Encyclopédie anarchiste/Défi - Démocratie

Collectif
Texte établi par Sébastien FaureLa Librairie internationale (tome 1p. 510-520).


DÉFI. n. m. Le mot défi, signifie « provoquer quelqu’un ». « Porter un défi » ; « lancer un défi » ; « mettre au défi ». Dans le domaine sportif on se lance de nombreux défis. Lorsqu’un professionnel ou un amateur d’un sport quelconque veut se mesurer avec le détenteur d’un titre dans l’espoir de le lui ravir, il lui lance un défi et le match s’organise. Il y a des défis ridicules et d’autres qui sont intéressés. Les défis que se lancent périodiquement les champions professionnels de la boxe par exemple ne sont inspirés que par l’appât du gain et les résultats ou les conséquences de ces défis ne démontrent que la brutalité et la sauvagerie des adversaires et la bestialité du public.

« Mettre quelqu’un au défi de prouver ce qu’il avance », c’est-à-dire que l’on suspecte la possibilité dans laquelle il se trouve de démontrer le bien-fondé de ses affirmations. « Je vous mets au défi de trouver quelque utilité dans l’action gouvernementale ». Il ne faut jamais mettre quelqu’un au défi si l’on n’est pas certain de ce que l’on croit être la vérité sans quoi on se met soi-même dans l’embarras.


DÉFIANCE. n. f. Si la crédulité est un mal, la défiance en est un autre. Il n’est pas bon d’être trop confiant et de se livrer aveuglément à qui que ce soit, mais ce n’est pas non plus une solution de douter de tous ceux qui nous approchent. « L’esprit de défiance nous fait croire que tout le monde est capable de nous tromper », a dit La Bruyère, et la défiance est d’autant plus mauvaise conseillère qu’à force de douter des autres l’homme défiant arrive à douter de lui-même et est de ce fait victime d’un continuel malaise. L’être défiant se figure que tout le monde veut le tromper et soupçonne quiconque vient à lui d’être guidé par un calcul ou par un intérêt quelconque ; il est toujours dans l’inquiétude et ne peut trouver d’amis craignant éternellement d’avoir en face de lui un individu masqué qui cache ses véritables intentions.

Il est un proverbe qui dit que la « défiance est mère de sûreté » et un autre que « dans la société actuelle, il faut être défiant si l’on ne veut pas être trompé ». Il est de toute évidence que la société regorge d’individus desquels il faut se. méfier et s’écarter ; mais ce serait exagérer de penser que le monde n’est qu’un composé de filous et de coquins et que tous les individus sont corrompus. Il ne faut pas se donner et se livrer sans examen et sans réflexion, mais il faut aussi reconnaître qu’il existe des hommes sincères et désintéressés auxquels on peut se confier et qui n’abusent jamais de la confiance qu’on leur a accordée.

Ne soyons donc pas trop méfiants et ne nous laissons pas absorber par la méfiance ; tâchons de trouver en nous assez de force et de courage pour ne pas avoir recours à d’autres afin de réaliser notre bonheur et nous serons alors garantis contre les manœuvres intéressées de tous ceux qui cherchent à nous exploiter physiquement, moralement et intellectuellement.


DÉFINITION. n. f. Les logiciens distinguent la définition de nom et la définition de chose. La définition de chose est-elle possible à l’individualiste ou, dès qu’on lui en propose une, se méfie-t-il, averti qu’il se trouve en présence d’un dogmatisme conscient ou inconscient ?

L’individualiste a le sentiment de la réalité de l’individu, de l’irréalité de tout ce qui n’est pas individuel et singulier. Or, d’après tous les logiciens, l’individu reste indéfinissable ; sa richesse complexe ne saurait être enfermée en aucune formule ; et on ne peut définir que les termes généraux. Pour qui croit à la réalité du seul individu, définir c’est peut-être, au lieu d’essayer de dire ce qui est, consentir à dire ce qui n’est pas.

Puisque l’individu, seul réel, n’est définissable aux yeux de personne, qu’est-ce, donc qu’on définit ? Qu’exprime le terme général ? Lorsque je dis « homme », ou « individualiste » ou « anarchiste », qu’est-ce que je dis ?

Je résume une certaine série d’expériences. Je résume les rencontres « de personnes ou de tendances » qui m’ont fait penser « anarchiste » ou « individualiste » ; les rencontres d’êtres qui m’ont fait penser « homme »… Mais plus le terme est général et moins ma série d’expériences coïncidera avec celle d’aucun autre : personne n’a rencontré exactement et exclusivement les mêmes hommes que moi, dans les mêmes circonstances, dans le même ordre, dans les mêmes. états d’esprit. Quand j’écris « homme », j’exprime une de mes séries d’expériences et chaque lecteur lit autre chose : une série d’expériences qui lui est propre.

Mon idée de l’homme, qui ne peut correspondre complètement avec celle d’aucun de mes lecteurs, n’est pas la même aujourd’hui qu’hier, sera différente demain. Ma série d’expériences va nécessairement s’enrichissant et se modifiant.

Je ne puis donc définir le mot « homme » même pour moi seul. La définition — exigent les logiciens — doit être adéquate, c’est-à-dire s’appliquer exactement au défini et uniquement au défini. Je ne puis trouver une définition adéquate à ma série d’expériences, une définition qui dise exactement et uniquement tout ce que je pense et rien que ce que je pense quand je prononce un terme général. Ayant pris le sentiment de cette impossibilité, je trouverais fou de chercher une définition adéquate non seulement pour moi mais pour tous. Quiconque le tente est, à mes yeux, ou fou, ou un homme qui n’a pas étudié cette impossibilité, ou un charlatan et un menteur.

En termes moins modernes et moins précis, Antisthène faisait déjà cette critique. Il adressait encore à la définition d’autres reproches. Je les lui fais résumer ainsi au commencement des Véritables Entretiens de Socrate : « Toute définition est une menteuse. Dès qu’au lieu de désigner la chose par son nom, tu t’appliques à la définir, voici que tu la désignes par d’autres noms que le sien, voici que tu remplaces le signe exact par des signes inexacts, voici que tu rapproches et confonds des choses que la réalité sépare et distingue… La définition multiplie les difficultés qu’elle prétend résoudre. Pour définir un mot, il te faut plusieurs mots. Nous étions en désaccord sur deux au moins. Il te faut encore deux mots au moins pour définir chacun des termes de ta première définition. Te voici, dira quelqu’un, de l’occupation pour toute ta vie. Antisthène ne dit pas comme ce quelqu’un. Antisthène sait-que tu ne pourras pousser très loin ta ridicule tentative. Car les mots d’une langue ne sont pas en nombre infini : Bientôt tu définiras par des mots déjà employés, tu définiras par ce qui est à définir, tu éclaireras par ce que tu viens de confesser avoir besoin d’éclaircissement. Ainsi tu tourneras dans un cercle… Ou bien tu t’arrêteras au bord d’un abîme. Tu seras arrivé à quelque mot trop général pour que tu le puisses faire entrer en un genre plus vaste. Tu t’arrêteras alors par nécessité et tu auras marché longtemps pour rien. À mieux dire, tu te seras fatigué pour le contraire de ce que tu voulais. Car, plus le mot est général, plus il est vide et obscur, moins il répond à des choses que tu aies éprouvées. Par exemple, tu as voulu définir l’homme. Après un long chemin de plus en plus ténébreux, tu arrives à la notion d’être. Or, tu sais moins ce que c’est que l’être que ce que c’est que l’homme. »

Antisthène faisait encore à Platon une objection qui doit se traduire en langage moderne : « Je connais des hommes, je ne connais ni ne puis connaître l’homme. » Et, en effet, l’homme en soi, l’homme en dehors des hommes, l’homme définissable est une chimère.

C’est pourtant sur de telles chimères que s’appuient tous les dogmatismes. C’est sur des définitions que s’appuient toutes les démonstrations. Quiconque sait de quelle brume est faite la fondation rit de toute l’architecture. Mais beaucoup de ces folies sont intéressées et les conclusions, au domaine éthique ou social, ne sont-elles jamais présentées comme créatrices de devoirs et d’obligations ?

Quand l’erreur est sincère, voici d’où elle vient. La première science qui se soit constituée, la science mathématique, appuie ces démonstrations sur des définitions. Et les démonstrations mathématiques — mais elles seules — sont exactes parce que les définitions mathématiques — mais elles seules — sont adéquates.

Quelle est la cause d’un tel privilège ? C’est que la définition mathématique est créatrice. Quand j’essaie de définir l’homme, l’individualiste, l’anarchiste ou quoi que ce soit de concret, je tente — chose impossible — d’enfermer en une formule d’innombrables séries d’expériences. En mathématiques, je reste indifférent aux expériences. Je définis la ligne par l’absence de largeur et d’épaisseur ; je définis la surface par.l’absence d’épaisseur. Or je n’ignore pas que, dans l’expérience, supprimer complètement une des trois dimensions, c’est supprimer aussi les deux autres et anéantir l’objet. Lorsque je définis la circonférence une courbe fermée dont tous les points sont à égale distance d’un point intérieur nommé centre, comme j’ai défini auparavant le point par l’absence d’étendue et que je ne connais rien qui soit exempt d’étendue, je sais (et pour quelques autres raisons) que ma définition crée un concept au lieu de calquer une réalité. Je ne me préoccupe pas de chercher dans la nature ou de réaliser par art une circonférence parfaite. Je sais que c’est impossible. Et je sais aussi qu’une circonférence imparfaite n’est pas une circonférence.

