Encyclopédie anarchiste/Forçat - Franchisme

Collectif
Texte établi par Sébastien Faure, sous la direction de, La Librairie internationale (tome 2p. 829-839).


FORÇAT n. m. (de l’italien forzato). On appelle forçat un homme condamné aux travaux forcés. Autrefois, les forçats étaient utilisés sur les galères, bateaux de guerre ou de commerce longs et bas, allant à la voile ou à la rame et étaient particulièrement occupés pour ramer. La somme de travail qu’ils étaient obligés de fournir était formidable et de là est venu que le mot galère est aujourd’hui employé familièrement comme synonyme de bagne et travaux forcés (Voir les mots bagne, galère, etc.).

Par la suite, les galères n’existant plus, les forçats — tout au moins en ce qui concerne la France — furent employés dans les arsenaux et enfin déportés dans des colonies aménagées à leur usage. Il y a peu de temps encore les forçats étaient marqués au fer rouge sur l’épaule, mais cette pratique barbare a disparu, ce qui ne veut pas dire du reste que le sort du forçat se soit sensiblement amélioré. De nos jours, les criminels condamnés aux travaux forcés à perpétuité ou à temps, sont transportés dans la Guyane, contrée de l’Amérique du Sud, en bordure de l’océan Atlantique. Le sol de cette colonie est montagneux et marécageux ; le climat chaud et humide rend cette colonie particulièrement insalubre et, à part le travail que le forçat est obligé de fournir, la simple résidence en cette contrée est un véritable enfer. Quel que soit le peu d’intérêt que l’on puisse porter à la majorité des forçats, la cruauté inutile dont ils sont l’objet soulève de dégoût et de mépris le cœur de tous les hommes sensibles. Rejetés hors l’humanité qui les a vomis, ils auraient tout au moins droit à la pitié, mais il semble que la bourgeoisie les persécute à plaisir. Condamnés à construire des routes, sur un terrain marécageux, soumis à une température tropicale, peu nourris et mal vêtus, simple jouet entre les mains de chefs et gardiens barbares et absurdes, dont l’unique plaisir, en ces contrées lointaines, est de jouir de la souffrance d’autrui, peu de forçats résistent longtemps au régime qui leur est imposé. La bourgeoisie qui les transporte là-bas n’a pas même, pour couvrir son infamie, une excuse utilitaire, car les conditions de vie sont telles dans les bagnes de Guyane, que le forçat produit un travail absolument inutile et que, depuis des années et des années qu’il est employé à construire des routes, aucune route encore n’a pu être terminée. La peine prononcée contre le forçat varie d’ordinaire entre 5 ans et 40 ans de travaux forcés, mais une mesure odieuse d’administration publique l’empêche à jamais de se relever ; c’est ce que l’on appelle couramment le doublage. A partir de sept ans de travaux forcés, le forçat, une fois sa peine terminée, est condamné pendant un laps de temps égal à celui de sa peine, c’est-à-dire qu’il est obligé de résider, « librement », dans la colonie pénitentiaire et de répondre à deux appels annuels afin que sa présence puisse être constatée par les autorités responsables.

Le régime et la vie du forçat libéré sont encore plus terribles que celle du forçat proprement dit. Dans un pays où il n’y a ni commerce, ni industrie, ni comptoir, il lui est impossible de trouver du travail et de gagner ce qui est indispensable à son existence ; l’unique ressource qui lui reste est de commettre un crime afin d’être condamné à nouveau et de ne pas crever de faim ou de maladie. C’est généralement ce qu’il fait. C’est ce que le capitalisme appelle sans doute relever le moral de l’individu. Faut-il s’étonner d’un tel état de chose, alors que le capitalisme repose lui-même uniquement sur le vol et sur le crime ?

Il n’y a pas que des forçats civils, il y a aussi des forçats militaires : ces derniers sont à Biribi. Leur sort n’est pas plus enviable que celui de leurs frères de misère qui résident à la Guyane. Ce sont des « fortes têtes », diront les bourgeois. Qu’ont-ils fait ? Pas grand-chose ; parfois rien du tout. Mais l’armée est une institution féroce. Quelle est la vie de ces forçats ? Terrible. Laissons la parole à un grand journaliste bourgeois qui a visité les bagnes et qui, dans un livre qu’il écrivit à son retour : Dante n’avait rien vu, nous fait frémir d’horreur. « Le supplice des condamnés militaires — nous dit Albert Londres dans son éloquent ouvrage — n’est pas un mythe, elle est écrite sur la pierre dure. L’une des bases de l’institution est le relèvement par le travail. Le travail est un fait : quant au relèvement, il se pratique de préférence à coups de botte.

Lorsqu’il n’y a pas de fourbi, la ration pour ces hommes jeunes est suffisante : les faméliques peuvent même trouver leur compte parmi les restes. On désigne par fourbi le bon accord entre acheteurs et vendeurs de denrées. Le fourbi a pour but d’engraisser le sergent et de dégraisser la gamelle.

Le général Poeymirau passait un jour devant l’un des camps :

— Que donnez-vous à manger à vos hommes aujourd’hui ? demanda-t-il à l’adjudant.

— Des fevettes, mon général.

— Qu’ont-ils eu hier ?

— Des fevettes, mon général.

— Qu’auront-ils demain ?

— Des fevettes, mon général.

Discrètement, Poeymirau rappela à ce destructeur de légumes secs l’existence des bêtes à cornes. » (A. Londres, Dante n’avait rien vu, pages 55, 56).

Et plus loin :

— Pourquoi êtes-vous puni ?

— Le sergent m’a mis une dame dans la main. J’avais les mains en feu, j’ai demandé une pioche. « Vous avez une dame, vous travaillerez la dame », qu’il répondit. Ça me cuisait trop. J’ai jeté la dame sur la route. »

Au suivant :

— Moi, dit-il, je suis orphelin.

On ne lui tira pas un mot de plus. C’est la seule réclamation qu’il voulut faire à la société.

Au suivant :

Celui-là, le plus petit, ne provient pas des bataillons d’Afrique. Aucun antécédent. C’était un zouave. Un coup de poing à son sergent et ce fut cinq ans de travaux publics.

— Toujours un 18, toujours un 30, toujours un 60 (il veut parler des jours de cellule qui pleuvent), et cela pourquoi ? Je n’en sais rien, mon capitaine, on ne peut pas se garer, il en tombe de partout.

— Vous êtes des malheureux. Prenez une bonne fois la résolution de ne plus attirer la foudre sur vous, et vous en sortirez.

— Oui, nous sommes des malheureux, mais il en faut sans doute, et nous le serons toute notre vie, puisque c’est le sort. Ce n’est pas contre cela que je proteste. Je proteste parce qu’on ne nous fait pas notre droit. »

Une dernière image :

— Mon capitaine, dit Véron, moi j’ai à me plaindre.

— Allez.

— On m’a mis aux fers pendant deux heures.

— Pendant deux heures ? fait le capitaine à l’adjudant.

— Mais non ! »

Les fers se composent de deux morceaux, l’un pour les mains, l’autre pour les pieds. Les mains sont placées dos à dos et immobilisées dans l’appareil par un système de vis. Pour les pieds, deux manilles fixées à une barre, le poids fait le reste. Les fers ne doivent être appliqués qu’à l’homme furieux et maintenus un quart d’heure au plus. Il y a aussi une corde qui relie parfois les deux morceaux et donne à l’homme l’apparence du crapaud. Nous n’avons pas trouvé cette corde dans le livre 57, mais au cours de ce voyage, sur la route.

— Procédons par ordre, dit le capitaine. Pourquoi cet homme a-t-il été puni ?

— Il a été surpris sortant d’un marabout qui n’était pas le sien et tenant à la main un objet de literie ne lui appartenant pas. De plus, il y eut outrage envers le sergent. Il a dit au sergent : « C’est toi qui es un voleur, il y a longtemps que tu as mérité cinq ans ! »

— C’est exact ?

— Parfaitement ! Je l’ai dit, répond solidement Véron.

— Pourquoi les fers ?

— L’homme était furieux.

— J’étais furieux, c’est vrai, répond Véron.

— L’avez-vous laissé deux heures aux fers ?

— Au bout d’un quart d’heure, j’ai dit au sergent D… : « Allez lui enlever les fers ».

— Oui, le sergent est venu dans le marabout, mais au lieu de les enlever, il m’a « resserré ».

— Faites venir le sergent D…

Le nom de ce sergent m’était connu. Je l’avais souvent entendu prononcer par les hommes de route. Ce sergent était le héros d’une histoire dégoûtante. Il faisait coucher un détenu par terre, puis ordonnait à des hommes de se servir de la figure du malheureux comme d’une feuillée.

Boutonnant sa veste, il apparut doux et peureux. J’imaginais les dompteurs plus fiers.

— Racontez exactement ce qui s’est passé lorsque l’adjudant vous a dit de retirer les fers à cet homme.

Le gradé se sentit pris à la gorge et bafouilla.

— Eh bien, racontez !

— J’ai fait ce que l’adjudant m’avait dit de faire.

— Alors, vous lui avez retiré les fers ?

— Pro… probablement · · · · · · · · · · · · · · ·

(A. Londres, Dante n’avait rien vu, pages 61, 62, 63, 64).

C’est tout le livre de Londres qu’il nous faudrait citer. La vie du forçat civil ou militaire ? La faim, la soif, la misère, la brutalité et la torture, et c’est tout.

