylactiques du cancer ». (Interview du Quotidien).

Dans sa brochure : Le Cancer, le Dr Victor Pauchet, l’éminent chirurgien de l’hôpital St-Michel, l’auteur de Restez Jeunes et du Chemin du Bonheur situe au sommet de la hiérarchie des causes intervenant dans la genèse du cancer : la viande, l’alcool, etc… Selon lui, les populations méridionales de l’Europe, moins carnophiles que celles du Septentrion, payent un moins lourd tribut au fléau. Les docteurs Gaston et André Durville opinent dans ce sens ajoutant à ces facteurs, celui de sédentarisme, de la cinémophobie, etc. D’après M. de Parandel, Dr du Laboratoire de Bromatologie de Vitry, les Américains des États-Unis du Nord de l’Amérique, recordmen de la consommation carnée, sont également détenteurs de la plus forte mortalité cancéreuse avec un chiffre annuel de 5.000 à 10.000 cas mortels pour 100.000 décès. Tandis que les pays à prépondérance fruito-végétarienne n’enregistrent que 5 ou 6 cas seulement pour ce même chiffre de 100.000 décès.

Dans son ouvrage : Le Naturisme Intégral, le Dr Demarquette apporte une documentation précise sur ce cas troublant. Il nous enseigne qu’aux Indes où fourmille une population de plus de 300 millions d’habitants, 230 millions environ observent les rites végétariens en raison du principe de la métempsychose. Aussi, le cancer se manifeste rarement parmi eux. Par contre, les 70 millions d’Européens et de Musulmans vivant au sein de cette vaste communauté, subissant par conséquent les mêmes influences telluriques et climatériques, mais qui affectionnent la chair animale, sont lourdement et cruellement frappés par l’épouvantable mal.

Même constatation enregistrée en Égypte. Les Fellahs, fidèles observateurs de la tradition végétarienne de leurs pères, jouissent de l’immunité anticancéreuse cependant que les Coptes des villes qui ont adopté la méthode culinaire des Anglais partagent avec ces derniers les malveillantes attentions de ce redoutable Moloch.

Dans les provinces catholiques de l’Irlande où il est fait une moindre consommation de viande que dans l’Ulster protestant, les cas de cancer y sont beaucoup moins nombreux.

Ajoutons qu’au cours de la guerre mondiale de 1914–1918, la plupart des maladies infectieuses, y compris le cancer, subirent, dans les Empires Centraux, une très notable régression, atteignant, selon les cas, jusqu’à 95 %. L’impossibilité où se trouvaient ces importantes nations de se ravitailler en animaux de consommation imposant à la majorité de leurs membres, un végétarisme quasi-complet et obligatoire, sans être cependant parfait, ne montre-t-elle pas le bien fondé de la thèse végétarienne ? Le parallélisme de la consommation carnée et de la marche cancéreuse s’avère, ici, comme en de multiples cas, tout à fait patent.

Que penser, après ce qui précède, de l’importance accordée jusqu’à ce jour au traitement préventif et curatif de la tuberculose par l’alimentation carnée. Devrons-nous lui accorder encore le caractère sacré d’antidote spécifique que lui confère le grand public et les « sommités » médicales ? Ou estimerons-nous avec quelques novateurs de la Faculté que, dans ce domaine, comme dans tous les compartiments de la pathologie, son action sclérosante, arthritisante, prépare organiquement le « terrain », favorisant, en quelque sorte, la réceptivité bacillaire, trahissant ainsi, une fois de plus, l’espoir des foules crédules et désemparées ?

Certes ! tout indique que l’alcoolisme, même modéré, est le plus puissant facteur de délabrement à forme tuberculeuse. La France, qui est par excellence la plus forte consommatrice de boissons fermentées et de vins en particulier puisqu’elle totalise, bon an mal an, une consommation officielle de près de 24 litres d’alcool absolu par tête d’habitant (en 1932, il s’est consommé, par individu, 146 litres de vin) atteint non seulement l’effrayant record de la mortalité générale mais aussi celui de l’hécatombe tuberculeuse avec, selon les auteurs, cent mille à deux cent mille décès d’origine tuberculeuse annuellement. Malgré la multiplication des Préventoriums, Sanatoriums et autres Dispensaires, « l’épidémie » persiste à « plafonner » tandis qu’en Angleterre où la lutte anti— alcoolique a fait fléchir la consommation du sinistre breuvage qui est passé de 10 litres à 7 litres par individu et par an, il n’est plus enregistré que 35.000 décès tuberculeux au lieu de 50.000 précédemment. On n’en continue pas moins, en France, à préconiser et appliquer le décevant traitement antituberculeux par le système de la suralimentation carnée et vinée pour des résultats immuablement identiques.