En mathématiques, la définition n’essaie jamais de dire ce qui est. Elle a la hardiesse consciente de créer son objet. Pas de cercle avant la définition du cercle, pas de surface avant la définition de la surface. La définition crée un concept qui contient exactement ce qu’elle y met. Ainsi les définitions mathématiques sont adéquates et permettent des démonstrations probantes. C’est parce qu’il y a dans le cercle uniquement ce que la définition y met que je puis, dans la définition du cercle, découvrir toutes les propriétés du cercle et de la définition du cercle tirer tous les théorèmes concernant le cercle.

Quand on démontre en s’appuyant sur une ou plusieurs définitions, la démonstration, si elle est correcte, vaut pour les concepts qu’on a définis, non pour les réalités qu’on a prétendu définir.

C’est pourquoi l’anti-dogmatique ne définit pas au commencement d’un exposé et se méfie de tout exposé non mathématique qui débute par des définitions. S’il définit, l’anti-dogmatique avertit que sa définition, est simple imposition de nom ou résumé provisoire de son expérience. De vraies définitions de choses ne pourraient venir qu’à la fin d’une science, si jamais une science pouvait être achevée. Elles seraient le fruit de toute une branche de la connaissance ; elles ne peuvent être un moyen de connaître et de prouver.

Han Ryner.


DÉFORMATION. n. f. Action de déformer, de changer la forme normale. Déformation du corps ; déformation de l’esprit. La déformation physique est déterminée par la maladie ou par la vieillesse. Avec l’âge et la fatigue ou encore par la souffrance, les organes dépérissent ou deviennent difformes, les traits s’altèrent et le corps subit une déformation. Si la déformation corporelle a des causes naturelles, il est cependant des cas où elle est la résultante des mauvaises conditions dans lesquelles s’effectuent certains travaux. On a donné à ces déformations le nom de déformations professionnelles et il est malheureusement quantité de travailleurs qui sont victimes de la dégénérescence de certains organes, sous l’influence des matières nocives qu’ils sont obligés de manier journellement, ou encore par la position dans laquelle ils sont contraints de travailler.

Il n’y a pas que la déformation du corps sur laquelle il faut porter son attention ; il y a aussi la déformation du cœur et de l’esprit qui, si elle est moins visible, moins apparente, n’en est pas moins réelle. Par la déformation spirituelle et morale des hommes, on est arrivé à leur faire croire que le mensonge est la vérité, que l’obscurité est la lumière et que l’esclavage est la liberté. Le capitalisme commence d’abord à déformer le cerveau des enfants afin d’être plus puissant pour en déformer le corps une fois qu’ils seront devenus hommes. N’est-ce pas une véritable déformation à laquelle se livre dans les écoles modernes l’instituteur qui inculque à des petits êtres incapables de discernement, l’amour de la patrie, de la religion et de la propriété ? Comment s’étonner des difficultés que rencontre la transformation des sociétés, si l’on considère que, dès sa naissance, l’individu est pris dans l’engrenage d’une organisation sociale dont tous les rouages sont entre les mains d’une classe privilégiée ayant intérêt à masquer la vérité afin de conserver ses privilèges ? Quand, à quatorze ou quinze ans, l’enfant sort de l’école pour entrer à l’atelier ou au bureau, l’instruction et l’éducation qu’il a reçues ont altéré son état naturel, et il est aussi déformé moralement et intellectuellement qu’il l’eût été physiquement entre les mains de tortionnaires. On en a fait un futur « bon citoyen », c’est-à-dire un être prêt à se courber devant une discipline arbitraire et despotique, capable d’accepter l’autorité des maîtres et des chefs, et pour compléter sa déformation, à l’âge de vingt ans, il part pour l’armée qui est le complément de l’école. Il est impossible d’expliquer autrement ce non-sens qui préside aux destinées des peuples. Sans déformation cérébrale, on ne peut concevoir que l’individu ne soit pas frappé de l’illogisme de tout ce qui l’entoure, du rôle effacé qu’il joue dans l’économie politique et sociale de la nation à laquelle il appartient par force, et du peu de liberté et de bien-être dont il jouit. Arriver à faire croire à un homme qui est dépourvu, non pas seulement du nécessaire, mais de l’indispensable, que c’est lui le maître, alors qu’il n’est que l’esclave ; arriver a capter sa force, sa confiance, sa liberté, et le convaincre qu’il est heureux ; arriver à lui faire abandonner tous les biens terrestres en lui affirmant que le royaume des cieux sera pour lui, n’est-ce pas, en vérité, un superbe travail de déformation devant lequel il faudrait s’incliner s’il n’était pas la cause de tragédies sanglantes ? C’est donc à cette déformation qu’a recours le capitalisme pour perpétuer son règne, et il faut reconnaître que ses méthodes ont été efficaces et que, dans une certaine mesure, elles le sont encore, puisque les peuples ne sont pas arrivés à se libérer de l’étreinte qui les oppresse. Pourtant, petit à petit, l’intelligence des opprimés s’éveille, elle devient collective, elle s’organise pour lutter contre la déformation qu’on veut lui faire subir, et elle arrive à triompher souvent des erreurs qu’on cherche à lui imposer. Et l’Humanité va de l’avant. Chaque génération hérite du savoir de celle qui l’a précédé ; elle se débarrasse des préjugés qui ont entravé la marche de la civilisation, elle se libère des tares, des vices, qui marquèrent les époques du passé ; elle s’éduque au grand livre de l’Histoire ; elle cherche à acquérir des connaissances multiples, et l’empreinte de la déformation s’estompe, et le cerveau retrouve son équilibre : une révolution se produit, ayant des résultats relatifs à l’évolution collective, et la lutte reprend et l’humanité poursuit sa route, toujours sans s’arrêter.

« Nulle main ne nous dirige, nul œil ne voit pour nous ; le gouvernail est brisé depuis longtemps ou plutôt il n’y en a jamais eu, il est à faire : c’est une grande tâche, et c’est notre tâche. » (Guyau. Esquisse d’une morale sans obligations ni sanctions, p.252.) Le gouvernail pour nous, anarchistes, c’est la liberté. Il ne peut y avoir de bonheur que dans la liberté, a dit Reclus. Mais il ne peut y avoir de liberté sans conscience et c’est le devoir des anarchistes de s’élever toujours plus haut, d’effacer en eux toutes les traces des déformations sociales, et de donner à ceux qui les entourent l’exemple de la liberté, de la tolérance et de la fraternité.


DÉGÉNÉRESCENCE. n. f. Rétrograder, perdre de sa valeur, de sa force physique ou morale, se modifier en mal… S’applique aux individus et aux sociétés. Une race en dégénérescence, c’est-à-dire une race qui est prête à disparaître. Il y a en effet des corps organisés qui disparaissent sous l’influence du climat, de la nourriture, des maladies héréditaires, etc… La race indienne est en pleine dégénérescence ; il ne reste plus de nos jours que quelques tribus de race rouge au Nord des États-Unis d’Amérique, mais avant peu elles auront disparu. Si les optimistes ont tort de se déclarer satisfaits en affirmant que tout est pour le mieux dans le meilleur des mondes, les pessimistes n’ont peut-être pas raison de voir tout en noir, et d’affirmer que nous sommes en pleine période de dégénérescence. En vérité, une portion de l’humanité, peut « dégénérer » et même disparaître, l’humanité toute entière ne le peut pas. Une nation à la suite d’un cataclysme, d’une catastrophe, tombe en dégénérescence, mais l’ensemble des habitants de la terre continue sa vie, sélectionnant les éléments favorables à son existence et rejetant ce qui semble nuire à son évolution. Les Sociétés comme les individus, naissent, vivent et meurent ; tout corps organisé arrive à se désagréger, à se désorganiser, à dégénérer, si on le considère dans le temps et dans l’espace ; mais la vie, elle, est éternelle dans le temps et dans l’espace, et « même en se donnant, la vie se retrouve, même en mourant elle a conscience de sa plénitude, qui reparaîtra ailleurs, indestructible, sous d’autres formes, puisque dans le monde rien ne se perd » (Guyau).

Il serait donc erroné de penser que le monde est en complète dégénérescence. S’il est vrai que les sociétés occidentales, que la vieille Europe, se débattent dans un chaos indescriptible, déterminé par les erreurs accumulées du passé, il est vrai également que tous les progrès réalisés durant ces derniers siècles nous permettent d’espérer pour le futur une période de régénération. Que les principes qui dirigent les formes de sociétés modernes soient périmées, que ces sociétés se meurent de vieillesse, et qu’elles disparaîtront demain ; cela ne fait aucun doute ; c’est la loi intangible de l’évolution historique, scientifique et sociale. Mais des forces neuves se signalent, à l’horizon troublé, les nuages se dissipent fatalement devant la puissance créatrice de la jeunesse qui bâtira un monde nouveau sur les ruines fumantes des anciennes organisations. Le monde ancien dégénère et le monde nouveau apparaît. Nous traverserons encore bien des phases progressives avant, d’arriver au but que poursuit l’humanité — si toutefois l’humanité a un but — ne nous laissons pas accaparer par un pessimisme aveugle, ni par un optimisme absolu ; nous portons en nous le germe des sociétés futures ; avançons toujours sans espérer l’intervention de forces surnaturelles pour régénérer le monde, et agissons pour que la dégénérescence d’une portion ou d’une fraction de l’humanité, profite à l’autre fraction qui a le devoir de réaliser demain la fraternité entre les humains.