« Depuis vingt ans, dit encore Albert Londres dans la conclusion de son ouvrage, le monde a fait beaucoup de progrès : on voyage dans les airs, on se parle à travers l’océan et sans fil ! L’homme est en marche, du moins il le croit ! Seule, en France, la justice est pétrifiée !

« Nous avons de la répression l’idée qu’en possédaient nos grands-pères du Moyen-âge et même du Premier Age.

« De belles phrases encombrent les projets de lois de nos corps législatifs. Mais ceux qui font des lois ne les appliquent pas et ceux qui les appliquent se moquent de ceux qui les font.

« Un dresseur, qui loin de corriger les instincts sauvages de son animal, ne ferait que les aggraver, ne serait lui-même qu’un incapable et stupide animal. Le sergent de Biribi est ce dresseur.

« Comment procédons-nous pour guérir le condamné du vertige du mal ? Nous le saisissons par la peau du cou et le maintenons au bord du précipice, sans oublier de lui botter le derrière avec délectation et assiduité.

« L’heure est venue de voir plus clair en notre raison. »

M. Albert Londres est un bourgeois et nous ne sommes pas d’accord avec lui quant aux remèdes qu’il propose. Le forçat est un déchet de l’humanité. On ne peut que réprouver — tout au moins en ce qui concerne le forçat civil — les actes dont il s’est rendu coupable. Mais il faut en toute impartialité aller au fond des choses. Le « criminel » n’est-il pas lui-même la victime d’une société criminelle, qui permet et provoque, par son organisation même, tous les crimes et tous les délits ? « La société se défend, diront les moralistes, et d’ordinaire les forçats sont peu intéressants, ils ne méritent pas l’attention et l’intérêt que certains voudraient soulever en leur faveur ». Profonde erreur. Tout se tient, et le crime n’est que la conséquence d’un état de chose arbitraire qui s’étend du bas au haut de l’échelle sociale. Le forçat mérite d’être soutenu et défendu, car c’est un homme vivant et, en toute logique, personne ne devrait avoir et exercer le droit de le faire souffrir. Nous savons que le forçat ne verra réellement la fin de son calvaire que lorsque, la société ayant été transformée, le nouvel ordre social, en mettant fin à l’inégalité, mettra fin également au crime et, par extension, à la répression. Pourtant, dans les cadres actuels de la société, il est possible de faire quelque chose pour ces malheureux dévoyés mis au ban de l’humanité. Le contrôle populaire devrait s’exercer pour que cessent la torture et les souffrances inutiles du forçat et qu’il soit tout au moins traité humainement. En France, des campagnes furent menées afin que les forçats, au lieu d’être exilés dans de lointaines colonies, puissent rester dans la métropole. Malgré les promesses faites à ce sujet par plusieurs législateurs et par certains hommes d’État, le bagne civil est toujours en Guyane et le bagne militaire en Afrique, dans des contrées lointaines où les gardiens peuvent sans crainte se permettre toutes les iniquités et tous les abus.

Ce sera la honte de la démocratie de s’être rendue complice de la cruauté exercée contre les adversaires conscients et inconscients de la propriété, mais c’est au peuple qu’appartient le devoir de faire cesser, par son action continue, les souffrances injustifiées des forçats. Et en premier lieu ce sont les forçats militaires qu’il doit arracher des griffes des brutes galonnées, car c’est un outrage à la classe ouvrière que de punir aussi cruellement les hommes coupables de délits ou de crimes militaires. En attendant que la Révolution épure la vieille société qui se meurt, immédiatement il faut faire cesser les gémissements du forçat et lui rendre la vie, sinon douce, du moins humainement supportable.

Au figuré, on donne le nom de forçat à un homme qui est astreint à une condition pénible. Un travail de forçat. Les forçats du travail. Les forçats de la mine. En vérité, combien sont-ils, en société bourgeoise, qui sont obligés d’accomplir un travail de forçat pour arriver à se nourrir, eux et leur famille ? Des légions. La bourgeoisie n’est pas plus indulgente pour ses exploités que pour ses forçats.


FORCE n. f. Matière incorporelle, considérée comme « cause » d’un mouvement. Matière impondérable, qui ne se présente pas à nous sous les trois dimensions.

« La force, dit Lewes, constitue l’aspect dynamique de la matière, et la matière l’aspect statique de la force ».

Dans son ouvrage remarquable : L’Évolution de la Matière, Gustave Le Bon décrit les expériences qui lui ont permis de démontrer que : les corps ne sont qu’un certain équilibre de la matière, un phénomène, et que les forces sont des particules de matière en non équilibre relatif, des corps « dématérialisés ». Ce terme est inexact d’ailleurs puisque, selon Le Bon, corps et forces ne sont qu’une modalité de la matière qui est en perpétuel mouvement.

La science a maintenu longtemps, sous l’inspiration de l’Église, que la matière était inerte, que les forces existaient indépendamment des corps, mais Grove (cité par Büchner, Force et Matière) a prouvé jusqu’à l’évidence que le mouvement constitue l’état de force ou d’activité le plus manifeste de la matière, et que « la nature ne nous montre nulle part de repos absolu » ; « la matière tout entière non seulement prise en masse, mais encore envisagée dans sa structure la plus intime ou moléculaire, est dans un état de mouvement incessant, tout changement de température provoque une modification moléculaire dans la masse entière, chauffée ou refroidie ; de faibles activités chimiques ou électriques, des phénomènes lumineux ou des activité rayonnantes invisibles sont continuellement en jeu, de sorte que, en réalité, il n’y a pas une seule particule de matière dont on puisse affirmer qu’elle soit dans un état de repos absolu.

« Le mouvement doit donc être considéré comme une propriété éternelle de la matière, dont il est inséparable. La matière ne peut pas plus exister sans le mouvement qu’une substance sans force ; le mouvement ne peut pas plus exister sans matière qu’une force sans substance. Le mouvement ne peut pas non plus dériver d’une force, puisqu’il est lui-même l’essence de la force ; par conséquent, il ne peut pas avoir pris naissance, mais il doit être éternel et universel. Le mouvement est partout dans le monde, dans tout ce qui est grand, comme dans tout ce qui est petit. L’idée d’une matière inerte, ou privée de mouvement, ne se peut soutenir ; elle n’existe que sous forme abstraite, mais non réelle, de même que l’idée d’une matière sans forces. Frédéric Engels dit que cette idée de l’état de la matière sans mouvement est « une des conceptions les plus vides et les plus absurdes, une vraie fantaisie d’imagination maladive ». D’après lui, le mouvement est la manière d’être de la matière. Jamais et nulle part il n’y a eu, il ne saurait y avoir de matière sans mouvement. Mouvement dans l’espace, mouvement mécanique des petites masses dans les corps, mouvement moléculaire sous forme de chaleur, de courant électrique ou magnétique, de combinaison ou de décomposition chimique, de vie organique, — dans l’une ou l’autre de ces formes de mouvement ou dans plusieurs à la fois, se trouvent engagés, à tout moment, tous les atomes de l’univers. Le repos, l’équilibre sont choses relatives, n’ayant de sens que par rapport à telle ou telle forme de mouvement. Un corps peut être en repos au point de vue mécanique, tout en prenant part au mouvement de la terre et à celui de tout le système solaire ; pas plus que cela n’empêche ses plus petites particules d’exécuter des vibrations en rapport avec sa température, ou ses atomes d’être en proie à des processus chimiques.

« Pas plus par le raisonnement que par l’expérience, de fait en aucune façon, nous ne pouvons nous faire une idée d’une matière ou d’un corps sans mouvement. Lorsqu’un corps solide est soutenu par un autre et persiste dans un état de repos apparent, ce repos n’est qu’apparent, en effet, en réalité, ce n’est qu’un mouvement contenu, ou plutôt ce sont deux mouvements de force égale, mais en sens contraire, faisant effort l’un contre l’autre. Par la suppression de l’obstacle, la force latente peut, à tout instant, se transformer en force active. Il en serait de même pour un ressort tendu, pour l’air comprimé, etc. Le repos n’est donc pas l’absence de mouvement ; il est comme la résultante de deux mouvements faisant effort en sens contraire. Ce corps qui semble ainsi en repos, ne l’est pas en réalité ; il ne l’est que par rapport à son voisinage immédiat. Car non seulement il suit la terre dans son mouvement de rotation sur son axe, mais il tourne encore avec elle autour du soleil et, avec celui-ci, autour du grand point central de la voie lactée. » (Büchner, op. cit. p. 53. Ed. Schleicher).

La Science, dans son étude des forces, avait commencé par donner une origine spéciale à chacune d’elles : électricité, chaleur, lumière, etc. ; elle est arrivée, actuellement, quant à l’origine des forces, à une théorie commune à toutes les forces, qui est la théorie vibratoire. Je vais m’expliquer par un exemple très simple, celui du son. Si l’on prend une lame d’acier, et qu’on la fixe par une de ses extrémités, en imprimant un mouvement d’oscillations à l’autre extrémité, on produit un son. Le son résulte donc des vibrations d’un corps, ces vibrations se propagent à travers l’air, et de l’air aux divers organes qui constituent notre oreille, et enfin aux filaments du nerf acoustique qui les conduit à une certaine partie du cerveau. Ces vibrations, nous les percevons sous forme de sons.

Frappez, avec une règle, un verre en cristal qui repose sur une table, un son est produit, vous l’arrêtez immédiatement si vous vous emparez de ce verre : vous empêchez, en effet, les vibrations de se poursuivre.