Parce que des physiologistes obtinrent la guérison de chiens tuberculeux par le système de la viande crue, on s’évertue à imposer cet absurde traitement à des hommes atteints du même mal sans préoccupation aucune des divergences physiologiques qui nuancent les espèces. Rien de plus normal que le chien, animal carnivore, victime de carences, bénéficie d’une excellente mesure qui s’harmonise admirablement à sa constitution. L’appliquer à l’homme est faire preuve d’aberration pour ne pas dire plus.

C’est, en quelque sorte, l’opinion qu’exprime dans sa brochure L'Alimentation des tuberculeux le Dr Georges Petit qui dirigea longtemps le Dispensaire antituberculeux du 11e arrondissement. La suralimentation des tuberculeux placés sous sa direction, au moyen de la viande crue, aboutissait, certes, dans la plupart des cas, à un engraissement considéré au début comme devant être de bon augure. Mais comme il s’accompagnait généralement d’un état congestif se traduisant presque invariablement par de redoutables hémoptisies aux conséquences souvent mortelles, le remède s’avérait pire que le mal.

Cet engraissement obtenu, en somme artificiellement, n’a rien de comparable à l’accroissement de la masse musculaire, seul digne d’intérêt, que l’on ne peut obtenir que par le truchement d’un exercice intelligemment appliquée (voir Physique ; Culture). Ce n’est autre chose qu’une dégénérescence adipeuse des tissus, phénomène pathogénique par excellence. Il n’en est pas moins considéré par nombre de praticiens ainsi que par toute la multitude comme étant un indice de bon augure.

Le maquignon retors, désireux de se débarrasser d’une rosse étique difficilement négociable, s’assure un résultat analogue par le traitement arsénical. Il obtient, grâce à lui, sur son carcan délabré, ce que le morticole détermine chez les malheureux tuberculeux : une grossière et trompeuse apparence tout simplement.

D’ailleurs, si le régime carné intensif devait aboutir à l’immunité antituberculeuse comment interpréter le fait que c’est la corporation des bouchers qui fournit le plus fort contingent proportionnel de décès d’origine tuberculeuse ? C’est ce qui ressort d’une statistique empruntée au Dr Schlemmer, par le Dr Carton et qui figure dans son intéressant ouvrage : La Tuberculose par Arthritisme. Nous ne ferons pas l’injure aux bouchers d’imaginer qu’ils boycottent les produits de leur sanglante industrie qu’ils savent, d’ailleurs, arroser de copieuses rasades de breuvages multicolores. C’est, cependant, si nous nous inspirons de la logique orthodoxe primant dans tous les milieux médicaux et profanes, la profession qui devrait être la plus épargnée. Elle précède, dans l’importance de l’ordre numérique et nécrologique, celle des terrassiers, des dockers, des débitants d’alcool, etc., toutes catégories appartenant à la classe des suralimentés, des… sur-intoxiqués !… Les bouchers cumulent également, d’après le Dr Carton, cet autre peu envié privilège d’être les plus atteints par le diabète, les affections du foie, des reins, etc… Ce sont eux également qui fournissent le plus grand nombre de morts par suicide.

L’hypothèse du contact fréquent des bouchers par des animaux contaminés étant susceptible de les exposer à une éventuelle contagion a été envisagée. Nous ne saurions nous y arrêter attendu que le personnel médical des établissements antituberculeux (médecins, infirmiers, etc…) gravement exposé lui aussi à la contamination par le bacille de Koch, n’enregistre, comparativement, qu’un chiffre de mortalité pour cause de tuberculose inférieur à la moyenne qui est de 320 sur 10.000 décédés alors qu’il atteint le taux impressionnant de 860 trépas sur 10.000 décès également, dans le monde de la boucherie. D’ailleurs, l’idée de contagiosité tuberculeuse s’effrite de jour en jour dans les sphères médicales parce que dénuée de fondement.

Ce bref exposé, limité volontairement à quelques types de phénomènes pathogéniques, démontre que le facteur alimentaire intervient puissamment dans l’action préparatoire des maladies lorsqu’il s’inspire de concepts erronés. Et que, malheureusement, il est à l’origine de la plupart, sinon de toutes les graves déficiences organiques, précédant les infections microbiennes et amicrobiennes. Conséquemment, il ne peut manquer d’avoir un inéluctable retentissement sur notre longévité.

Il n’était guère facile, il y a quelques années, d’apporter à ce sujet, des témoignages probants, caractéristiques, massifs, en raison de l’absence de documents précis et contrôlables. Aujourd’hui, nous n’avons plus rien à regretter sous ce rapport.