DÉGRÈVEMENT. n. m. Action de dégrever ; de décharger du poids de l’impôt un individu ou une portion de la population. La guerre de 1914-1918 a lourdement grevé le peuple qui fut obligé d’en faire tous les frais, et il ne semble pas qu’il puisse espérer un dégrèvement de ses charges dans le proche futur, s’il s’en tient aux méthodes d’action employées présentement. Il est de toute évidence que les classes productrices supportent la totalité des charges fiscales de la nation et que les classes privilégiées, par le jeu du commerce, se déchargent de leurs impôts directs en augmentant progressivement le prix de vente des produits de première nécessité et de consommation courante ; en conséquence les dégrèvements d’impôts que les gouvernements accordent aux classes pauvres ne sont qu’apparents, en réalité, ils n’existent pas.

Certains éléments politiques d’extrême-gauche et en particulier les socialistes espèrent obtenir par le jeu du parlementarisme un dégrèvement des charges qui pèsent sur les épaules des travailleurs. C’est une illusion dangereuse dont se laisse malheureusement bercer le prolétariat. Il y aurait, certes, un moyen de dégrever le peuple ; mais ce moyen n’appartient pas à la politique. Il faudrait pour cela supprimer toutes les dépenses inutiles qui sont nombreuses, et qui comme nous le disons plus haut viennent toujours, en fin de compte, arracher au budget familial du petit la somme indispensable à sa vie normale.

D’après les documents officiels présentés par le sénateur Bérenger au cours des pourparlers qui eurent comme conclusion les accords de Washington du 29 avril 1926, nous pensons qu’il est possible de dégrever le peuple de bien des charges, mais les mesures à employer ne sont pas d’ordre gouvernemental ou parlementaire, mais d’ordre révolutionnaire. Il est facile de se rendre compte de la situation qui est faite aux classes laborieuses en étudiant simplement les charges inutiles qui pèsent sur la population. Prenons en exemple le budget français de 1925 et soulignons les dépenses militaires du gouvernement.

MINISTÈRE DE LA GUERRE
___Dépenses ordinaires : (en francs)
Troupes métropolitaines. 2.352.000.000 »
Troupes coloniales. 264.000.000 »
Construction nouvelles et matériel. 183.000.000 »
Maroc. 340.000.000 »
Alsace-Lorraine. 1.000.000 »
___Dépenses extraordinaires :
Dépenses provisoires de la Grande Guerre 105.000.000 »
Troupes du bassin de la Sarre 21.000.000 »
Troupes d’Asie Mineure 173.000.000 »
Alsace-Lorraine 1.000.000 »
Dépenses provisoires pour les dépenses de guerre 27.000.000 »
MINISTÈRE DE LA MARINE
Dépenses ordinaires 1.264.000.000 »
Dépenses extraordinaires 6.000.000 »

MINISTÈRE DES COLONIES
Dépenses militaires 208.000.000 »
Dépenses extraordinaires 3.000.000 »
---------------------
Total 4.930.000.000 »
Compte spécial pour les troupes
d’occupation
591.000.000 »
---------------------
Total 5.521.000.000 »


Nous voyons par le tableau ci-dessus que le peuple français pourrait déjà être dégrevé d’une somme importante de ses charges puisque rien que pour l’année 1925 le militarisme a englouti la somme fabuleuse de cinq milliards cinq cent vingt millions. Et il en est de même dans tous les pays civilises.

En six ans, c’est-à-dire de 1920 à 1926 les divers gouvernements français qui se sont succédés ont dépensé la somme énorme de 276 milliards de francs et l’on peut se rendre compte par le tableau ci-dessous que les 9/10 de cette somme servirent à des dépenses inutiles.


Service de la dette (inutile) 70.953.000.000 »
Pensions 20.865.000.000. »
Dépenses militaires (inutile) 48.332.000.000 »
Dépenses civiles 34.656.000.000 »
Divers 9.958.000.000 »
Avances a des gouvernements
étrangers (inutile)
7.022.000.000 »
Reconstruction (inutile) 84.250.000.000 »
---------------------
276.036.000.000 »


Si nous comptons comme dépenses inutiles les sommes employées à la reconstruction des régions dévastées c’est qu’en réalite ces dépenses sont la conséquence du carnage et que, d’autre part, si l’on tient compte de certaines exceptions, ce sont les gros financiers et les gros industriels qui ont beneficié de cette somme versée par les contribuables français. Comment, alors, espérer un dégrèvement des charges, si l’on considère que les charges futures seront encore plus élevées que celles du passé, car à toutes ces dépenses viennent encore s’ajouter celles déterminées par le remboursement des dettes extérieures : à l’Amerique, qui s’élèvent à quatre milliards de francs or et dont le remboursement est échelonné entre les années 1926 et 1987 et celles à l’Angleterre qui sont à peu près équivalentes à celles de l’Amérique.

Il n’est donc aucune puissance politico-sociale qui puisse, en vertu des lois qui régissent les sociétéss bourgeoises, résoudre le problème du dégrèvement et il faut donc conclure que les peuples payeront au capitalisme les erreurs et les crimes de la guerre s’ils ne veulent pas se résoudre à briser les cadres de la legalité pour équilibrer une situation qui ne peut qu’empirer.

Le peuple est aveugle et confiant. Il prête encore un certain crédit aux formes démocratiques et pourtant il devrait être éclairé à la lumière des réalites. Il n’y a qu’une solution, pour améliorer le sort des travailleurs : c’est la Révolution. La Révolution, c’est la destruction de tout un organisme périmé qui sacrifie la grande majorité d’une population au bénéfice d’une minorite ; la Révolution, c’est l’élaboration d’une societé ou chacun participera équitablement à la production et dans laquelle chacun trouvera le maximum de bien-être et de liberté ; la Révolution, c’est l’action qui déchargera le peuple de tout le poids que fait peser sur lui une classe de profiteurs et de ploutocrates, c’est le dégrèvement de l’humanité d’une erreur qui a duré des siècles et qui sera remplacée par une vérité assurant à tous la nourriture du corps et celle de l’esprit.


DÉIFIER verbe. Mettre au rang des dieux. Prêter à un animal ou à un objet, une puissance surnaturelle. La déification est un signe d’ignorance et il est compréhensible qu’aux âges reculés de l’humanité, lorsque l’homme n’avait pas encore percé les mystères de la nature, il fut enclin à déifier ce qu’il ne comprenait pas. C’est ainsi que, par ignorance et par terreur, les premiers homines adorèrent le tonnerre et que pour manifester leur joie ou leur reconnaissance, ils glorifièrent le soleil et les astres qui leur apportaient la lumière.

Par la suite, lorsque l’humanité sortit de l’obscurité dans laquelle elle etait plongée et que l’homme, par la recherche, arriva à déterminer les causes de certains phénomènes, il s’éleva de la déification des objets, des choses, à la déification de ses semblables. Il considéra comme des Dieux les grands hommes de sa génération, les rois, les inventeurs et ceux qui se signalaient par leurs découvertes. En un mot, l’homme, durant des siècles, crut infailliblement en la puissance de forces extérieures et divinisa ceux qu’il considérait comme des bienfaiteurs ou capables d’exercer une influence favorable sur la vie de la collectivite humaine. Bien que les progrès de la science et de la philosophie aient, dans une large mesure, aboli les pratiques auxquelles se livraient les populations des vieilles sociétés, la déification subsiste encore et nous assistons fréquemment à l’adoration d’un peuple pour une personnalité marquante de son époque. De même que les anciens mettaient au-dessus de tout, et adoraient après leur mort et même parfois de leur vivant, certains de leurs grands hommes, les populations modernes exaltent, à l’égal des dieux, des êtres dont la valeur peut ne pas être à dédaigner, mais qui ne furent que des hommes, rien que des hommes. N’a-t-on pas, en France, fait de Jaurès un véritable Dieu et n’agit-on pas de même en Russie à l’égard de Lenine ? Certes, on ne pousse pas le ridicule jusqu’a adresser des prières à ces hommes déifiés, mais cependant la croyance du peuple est telle, que durant les périodes de difficulté il s’imagine que seule la présence de ces individus serait capable de résoudre une crise matérielle ou morale. De pieux pêlerinages sont organisés sur la tombe de ces nouveaux dieux et le culte qu’on leur porte est tel, qu’il n’est permis à personne de douter de leur puissance passée, présente et future.

» Les choses les plus ignorées sont les plus propres à être déifiées », a dit Montaigne, et c’est parce que les humains n’ont pas confiance en leur propre force qu’ils se réfugient toujours dans une croyance quelconque et qu’ils espèrent que d’autres feront ce qui leur semble impossible à eux-mêmes. Il n’y a aucune Providence et rien ne peut être modifie par des moyens ou des forces surnaturelles. N’ayons confiance qu’en nous-mêmes ; unissons nos efforts, rien n’est supérieur à l’être vivant ! supprimons les dieux, tous les dieux ; conservons le souvenir des hommes qui, par leur volonté, leur clairvoyance ou leur courage, ont apporte leur tribut a l’humanité, mais gardons-nous de les déifier si nous ne voulons pas retomber dans les erreurs qui furent si néfastes à l’évolution de l’humanité.


DÉISME n. m. du lat. Deus {Dieu). Les vocables déisme et théisme indiquent la croyance dans l’existence d’une Divinite personnelle et intelligente, distincte du monde. Déisme, cependant est employé spécialement pour indiquer une croyance religieuse qui ne s’appuie pas sur la révélation et ne reconnait aucun lien dogmatique. Déistes furent et sont presque tous les philosophes croyant à un Dieu. Mais la signification de théisme et de déisme varie de philosophe a philosophe. Kant, par exemple, appelle théisme la croyance en une divinité libre, créatrice du monde sur lequel cette divinité exerce sa propre Providence ; et déisme la simple croyance en une force infinie et aveugle, inhérente à la matière et cause de tous les phénomènes qui se produisent en elle.