S’il est des vibrations que nous percevons sous la forme de son, il en est d’autres que nous percevons sous la forme de chaleur, de lumière, etc. C’est la quantité de vibrations produites pendant une seconde qui déterminent les perceptions diverses que ces vibrations provoquent en nous. Pour bien comprendre la théorie des vibrations, il faut se reporter au tableau que l’on trouvera dans tous les manuels de physique et chimie. Ce tableau donne : Son, Électricité, Inconnu, Chaleur, Lumière, Inconnu, Rayons X, Inconnu, etc. Le son, ayant moins de vibrations et l’électricité plus, mais moins que la lumière, etc.

En résumé, les forces sont une modalité du mouvement. Corps + Forces = Matière = Mouvement. — A. Lapeyre


FORFAIT n. m. Le mot forfait a différentes significations bien particulières les unes des autres. Commercialement, le forfait est un marché par lequel une des parties s’engage à livrer à l’autre ou aux autres, à perte ou à gain, une marchandise quelconque, ou encore à accomplir un travail dont le prix a été fixé et accepté à l’avance par les parties contractantes. Traiter à forfait. Une vente à forfait. Un marché à forfait.

En matière sportive on appelle forfait la somme que doit payer le concurrent qui n’exécute pas ses engagements. Un concurrent qui se retire avant une épreuve est déclaré forfait.

Enfin le mot forfait (de fors et faire), signifie également : un crime énorme, audacieux. Un horrible forfait ; un forfait atroce ; se noircir par des forfaits. La bourgeoisie et le capitalisme ont à leur actif un nombre incalculable de forfaits, mais ceux-ci ne peuvent s’accomplir que grâce à la passivité des classes opprimées. Lorsque le peuple comprendra que la puissance et l’insolence des riches n’est faite que de l’ignorance et de la lâcheté des pauvres, il sera facile de mettre un terme aux odieux forfaits dont se rendent cyniquement coupables les dirigeants du monde.


FORGE n. f. (du latin fabrica, fabrique). Fourneau muni d’un soufflet, utilisé par les serruriers, les maréchaux ferrants, etc., etc., et destiné à chauffer le fer et à le rendre malléable et susceptible d’être ensuite travaillé au marteau sur l’enclume.

Usine où l’on fond le minerai de fer tiré de la mine, et où l’on transforme ensuite la fonte en fer proprement dit. Les établissements où se fond le minerai sont de nos jours de vastes entreprises exploitées par les dirigeants des puissants cartels sidérurgiques et, dans toutes les grandes nations du monde, les maîtres de forges forment une association qui exerce, tant au point de vue politique qu’au point de vue économique, une influence considérable sur la vie des peuples.

En France, les maîtres de forges sont groupés au sein du Comité des Forges, organisme d’une puissance colossale, dirigé par les Schneider, les de Wendel, les de Curel, qui écrasent de leur autorité les petits industriels du fer qui ne veulent pas ou ne voudraient pas se courber devant la volonté de ces magnats du fer. Le Comité des Forges est un des plus puissants organismes capitalistes de France, et le prolétariat métallurgiste s’est souvent brisé dans sa lutte contre ce Moloch. Ce n’est qu’en s’organisant également puissamment que la classe ouvrière peut sortir un jour victorieuse de toutes ces puissances, et il n’est pas inutile de lui conseiller de prendre exemple plus particulièrement sur le Comité des Forges en ce qui concerne l’unité des forces en présence dans la bataille sociale.

Le Comité des Forges est à l’avant-garde du capitalisme organisé. Il est composé d’hommes d’une valeur indiscutable et s’entoure, tant pour sa politique ouvrière que pour son développement industriel, de techniciens d’une compétence remarquable. Les maîtres de forges forment donc ce qu’il est convenu d’appeler le capitalisme de lutte. Nier la force du Comité des Forges serait ridicule. Si le prolétariat métallurgiste a si souvent subi des échecs, c’est qu’il méconnaissait et dédaignait son adversaire. C’est une faute grave dans la lutte sociale. Les maîtres de forges ont leurs représentants dans toutes les grandes administrations économiques et politiques ; ils ont leurs députés et leurs ministres, et par leurs associations avec les grandes entreprises financières, ce sont eux qui dirigent presque toute l’activité du pays. On verra aux mote fer, métallurgie, jusqu’où s’étend leur influence et comment, selon leurs intérêts, ils obligent les puissances politiques d’une nation à faire la paix ou la guerre. Faut-il dire que ce n’est que sur le terrain économique que les classes travailleuses doivent s’organiser, pour livrer bataille au Comité des Forges et à toutes les associations d’ordre secondaire qui évoluent contre lui ? Le peuple a trop confiance en la politique pour se libérer de ses maîtres, et pourtant l’exemple du passé aurait dû lui être salutaire. Qu’il réfléchisse.


FORGER verbe (de forge). On appelle forger, l’action qui consiste à donner une forme à un métal quelconque par le moyen du feu et du marteau. Forger une épée. Forger un outil. Forger un fer à cheval. Forger à froid, signifie travailler un métal avec un marteau sans l’avoir auparavant soumis à l’action du feu.

Au figuré : forger signifie inventer, supposer, faire, produire, s’imaginer. Forger des nouvelles. Forger un mensonge. Se forger des idées. Se forger des chimères.

Ils sont hélas, nombreux les hommes qui, au lieu d’étudier simplement la vie dans sa brutale réalité, se forgent des espérances et des chimères. La croyance et la confiance que les hommes ont en la politique et les politiciens, n’ont-elles pas été forgées dans le mensonge d’êtres avides et sans scrupules, n’ayant d’autre désir que celui de jouir ? Si le vieux proverbe est vrai et que « c’est en forgeant que l’on devient forgeron », le travailleur devrait être initié à son rôle et aux moyens propres à se libérer du servage et de l’exploitation qu’il subit depuis des siècles et des siècles. N’en a-t-il pas assez de la vie misérable qu’il mène ? N’a-t-il pas forgé suffisamment de bonheur pour les autres et ne serait-il pas temps qu’il songeât un peu à lui ? Ne va-t-il pas cesser un jour de se forger des fers et ne se mettra-t-il pas à l’ouvrage pour forger enfin l’outil qui le libérera de l’exploitation dont il est victime et qui est une honte pour un monde qui se prétend civilisé ?


FORMALISME n. m. Le formalisme réside en un attachement immodéré aux formes, soit en matière judiciaire, soit en matière d’étiquette, de préséance, de politesse, de bienséance. Le formaliste a le travers d’attribuer une importance excessive à des futilités de langage et d’attitude qui ne se recommandent que de l’usage, de la règle établie, du protocole mondain ou de la procédure. Le formaliste pousse jusqu’au ridicule le respect de l’âge, de la hiérarchie, des attitudes extérieures.

En philosophie, le Formalisme est un système qui consiste à nier l’existence de la matière, en ne lui reconnaissant que la forme.


FORMALITÉ n. f. Manière de procéder, de remplir certains actes administratifs ou judiciaires, selon les formules prescrites et consacrées. La France est par excellence le pays des formalités, et toute l’existence du Français en est empoisonnée. Rien en France ne se fait sans un nombre incalculable de formalités, et de la naissance à la mort on perd un temps, souvent précieux, pour remplir des formalités ridicules et totalement inutiles. Quel que soit l’acte auquel on se livre on se trouve obligé de remplir des formalités. Une naissance, un mariage, un décès, une transaction commerciale, nécessitent une foule de formalités. « Il ne faut point de formalités pour voler, et il en faut pour restituer », a dit Voltaire, et pourtant l’État nous vole, nous pressure, et c’est par la somme de formalités qu’il nous oblige à remplir qu’il nous soutire notre argent. Il est évident que l’État, agent dévoué du capitalisme, n’emploie aucune formalité pour nous dépouiller. Mais lorsqu’il s’agit, pour une cause ou pour une autre, d’avoir recours aux caisses de l’État ; lorsqu’un vieillard impotent et misérable demande un secours ; lorsqu’un malade réclame son admission dans un hôpital, alors il faut user de tant de formalités que, bien souvent, les malheureux abandonnent leurs requêtes. On emploie également le mot formalité pour signifier un acte de civilité : accepter une invitation sans aucune formalité.


FORME n. f. (du latin forma). Configuration des corps qui frappe immédiatement le sens de la vue ou du toucher. Forme extérieure d’un corps, d’une chose. Forme ronde, ovale, carrée. Une forme triangulaire. La forme d’un chapeau ; la forme d’un habit. Une forme élégante. « En peinture, c’est le dessin qui donne la forme aux êtres, c’est la couleur qui leur donne la vie » (Diderot).

En chimie, le mot forme signifie état. L’eau se présente sous trois formes : la forme solide, la forme liquide qui est sa forme habituelle, son état naturel, et la forme gazeuse.

Manière de s’exprimer, de causer, d’écrire, d’agir, de se comporter. Un style de forme peu varié. Ne pas mettre de forme dans son langage. Le capitalisme ne met pas de formes pour exploiter le prolétariat. Caractère d’un gouvernement. Forme républicaine, forme monarchique, forme socialiste. Quelle que soit sa forme, un gouvernement est un gouvernement et est, par essence, autoritaire. Vouloir changer la forme d’un gouvernement n’est pas agir révolutionnairement. L’expérience du passé a démontré amplement que le bonheur de l’humanité n’est pas relatif à la forme du gouvernement qui dirige la chose publique, et c’est pourquoi les libertaires communistes persistent à vouloir, non pas changer la forme politique de l’État, mais détruire l’État, pour élaborer une société de forme économique où chacun produira selon sa force et consommera selon ses besoins.