Au cours de l’année 1929, la presse française et mondiale fit état, dans ses colonnes, d’une sensationnelle statistique. Il venait d’être dénombré dans le petit État bulgare, le chiffre impressionnant et inégalé par aucune nation européenne d’importance cependant beaucoup plus élevée, de cent cinquante-huit centenaires, dont certains avaient, depuis plusieurs lustres, franchi le cap de la centaine. Quatre-vingt-quinze pour cent de ces centenaires, c’est-à-dire cent cinquante environ, n’avaient jamais mangé de viande au cours de leur existence ; trois pour cent en consommaient irrégulièrement ; deux pour cent en absorbaient quotidiennement. Désireuse de vérifier cette information pouvant paraître tendancieuse, la direction du journal Le Matin pria son collaborateur Henri de Korab d’aller enquêter sur place ; toutes les investigations auxquelles il se livra ne purent que confirmer les données de la dite statistique.

L’émoi causé par cette révélation était à peine calmé lorsque, en 1930, une autre nouvelle aussi sensationnelle était relatée par les journaux. On venait de découvrir dans le petit village de Cellio, situé dans le Piémont, l’existence de cinq centenaires et de trente-trois nonagénaires jouissant tous d’une magnifique santé. Intrigué à juste titre, le Dr Humberto Gabbi, membre du Sénat italien, enquêta sur les lieux et apprit ainsi que tous ces robustes vieillards n’avaient jamais absorbé ni viande, ni vin, ni fumé de tabac.

Si nous ajoutons, à titre de complément, que les détenteurs de la plus longue vieillesse tels que : de Cheikh Ibraïm et Hatham qui exploite encore une ferme en Haute-Égypte et qui accuse 157 ans d’âge ; Wa ho Gunta, chef de tribu indienne du Canada crédité de 149 ans d’existence ; de Don Joana, roi des Mousserouges qui vient de s’éteindre à l’âge de 162 ans à Santo Antonio de Zaïre (Afrique Occidentale Portugaise), etc… ; après avoir observé les uns et les autres la plus intégrale frugalité, doublée d’une irréductible sobriété, on conviendra que le régime dépourvu de viande et de boissons alcooliques n’a pas d’équivalent.

Ajoutons, avant de terminer ce chapitre que tout récemment des archéologues ont exhumé de leur tombeau de nombreuses momies égyptiennes ayant appartenu à un peuple végétarien-crudivore dont toutes les dents étaient usées jusqu’au collet. De l’avis des anthropologistes qui les ont examiné, ces momies auraient dû vivre cent cinquante à deux cent ans pour aboutir à semblable usure.


Cette importante question étant élucidée, demandons-nous si le régime carné qui, par ailleurs, accumule tant de méfaits, n’offre pas en regard quelques compensations : l’octroi d’une puissance musculaire amplifiée, d’une résistance physique plus accusée, par exemple.

Malgré tous les travaux précis, établissant d’une façon irréfutable que les éléments ternaires et particulièrement les hydro-carbones sont pour l’être humain à peu près les uniques pourvoyeurs d’énergie thermodynamique, incalculable est encore le nombre de ceux qui persistent à attribuer à la chair des animaux toutes sortes de vertus énergétiques.

Or, la viande est un aliment essentiellement albumineux, privé absolument d’hydrates de carbone et généralement débarrassée en grande partie de sa graisse par ceux qui l’affectionnent. On imagine difficilement qu’elle puisse procurer au moteur humain la somme de combustible exigée pour son rendement maximum puisqu’elle en est dépourvue. C’est ce que les faits suivants vont démontrer surabondamment.

Il existe dans le langage courant une expression lapidaire pour évoquer la puissance physique de quelqu’un : on dit qu’il est fort comme un Turc. Cela résulte de ce que les portefaix de Constantinople, de Smyrne, etc., sont doués d’une vigueur extraordinaire et d’une résistance à la fatigue quasi-légendaire. Jusqu’à ces derniers temps, en Turquie, la plupart des transports urbains et suburbains s’effectuaient à dos d’homme. Aussi rencontrait-on communément de ces portefaix véhiculant sur leurs robustes épaules et sur des parcours étendus d’énormes fardeaux pesant parfois plus de 500 kilogrammes. Dioscaride, du Journal, eut l’occasion d’en croiser deux, il y a quelques années, gravissant la côte de Péra, à Constantinople, en chantant à gorge déployée, bien qu’étant lourdement chargés, l’un : d’un pesant piano ; l’autre : d’une volumineuse armoire pleine de linge. Leur nourriture ne se composait, semblable à celle de tous leurs compagnons, que de pain, d’oignons crus, de raisin, d’aqua simplex !

Le grand Darwin, lors d’un voyage qu’il effectua au Chili, fut stupéfait de voir avec quelle désinvolture les mineurs chiliens s’acquittaient de leur formidable tâche. Douze fois par jour ils remontaient du fond de la mine des blocs de minerai pesant cent kilogrammes au moyen d’échelles verticales mesurant soixante-dix mètres de haut. Leur régime habituel se composait de pain noir, de fèves cuites, de blé rôti, de figues, le tout arrosé d’eau pure.