Le terme déisme est employé à indiquer la religiosité de ceux qui admettent l’existence d’une divinité, en lui niant toute action sur la nature et sur l’homme ; ou de ceux qui admettent la Providence divine, mais qui affirment l’indépendance de la moralité de la religion ; ou de ceux qui admettent l’idée du devoir et de la Providence divine, mais qui nient toute sanction de l’au-delà. (paradis et enfer) ; ou de ceux qui admettent toutes les vérités de la religion naturelle, mais qui repoussent le principe d’autorité et la révélation.

Cette dernière est la signification la plus répandue.


DÉLATION. n. f. La délation est l’acte le plus ignoble auquel peut se livrer un individu et il n’est pas de termes assez violents pour flétrir celui qui se prête à cette basse besogne. Elle consiste à dénoncer secrètement et à accuser de certains crimes ou délits des hommes auxquels on est, ou plutôt on semble attaché par des intérêts moraux ou matériels. Le délateur est un être sans scrupule, guidé simplement dans ses entreprises par le gain qu’il espère tirer de ses méfaits, et il est d’autant plus coupable que, pour arriver à ses fins, il est obligé de se couvrir du masque de l’amitié et de la camaraderie afin de pénétrer les secrets qu’il s’empresse de dévoiler à ceux qui l’emploient. La délation est un acte tellement odieux que même ceux qui s’en servent, ou à qui elle est utile n’osent pas en revendiquer la responsabilité et si la dénonciation secrète des « crimes contre la sûreté de l’Etat était autrefois une obligation », la loi de 1832 a abrogé les peines frappant les personnes qui se refusaient à servir d’auxiliaires à la police. Le délateur est beaucoup plus dangereux et beaucoup plus lâche que le policier. Avec ce dernier, on est fixé ; on sait que son « devoir » est de rechercher, et de dénoncer tout ce qui peut troubler l’ordre bourgeois. On ne se trompe pas sur sa valeur et l’on se méfie lorsqu’il est signalé. Le délateur, lui, pénètre le milieu qu’il veut espionner, il se fait passer pour un partisan de ce milieu, il capte la confiance de ceux qui l’entourent et avec lesquels il semble travailler en toute sincérité, et finalement trahit ses « camarades » au profit de leurs adversaires. Il n’hésite pas, pour obtenir la récompense promise, à se montrer le plus acharné et le plus sectaire dans ses relations sociales et lorsque, parfois, le besoin s’en fait sentir pour ses maîtres, il dénonce des crimes ou des complots imaginaires quand il ne peut en découvrir de réels.

On s’étonne de ce que les organisations d’avant-garde soient des foyers de délateurs. C’est cependant bien simple. Ce que la bourgeoisie craint le plus : c’est le réveil des classes opprimées et leur révolte. Elle a donc intérêt à savoir quelles sont les formes d’action que l’on prépare au sein de ces milieux, afin de tâcher de les étouffer ou d’en retarder la réalisation. Il est des besognes auxquelles la bourgeoisie n’aime pas à se livrer elle-même et, pour la délation, elle a recours à des individus vils et corrompus qui consentent à accomplir cet infâme ouvrage. Il n’y a donc pas lieu d’être surpris de ce que les associations révolutionnaires soient pénétrées par les délateurs, mais ce qu’il faut : c’est prendre ses précautions, ne pas introduire n’importe qui dans les secrets d’une organisation et, avant d’entreprendre ou même de décider une action, savoir avec qui on la décide et avec qui on l’entreprend. On ne prend jamais trop de précautions dans la lutte sociale et, s’il ne faut pas être arrêté par la crainte des délateurs, il faut cependant regarder qui nous entoure et savoir choisir ses amis.

La délation est un crime tellement odieux qu’il faut bien se garder d’en accuser un individu avant d’être certain de ce que l’on avance. Il arrive que l’on porte une accusation sur des apparences et non sur des certitudes, et les conséquences de cette accusation peuvent être graves. Méfions-nous. Lorsque certains gestes ou certains actes éveillent les soupçons, renseignons-nous d’abord et n’agissons qu’ensuite ; ce n’est qu’une fois convaincu de la réalité, qu’il faut dénoncer le délateur et lui réserver le sort qu’il mérite.


DÉLÉGATION. n. f. Acte par lequel on donne à un ou plusieurs individus l’autorité nécessaire pour représenter un autre individu ou groupe d’individus. Délégation. cantonale ; délégation judiciaire ; délégation syndicale ; délégation de pouvoirs. En matière judiciaire, un juge, peut dans l’instruction d’une affaire criminelle ou correctionnelle, se faire remplacer en donnant une délégation à un commissaire aux « délégations judiciaires » ; le maire d’une commune peut se décharger de certaines de ces fonctions et, par une délégation, transmettre une partie ou la totalité de son autorité à l’un de ses adjoints ; un parlement peut se démettre de ses pouvoirs et, par délégation, en charger le gouvernement ; une organisation syndicale donne une délégation à son secrétaire pour qu’il puisse agir au nom du syndicat. On emploie couramment le mot délégation pour désigner un groupe d’individus servant d’intermédiaires entre deux parties et qui est chargé par l’une d’elles de présenter et de défendre ses intérêts auprès de la seconde. Le terme est impropre. La délégation n’est pas le groupe d’individus, mais le mandat qu’il a reçu ; celui ou ceux qui sont nantis d’une délégation s’appellent des délégués.


DÉLÉGUÉ. adj. et nom. Qui a reçu une délégation ; un délégué syndical ; un délégué mineur ; « Les délégués furent reçus par le ministre auquel ils présentèrent la délégation dont les ouvriers les avaient investis ». Le délégué est donc une personne à laquelle on a transmis ses pouvoirs et qui agit ou qui devrait agir, non pas en son nom propre, mais en celui de ses mandants. Les intérêts des délégués doivent s’effacer devant ceux des groupes qui les ont nommés pour remplir une mission ou un travail quelconque et ils se doivent d’oublier leur propre personnalité pour ne songer qu’à l’organisation ou aux individus qui ont placé en eux leur confiance. Il n’en est malheureusement pas ainsi et il arrive fréquemment que les délégués trahissent la cause qu’ils étaient chargés de défendre. Il n’est pas utile d’insister sur le rôle joué par les délégués populaires qui siègent dans les assemblées législatives et qui oublient leurs promesses sitôt qu’ils ont franchi le seuil du Forum ; nous savons l’impuissance du parlementarisme (voir ce mot) et la sincérité des hommes qui acceptent d’être délégués dans les parlements. Mais dans la bataille quotidienne entre la bourgeoisie et la classe ouvrière, dans les conflits d’ordre économique, il est presque indispensable que le prolétariat entre en contact avec les représentants du capitalisme et il le fait par l’intermédiaire de ses délégués. Il ne faut pas cacher le danger que présente une telle méthode d’action car le capital et la bourgeoisie dans leurs rapports avec les représentants de la classe ouvrière tentent l’impossible pour détacher la tête du corps et dissocier les intérêts des délégués de ceux qu’ils représentent. La corruption est une des armes les plus terribles de la bourgeoisie et il arrive souvent que les délégués ouvriers se laissent acheter et livrent le travailleur à son adversaire. Les exemples sont hélas nombreux de chefs d’organisations prolétariennes qui, tout en affirmant soutenir les intérêts des ouvriers, manœuvrent de telle façon que ces derniers sont toujours vaincus et restent les éternelles victimes dans la lutte sociale.

Il serait sage que la classe ouvrière avant de nommer des délégués à une mission quelconque, s’assurât de leur capacité et de leur sincérité et se gardât de leur donner des pouvoirs trop étendus. En n’accordant aux délégués qu’une autorité limitée, en déterminant strictement leur rôle et leur travail dans une action quelconque, le prolétariat s’éviterait bien des désillusions et bien des trahisons.


DÉLIBÉRATIF. adj. Ce qui a qualité pour délibérer, pour décider, pour voter à la suite d’une délibération. Avoir voix délibérative dans une assemblée, c’est-à-dire avoir l’autorité de participer par son vote aux décisions de cette assemblée, alors que ceux qui ont voix consultative peuvent donner leur avis au cours de la discussion, mais n’ont aucun pouvoir pour participer à la résolution finale. Exemple : Dans les assemblées départementales, les conseillers généraux qui sont chargés d’administrer leur région ont voix délibérative, alors que le préfet n’a que voix consultative ; dans les congrès ouvriers, les représentants des syndicats ont voix délibérative et ceux des fédérations n’ont que voix consultative. Politiquement, c’est-à-dire dans la gérance de tout ce qui intéresse la nation, il peut sembler que le peuple ait une voix délibérative et que rien ne se fait sans sa volonté. En vérité, le peuple n’est même pas consulté et son pouvoir délibératif est capté par les intrigants qui prétendent la représenter dans les parlements et qui délibèrent et décident en ne tenant aucun compte des aspirations et des volontés populaires.


DÉLIBÉRATION. n. f. Action de discuter sur une résolution à prendre. La délibération comprend : l’examen de la question présentée ; la discussion des arguments favorables ou défavorables à une résolution, et enfin le vote. La délibération est utile en ce sens qu’en provoquant la discussion elle permet à chacun des membres délibérant de raisonner sur les conseils qui leur sont soumis, et de prendre des décisions en pleine connaissance de cause. Comme tout objet intéressant une collectivité, une délibération ne peut avoir de résultats heureux qui si ceux qui y prennent part sont au courant de la question qui en fait l’objet et s’ils sont animés par un sincère désir d’arriver à un but. Nous savons le peu de sérieux qu’offrent les délibérations publiques des assemblées législatives et nous n’ignorons pas leur inopérance, tout au moins en ce qui concerne les sujets intéressant les classes productrices de la nation.