FORMULE n. f. (du latin formula, diminutif de forma, forme). Expression qui contient les termes précis, formels dans lesquels un acte doit être conçu. Une formule mathématique. Une formule philosophique. Une formule claire. Une formule vide de sens. Une formule intégrale.

En ce qui concerne la formule philosophique ou sociologique, sa qualité consiste à résumer une idée, un système, un point de vue. Il est donc indispensable, pour être comprise, qu’elle ne soit pas ambiguë, mais au contraire claire et précise. Il faut qu’en peu de mots, avec brièveté et simplicité, elle condense tous les éléments de l’idée, du système ou du point de vue qu’elle prétend contenir. Lorsque Proudhon concluait son fameux livre Qu’est-ce que la Propriété ? par cette formule lapidaire : « La propriété, c’est le vol ! », il formulait en quelques mots une idée développée dans tout un ouvrage.

On donne aussi le nom de formule au résultat d’un calcul algébrique qu’on peut utiliser dans un grand nombre de cas, et en chimie la formule est la lettre symbolique par laquelle on signale brièvement la composition qualitative et quantitative d’un corps composé. Le mot formule s’emploie également pour désigner certaines expressions cérémonieuses. Il est d’usage de terminer une missive par une formule de politesse.


FORUM n. m. (mot latin). A l’origine, ce mot servait à désigner toute place découverte. Par la suite, à Rome, on donna le nom de forum à la place où se dressait la tribune aux harangues et où le peuple venait discuter publiquement des affaires l’intéressant. Au forum se débattaient toutes les grandes causes politiques ou judiciaires et des tribunes s’écoulaient des flots d’éloquence. C’est au forum que les tribuns venaient tromper le peuple. C’est aussi au forum qu’on célébrait les fêtes religieuses, qu’on organisait des réjouissances et des festins publics.

Le mot forum est employé aujourd’hui péjorativement pour désigner un parlement ou toute assemblée d’hommes prétendant représenter le peuple et où se discutent les affaires publiques. Il n’y a pas grand-chose de changé au point de vue politique depuis que s’est écroulée la civilisation romaine et si, dans le passé, on trafiquait et on spéculait sur la misère du peuple en pleine place publique, aujourd’hui on trafique et on spécule à l’intérieur des palais qui servent de repaires à d’audacieux parasites. Le Palais-Bourbon, le Sénat, n’ont rien à envier au Forum de l’antiquité. Les parlements modernes ne sont que des Forums où tout se vend, où tout s’achète, même les consciences ; ce ne sont que de vastes foires où le peuple, hélas, envoie encore des mandataires qui le grugent.


FOULE n. f. Grande multitude ; agglomération de personnes assemblées dans un même lieu et qui se pressent les unes contre les autres : « Une grande foule. Une foule énorme, compacte, considérable, innombrable. Se tirer de la foule. Se jeter dans la foule. Il y a foule à ce spectacle. Percer la foule ». Etc…

Au figuré, on dit : « Une foule d’idées, d’impressions, de souvenirs ». Par extension, en parlant des choses : « Une foule de réclamations, de pétitions, de décrets, de mesures, de compétitions, d’ambitions, de plaisirs, etc., etc. »

Quand le mot Foule est isolé et précédé seulement de l’article la : « la Foule », il signifie le vulgaire, le commun, la multitude, la masse, et, en argot, le populo. Il est, alors, le plus souvent, pris dans un sens péjoratif. C’est ainsi que, fréquemment, on dit : « La foule ignorante, crédule, veule, superstitieuse, servile, etc. »

Que de fois j’ai entendu, en réunion publique, prononcer contre la Foule les réquisitoires les plus violents, dont l’âpreté frisait l’exagération et, partant, l’injustice ! Pour l’orateur chez qui le désir de se tailler un succès l’emporte sur la volonté d’exposer et de développer une idée, une thèse ou une doctrine, c’est un procédé commode ; et celui qui, s’adressant à l’assemblée, engueule (qu’on me pardonne ce mot) les auditeurs et les traite de crétins, d’idiots, d’abrutis et de lâches, a l’avantage de se faire frénétiquement applaudir par ceux-là même qu’il accable de ses invectives. On peut même affirmer — fait étrange, mais exact — que plus ses reproches sont cinglants, plus ses insultes sont grossières, plus il est ovationné.

Lorsque, prêt à l’action et pénétré de l’urgence et de la nécessité de celle-ci, un militant constate que la foule demeure sourde à ses appels, je conçois qu’il en ressente une profonde irritation et que, celle-ci, doublée d’une légitime indignation, lui arrache des paroles de flétrissure et des cris de réprobation. Mais est-ce à dire qu’il est juste et utile de recourir, en toutes circonstances, à propos de tout et de rien, à de tels procédés oratoires ?

J’ai recherché la cause de l’état d’esprit que je signale et qui est très répandu dans les milieux d’avant-garde.

Cet état d’esprit procède d’un regrettable et injuste dédain de la masse, dédain qui va, chez certains, jusqu’au mépris et, chez d’autres, jusqu’à la haine.

A force de répéter et d’entendre dire que la foule est ignorante, qu’elle est lâche et servile, qu’elle n’a, au fond, que le sort qu’elle mérite, on a fini par en concevoir le mépris. Découragés par les risques et les difficultés de la lutte quotidienne et, enfin, par la lenteur des résultats de la propagande, beaucoup de militants en ont trop hâtivement conclu que la foule est irrémédiablement passive, stupide et veule, et qu’il n’y a décidément rien à attendre d’elle.

Je prie nos camarades de comparer nos forces à celles de notre adversaire : le Capitaliste.

Pouvoir, Richesse, Presse, École, Caserne, Église, celui-ci possède tout. Nous, nous ne possédons rien que notre profonde conviction et l’excellence de notre cause.

Nous sommes une poignée, sans argent, sans situation, presque sans journaux, surveillés, traqués, persécutés, mis à l’index, marqués à l’encre rouge.

Nos adversaires ont des ressources énormes, des situations de tout repos, tous les journaux à fort tirage ; ils disposent de toutes les puissances de ténèbres et de toutes les forces de mensonge, sans compter le feuilleton, le théâtre, le cinéma, le dancing et le cabaret. Nous sommes dans la situation d’un enfant de cinq ans ayant en main un mauvais pistolet de vingt sous et luttant contre un colosse armé d’une mitrailleuse.

La lutte est prodigieusement inégale. Nous devrions être écrasés presque sans combat.

Et, cependant, nous gagnons du terrain, lentement, péniblement, mais nous en gagnons. Et pourtant, nous entamons la masse, difficilement, insensiblement, mais nous l’entamons.

Y a-t-il lieu de nous décourager, de désespérer ? Évidemment non. Je prie en outre les camarades de se livrer à un scrupuleux examen de conscience et de se demander s’ils n’ont aucun reproche à s’adresser. Chacun de nous a-t-il fait, pour la propagande, tout ce qu’il a pu faire ? N’a-t-il négligé aucune occasion de s’affirmer ? A-t-il, en toutes circonstances, accompli son devoir, tout son devoir ? Peut-il se rendre à lui-même le témoignage que, pour éclairer cette foule à qui il ne ménage pas le reproche, pour l’éduquer, pour la convaincre, pour l’amener à nous, il a fait tout l’effort de patience, de persévérance, d’énergie et de prosélytisme dont il est capable ?

Enfin, est-il bien assuré que si la foule, cette foule à qui il jette si délibérément le blâme, est aussi ignorante, aussi moutonnière, aussi lâche qu’il le prétend, il ne lui en revient pas la moindre responsabilité ?

N’oublions pas que l’homme est ainsi bâti, qu’en présence d’un fait qui le chagrine, l’inquiète ou nuit à ses intérêts, il en cherche toujours la cause hors de lui-même et qu’il ne consent à s’en accuser que lorsqu’il ne peut plus faire autrement.

Gardons-nous de dédaigner, de mépriser et, plus encore, de haïr la foule. En maintes circonstances, elle a prouvé qu’elle ne méritait ni d’être haïe, ni d’être méprisée, ni d’être dédaignée ; elle a montré qu’elle valait mieux qu’on ne le croyait, qu’elle était supérieure à l’opinion qu’on avait d’elle et que, si elle a bien des défauts, elle possède aussi de précieuses qualités, de merveilleux ressorts et qu’elle est, à certaines heures, capable des élans les plus admirables et des vertus les plus fécondes.

Au cours de ma vie déjà longue et fort mouvementée, j’ai observé les milieux bourgeois et les milieux populaires ; j’ai pu les comparer et je n’hésite pas à dire que les milieux bourgeois sont bien plus corrompus, hypocrites, obséquieux, lâches, cupides et méchants que les milieux populaires. Je n’hésite pas à déclarer que les masses ouvrières sont, le plus souvent, supérieures en intelligence, en activité, en courage, en solidarité, en désintéressement, à ceux qui les mènent et en ont le dédain, le mépris ou la haine.

Moi, j’aime la foule parce que je sais qu’elle est la grande persécutée, l’éternelle victime. Je l’aime, parce que je sais qu’elle recèle, à son insu, d’incalculables trésors de bonté, de dévouement et d’héroïsme. Je l’aime, parce que je sais qu’un jour viendra où cette éternelle victime se révoltera et puisera dans son héroïsme et sa vaillance la force de terrasser ses bourreaux. Je l’aime, parce que je sais que, si je fais, pour l’affranchir, tout ce qu’il m’est possible de faire, c’est elle qui, bientôt, je l’espère, en s’émancipant elle-même, me libérera. — Sébastien Faure.