C’est surtout au cours de la guerre Russo-Japonaise que le régime végétarien prouva sa supériorité. Les minuscules soldats nippons exclusivement alimentés de riz cuit à l’eau, dominèrent d’une écrasante façon, tant en vitesse de déplacement qu’en résistance physique, leurs corpulents adversaires, cependant confortablement nourris selon les principes erronés de la diététique orthodoxe. Pendant que les Russes franchissaient péniblement 25 kilomètres par jour, les troupes du Mikado parcouraient 45 kilomètres bien que lourdement équipées et en terrains difficilement praticables. C’est grâce à cette extrême mobilité, de l’avis des techniciens, que l’armée insulaire triompha d’une façon aussi complète des légions moscovites. (Mémoires de Ludovic Naudeau sur le conflit Russo-Japonais).

Si nous tirons les enseignements que comporte l’ouvrage de l’Américain Irwing Haucock, Le Jiu Jitsu, nous constatons qu’il ne fait que corroborer la documentation précitée. Pratiquant des sports athlétiques et ayant passé une partie de son existence au Japon, cet auteur est particulièrement qualifié pour traiter de cet important sujet. Au cours d’un des chapitres de son livre ayant trait à la révolte des nationalistes chinois surnommés Boxers, en 1900, il nous apprend que les soldats japonais qui coopèrent en liaison avec le corps expéditionnaire constitué par les grandes puissances pour réprimer, avec l’aménité que l’on sait, ce mouvement xénophobe, bien que n’étant, eux aussi, nourris que de quelques poignées de riz et d’un peu de haricots cuits à l’eau, éclipsèrent d’une façon humiliante, grâce à leur étonnante vigueur physique, tous les autres contingents y compris les gigantesques Sammies cependant rompus à la pratique des sports mais qui, hélas ! apprécient mieux qu’il ne convient de le faire, copieuses côtelettes et respectables biftecks.

Lorsque la Rome décadente fut assaillie par les Barbares, elle enrôla dans ses légions, les gladiateurs. Ceux-ci, que l’on gorgeait de viande afin d’accroître, à tort ou raison, leur férocité, se révélèrent incapables de résister aux fatigues de la guerre que supportaient allègrement les autres légionnaires, alimentés plus frugalement.

Pénétrons maintenant sur le terrain sportif, ce critérium par excellence de la force pure. Nous y trouverons confirmation de ce qui précède. Qui ne connaît les inégalables exploits du finlandais Paavo Nurmi, qualifié par toute la presse mondiale et par tous les critiques sportifs, de « phénomène de la course à pied » ? Pendant plus de dix ans il triompha de tous les compétiteurs et brilla d’un éclat tout particulier dans presque tous les compartiments du sport pédestre, en s’attribuant par la même occasion, d’innombrables records mondiaux, tant officieux qu’officiels. C’est ainsi qu’il détint ou détient encore les records du monde du 3.000 mètres, du 5.000 mètres, de la demi-heure, de l’heure, du « Marathon ». sans compter tous les records intermédiaires. Il conquit les palmes olympiques aux Jeux d’Anvers, de Paris, d’Amsterdam, au cours de nombreuses épreuves disputées et se fut très certainement classé premier, aux récents Jeux Olympiques de Los Angelès, dans la compétition marathonienne, si une intempestive disqualification pour faits de professionnalisme ne l’eût évincé de ce tournoi. Eh bien ! Nurmi est végétarien et fils de végétariens.

Son initiateur en matière sportive et compatriote Kollemainen, autre virtuose de la course à pied, qui s’affirma à son époque le meilleur coureur pédestre de demi-fond en battant le célèbre Jean Bouin considéré jusqu’alors comme étant invincible, dans une course de 5.000 mètres, tout en s’adjugeant le record mondial de la distance pendant les Jeux Olympiques de Stockholm, était lui aussi fervent végétarien.

Fort de cet enseignement, un jeune coureur à pied français, Jules Ladoumègue, grand admirateur des athlètes précités, hanté par le désir de s’illustrer dans la carrière sportive, et convaincu que le régime adopté par les deux redoutables Finlandais était à la base même de leur supériorité n’hésita pas à proscrire la viande de son alimentation. Cette initiative lui permit de s’approprier certains records pédestres mondiaux et, conséquemment, la gloire qu’il briguait tant. (Lire ses mémoires parues dans le Miroir des Sports).

Au cours de 1932, l’Intransigeant, puis Naturisme, nous entretinrent des légendaires exploits pédestres de certains coureurs mexicains, des Tarahumaros, observés par le professeur norvégien Lumoltz. L’un d’eux avait parcouru 36 k. 600 sur piste en terre battue en deux heures ; un autre 270 kilomètres au cours de la même journée, cependant qu’un troisième avait franchi en cinq jours près de 1.000 kilomètres sur route. Ces temps constituent des records mondiaux officieux. Or, ces Tarahumaros sont également abstinents et végétariens.