Toutes les organisations officielles, toutes les administrations publiques sont dirigées par des individus appartenant à la bourgeoisie et les délibérations des divers comités qui règlent les rouages de la société ne peuvent apporter aucun avantage à la classe ouvrière. Il est donc indispensable, si le prolétariat veut se libérer et voir disparaître un jour l’exploitation de l’homme par l’homme, qu’il sache de quelle façon il doit agir, et ce n’est qu’en délibérant qu’il peut se fixer sur le parti qu’il convient de prendre, il est essentiel qu’une délibération ouvrière, pour porter ses fruits, soit empreinte de la plus grande cordialité et n’offre pas le spectacle des déchirements et des divisions. Le travailleur doit être uni sur le terrain du travail. Les intérêts de tous les travailleurs sont les mêmes et, lorsqu’ils comprendront que la puissance du capitalisme ne repose que sur l’ignorance des exploités, lorsqu’ils sauront que « c’est une chose déplorable de voir tous les hommes ne délibérer que des moyens et point de la fin » (Pascal) qu’ils auront appris à envisager les faits dans leur ensemble et à en déterminer les causes, de leurs délibérations sortira la lumière, et les résultats et les décisions de ces délibérations auront une portée formidable sur la destinée des sociétés.


DÉLIQUESCENCE. n. f. En chimie on donne le nom de « déliquescent » à certains corps qui ont la propriété d’absorber l’humidité de l’air et de se résoudre en liquide. Au sens figuré, ce mot est employé comme synonyme de désagrégation, de décadence. On dit qu’un organisme est en pleine déliquescence lorsqu’il est complètement en décadence et que rien ne peut être tenté pour le sauver. »


DÉLIT. n. m. On appelle « délit » toute infraction à la loi, tout acte punissable de peines correctionnelles, Les infractions soumises à la délibération de la Cour d’assises s’appellent des « crimes ». Il y a plusieurs sortes de délits : 1° les délits publics qui provoquent une action judiciaire sans qu’aucune plainte particulière ait été portée ; 2° les délits réservés où l’appareil judiciaire ne se déclenche qu’à la demande de la partie lésée ; 3° les délits politiques. Quel que soit l’ordre du délit, les peines prononcées contre le délinquant sont ou la prison, les dommages et intérêts, ou l’amende. Si l’on considère qu’il y a en France 3006 justices de paix qui statuent sur les délits-de simple police et qui ont le pouvoir d’infliger des peines n’excédant pas 15 francs d’amende et 5 jours de prison, on peut se rendre compte du nombre incalculable d’infractions à la loi qui se commettent chaque jour. Et, à côté de tous ces tribunaux, il y a encore les tribunaux commerciaux, les cours d’appel, les cours d’assises et la cour de cassation.

Dire que toute cette organisation judiciaire, que tout cet appareil de répression n’est constitué que pour brimer les classes pauvres peut paraître enfantin et les partisans de « l’ordre » prétendent qu’il est indispensable de réprimer les délits, sans quoi la vie en société serait impossible. Il faudrait démontrer d’abord, pour prêter un certain crédit à cette assertion, qu’une société qui a besoin pour se défendre d’un tel appareil est basée sur l’ordre. Pour nous, Anarchistes, nous ne pouvons y croire et sommes convaincus que c’est le désordre qui nécessite une telle institution judiciaire.

Examinons le problème plus profondément et supposons que chacune des justices de paix n’ait à juger que cinq affaires par jour, — et nous sommes modestes, car c’est quinze ou vingt que nous devrions dire — cela fait 15.000 délits. Chacun des quatre cents tribunaux correctionnels une moyenne de dix affaires, ce qui fait 4.000, et nous arrivons à ce chiffre fantastique que pour une population de quarante millions d’habitants, il y a par année plus de six millions de délinquants, c’est-à-dire un sur sept. Cela peut sembler paradoxal, et c’est pourtant, ainsi, et nous sommes au-dessous de la vérité. Peut-on, en. toute loyauté, appeler cela « l’ordre » ?

Comment s’étonner alors que les prisons regorgent de monde ? Qui est responsable de ce nombre de délits et quelles en sont les victimes ? Nous disions plus haut que l’appareil judiciaire ne fonctionnait que contre les classes pauvres ; il est évident que les classes possédantes sont moins sujettes à, se livrer à des infractions à la loi.puisque la loi fut faite au bénéfice des privilégiés. Jamais un homme fortuné ne sera poursuivi pour délit de vagabondage par exemple ; être sans domicile, ne pas avoir les possibilités financières d’avoir un logis est, dans notre douce république française, considéré comme un délit. En vertu de la logique la plus élémentaire, il nous semble que le malheureux qui n’a ni feu ni lieu, qui est contraint, par les froides nuits d’hiver, de se contenter d’un coin de porte pour dormir, souffre assez de sa situation sans que vienne encore s’appesantir sur ses épaules la main de la justice ; il paraît que nous avons tort et que c’est un délit d’être pauvre. C’est un délit de s’attaquer à la propriété privée. Nous avons dit, d’autre part, ce que nous pensions de l’action que l’on a dénommée reprise individuelle (Voir cambriolage), mais cependant nous sommes obligés de reconnaître que M. de Rothschild ne peut être réduit à une telle extrémité, car sa fortune lui permet d’user de procédés plus légaux pour s’approprier le bien d’autrui, et que, par conséquent, le vol et le cambriolage sont encore des délits dont n’auront jamais à répondre les individus appartenant à la bourgeoisie.

C’est donc sans hésitation que nous disons que ce sont toujours les classes pauvres qui, en vertu de la loi, commettent des délits. C’est un délit de chasser dans des terres qui ne vous appartiennent pas et le miséreux, le travailleur, n’a pas de terre ; c’est un délit de pécher dans des eaux qui sont la propriété d’un particulier ; c’est un délit de dormir dehors lorsque l’on a pas de foyer, mais on a le droit de le faire si l’on possède des châteaux et c’est encore un délit de crier qu’une société qui se livre à un tel arbitraire est une société mal organisée. Il est vrai que ce dernier délit est considéré comme un délit politique.

Il fut un temps ou ce que l’on appelle une infraction politique était considérée comme un crime et par conséquent jugé par la cour d’assises. Il en est autrement de nos jours si l’on excepte toutefois les infractions commises par les éléments appartenant à la bourgeoisie. Même quelques années avant la guerre de 1914-1918, les délits de presse, les discours considérés comme tendancieux par les représentants de l’ordre étaient soumis à la délibération du jury ; un ministre plus zélé que ses prédécesseurs se souvint des lois de 1893-1894 votées par un Parlement dominé par la peur et en décida l’application, violant incontestablement l’esprit qui, vingt ans auparavant, avait animé le législateur. Ces lois dites « scélérates » permettent aux juges correctionnels, dont on connaît l’indépendance, de condamner le délinquant à des peines variant entre un mois et cinq ans de prison, en considérant comme « menées anarchistes » l’objet du délit. Ce qu’il y a de curieux et de ridicule dans l’application de ces lois, c’est que quantité de délinquants, poursuivis pour avoir commis des délits politiques, sont condamnés alors qu’ils sont les irréductibles adversaires de l’anarchisme. Il coule de source que les délits politiques d’ordre bourgeois, c’est-à-dire réactionnaires, tels les délits commis par les royalistes ne sont pas soumis à cette même juridiction et que l’on ne les accuse pas de menées anarchistes. Seuls les éléments d’avant-garde bénéficient de cette attention gouvernementale.

Bref, quels que soient la forme ou le fond du délit, qu’il soit politique, réservé ou public, ce qui est incontestable, c’est que depuis qu’il y a des juges, le nombre des délits n’a point diminué et qu’au contraire il augmente chaque jour. Il faut donc en conclure que le délit a des causes qui échappent à la loi et que la loi est impropre à résoudre le problème de la vie commune. Tout homme dont le cerveau s’est débarrassé de toute, ou d’une partie de l’erreur qui lui fut inculquée depuis son plus jeune âge, sera obligé de reconnaître avec nous, anarchistes, que l’imperfection de l’organisation sociale est la source de toutes les infractions, et que le délit n’est qu’une conséquence du malaise manifeste de la collectivité humaine.

Détruisons les causes et les effets disparaîtront ; c’est l’unique ressource. Réformer l’appareil judiciaire est impossible ; et ce serait perdre son temps que de s’atteler à une telle besogne. La corruption a pénétré tous les rouages des sociétés modernes et il ne pouvait pas en être autrement ; l’argent, le capital, l’autorité qui sont à, la base de l’organisation sociale actuelle sont les causes fondamentales et déterminantes du délit, et rien ne sera terminé tant que ces causes ne seront pas détruites. Qu’importent les critiques acerbes et malveillantes de nos adversaires lorsque nous présentons la question des délits sous son jour véritable. L’exemple du passé, l’expérience que nous avons acquise dans la lutte sociale donne plus de fermeté a notre certitude que ce n’est pas l’administration de la chose publique qui est à réformer, mais l’ordre économique et social en son entier.