FOYER n. m. (du latin focus). Le foyer est le lieu, l’endroit de la pièce où l’on fait le feu. Le feu lui-même. Allumer un foyer. Éteindre un foyer. Le foyer de la cheminée. Le foyer du fourneau. Par extension on donne le nom de foyer à la maison, la demeure, le domicile, l’endroit où l’on réside, le lieu où se trouve réunie la famille, ou encore à la famille elle-même. Se créer un foyer ; aimer son foyer ; être attaché à son foyer. « Que d’idées antiques et touchantes s’attachent à notre seul mot de foyer », dit Chateaubriand. C’est en effet au foyer familial qu’après une rude journée de labeur, le travailleur trouve un peu de bonheur ; c’est là qu’il se repose des fatigues et des misères de la vie, et c’est là aussi qu’il rencontre la sympathie, l’amitié et l’amour de la compagne et des enfants. L’homme n’est pas un animal solitaire, il a besoin de s’accoupler, de s’associer matériellement et sentimentalement à des êtres qui lui sont chers. Il a besoin d’une compagne, il a besoin d’un foyer. C’est au foyer qu’il partage ses joies et ses souffrances, ses espérances et ses déboires, ses désirs et ses aspirations. C’est au sein de la famille, du foyer qu’il panse les plaies douloureuses de son cœur et qu’il puise le courage nécessaire à poursuivre la lutte contre toutes les forces mauvaises qui écrasent l’opprimé. Quelle misère pour l’individu qui n’a pas de foyer et vit isolé, détaché de toute attache familiale ! A l’aube de la vie, l’homme jeune peut dans une certaine mesure se passer du foyer. Le besoin d’activité, de mouvement, le désir de savoir et de connaître l’entraîne parfois hors de la maison ; mais un âge arrive où l’homme a déjà parcouru la plus grande partie de sa route et alors il est heureux de trouver un asile pour reposer sa tête et ses membres las. Certains absolutistes prétendent que le foyer familial est une entrave à la liberté. C’est une profonde erreur. Certes, les anarchistes ne sont pas sans ignorer que bien souvent le militant est déchiré entre son foyer et la lutte pour l’émancipation. Mais la cause en est l’exploitation féroce que subit la classe productrice et, si la division règne au foyer, toute la cause en incombe encore à la bourgeoisie. L’anarchiste ne conçoit pas la famille et le foyer tels que les conçoivent les ignorants imbus de préjugés et de croyances ; il a une conception particulière et libre de la vie familiale, et s’il ne peut pas toujours mettre ses principes en application, c’est que la société ne permet pas la libre évolution de l’individu. Tout se tient dans la société, qui imprime son autorité sur les moindres actes, sur les moindres gestes de la vie des hommes, et si le foyer prolétarien retentit parfois de disputes, c’est que la misère y pénètre et que l’on n’y trouve pas toujours du pain dans le buffet et du bois dans l’âtre. Sans crainte de se tromper, on peut dire que la plupart des discordes qui divisent les familles ouvrières sont d’ordre économique et puisent leurs sources dans la misère qui étreint les malheureux. Un foyer où il y a, non pas l’abondance, mais l’aisance, est un foyer heureux, car le foyer prolétarien n’est pas encore corrompu comme l’est celui de la bourgeoisie, et n’est pas constitué à la suite d’un marchandage honteux entre deux parties qui s’unissent. Mais, hélas ! bien souvent, trop souvent, quand le chômage ou la maladie pénètrent dans le foyer et que les économies péniblement amassées sont englouties, lorsqu’au bien-être fait place une situation désespérée, alors tout se détache, tout se brise et le foyer est détruit. Dans une société bien organisée, d’où aura disparu l’inégalité économique, où chacun pourra travailler et consommer librement, les foyers n’offriront plus le spectacle de la désunion. Ce sera l’association d’êtres animés l’un pour l’autre de sentiments réciproques et pouvant librement se donner sans crainte de voir leur union brisée par de mesquines questions d’ordre matériel.

On donne également le nom de foyer à certaines maisons où les miséreux viennent chercher un asile. Ce sont généralement des œuvres créées et soutenues par des œuvres philanthropiques, mais on sait trop que la philanthropie est une action inopérante en raison même du nombre de misères qu’il faudrait soulager en régime capitaliste. D’autre part, aucune liberté n’est tolérée au sein de ces « foyers » et il faut se soumettre, lorsque l’on y est admis, aux règlements souvent arbitraires qui régissent ces maisons. En Angleterre et en Amérique où « l’Armée du Salut » exerce une influence considérable, cette organisation protestante a créé pour les sans-familles des refuges auxquels on a donné le nom de « foyers ». Quelques-uns de ces « foyers » ont également été établis en France par la même organisation. En vérité, l’Armée du Salut est une entreprise commerciale et ses foyers ne sont en réalité que des casernes qui ne rappellent en rien la demeure familiale. Ce sont des hôtels d’un prix un peu plus modique que les autres.

On emploie encore le mot foyer comme synonyme de centre actif, de siège principal : un foyer de révolte ; un foyer d’épidémie. Au théâtre, on appelle foyer l’endroit où se réunissent les auteurs, les acteurs et où sont également admis quelques privilégiés. Le foyer du théâtre ; le foyer de la danse.


FRACTION n. f. (du latin fractio, rupture). Portion. Partie. La fraction est une partie d’un tout. Le centime est une fraction du franc. « Les individus, dit Lachâtre, sont des fractions souffrantes de l’humanité ». C’est justement parce que le peuple est divisé en fractions que le capitalisme qui l’exploite se permet tous les abus. Ce travail de fractionnement de la classe ouvrière est l’œuvre de la politique. C’est elle qui a divisé le prolétariat, c’est elle qui l’a fractionné afin de mieux s’en servir pour des fins inavouables. Aujourd’hui la classe ouvrière est brisée. Une fraction est organisée en France au sein de la C.G.T. (Confédération générale du Travail), une autre fraction adhère à la C.G.T.U. (Confédération générale du Travail Unitaire), et enfin une fraction adversaire de toute politique socialiste ou communiste a formé la C.G.T.S.R. (Confédération générale du Travail Syndicaliste Révolutionnaire). Mais la plus large fraction des travailleurs français reste inorganisée. Alors que le capitalisme, en raison même du développement économique, se centralise de plus en plus, il est pénible de constater que les classes laborieuses continuent à se déchirer au lieu de faire bloc contre l’ennemi commun. Tant que la classe ouvrière sera divisée en fractions, la bourgeoisie aura encore de beaux jours à vivre, car ce n’est que dans l’union que les travailleurs trouveront la force de vaincre.


FRANCHISE n. f. (de franc). Sincérité, loyauté. Parler avec franchise. « La franchise est une sincérité sans voile » (Vauvenargues). La franchise est une belle qualité, surtout en notre siècle de fourberie et de mensonge, où les hommes francs deviennent de plus en plus rares. La fausseté, la dissimulation, l’hypocrisie règnent en maîtresses sur le monde, à un tel point que l’homme du peuple habitué à être trompé ne veut plus écouter celui qui lui parle loyalement et avec franchise. Le jésuitisme a pénétré partout et le mensonge a été élevé en symbole. « La fin justifie les moyens » et pour atteindre le but on n’hésite plus à mentir et à tromper. C’est le résultat de la morale bourgeoise enseignée depuis des siècles. Ce qu’il y a de plus horrifiant, c’est que des organisations d’avant-garde, des organisations se réclamant du prolétariat et faisant figure révolutionnaire considèrent également la franchise comme une faiblesse et, par leur propagande, poursuivent consciemment ou inconsciemment, une œuvre de corruption sociale. Le peuple s’apercevra-t-il, avant qu’il soit trop tard, de son erreur, et se tournera-t-il enfin vers ceux qui lui sont attachés, qui le défendent, et qui, en toute occasion, agissent avec probité et franchise ?


FRANCHISME Mot créé par Jean Barral, directeur de la Revue L’École Franchiste, défendant les thèses se rattachant à « l’ordre naturel de l’économie sociale ». Cet « ordre naturel de l’économie sociale » se base sur l’introduction du sol, du numéraire (monnaie) et du commerce francs, connus sous les lettres lapidaires de F.F.F.

F.F.F. — Sol franc, Monnaie franche, Économie (commerce) franche.

Introduction. — La question sociale ou de l’exploitation. — Demandez aux individualistes, anarchistes, communistes ou même aux bourgeois, ce qu’ils entendent par réformes sociales, et votre analyse de fond découvrira qu’ils renonceraient volontiers (à part les fanatiques) à leurs revendications de titre, pourvu que soient réalisées leurs exigences économiques. Intuitivement ils se rendent compte que ce sont ces exigences économiques qui forment la pierre fondamentale de leur « milieu ».

Les sociologues qui n’apportent pas leur attention primordiale à l’égoïsme naturel de l’homme et, par extension, de la masse, font fausse route. Dans cet égoïsme naturel de l’homme sont comprises toutes ses aspirations. Elles sont en tout premier lieu des aspirations ou besoins physiologiques primordiaux, tels que : satisfaction sexuelle, manger, boire et dormir. Viennent ensuite les besoins que crée et développe la civilisation à différents degrés.