Le professeur Jules Lefèvre, dans son Examen Scien'tifique du Végétarisme fait une narration des grandes compétitions pédestres qui mirent aux prises, avant 1914, en Allemagne, des représentants de clubs végétariens, avec les coureurs de grands fonds réputés invincibles. Au cours des épreuves Berlin-Vienne et Dresde-Berlin ce furent les équipes végétariennes qui triomphèrent en s’appropriant les cinq et six premières places. Si bien que la presque totalité des records mondiaux pédestres sont littéralement « trustés » par des pratiquants du végétarisme.

Nous croyons inutile d’insister outre mesure sur ce chapitre d’autant plus édifiant qu’il n’existe, de par le monde, que quelques centaines d’athlètes végétariens en opposition aux trente et quelques millions d’athlètes omnivores et que, toutes proportions gardées, aucun des premiers ne devrait accéder à cette gloire tant enviée qui leur est si chaudement mais… vainement disputée.

Ces exemples suffiront, nous osons l’espérer, à mettre en évidence l’inutilité d’une diététique hyper-azotée et, par conséquent, carnée, attendu que tant expérimentalement que théoriquement, ce sont les régimes à prédominance amylacée, harmonieusement vitalisés et minéralisés qui s’avèrent comme étant logiquement doués de plus grandes vertus.


N’ayons pas la naïveté de nous imaginer, après ce qui précède, que notre fantaisie culinaire pourra, sans limites aucune, s’exercer, tyrannique, dans le champ relativement étendu des comestibles végétaux. Certaines variétés, en raison de sérieuses incompatibilités, doivent alerter notre méfiance sinon dicter un ostracisme prudent. Maints procédés de cuisson et de préparation culinaire en honneur appellent également de sévères proscriptions car ils jouent un rôle important dans la pratique d’un régime.

Malgré leur généreuse richesse en hydrates de carbone, sels minéraux et vitamines qui les situent au faîte de l’aristocratie alimentaire : pois, haricots en grains, lentilles, fèves se discréditent par leur teneur exagérée en matières protéiques. S’ils n’offrent pas, comme la viande, le grave inconvénient d’hospitaliser des légions de toxines, le fait qu’ils titrent 23 à 25 % d’éléments albumineux n’autorise guère, à leur égard, de tolérance valable. Ce sont de puissants générateurs d’urée et d’acide urique et les dangereuses fermentations intestinales qu’ils favorisent ne militent guère en faveur de leur défense.

Toutefois, les fins gourmets, doués d’une constitution véritablement robuste, pourront se permettre, de loin en loin, de les faire figurer à leurs menus. Mais ils devront se souvenir que les récidives fréquentes ne seront.pas sans avoir de fâcheuses conséquences… Quant aux arthritiques (hélas ! qui peut se vanter aujourd’hui de ne l’être peu ou prou) ils agiront sagement en se refusant toute licence. C’est pour des motifs analogues que nous devons restreindre la consommation des œufs. Leur titre élevé en albuminoïdes (14 à 15%) les classe parmi les aliments fermentescibles et arthritisants. Réservons-les surtout pour les confections de pâtisseries et d’entremets sans nous croire cependant obligé d’en agrémenter tous nos repas (mêmes remarques que ci-dessus concernant les arthritiques).

Bien que moins toxique et beaucoup mieux équilibré que les œufs parce que contenant tous les principes nécessaires à la nutrition, sans réaliser cependant l’équilibre désirable, les adultes ne devront jamais regarder le lait comme un aliment de base en dépit de l’opinion de beaucoup de médecins. N’oublions pas que c’est avant tout l’aliment du nourrisson en bas-âge et que l’estomac de l’adulte ne secrète plus le lab-ferment indispensable à son intégrale digestion (Dr Durville). La façon la plus rationnelle de le consommer, c’est de l’adjoindre à certains potages, céréales, entremets, etc… Liquide, cru ou cuit, mélangé à chocolat, thé ou café, il a une tendance marquée à favoriser dilatations et ptoses stomacales en n’incitant que médiocrement à l’insalivation si nécessaire aux parfaites digestions (Dr Durville).

Les fromages, véritables concentrés de caséïne, sont également générateurs d’urée et d’acide urique. Il faut impitoyablement radier ceux atteints de fermentation avancée (putréfaction), donnant naissance à de fâcheuses purines. Ne les consommer que modérément, frais ou à peine fermentés.

Lorsqu’il est de provenance recommandable et dans un état de fraîcheur relatif, le beurre, usité sans excès, est parmi tous les corps gras d’origine animale celui qui mérite le plus d’attention parce que plus digeste, plus assimilable et nourrissant. Ne l’utiliser qu’au moment de servir, sans cuisson préalable, en l’ajoutant tel quel aux aliments. Cuit, il perd ainsi que tout corps gras, la plus grande partie de ses propriétés digestives et nutritives.