L’homme ne commettra plus de « délits » lorsqu’il cessera d’être emprisonné dans le cadre des lois humaines et que son bonheur et sa liberté ne seront plus subordonnés à la volonté et à la puissance de certains de ses semblables. Il faut que l’individu sache cependant que la liberté et le bonheur ne se donnent pas : qu’ils se prennent. Que les hommes le veuillent, et demain ils seront heureux. Le délit, qui n’est en vérité que la manifestation du conflit entre deux catégories, entre deux classes d’individus, ne peut disparaître qu’avec ces classes c’est-à-dire lorsque la contrainte et l’autorité auront fait place à la fraternité. — J. Chazoff.


DÉMAGOGIE. n. f. L’origine du mot démagogie servait à signaler l’influence exercée par un homme politique sur le peuple, mais n’avait aucun sens péjoratif ;  ; il était également usité comme synonyme de « démocratie ». De nos jours, il n’est plus employé dans le même sens et le mot « Démagogie » est toujours pris en mauvaise part. Il serait utile de définir exactement ce terme, car il prête à confusion. Proudhon, par exemple, ne lui donne pas un sens péjoratif :

« La réaction est la négation du progrès ; le juste milieu est l’hypocrisie, et la démagogie en est la fièvre. La réaction cherche à faire reculer le char révolutionnaire, le juste milieu s’efforce de l’enrayer, la démagogie veut accélérer le mouvement. » (Proudhon). Le Larousse nous donne cette brève définition de la démagogie : « Politique qui flatte la multitude », et pour des raisons différentes nous pensons cependant que cette définition est assez courte quant au présent. Si, avec Proudhon, nous pensons qu’il est indispensable d’accélérer le mouvement révolutionnaire et de tenir les populations en éveil, il nous semble cependant que la démagogie remplit ce devoir de façon imparfaite et qu’elle n’envisage qu’un côté de la question. S’il est utile de chercher à exploiter les passions populaires en vue de la libération politique et économique du peuple ; s’il est parfois indispensable de déchaîner ces passions ; il serait bon cependant de ne pas oublier que la passion, comme unique moteur de révolte, peut être une cause de désastre si l’on n’y joint pas la raison. Or, la démagogie s’adresse uniquement à la passion et non pas à la raison ; c’est là son erreur sinon son vice, et c’est ce qui rend le démagogue si dangereux. Dans une société où les causes de mécontentement sont si multiples, il est relativement facile de soulever une population en lui dénonçant les injustices et les iniquités dont elle est victime ; en s’adressant à son cœur, il est aisé de capter sa confiance, en la grisant de promesses et en lui faisant miroiter un avenir meilleur ; mais ce qui est plus épineux, c’est de lui faire comprendre que ce bonheur entrevu sous l’action persuasive de la parole ou de l’écrit, cette population doit le conquérir elle-même et qu’aucune force ou puissance extérieure ne peut le lui donner. C’est cela qu’oublie toujours de dire le démagogue et c’est pourquoi nous disons que le travail de la « démagogie » est négatif. Non seulement il est négatif, mais il est pernicieux, car ordinairement le démagogue imprime une direction au peuple et se présente à lui comme un messie qui va le sortir de la situation précaire dans laquelle il se trouve. N’est-ce pas faire de la démagogie que d’affirmer aux classes malheureuses que leur bien-être futur dépend du morceau de papier que l’électeur va périodiquement déposer dans les urnes officielles ; n’est-ce pas faire de la démagogie que de faire espérer au travailleur sa libération sans lui enseigner que cette libération est relative à la somme de sacrifices qu’il est capable de consentir ? Lutter contre le despotisme, contre l’injustice, contre l’iniquité dont souffrent les populations ; soulever la fureur populaire, entraîner le peuple dans la violence lorsque celle-ci est nécessaire à sa défense, c’est bien, et nous savons que l’énergie a parfois besoin d’être stimulée. Mais exploiter la crédulité et la naïveté du peuple, se livrer à des excès oratoires pour capter sa confiance et acquérir une popularité, se présenter à lui comme son ami alors que l’on est uniquement animé par l’ambition, user de l’influence que l’on exerce pour lui cacher la vérité et l’arrêter dans son élan émancipateur tout en faisant figure de révolutionnaire, c’est faire de la démagogie, et c’est tromper consciemment le peuple.

Le démagogue est un homme rusé et c’est une tâche ardue que de le démasquer. Les individus vouent un culte passionné à certains de leurs semblables, et malgré les trahisons et les désillusions, ils continuent à se laisser endormir par les belles paroles du tribun. D’autre part, l’homme aime à être flatté, et la flatterie n’est pas l’arme la moins usitée par le démagogue qui connaît ses foules et s’entend à merveille pour les mener.

Que faire contre la démagogie et les démagogues ? Opposer la raison et la logique à la passion. Petit à petit, le peuple se détache de tous les dieux de la politique qui s’attribuent un empire sur les cerveaux, et qui usurpent la puissance populaire ; le peuple commence à comprendre ; demain il aura compris, et alors il se débarrassera de tous les démagogues qui se hissent au pouvoir sur l’échine courbée du travailleur et la démagogie sera écrasée sous le poids de la franchise et de la loyauté.


DÉMASQUER. verbe. Au sens propre : enlever le masque qui couvre le visage d’une personne déguisée. Au sens figuré : dévoiler la véritable personnalité d’un individu. Il est quantité de gens qui se présentent sous un jour bienveillant et qui n’ont d’autre intention que de tromper. L’imposteur cherche à en imposer par de fausses apparences ; le perfide se cache sous le masque de la loyauté, et le vicieux sous celui de la vertu. Il est utile de les démasquer, c’est-à-dire de mettre en évidence leurs intentions, afin de leur enlever toute possibilité de nuire. Lorsque l’on aura retiré tous les masques dont se couvrent ceux qui veulent profiter du peuple, le mensonge ne sera plus à craindre, l’erreur fera place à la vérité et l’humanité pourra poursuivre sa route à pas de géants.


DÉMEMBREMENT. n. m. Action de démembrer, de séparer, de diviser. Ce terme est peu usité au sens propre et est surtout employé au sens figuré. « Le démembrement d’un pays, d’une province, d’une commune ». « Avant la guerre de 1914-1918, la Pologne était démembrée, et les trois parties de son corps étaient partagées entre l’Allemagne, la Russie et l’Autriche-Hongrie ». Depuis la guerre, c’est l’Empire autrichien qui est victime du « démembrement ». Il n’y a pas que les nations, les États qui se démembrent ; il y a aussi les organisations sociales et depuis quelques années, nous assistons à travers le monde au triste spectacle du démembrement des associations ouvrières. La politique perfide et menteuse a pénétré au sein des organisations prolétariennes et il en est résulté la division.

Espérons que ce démembrement n’est que provisoire et que la classe ouvrière retrouvera la force de faire de tous ses membres dispersés un corps unique lui permettant de résister à l’assaut de ses adversaires.


DÉMENCE. n. f. du latin dementia. Altération de l’intelligence ; cessation complète ou partielle des fonctions du cerveau. Une des principales manifestations de la démence est la perte de la mémoire et l’affaiblissement progressif des facultés intellectuelles et physiques. La démence est souvent due à la vieillesse, mais elle a aussi d’autres causes, et les êtres jeunes et chargée d’une hérédité alcoolique ou syphilitique en sont également victimes. La démence est une terrible maladie, car la pensée et l’intelligence sont les deux fonctions qui distinguent et séparent l’homme de la bête, et celui qui en est dépourvu n’est plus qu’un déchet d’humanité. Le travailleur qui peine et fatigue pour arriver modestement à boucler le budget familial et se laisse entraîner au cabaret ferait bien de réfléchir aux conséquences désastreuses de son acte. Combien d’êtres jeunes sont innocemment victimes d’une hérédité morbide et traînent toute une vie de misère, parce que leurs ascendants n’ont pas su maîtriser leur passions et résister à un verre de poison ?

Divers auteurs nous ont, par des ouvrages d’une haute portée philosophique ou sociale, éclairé sur les effets de la boisson. Zola, dans l’Assommoir, nous montre « Coupeau » finissant ses jours dans le cabanon des fous, et Ibsen, dans ses « Revenants » nous présente un homme jeune et talentueux qui sombre dans la démence, victime de la funeste passion de ses ancêtres.

Certains savants et philosophes, au spectacle qu’offre l’humanité, versent dans le pessimisme le plus profond et déclarent que le monde est en son entier atteint de démence.

Dans ses « Paradoxes Psychologiques », Max Nordeau, le célèbre docteur et écrivain autrichien, accuse l’individu de « dégénérescence névropathique », et il semble parfois que l’ensemble des humains donne raison à cette thèse. N’est-ce pas un vent de démence qui souffle sur le monde lorsque l’humanité sacrifie des millions d’hommes jeunes et vigoureux dans une guerre immonde et terrible ? Ne faut-il pas que l’homme soit atteint de folie pour se laisser conduire comme un mouton et se livrer sans protester au couteau du boucher ? La lassitude s’empare souvent de celui qui rêve de régénérer l’humanité lorsqu’il constate l’énorme besogne à accomplir ; et pourtant nous ne croyons pas que l’homme soit atteint de démence ; nous pensons simplement qu’il est encore un enfant qui a besoin de s’instruire et de s’éduquer, que, malgré les milliers de siècles qui nous précèdent, nous ne sommes encore qu’à l’aube de la civilisation, et qu’un long chemin reste à parcourir.

S’il arrive à l’individu de commettre des erreurs, de se livrer à des actes extravagants, de déraisonner, s’il lui arrive de se laisser entraîner dans des aventures criminelles, dans des entreprises stupides, c’est qu’il ne sait pas, qu’il ignore, et qu’il faut lui apprendre à se conduire ; c’est à cette tâche que l’Anarchiste doit s’attacher ; et ce qui apparaît comme de la démence disparaîtra lorsque l’œuvre poursuivie sera accomplie et que l’homme devenu majeur restera maître de ses destinées.