Dans notre économie sociale capitaliste — et les révolutionnaires ne s’en rendent généralement pas assez compte — nous jouissons de toutes les libertés imaginables, pourvu que nous possédions les moyens de les « payer » (Quand la bourse est vide, c’est alors qu’on pousse le cri de liberté !). C’est ça que sentent instinctivement les prolétaires (c’est-à-dire les exploités, travailleurs de n’importe quel métier), sans s’en rendre compte au juste, et de là leur pensée, leur esprit « capitalisé ». Il n’y en a que fort peu ayant saisi la question de l’exploitation dans ses vraies causes. Ce sont aussi les seuls qui sauront montrer le bon chemin pour l’avènement de la société en accord avec nos tendances anarchiques naturelles.

Les milieux dits avancés stigmatisent le programme capitaliste par : exploitation de l’homme par l’homme. La première question à solutionner reste donc toujours : comment, par quoi et quand se fait-elle, cette exploitation ? Ensuite, quels sont les meilleurs moyens pour anéantir les causes de l’exploitation et comment devra être le système économico-social naturel ? Car un tel système doit garantir des bases égales de lutte pour la vie, enfin la libre concurrence pour tous. Cette société nouvelle portera inscrit sur son seuil : « A chacun selon ses efforts. »

Exploitation et revenu sans travail sont synonymes. — Là où il n’y a pas d’exploitation il ne peut y avoir de revenu sans travail et inversement. Ce revenu du travail est une partie frustrée (50 % jusqu’à 75 % et plus suivant les périodes de hausse ou de baisse économiques) sur le revenu intégral du travail. C’est sur le pourcentage de ce prélèvement qu’on pourra mesurer, pour ainsi dire, la somme de misères des classes laborieuses. La question du revenu du travail est l’être ou le non être de l’exploité. Mais peut-on mesurer et fixer le revenu intégral du travail ? Certes, c’est par le libre jeu de l’offre et de la demande que se fixera et se mesurera librement et individuellement ce revenu intégral. Dans la société (économie) capitaliste, la concurrence libre n’existe pas, et c’est pourquoi il y a exploiteurs et exploités. Le revenu du travail n’est ni le produit du travail (machine, pièce détachée, labourage, écrit, musique, etc.), ni le numéraire ou la monnaie en compensation de ce travail. Le revenu intégral ou partiel du travail est la quantité de produits qui peuvent être utilisés, consommés en échange du travail fourni. Ce n’est donc pas le produit du travail qui intéresse l’ouvrier en général, vu qu’il ne saura l’utiliser directement (à part peut-être le produit agricole), et le salaire n’est pas, non plus, le revenu du travail, puisque les prix des marchandises sont variables.

Si tous les produits que nous consommons ou utilisons (et ils passent par une foule de manipulations partielles : à la mine, à la fabrique, au transport, à la vente, etc.), n’étaient vendus qu’au prix comprenant uniquement les salaires pour les travaux multiples exécutés à la confection, vente, etc., de ceux-ci, nous n’aurions plus à subir d’exploitation, vu que nous payerons alors seulement les travaux effectivement rendus, et tout travail vaut salaire ou compensation. Cependant nous payons bien plus et nous subissons l’exploitation. Donc nous devons analyser le prix des produits, à savoir si, en dehors des salaires de travail, y sont contenus d’autres éléments. Pour répondre à cette question il nous faut partir, non d’un individu isolé, mais de la collectivité des producteurs, respectivement de la totalité du revenu collectif. Maintenant il s’agit de connaître les lois qui régissent la répartition du produit intégral de l’économie sociale, afin de savoir qu’elles peuvent être les déductions en dehors des salaires effectifs ?

Les lois de la répartition du produit collectif dépendent des trois facteurs principaux de l’économie sociale, à savoir :

a) Sol et sous-sol, y compris les matières premières ;

b) Capital (monnaies, moyens d’échange, de production, etc.) ;

c) Travail.

Nous savons maintenant que le produit se réalise par l’entente de ces trois facteurs et nous allons aussi comprendre plus loin que le marxisme, dont se réclament, directement ou indirectement, presque tous les socialistes, est sur une fausse route. Aussi, l’hypothèse bien marxiste de ce que le capitalisme était à son apogée, qu’il se tuait soi-même, qu’il disparaîtrait de par la loi inhérente en lui, etc., est absurde. Ce capitalisme ne nous causerait probablement, à l’heure actuelle, plus de souci, si Marx avait eu raison. Le fait est le contraire : le capitalisme est aujourd’hui plus puissant que jamais et les crises économiques et politiques ont plutôt l’air de le rajeunir et de le fortifier.

Donc, le partage de la production collective se fait par ces trois facteurs :

a) Sol et sous-sol · · · · · · · · · · Rente foncière

b) Capital · · · · · · · · · · · · · Intérêt sur le capital

c) Travail · · · · · · · · · · · · · · · · · Salaire

La production sociale totale doit donc laisser deux parts aux éléments improductifs qui sont :

1o) La rente foncière que perçoivent les propriétaires du sol et du sous-sol ;

2o) L’intérêt sur le capital, que perçoivent les détenteurs du capital et seulement une part reste à la disposition du travail productif. Cette troisième part (revenu par le travail) de la production totale ne se partage pas plus équitablement entre les travailleurs (producteurs), car le partage est faussé par le système même qui a créé le « monopole » de l’éducation, la douane et tant d’autres restrictions artificielles à la libre concurrence.

Le droit arbitraire de disposer des richesses du sol et du sous-sol, enfin des richesses naturelles et du capital (prélèvement d’intérêt), donne aux propriétaires de ces deux facteurs économico-sociales le pouvoir sur tout ce qui dépend de l’économie à base de division du travail. Le travail peut se faire seulement quand le sol (et sous-sol) et le capital le permettent. Cette permission est la réalisation du revenu sans travail (rente foncière et intérêt sur capital), mais aux dépens de revenu par le travail. Rien n’échappe, tout doit payer son tribut, l’État lui-même, le consommateur, le producteur, enfin tout. Ce que représentent les tributs réclamés par le rentier et le capitaliste est mis en lumière par ces quelques considérations et exemples : le sol et sous-sol avec ses richesses naturelles appartiennent à tous les hommes sans exception, car ils ne sont pas créés par eux et ainsi leur bien propre ; mais ils leur sont laissés naturellement et « pour rien » de par la Nature (je ne veux pas discuter ici la valeur du terme « Nature », sans importance pour la question). Le prix que l’homme paye pour le sol ou le sous-sol à un prétendu propriétaire représente la « rente foncière capitalisée », de même aussi le loyer, etc., pour l’exploitation du sol et des matières premières. Le « prix » d’une propriété se base sur le calcul suivant :

Exemple : Revenu annuel sans travail (rente foncière) : 15.000 francs. Taux d’intérêt : 5 %. Prix du terrain : 15.000 x 100 : 5=300.000 francs.

Ou inversement, lorsqu’il faut payer une propriété 300.000 francs le successeur prendra le taux d’intérêt du jour, dans ce cas 5 %, et saura que le terrain, etc., doit rapporter 15.000 francs de revenu sans travail, en dehors du travail productif qu’il y rendra ou fera rendre. La propriété lui doit représenter une sorte de banque, où, son capital de 300.000 francs déposé, lui sont garantis les mêmes 15.000 francs, augmentés de 5 %. De là aussi l’interchangeabilité du sol et du capital. Les banques, par exemple, prennent le plus volontiers des sûretés foncières.

Le capitaliste prête son argent (capital-monnaie) à l’économie sociale quand il rapporte, c’est-à-dire quand le taux d’intérêt du jour (qui sera toujours aussi haut que le marché le permet) lui est garanti (y compris les dividendes ou l’intérêt hypothécaire), sans cela il se retire et les travaux (la production) ne se font pas.

Un autre exemple probant est fourni par les loyers des demeures qui se composent généralement de 4/5 de rente foncière et d’Intérêt sur capital et 1/5 seulement est affecté par l’usage et suffirait à la restitution des salaires et matériaux. À noter que, la restitution faite, elle sera liquidée et ne resteront plus que les frais occasionnés par la détérioration naturelle ; mais la rente foncière et l’intérêt sur capital continuent leur vie parasitaire.

Le fait le plus probant vient encore : Prenez n’importe quel pays en exemple et voyez quelle est l’évaluation de la fortune nationale. Quelle soit par exemple de 500.000 millions de francs « or », si vous préférez. Et maintenant ? C’est facile, au taux d’intérêt de 5 % (le soi-disant taux normal, puisque assez constant depuis des siècles) nous trouvons qu’annuellement les travailleurs, sans exception, doivent laisser de leur revenu du travail 25.000 millions « or » en forme de rente foncière et d’intérêt sur capital, c’est-à-dire cette somme formidable est contenue dans les prix des marchandises et directement payée par les consommateurs, dont font partie en nombre infime et avec une consommation minime (quoique relativement très grande) les classes des exploiteurs. Ce n’est pas tout : dans l’espace de tous les 20 à 25 ans, tous les ouvriers (manuels et de tête) doivent produire à nouveau aux capitalistes et rentiers fonciers la fortune nationale entière, c’est-à-dire : fabriques, maisons, chemins de fer, vaisseaux, mines, enfin tout. Encore si ce n’était que cela ! Ces sommes formidables de revenu sans travail ne sont rien contre l’autre côté du mal que font le rentiérisme et le capitalisme à l’économie sociale tout entière. Car pour qu’ils puissent se maintenir ils ont besoin d’une armée constante de sans-travail (chômeurs) qui maintiennent, par leur seule présence, les salaires au niveau voulu ; ils ont besoin que l’économie sociale côtoie toujours les crises économiques ou qu’elle s’y engouffre. Si l’on compte un peu ce que peut être la quantité d’objets utilisables dont la production a été empêchée, la somme de bien-être perdue par les crises économiques chroniques ou aiguës, les frais énormes (inclus dans les prix des marchandises) occasionnés par les difficultés faites à l’échange des produits, alors nous aurons une idée des méfaits du capitalisme-rentiérisme.