Les huiles végétales, lorsqu’elles ne sont pas dénaturées par de malencontreux traitements destinés à les rendre plus présentables, commercialement parlant, ou pour des facilités d’extractions quintessenciées, peuvent rivaliser avec les meilleurs beurres sous le rapport de la digestion et de la nutrition. Malheureusement. à notre époque de mercantilisme outrancier, les qualités intrinsèques des produits sont souvent sacrifiées à la présentation au détriment de notre santé, et bien des graisses végétales, liquides ou solides, sont privées de précieuses qualités.

Nous nous devons d’exclure énergiquement de nos pratiques culinaires : fritures, rôtissures, ragoûts, sauces épicées et compliquées. Les graisses cuisant à une température excessivement élevée sont d’abord indigestes parce que devenues rebelles à l’action des sucs gastro-hépatiques, d’où, stases et fermentations stomacales puis intestinales. Au surplus, dévitalisées elles-mêmes, elles contribuent à la destruction des principes vitaux inclus dans les aliments cuits par leur concours. Souvenons-nous que la pomme de terre frite ou rôtie exige quatre à cinq fois plus de temps pour sa digestion que cuite à l’eau ou au four.

Soupes et potages liquides ne sont pas à conseiller étant donné qu’ils sont peu nourrissants. Ils incitent à la déglutition hâtive sans mastication préalable et entravent la digestion par dilution de sécrétions gastriques. Pour pallier à ces inconvénients, donnons-leur une consistance plus solide avec laquelle on se familiarise rapidement.

La cuisson, invention humaine, inconnue de nos robustes géniteurs simiens et homo-simiens a pour conséquence la dévitalisation partielle ou totale, selon les catégories des aliments.

C’est ainsi que la viande, en raison de son extrême indigence en vitamines perd, une fois cuite, la possibilité de nourrir le chien, animal carnivore. Par contre, une pâtée lacto-végétarienne peut encore satisfaire, dans une mesure relativement appréciable, aux exigences physiologiques de cet animal malgré qu’elle ait subie l’action du feu.

Cette inégalité de richesse en principes importants témoigne supplémentairement de la supériorité des comestibles végétaux sur les aliments d’origine animale.

Néanmoins, une nourriture exclusivement cuite expose, quelle que soit sa richesse liminaire et naturelle, à de regrettables carences susceptibles de dégénérer en accidents morbides, bénins ou graves. Il est donc important de remédier à cette éventualité en réservant, dans notre quotidienne ration, une large place aux aliments crus (voir Végétalisme) destinés à combler ces lacunes. Quantité de fruits, choisis parmi les moins acides, de qualité et de maturité irréprochables, figurent parmi les plus indiqués. Ils possèdent, au surplus, l’énorme privilège d’être alcalinisants et se révèlent ainsi les plus valeureux auxiliaires du traitement anti-arthritique.

Les salades sont, elles aussi, sous ce rapport, d’excellents serviteurs. Mais nous gagnerons à réserver nos suffrages à celles qu’un blanchiment inopportun n’aura pas privées de leur pigmentation chlorophyllienne, laquelle s’accompagne généralement de la cohorte des vitamines et des sels minéraux, les parties décolorées s’en trouvant quasiment dépourvues. Par exemple, le vinaigre ne devra pénétrer, sous aucun prétexte, dans leur assaisonnements en raison de ses propriétés décalcifiantes et acidifiantes. L’huile, le sel, l’oignon ou l’ail, le cerfeuil, etc… le remplaceront avantageusement. Le jus de citron ne sera utilisé qu’au cours de la période de transition devant préluder à la nouvelle accoutumance.

Avec de l’initiative, de l’ingéniosité, qui devront présider à cette partie des menus comme à celle ayant trait aux autres plats de résistance, où figureront riz, céréales, pommes de terre, châtaignes, pâtes, légumes divers, etc., il est possible de confectionner des salades composites dans lesquelles entreront à l’état cru : carottes, pommes de terre, navet, rutabagas, pommes, noix, noisettes, amandes, salades, choux, oignons, persil, etc… additionnés de pommes de terres cuites en robe des champs, épluchées après cuisson et divisées en rondelles, salées et huilées. Découpés finement, surtout au moyen d’appareils rotatifs à lames interchangeables relativement parfaits, qu’il est possible de se procurer dans le commerce, ces mélanges harmonieusement composés et combinés constituent des hors-d’œuvre vraiment délectables qui font les délices des vrais gourmets.

D’autres combinaisons existantes (telle la basconnaise) et à créer où interviennent une foule de végétaux cultivés ou sauvages peuvent assurer d’utiles et agréables compléments culinaires. Mais les uns et les autres seront justiciables d’une soigneuse mastication (voir ce mot) ainsi que tous aliments cuits, d’ailleurs, faute de quoi il y aurait risques de bouleverser le processus de la digestion et de la nutrition.