DÉMOCRATIE. n. f. grec demos, peuple, et kratos, pouvoir. La démocratie est le « gouvernement du peuple » ou plutôt un régime politique qui prétend favoriser les intérêts de la masse. Si le socialisme est, ainsi que le prétend le Dr Gustave Le Bon, « La religion de l’avenir » on peut dire que la démocratie est la religion moderne et que toutes les puissances dites civilisées s’inspirent aujourd’hui de l’idée démocratique, sinon de son esprit. Même les gouvernements d’essence réactionnaire qui exercent sur les populations leur absolu pouvoir et politiquement entravent ou cherchent a entraver tout progrès, ne manquent jamais de se réclamer dans la direction de la, chose publique des intérêts et de la souveraineté populaires. Cela s’explique, car si, dans le passé, il fut possible aux autocrates d’éloigner le populaire de tout ce qui intéresse la vie d’une nation, c’est qu’ils étaient considérés comme des demi-dieux, nantis d’un pouvoir supérieur, et que la croyance et l’ignorance des hommes favorisaient une telle conception de la vie sociale ; mais Dieu est mort et n’exerce plus sur le monde qu’un pouvoir spirituel. Malgré les empreintes profondes laissées par les religions, malgré leur emprise sur une partie de l’humanité, il n’est cependant plus un individu — à moins qu’il ne soit un fanatique — qui, en notre siècle de modernisme, se laisserait gouverner économiquement au nom d’un Dieu qui apparaît lointain et qui s’éloigne chaque jour davantage. Il faut quelque chose de positif, maintenant, à la collectivité humaine ; l’homme veut être libre et la démocratie, si elle ne lui donne pas la liberté, lui offre tout au moins l’illusoire et l’éphémère satisfaction de se croire libre politiquement, alors qu’il est enchaîné dans les lois économiques dont il forge lui-même les mailles.

Si nous jetons un regard en arrière et si nous faisons une comparaison entre les formes politiques passées et présentes, nous pouvons constater que la démocratie n’est que l’adaptation dés classes possédantes aux nécessités intangibles de l’évolution sociale.

Il fut un temps où le fait de posséder la terre donnait au possédant le droit absolu et incontesté de gouverner et il ne serait jamais venu au serf l’idée de réclamer une parcelle d’autorité à son maître. L’autorité se transmettait de génération en génération avec les domaines, et le pouvoir était en conséquence exercé par un aristocratie héréditaire qui se réservait tous les privilèges économiques et politiques.

Les relations d’homme à homme, de pays à pays, de contrée à contrée ; les découvertes de territoires nouveaux et l’intensification du négoce international devaient, en donnant à l’argent une puissance inconnue, transformer cet état de chose et cependant que « les rois se ruinent dans les grandes entreprises et que les nobles s’épuisent dans les guerres privées, les roturiers s’enrichissent dans le commerce. L’influence de l’argent se fait sentir sur les affaires de l’Etat » (Tocqueville). Ces divers progrès ne pouvaient se manifester sans imprimer au peuple une orientation nouvelle et les gouvernements se trouvaient forcément influencés par les nouvelles lois économiques qui avaient leur répercussion sur tout l’ensemble de l’activité sociale. C’est la démocratie qui prenait naissance ; elle se développa graduellement ; elle détruisit la féodalité ; elle sortit victorieuse de sa lutte contre les régimes autocratiques et s’imposa enfin au monde par l’idée de liberté dont elle semblait inspirée.

Si la « république était belle sous l’Empire » la démocratie n’a rien à lui envier en ce qui concerne les désillusions qu’elle a fait naître. En vérité, ce ne fut pas sans crainte que la bourgeoisie, qui n’est en réalité qu’une nouvelle aristocratie, constatait les progrès de la démocratie ; mais, ne pouvant en arrêter l’évolution, elle allait l’adapter à ses besoins et s’en faire une arme contre ceux-là mêmes qui en étaient les plus chauds partisans et les plus fidèles défenseurs. Pour donner au peuple l’illusion de la liberté absolue, pour le convaincre de sa puissance en matière politique, on le laissa se gouverner lui-même ou plutôt on lui en laissa l’apparence et lorsqu’en 1848, après bien des hésitations, la bourgeoisie française accorda au peuple le suffrage universel, elle fut bien vite rassurée sur les dangers de la démocratie, car, en raison de son ignorance, le peuple envoya aussitôt à l’Assemblée Constituante une majorité de réactionnaires.

La bourgeoisie comprit alors tous les avantages que présentait.pour elle la démocratie et elle s’efforça d’en consolider les bases tout en en conservant la direction et « On comprend alors pourquoi les hautes classes ont définitivement abandonné toute idée de restauration monarchique ou césarienne, et pourquoi elles soutiennent de toute leur influence et de leur argent, les journaux et les candidats démocrates de tout poil et de toute nuance ». (F. Delaisi, La Démocratie et les Financiers, p. 69.)

Il n’y a donc pas grand chose de changé ; la démocratie actuelle ne se différencie que faiblement des anciens régimes et si le peuple est souverain, reconnaissons que c’est un souverain plein d’abnégation qui sacrifie tout son bien-être au profit d’une oligarchie occulte qui ne se présente que sous la forme d’un gouvernement qu’il a lui-même nommé.

Qu’a fait la démocratie ? Rien, nous dit Tocqueville ; elle a été abandonnée à ses instincts et il en est résulté que la révolution démocratique s’est opérée dans le matériel de la société, sans qu’il se fit dans les lois, dans les habitudes et les mœurs, le changement nécessaire pour rendre cette révolution utile. En quittant l’état social de nos aïeux, on jetait pêle-mêle derrière nous leurs institutions, leurs idées et leurs mœurs ; qu’avons-nous pris à la place ? Le prestige du pouvoir royal s’est évanoui, sans être remplacé par la majesté des lois ». Pouvait-il en être autrement ? Anarchistes, nous ne le pensons pas et les démocrates sincères, les démocrates d’hier qui n’ont pas vécu l’expérience de la démocratie, ont commis une profonde erreur en s’imaginant qu’un gouvernement peut être d’émanation populaire alors qu’en réalité le capital est le maître absolu et que c’est lui qui dirige toute l’activité politique, économique et sociale du monde moderne.

Cela peut sembler un paradoxe, surtout lorsque l’on sait que le peuple a la faculté de nommer ses délégués dans les assemblées législatives et que, par conséquent, c’est lui qui exerce le pouvoir par l’intermédiaire des hommes qu’il désigne à certaines fonctions. Nous avons dit plus haut que cela n’était qu’une illusion et il suffit pour s’en convaincre de lire l’œuvre de vulgarisation dû à la plume de Francis Delaisi : « La Démocratie et les Financiers ». Dans ce petit ouvrage, écrit en 1911, Delaisi nous éclaire sur la façon dont se font les élections en régime démocratique ; il dévoile à nos yeux tous les dessous de l’action parlementaire et aucun doute ne peut subsister sur l’indépendance des Parlements et sur le rôle qu’ils jouent dans les organisations démocratiques. Les gouvernements sont étroitement liés avec les grosses entreprises financières et industrielles et les gouvernants ne sont que des hommes de paille, des pantins que manœuvrent les véritables maîtres qui se cachent derrière le paravent de la démocratie. Les exemples abondent de cette corruption parlementaire et gouvernementale et il n’est pas besoin de fouiller dans le passé pour trouver des preuves du mensonge démocratique. Le capital soutient la démocratie et cela se conçoit, car aucun régime ne lui semble aussi favorable et c’est la raison pour laquelle tous les pays du monde s’orientent de plus en plus vers la démocratie.

Le peuple est souverain ; c’est lui qui est le maître et qui contrôle l’activité économique et politique du pays ; c’est en son nom que se font les lois et c’est en son nom qu’elles sont appliquées ; c’est lui qui veille à ce que les intérêts de la collectivité ne soient pas sacrifiés aux intérêts de quelques particuliers ; en un mot, c’est lui qui gouverne. Voilà l’esprit de la démocratie. Mais étudions-la brièvement dans son activité, dans l’application de son programme. Quelques faits, par leur brutalité, suffiront, nous pensons, à initier les plus crédules.

Nous disons plus. haut que les gouvernements démocratiques — comme tous les gouvernements du reste — agissent au nom du peuple, mais en vue d’intérêts particuliers ; qu’on en juge. Les réseaux de chemins de fer français accusent, pour l’année 1925, un déficit de 750 millions de francs et laissent entrevoir pour l’exercice de 1926 une perte de 900 millions de francs. Or, en vertu des lois édictées au nom du peuple français, ce déficit doit être couvert par le Gouvernement qui sortira de ses caisses les sommes indispensables à l’équilibre du budget des compagnies ferroviaires. Quelle ne sera pas la stupeur du démocrate assez aveugle pour croire en la vertu du démocratisme, en apprenant que les compagnies de chemins de fer ont, en fin d’année 1925, distribué à leur personnel certaines petites gratifications en guise d’étrennes ; en voici le tableau :

Directeur ou assimilé………… 100.000 frs

Sous-Directeur général………… 60.000 —

Ingénieur en chef…………… 50.000 —

Ingénieur en chef adjoint…… 40.000 —

Ingénieur…………………… 30.000 —

Inspecteur principal…………..… 20.000 —

Inspecteur principal adjoint…… 15.000 —

Chef de gare………………… 800 —

Sous-chef de gare…………….. 600 —

Commis facteur……………… 400 —

Hommes d’équipe…………….. 60 —

Il n’est pas besoin de signaler la gratification dérisoire accordée au personnel inférieur et l’allocation princière touchée par l’État-major ; mais ce qui mérite d’être souligné, c’est que c’est le peuple qui est obligé, en vertu de son « pouvoir démocratique » de payer aux parasites sociaux des sommes fabuleuses et que si la somme d’impôts augmente chaque année, c’est que la démocratie est un foyer autour duquel viennent se grouper tous les profiteurs ignorés des classes laborieuses.