Jamais encore il n’y a eu « surproduction » ! Ceux qui prétendent cela sont ou bien des ignorants ou des « intéressés » ! Quand le dernier des hommes a-t-il pu satisfaire tous ses besoins (seulement matériels) et même davantage ? Alors ?…

Le progrès vers la lumière, vers le bien-être, vers la liberté et l’âge noir de l’homme primitif, l’ignorance et la misère, balancent autour de l’état économique de l’humanité.

La production sans frein, toujours croissante, c’est la mort du capitalisme. — Wenn alle Raeder laufen, muss das Kapital ersaufen ! — Quand toutes les roues marcheront, les capitalistes (le capitalisme) se noieront !

C’est au génial Silvio Gesell que nous devons enfin la connaissance parfaite des causes de l’exploitation. Nous savons maintenant qu’elle a sa source dans le capital primitif (capital par excellence) et dans la propriété privée du sol et du sous-sol. Mais Silvio Gesell nous a donné un cadeau encore plus précieux, le plus précieux que l’humanité puisse désirer : ce sont les moyens pour rendre impossible à jamais l’exploitation et pour donner un nouvel essor à la production humaine, voire à son ascension vers ses plus chers idéaux. Qu’est-ce que c’est qu’une invention, si le capital et le sol refusent leur concours ? Que sont les aspirations humaines dans le domaine intellectuel, moral ou matériel, si capitalisme et rentiérisme n’y voient leur intérêt ou qu’ils y risquent la peau ?

Les théories F.F.F. de Silvio Gesell peuvent se résumer à peu près en ces deux grandes lignes :

1o) Abolition de l’exploitation par intérêt sur capital et les profits de hausse et de baisse, en introduisant la monnaie franche, liée à une cotisation stable. Cette dernière travaillera de concert avec une Société Internationale de Change (cotisation). — (I.V.A. ou International Valuta Association) ;

2o) Abolition de l’exploitation par la rente foncière privée en déchirant les titres de propriété arbitraire sur le sol, le sous-sol et leurs richesses naturelles (non créées par l’homme), c’est-à-dire en faisant la terre franche.

Avec ces deux lignes vont de pair le commerce libre et la dissolution de l’État (comme résultantes) et, comme conclusion : expansion et appréciation de l’individualité ; liberté du domicile (aller et venir franc), concurrence libre sur des bases égales pour tous : « À chacun selon ses efforts ! »

La Monnaie Franche. — Le problème de la monnaie et sa solution. — L’économie primitive (producteur et consommateur en la même personne) ne permettait guère de satisfaire des désirs outre les besoins vitaux primordiaux. En faisant lentement place à l’économie à base d’échange, le travail et les produits devenaient un objet de commerce. Tant que l’écoulement des produits devait s’opérer directement par échange entre consommateur et producteur à la fois, il y avait encore énormément de frein à l’évolution humaine. L’usage d’un moyen d’échange conventionnel a donné du coup un essor vigoureux au développement humain et a permis d’accomplir ce que l’économie primitive ne pouvait faire et ce que l’échange direct ne faisait encore possible qu’en partie infime.

Point de culture, aucun progrès humain sans division du travail : point de division du travail sans monnaie (moyen d’échange !), et j’ajoute : plus ce moyen d’échange reste neutre, c’est-à-dire limité dans ses fonctions désignées, davantage aussi s’assurera le bien-être du producteur.

Nous nous servons actuellement de la monnaie métallique et en papier que l’État déclare comme tel et qu’il protège contre les falsifications. C’est une erreur de croire que la monnaie soit « couverte » ou « garantie » en or. Cette prétendue « sûreté métallique » est un vaste bluff. L’unique sûreté de la monnaie est et reste sur le marché des produits, où l’on peut échanger (acheter) ce numéraire contre des marchandises (objets utilisables). Si la sûreté mercantile (des produits) vient à faire défaut, la meilleure des cotisations en or ne pourra nous servir de quelque chose.

Des équivalents de monnaie (chèque, traite, etc.) se basent eux-mêmes sur la monnaie et n’ont pas du tout les avantages d’une circulation directe de monnaie.

Ce qui intéressera le travailleur quant à son budget, ce sera le prix moyen des marchandises (nombre, indice ou index), duquel il peut partir pour savoir si son revenu du travail s’est amélioré ou non.

En temps de hausse la production va en s’intensifiant, les prix montent et les fabricants et commerçants ont confiance et tout le monde trouve un gagne-pain. Il s’agit ici d’une hausse normale, qu’il ne faut pas confondre avec l’inflation monétaire (hausse de circulation ou de quantité monétaire) telle qu’elle a passé et passe encore sur les États européens. En temps de hausse, la monnaie circule plus vite, les banques ne détiennent que la quantité de monnaie indispensable ; tout le monde veut acheter, espérant de vendre mieux — on spécule ; les chômeurs deviennent moins nombreux, car la production est en mouvement ascendant.

Par contre, en temps de baisse il y a chute des prix ; les banques regorgent de monnaie ; les crédits sont refusés et révoqués (méfiance commerciale) ; la monnaie circule plus lentement ; on n’achète plus (ergo on ne produit plus), car demain déjà on peut réaliser meilleur marché ; le chômage s’accentue, c’est la misère qui s’accroît.

Il y a hausse quand la quantité de monnaie en circulation (monnaie métal ou monnaie papier reste, en principe, indifférent) est augmentée. Effet : prix moyen croissant. Les découvertes de mines d’or le prouvent. L’inflation, par exemple le temps des assignats ou celui d’après-guerre, où les machines à imprimer les billets de banque travaillaient jour et nuit. En Allemagne (le pays de l’inflation monétaire par excellence) où, depuis 1914 à 1923, l’office monétaire jetait de plus en plus fiévreusement de la monnaie papier en circulation, la quantité monétaire en juillet 1914 était d’environ 5.760 millions de marks, pour atteindre, fin 1923, environ 400 quadrillions (environ 70.000 millions de fois plus), pendant que les prix des marchandises montaient graduellement à environ 1 billion et demi de fois. L’accroissement des prix, plus considérable en pour 100 que celui de la quantité monétaire, était dû à la diminution graduelle de la production et avant tout à la vitesse de circulation monétaire qui allait dans l’impossible.

En diminuant la quantité de monnaie disponible d’un pays, l’index diminue également ; il y a baisse. Le passé en fournit des preuves sérieuses. Le moyen-âge et le manque de mines d’argent (l’argent était alors la matière monétaire) sont inséparables. Les falsifications monétaires (Schinderlinge : pièces dont le poids en argent était moindre) des seigneurs apportèrent un relèvement ; l’époque glaciale dans la culture humaine allait se terminer. La période de 1907–1908 était caractérisée par une formidable crise économique mondiale, dont le fomenteur était Pierpont Morgan. Il avait retenu d’énormes quantités d’or monéifié et déclenché une chute de prix inquiétante. Qui de nos sociologues s’est douté, en dehors des physiocrates, que la crise économique mondiale actuelle (elle date surtout de 1920) est due à ce que l’Entente et des pays neutres ont retiré une partie de l’argent dépensé en cours de guerre ? Et la politique de déflation, responsable de stabilisation ? Et les États-Unis de l’Amérique ? Le dollar-or a subi une dépréciation notable, car actuellement le nombre indice vacille autour de 150 % contre 100 % d’avant-guerre. En Allemagne, il est environ 135. Ces deux chiffres se réfèrent à l’index du commerce général, car pour l’Allemagne l’index de cherté de vie est même à 145. Consultons les statistiques des pays et nous saurons qu’elle est la baisse du bien-être en pour % moyens depuis la guerre… Mais que veut dire tout cela ?… Qu’en Amérique il faut donner en moyenne 160 dollars de ce qui coûtait avant la guerre environ 100 dollars, et ainsi de suite. Les oscillations autour du nombre indice sont la mare aux spéculants et agioteurs. Cependant ce n’est aucunement améliorer la chose que de punir ces derniers ; il suffit de changer dûment la monnaie et ils disparaîtront tout seuls, sans peine ni rien. La moindre augmentation, même en % de l’index apporte des profits fabuleux à la haute finance (voyez la fortune nationale) et des pertes égales aux travailleurs, dont le salaire ne suit pas, et de même aux créditeurs, dont la valeur intrinsèque de leur monnaie prêtée diminue. L’inflation est l’orgie des rapaces de la haute finance.

Le prix de la marchandise dépend de la quantité de monnaie disponible (effectivement en circulation — la monnaie dans les coffres-forts ou bas de laine, ou l’or en bijoux, sont morts) et de la vitesse de circulation. En opérant savamment avec les deux facteurs « quantité » et « vitesse de circulation », on tient la clef des crises. Les deux facteurs peuvent opérer seuls ou en conjonction.

De ce qui précède on sait que la matière (métal ou papier), dont est faite la monnaie, n’est pas l’essentiel, au contraire, c’est uniquement l’administration scientifique de la monnaie. Cependant, pour la fabrication de la monnaie, il est préférable de se servir du papier, car le métal se prête plus facilement à des usages étrangers (donc dangereux) qu’à la vraie mission du numéraire, pendant que le papier imprimé devient comme tel sans valeur. Les accapareurs de la monnaie (or, argent) faussent le marché, où marchandises et monnaie doivent s’échanger ; ils sont directement criminels pour l’économie sociale.