Il est un aliment dont il faut se garder d’abuser : le sucre industriel. Les innombrables manipulations et triturations tendant à le rendre agréable à l’œil et d’utilisation pratique ont littéralement détruit ses attributs diastasiques et vitaux au point d’en faire une substance morte. Mieux vaut réduire son emploi ménager et lui préférer avec les végétaux sucrés, le miel qui peut présenter de minimes inconvénients mais qui a l’avantage d’être un sucre vivant et quintessencié… Le chapitre concernant l’alcool, le café, le chocolat, etc… ayant été abordé à l’article Nourriture (voir ce mot), nous jugeons inutile d’y revenir ici.


Nous voici amené, par la force des choses, à ce point crucial des jouissances culinaires qui ont si grande tendance, malheureusement, à dominer les préoccupations de chacun. Le végétarisme, étant donné les amputations qu’il comporte, les innombrables restrictions qu’il impose, n’expose-t-il pas à rendre plus morne encore une existence déjà passablement dépourvue de franche gaitée ? Et les avantages certains égalent-ils les pertes subies ? En privant l’individu des plaisirs sensuels engendrés par la bonne chère, n’est-ce pas lui enlever les raisons primordiales, sinon l’unique, de vivre ? Qu’importe, en somme, une vie dénuée d’agréments ! Qu’elle soit brève, mais excellente ! entendons-nous proclamer à maintes occasions…

Cette philosophie à courte vue n’est au fond qu’une vaste mystification. Si les comportements de chacun n’aboutissaient qu’à cette unique sanction d’une mort prématurée après une vie élaguée de soucis, et toute tissée de jouissances raffinées, intensives et irremplaçables, sans que les longs et douloureux préludes que nous connaissons ne précèdent sa funèbre intervention, ce raisonnement et ce choix pourraient à la rigueur, se soutenir. Mais il y a loin de la coupe aux lèvres. Dans la réalité, combien de malheureux, au contraire, sont accablés par une vieillesse précoce et tourmentés de cruelles souffrances, interminables souvent avant que ne sonne l’heure de la délivrance. Tous ces tuberculeux, tous ces cancéreux, ces hépatiques, ces uréïques, véritables moribonds ambulants ; tous ces asthéniques, ces névrosés, valétudinaires, vains fantômes dont le regard exhale épouvante et souffrance et dont l’épiderme suinte une mort lente et hideuse : de quels prix ne soldent-ils pas leur ignorance et leurs imprudences, aussi leurs inconscientes bravades ?

Ah ! s’ils avaient la claire vision de ce qui les attend ; s’ils étaient à même de dénombrer par anticipation, les avantages et inconvénients que comporte cette monstrueuse boutade qu’est « la vie courte et bonne », chaque jour proférée par un « perroquétisme » de mauvais aloi, il est certain que bien des fronts se plisseraient devant ce problème et que nombreux seraient ceux qui refuseraient de souscrire à ce marché de dupes. Ce n’est là cependant qu’un aspect de la terrible échéance qu’il leur faut acquitter. Il en est d’autres dont les exigences peuvent être aussi décevantes. Non content de s’abuser soi-même on est porté à induire en erreur son entourage, à égarer les êtres qui nous sont chers. Qu’une amante adorée, qu’un enfant chéri, qu’un aïeul vénéré, qu’un ami, enfin, chaudement affectionné, succombent inopinément sous les coups d’un sort imprudemment défié, n’êtes-vous pas cruellement frappé, plongé dans l’affliction ? Combien de ruines, de désastres, sont chaque jour consommés, accumulés, qui eussent pu être évités si vous aviez tenté de cultiver dans votre esprit et dans celui de ceux que vous aimez une saine et sage conception du bonheur ? Car nous recueillons tous les fruits de l’arbre que nous avons planté…


Mais est-il aussi formellement établi, ainsi qu’on le prétend, que, intrinsèquement, la formule d’existence prônée par nos contemporains hyper-civilisés atteint les cimes interdites à des mœurs plus simples ? Ne sommes-nous pas dominés par une colossale suggestion, maîtresse de nos pensées, de notre sensibilité, faussant ainsi nos jugements, nos sensations, nos sentiments ?

Il est évident que celui qui est, dès sa prime enfance, accoutumé à une discipline alimentaire, éprouve des sensations gustatives inconnues du quidam n’ayant pas le même étalon. Nous évoluons, ici, en plein dans le relatif. Celui dont le palais est familiarisé, de longue date, avec les saveurs fortes des viandes, des rôtissures, des sauces savantes, ne peut évidemment trouver près de mets simples, faiblement mais finement aromatisés, les impressions nuancées, les délicates sensations papillaires qu’il eut éprouvées avec un sens gustatif autrement éduqué.