Le fait que nous signalons ci-dessus n’est pas un accident, un cas isolé, un crime pourrait-on dire, mais une chose normale, inhérente à la démocratie ; c’est la démocratie toute entière. Le monde moderne a été transformé en une vaste société anonyme à la tête de laquelle se trouve un Conseil d’Administration tout puissant, et ce Conseil est asservi aux grandes entreprises financières et industrielles qui détiennent en leur pouvoir toute richesse économique. Que l’on prenne les banques, les grandes entreprises de transport, l’industrie métallurgique et minière, les grandes administrations d’intérêt public, tout ce qui touche enfin à la vie active d’une nation, et l’on s’aperçoit que tous les rouages de l’économie sociale ont été abandonnés à quelques barons, véritables monarques qui, sur des monceaux d’or, président aux destinées de l’humanité.

La démocratie a accompli ce tour de force d’emprisonner le peuple dans la liberté. Elle lui a donné la liberté, mais elle lui a retiré les moyens de s’en servir. Elle lui permet d’accéder aux plus hautes fonctions, mais elle a élevé des barrières pour qu’il ne puisse pas y parvenir ; elle a déclaré que tous les individus étaient égaux, mais elle a maintenu les privilèges qui sont une source d’inégalité ; elle a affirmé que rien ne pouvait se faire sans son assentiment et sans sa volonté, mais elle a livré au marché de la concurrence le domaine politique des nations et, même dans les tragédies périodiques engendrées par les appétits particuliers, la démocratie ne peut rien contre les forces mauvaises qui la dirigent.

« Les nations se déchirent aujourd’hui comme alors, et peut être avec plus de furie ; mais alors les peuples n’étaient pas consultés, tout dépendait de la volonté de princes que leur intérêt privé, guidait essentiellement, et qui avaient plus ou moins le sentiment des intérêts des nations. Aujourd’hui les peuples sont consultés ou paraissent l’être ; ils apportent à l’exécution des plans qu’on leur propose une adhésion plus formelle et mieux constatée ; ils semblent agir par eux-mêmes, et cependant, ils ne réussissent qu’à être des instruments ou des victimes. » (Léon Ferr, Revue des Deux Mondes, Mars 1871). Et c’est en effet bien ainsi que cela se passe. On semble consulter le peuple alors qu’en réalité on lui en impose et qu’on lui fait accepter, sous le fallacieux prétexte de sa souveraineté, les pires ignominies. Peut-on expliquer autrement les guerres qui ravagent l’humanité et plus particulièrement l’horrible boucherie de 1914 ?

Ce qui fait la puissance de la démocratie, c’est que le peuple n’arrive pas à comprendre que l’on puisse le berner à ce point, et que, dans sa confiance naïve, il s’imagine que la puissance politique peut avoir raison des forces économiques qui subordonnent en réalité toute l’activité politique. Dans son ignorance, le peuple détache le politique de l’économique ; il ne voit pas l’étroite corrélation qui existe entre ces deux organes essentiels de la vie collective et se figure que la politique à laquelle il accorde toute sa confiance, est un facteur d’évolution et de libération sociale alors qu’elle n’est, prise telle qu’elle se présente à nous dans les sociétés démocratiques, qu’un facteur d’asservissement.

Dans son dernier ouvrage « Les Contradictions du Monde Moderne », Francis Delaisi, après une étude approfondie de la situation créée par la grande guerre, est obligé de reconnaître non seulement l’erreur de la démocratie mais aussi ses dangers. » La souveraineté nationale, qui est apparue pendant un siècle comme la suprême garantie de sécurité pour les personnes et les entreprises, est maintenant, pour les unes et pour les autres, le suprême danger ». (Les Contradictions du Monde Moderne, p. 533). Nous pensons cependant que Francis Delaisi se trompe lorsqu’il pense conjurer le péril en séparant le politique de l’économique et qu’il déclare que « la séparation du politique et de l’économique amènera la fin des guerres d’affaires ». Il se trompe encore lorsqu’il pense que la Constitution des États-Unis d’Europe mettra fin aux grands conflits qui ensanglantent l’humanité. Normann Angell, dans « Sa grande Illusion » soutient également cette thèse et, pourtant, elle nous semble erronée. L’exemple de l’Amérique et de ses grandes républiques fédérées n’est pas suffisant pour ébranler les doutes qui nous animent, car s’il est possible de concilier les intérêts particuliers d’une fraction, il est impossible de concilier, dans un régime basé sur le Capital, les intérêts particuliers de toute l’humanité.

La constitution des États-Unis d’Europe et par extension des États-Unis d’Amérique est une nouvelle illusion dont on cherche à griser les peuples, illusion dangereuse et meurtrière, car les peuples souffriront de cette expérience. Elle est fondée sur une conception fausse puisque ce ne sont pas les divisions d’ordre politique qui déchaînent les grands conflits, mais les divisions d’ordre économique. Or l’unité économique ne peut être réalisé dans un monde dont le capitalisme est le moteur. Le capital n’est pas un facteur d’union, mais de désunion, et tant qu’il sera la source de toute l’activité humaine, la misère régnera en maîtresse sur le monde.

Séparer le politique de l’économique est inconcevable ; c’est peut-être une idée généreuse, mais elle ne peut se matérialiser, se réaliser dans l’ordre social actuel. La politique est le paravent derrière lequel se cachent les grands magnats de la finance et de l’industrie, c’est elle qui permet au capital d’évoluer librement à travers un monde d’ignorants et d’asservis, c’est elle qui sert de trait d’union entre la liberté factice du peuple et la liberté réelle des gouvernants ; c’est le cerveau de la démocratie.

La démocratie nationale a déjà conçu cette erreur que la souveraineté du peuple éloignera tous les fléaux inhérents à la féodalité ; la démocratie internationale qui repose sur la même erreur engendrera les mêmes fléaux.

Il n’y a de bonheur que dans la liberté et il n’y a de liberté que par la révolution. Il faut choisir. La guerre ou la Révolution. Il n’y a pas de milieu. Les mystiques de la démocratie devront s’incliner. La guerre nationale ou internationale ne peut être effacée par la réforme incomplète des institutions modernes ; elle continuera ses ravages et ses crimes, tant que la population mondiale sera divisée en deux classes : l’une opprimée, l’autre oppressive. La démocratie ne peut concilier les intérêts de ces deux classes. Le voudrait-elle, les moyens lui manquent, elle n’en aurait pas la possibilité.

Il faut choisir. Il est des hommes qui se refusent à prendre la position qu’il convient. Passifs dans leur lâcheté, ils ne veulent être ni pour la guerre, ni pour la révolution. Ce sont des neutres ballotés au gré des événements, qui ne savent pas où ils sont, qui ne savent pas où ils vont. Nourris au lait démocratique, ils espèrent encore en la puissance des dieux politiques pour amener au port le frêle bateau perdu dans l’océan. Ils ne veulent ni la guerre ni la révolution. Ces hommes me font l’effet d’un moribond qui, sur son lit de souffrance, se débat contre la camarde en criant qu’il ne veut pas mourir. Il mourra cependant. Il n’est aucune puissance qui puisse arrêter la mort ; il n’est aucune puissance qui puisse arrêter la guerre ou la Révolution.

La démocratie c’est la guerre ; la Révolution, c’est la paix. La Révolution écrasera la guerre ; la démocratie, héritière des régimes autocratiques, dernier repaire de la finance et de l’industrie, ultime sauvegarde du Capital et de l’autorité, doit disparaître ; ou alors l’humanité doit s’attendre à vivre des journées sombres et sanglantes avant de s’écrouler dans une tragédie qui n’a pas de précédent dans l’histoire des peuples. — J. Chazoff.

DÉMOCRATIE. La démocratie est une des formes de la société capitaliste et bourgeoise. La base de la démocratie est le maintien des deux classes opposées de la société moderne : celle du travail et celle du capital, et leur collaboration sur le fondement de la propriété capitaliste privée. L’expression de cette collaboration est le Parlement et le Gouvernement national représentatif.

Formellement, la Démocratie proclame la liberté de la parole, de la presse, des associations, ainsi que l’égalité de tous devant la Loi. En réalité, toutes ces libertés ont un caractère très relatif : elles sont tolérées tant qu’elles ne contredisent pas les intérêts de la classe dominante : la bourgeoisie.

La Démocratie maintient intact le principe de la propriété capitaliste privée. Par là même, elle laisse à la bourgeoisie le droit de tenir entre ses mains toute la presse, l’enseignement, la science, l’art, ce qui, en fait, rend la bourgeoisie maîtresse absolue du pays.

Ayant le monopole dans la vie économique, la bourgeoisie peut établir son pouvoir illimité aussi dans le domaine politique. En effet, le Parlement et le Gouvernement représentatif ne sont, dans les démocraties, que les organes exécutifs de la bourgeoisie.

Par conséquent, la démocratie n’est que l’un des aspects de la dictature bourgeoise, mêlée sous des formules trompeuses de libertés politiques et de garanties démocratiques fictives. — Archinoff.