La monnaie franche est enfin la liquidation radicale avec le système monétaire actuel, cause de toutes les misères. La monnaie franche est administrée de façon à maintenir toujours le nombre indice au même niveau. La façon pour ce faire a été indiquée déjà plus haut : réglementation scientifique de la quantité et de la vitesse de circulation monétaire.

La monnaie franche est un pur moyen d’échange, donc aucun « objet de valeur », aucun « capital ». A cet effet elle a subi une dépréciation continuelle sur la « valeur nominale ». Elle n’a plus rien de supérieur quant à la marchandise qu’elle doit aider à écouler mieux. Pendant que les marchandises subissent des dépréciations de toutes sortes (elles diminuent de poids, de qualités, sont rongées, pourrissent, occasionnent des frais d’emmagasinage, etc.), la monnaie-or (monnaie capitaliste) rapporte au contraire. Avec la monnaie franche qui se déprécie lentement, mais sûrement, tout le monde, par pur intérêt (ô, comme l’égoïsme est bienfaisant !) cherchera à se procurer des marchandises (la production s’amplifiera), pour éviter la perte sur la valeur nominale de son bien monétaire. Le taux de dépréciation nominale est de 5 %, car l’histoire nous montre que ce taux de 5 % ou à peu près, a été toujours la condition capitaliste depuis de longs siècles. La forme de la monnaie franche est ou bien tabellaire (les taxes de dépréciation respectant la valeur nominale est indiquée sur le billet aux différentes dates, par exemple chaque semaine ou quinze jours), ou bien elle porte des carrés avec dates hebdomadaires ou de quinze en quinze jours, dans lesquels seront collés des timbres équivalant à la dépréciation nominale. C’est surtout l’expérience qui décidera laquelle des deux formes sera la meilleure. Le jeu des agioteurs, etc., sera fini ; qu’ils amassent la monnaie franche (ce qui ne va pas sans pertes préalables) et ils n’auront encore rien de gagné, car l’office monétaire, sous le contrôle de tous les intéressés, — et ce sont les producteurs et les consommateurs — n’aura qu’à émettre plus de monnaie ou augmenter le taux de dépréciation (ce qui accélère la vitesse de circulation). Lorsque les ennemis des producteurs, c’est-à-dire les défenseurs du revenu sans travail voudront déverser leur stock de monnaie franche, afin de déclencher une crise économique, leur tour sera déjoué, du moment que l’office monétaire retirera la quantité nécessaire de billets (le ralentissement de la circulation par baisse du taux de dépréciation agit aussi dans ce sens).

Par la monnaie franche il n’y aura plus de chômeurs en dehors de ceux qui ne voudront pas travailler, et ces derniers ne pourront exister. Un autre bienfait économico-social sera l’usage de payer comptant (pour éviter la perte), rabaissant ainsi les frais de commerce et augmentant de ce fait le revenu du travail. La monnaie franche ne sera donc plus « capital » ou « moyen d’économie », mais la possibilité d’économiser ne sera pour cela point du tout enlevée, bien au contraire. Aujourd’hui l’ouvrier qui porte la moindre somme d’argent à la banque et qui reçoit de l’intérêt contre, est-ce qu’il sait qu’il vole le surplus à lui-même et aux camarades ? Ne devrait-il pas le faire ? L’homme est égoïste, est intéressé ; alors, inutile de le blâmer d’une qualité qui lui est naturellement innée ! Oui, on peut aussi et mieux économiser en économie franche, car le revenu du travail étant intégral et les marchandises moins chères, l’on peut placer ses épargnes dans des entreprises ou bien les porter à la banque, où seront vendus des titres (obligation). Pendant que la monnaie diminue en valeur le pécule en banque gardera sa valeur nominale. Aujourd’hui on distingue à la Bourse des papiers valeur « al pari » (pair) au-dessus ou au-dessous du pair, c’est-à-dire la valeur nominale de 500 francs, par exemple, peut rapporter à la vente en Bourse soit 500 francs (au pair), soit moins ou plus (suivant le cours « au-dessous ou au-dessus du pair » ). Le même papier peut subir d’énormes « changements de valeur ». La banque, en économie franchiste, délivrera des papiers à valeur nominale, c’est-à-dire qu’ils porteront l’intérêt du jour, mais ne baisseront jamais au-dessous de la valeur nominale, et celle-ci garde toujours sa puissance d’achat par les opérations de l’office monétaire, c’est-à-dire par le nombre indice constant.

À mesure que l’économie franche sera sortie du gâchis social (dettes, etc.) occasionné par le capitalisme, à mesure baissera le taux d’intérêt pour descendre à zéro. Cela veut dire à mesure que baissera le taux d’intérêt en économie franche, à mesure augmentera la somme du bien-être des franchistes. Les sommes formidables que doivent verser annuellement les contribuables ne sont englouties qu’en infime partie (que les révolutionnaires réfléchissent bien) par l’administration, le militarisme, les constructions de voies de communications, écoles, etc. C’est le capitalisme-rentiérisme qui dévore la plus grosse part sous forme de rentes et intérêts sur capital, sur les dettes publiques. L’État est une bonne vache à lait et fait en même temps encore les services de garde champêtre. Et qu’est-ce que c’est que l’État en somme ? Les dettes publiques ne sont pas à ignorer par l’économie franche, du moins tant qu’elle n’est pas générale ; mais un impôt unique dans le pourcentage nécessaire sur les valeurs mobilières y remédiera.

Pour les relations internationales, il faudrait encore quelques mesures spéciales, dont se chargera l’Association internationale de cotisation, mesures très simples et efficaces, cependant, pour plus de détails, il faudrait consulter la littérature physiocrate déjà nombreuse. Je peux à peine dessiner ici le plus saillant du revenu intégral sur travail, eu égard à la place limitée d’une Encyclopédie.

Terre fFranche (sol et sous-sol avec richesses naturelles). — L’introduction de la monnaie franche ne sera qu’une œuvre imparfaite sans « terre franche ». Le sol et sous-sol avec ses richesses naturelles est directement la seule possibilité à l’existence humaine et de ce fait nous avons comme « terriens » un droit absolu à la « terre ». Cependant le droit romain met notre existence entre les mains des propriétaires privés. Les bienfaits par la monnaie franche seront accaparés en grande partie par le rentiérisme si nous ne faisons pas table rase de ce côté-ci. La terre (à entendre tout ce qui n’est pas créé par l’homme) doit être reconnue propriété collective, avec droit absolu pour chaque humain d’en profiter. La rente foncière ne pouvant disparaître entièrement, elle sera socialisée ou collectivisée et l’exploitation du sol et sous-sol passera aux mains privées par voie d’enchère publique. La rente foncière ne peut être abolie parce que la terre est restreinte, c’est-à-dire nous ne pouvons augmenter la quantité de sol disponible. Celle-ci est régie par l’offre et la demande. La demande va naturellement en s’accentuant avec la population croissante et la rente en sera plus forte. Pour anéantir la rente foncière, il faudrait anéantir les avantages naturels des différents terrains, enfin toute culture et civilisation — c’est absurde ! Si l’on ne peut détruire la rente foncière, on peut du moins lui enlever le pouvoir de rendre les hommes esclaves, justement par l’abolition de la propriété privée, en la transformant en « rente de mères ».

Les mères du pays la recevront proportionnellement au nombre d’enfants qu’elles auront à élever. Ce droit de rente pour un enfant pourra aller jusqu’à l’âge de 16 ans de celui-ci. Les mères ont un droit naturel sur cette recette, vu que la naissance des enfants est le facteur qui garantit et augmente aussi la rente foncière.

Les propriétaires fonciers actuels ne peuvent être punis pour leur position, car ce n’est pas eux qui ont créé cet état de chose, ils en profitent seulement. Les déshérités ne valent en rien mieux qu’eux — que feraient-ils à leur place ? Il ne s’agit donc pas ici d’un vol aux propriétaires actuels au profit des autres citoyens ; ce serait changer le titre de propriété privée quant au nom du possesseur ; non, le sol franc sera constitué par voie de simple expropriation. Des obligations à valeur nominale (voir plus haut sous monnaie franche) formeront le rachat pour autant de ce que la liquidation des dettes publiques aura pu laisser.

Les guerres ont toujours été de nature économique et la dernière plus encore que les autres n’a servi qu’aux appétits du capitalisme et rentiérisme. Le sol franc est la réalisation de la paix. Sans lui il n’y a pas la liberté d’aller et de venir, sans lui pas dé commerce franc (libre), parce que les douanes, les restrictions de toutes sortes en forme de passeports, droit d’importation et d’exportation, etc., etc., enfin cette affreuse protection du commerce national, etc., ne sont que des moyens qu’emploient les rentiers pour protéger et garantir leur puissance, voir : « le revenu sans travail ».

Pour plus de détails, et pour approfondir les aperçus généraux ci-dessus, je renvoie à nouveau à la lecture de la littérature franchiste (physiocrate) et je peux dire que :

La réalisation du revenu intégral par le travail, c’est la solution de la question sociale, il n’y en a pas d’autre.
Charles Rist.
BIBLIOGRAPHIE

Die natuürliche Wirtschaftsordnung durch Freiband und Freigeld, de Silvio Gesell.

(Cette œuvre fondamentale est en traduction dans différentes langues).

Dr Th. Christen, Fritz Schwarz, Han Barral et d’autres ont écrit des brochures diverses.