L’ouvrage d’Hector France : Les préjugés de Cuisine est, à ce point de vue, pleinement édifiant. Il met d’emblée en évidence, que tel mets dont raffole telle peuplade n’a d’autre résultat que de provoquer la nausée et le dégoût chez d’autres individus. Vous délecteriez-vous de pâtes confectionnées avec la partie charnue des cafards hantant vos appartements ? Ils constituaient cependant, autrefois, le plat de prédilection des habitants de certains Comtés d’Angleterre.

Savoureriez-vous certains mets où auraient préalablement macéré un grand nombre de fourmis ? Ils faisaient jadis les délices des indigènes de maints de nos villages du Midi. En Sibérie, certaines peuplades n’apprécient le poisson que lorsqu’il est convenablement putréfié. Et en France même, bien des « gourmets » ne consomment-ils pas le gibier que lorsqu’il est à point « faisandé », c’est-à-dire en proie à une odorante putréfaction ?

Si l’Esquimau se repaît avec délectation de son lard de phoque cru et des entrailles fumantes de ses victimes ; si l’Arabe savoure ses dattes, le Chinois son riz cuit à l’eau, l’Italien sa polenta et son macaroni, ne pouvons-nous logiquement affirmer que chacun enregistre un total de « vibrations » gustatives inconnues des autres ? Et qu’il est bien difficile d’en fixer l’équivalence ou la supériorité ? En matière alimentaire, comme dans n’importe quel autre domaine s’y rattachant, seule l’habitude compte… Dès lors, lorsque nous avons la notion très nette de nous être fourvoyés, pourquoi ne point réagir ? Pourquoi ne point tenter, au bénéfice de notre état général, la rééducation de notre goût oblitéré ? Ce ne peut être, ce n’est assurément qu’une question de temps.

Nous ne contestons pas, certes, que l’entreprise soit hérissée de difficultés. L’habitude est tenace et sait se défendre. Il ne faut pas moins de toute la somme de volonté, de sa puissance suggestive, mobilisées contre ses forces d’inertie pour obtenir le triomphe final. Mais pénétrons-nous bien de cette idée que l’humanité ne diffère véritablement de l’animalisme que dans la claire et vigoureuse association des forces intellectuelles et volitives et que l’Individu ne doit avoir d’ambitions que dans le sens de cette réalisation synthétique…

Outre l’assurance d’un meilleur équilibre, d’une propension à la vie simple dont les régimes nouveaux goûteront l’harmonie, le végétarisme est encore, dans le milieu présent et pour le combat quotidien une arme insoupçonnée. Mettons en balance les faibles dépenses qu’il impose et les sacrifices résultant du régime alcoolo-carné et nous apercevrons sans peine qu’il jouit de la suprématie. De quels généreux espoirs de libération économique ne s’avère-t-il pas le générateur présumé ? Quelles sommes de possibilités ne recèle-t-il pas dans ses flancs ? Collectivement, il se révèle aussi un auxiliaire précieux. En permettant. à maintes virtualités sociales de s’épanouir ; en réduisant les charges innombrables incombant à la communauté ; en restituant aux incalculables « poids morts » remorqués par la société, une vitalité gravement compromise… Et combien de violences et de brutalités qui font cortège au carnivorisme que sa pratique éloignerait ? Combien, avec lui, les mœurs se débarrasseraient de spectacles cruels, de scènes sanglantes dont l’humanité ne sent encore toute la honte et l’indignité !


Quelles peuvent être les destinées du Végétarisme ? L’essor dont il est le bénéficiaire actuel permet-il d’augurer favorablement de son avenir ? Certes ! son ascension fut laborieuse et lente. Il eut cependant d’illustres adeptes et précurseurs. Pythagore, Sénèque, Lamartine, Michelet, Tolstoï, Élisée Reclus, Bernard, Shaw, pour n’en citer que quelques-uns, plaidèrent âprement et éloquemment sa cause. Mais c’est surtout l’expansion du carnivorisme avec ses conséquences catastrophiques pour l’organisme humain qui fut son meilleur agent de diffusion. Il réunit aujourd’hui sous son égide de nombreux disciples répandus sur tous les points du globe. De nombreux journaux, revues, livres et brochures, inspirés de sa forte et persévérante philosophie, contribuent à percer dans l’immense forêt des préjugés la sage voie que l’humanité ne pourra indéfiniment mépriser, si, toutefois, elle désire se prolonger et se survivre. — Jules Méline.

Index Bibliographique : L’Examen Scientifique du Végétarisme, par le Pr Jules Lefèvre ; Faut-il être végétarien, par le Dr Collière ; La base de toute réforme, par Otto Carqué, traduction de Nyssens ; La Table du Végétarien, La Cuisine Simple du Dr Carton, etc… et les revues Hygie, Régénération, Naturisme, Le Naturiste et les ouvrages du Dr Bircher-Benver, de Zürich, etc… ainsi que tous les ouvrages conseillés aux articles Nourriture, Santé