Encyclopédie anarchiste/Abdication - Adultère
ABDICATION n. f. L’abdication est l’acte de quelqu’un qui renonce, volontairement ou de force, à quelque chose et, en général, à de hautes fonctions ; on emploie aussi le mot abdication pour désigner l’acte de quelqu’un qui cédant à des considérations d’intérêt, abandonne ses opinions ou fait litière de ses qualités morales. Exemple : abdication de toute dignité. Les politiciens sont les professionnels de ce genre d’abdication (voir apostasie). Voici la liste des principales abdications historiques : abdications de Cincinnatus, qui retourna deux fois à sa charrue (458 et 438 av. J. C.) ; de Sylla (10 av. J. C), qui se retira à Pouzzoles ; de Dioclétien (305 de notre ère) qui se retira à Salone ; du pape Benoît IX (1045 et 1048), du pape Félix V (1449), de Charles Quint (1555) qui alla finir ses jours au couvent de Yuste ; de Christine de Suède (1654) qui se retira à Rome, de Casimir V, roi de Pologne (1667), de Stanislas II, roi de Pologne (1795) ; du roi d’Espagne Charles IV (1808) ; celles de Napoléon, la première à Fontainebleau, la seconde à Paris (1814 et 1815) ; de Bolivar, libérateur de l’Amérique espagnole (1825) ; de Charles X (1830) qui mourut à Goritz, en Italie ; de Pedro IV, roi de Portugal (1831) ; de Louis-Philippe (1848) qui alla finir ses jours en Angleterre ; de Guillaume Ier, roi de Hollande (1840) ; de Charles-Albert, roi de Sardaigne (1849) ; d’Othon, roi de Grèce (1862) ; d’Isabelle II, reine d’Espagne (1870) ; d’Amédée Ier, roi d’Espagne (1873) ; du prince Alexandre de Bulgarie (1886) ; de Milan Ier, de Serbie (1889) ; de Nicolas II, tsar de Russie (1917) ; de Constantin, roi de Grèce (1917) ; de Guillaume II, empereur d’Allemagne (1918) ; de Ferdinand, tsar de Bulgarie (1918). Comme on peut le voir en lisant cette liste, bien rares sont les pantins royaux qui ont abdiqué sans y être contraints et forcés. Les tyrans sont de ces gens qui disent cérémonieusement qu’ils s’en vont quand on les met à la porte.
ABNÉGATION, n. f. Renoncement, sacrifice. Exemple : Pour l’avènement d’une humanité meilleure, les anarchistes sont prêts à toutes les abnégations. En effet, la vie du militant révolutionnaire est faite de sacrifices continuels et de cruelles renonciations. Le militant est en butte, lui et les siens, à la misère. Des persécutions de toute sorte s’acharnent sur ses épaules. Sa liberté est toujours compromise et sa vie elle-même est souvent menacée. Mais sa volonté d’abnégation triomphe des obstacles qu’on élève sur sa route. Le découragement lui est inconnu. Pour faire connaître et aimer les idées qui lui sont chères, il ne recule devant rien. Sa vie, sa liberté, son labeur, son intelligence ne lui appartiennent plus ; il les a consacrées à jamais au service de la cause qui lui paraît la plus belle et la plus noble de toutes. Il a fait l’absolue abnégation de soi. Pendant ce temps, au contraire, les politiciens, sous le couvert d’idées fausses, ne recherchent que l’assouvissement de leurs ambitions personnelles. Arrivistes aux besoins multiples, le bien d’autrui leur est indifférent. Ils ont fait alliance avec les hommes de proie qui préfèrent la mort d’une foule à la perte d’une parcelle de leurs richesses, Hélas ! le peuple se laisse trop souvent berner par ces bateleurs sans scrupules, dont la bouche menteuse promet monts et merveilles. Chaque fois, cependant, le réveil est cruel, mais il suffit d’un nouvel intrigant pour que le peuple, trop confiant, se laisse une fois de plus manœuvrer. — Les anarchistes, inlassablement, s’attachent à dénoncer le commerce éhonté des politiciens et de leurs acolytes. Espérons que le peuple finira par choisir entre l’abnégation des uns et l’arrivisme criminel des autres.
ABSOLUTISME n. f. Théorie ou pratique d’une autorité absolue. Système de gouvernement où l’autorité du monarque est absolue. Exemple : monarchie absolue. Sous une monarchie absolue, c’est le règne du bon plaisir, de l’arbitraire et les citoyens sont livrés sans défense à l’autorité tyrannique d’une caste. Toutefois, de nos jours, il n’est presque plus de gouvernements pratiquant le pouvoir absolu d’un seul. Les derniers rois n’ont pas plus de puissance qu’un président de république. Mais il ne faut pas se fier aux apparences. L’autorité, quoique moins ouvertement absolue, n’en existe pas moins, hypocrite et insidieuse, sous le masque des démocraties. Un absolutisme avoué inciterait le peuple à s’insurger. Les gouvernants l’ont compris et ont substitué à cet absolutisme un parlementarisme sous le couvert duquel ils peuvent agir à leur aise. (Voir Parlement.)
Nous assistons, depuis quelques années, à une sorte de résurrection de l’Absolutisme sous des formes nouvelles, nées des circonstances. Le Pouvoir absolu, entre les mains d’un Mussolini, en Italie, s’appelle le Fascisme ; en Espagne, dans la personne d’un Primo de Rivera, il s’appelle le Directoire ; en Russie (exercé par un parti politique, ou, plus exactement, les quelques hommes qui composent le comité directeur du Parti communiste, le pouvoir absolu est pratiqué sous le nom de Dictature du Prolétariat. (Voir Fascisme, Directoire, Dictature, Parti Communiste, Bolchévisme.)
ABSTENTIONNISME n. m. « Doctrine qui préconise l’abstention en matière électorale », dit le Larousse. Fanfani le définit plus précisément : « Ne pas vouloir exercer les droits politiques ni participer aux affaires publiques ». Ces définitions toutefois ne disent rien par elles-mêmes sur la raison, la signification et la portée de l’abstention. Une note du même Larousse va nous permettre de les établir contradictoirement. Elle est ainsi conçue : « L’abstention politique qui a pour cause la négligence ou l’indifférence prouve un oubli égoïste et blâmable des devoirs du citoyen. Quelquefois, elle est pratiquée systématiquement comme un mode de protestation, soit contre le gouvernement établi, soit contre un mode de suffrage qui n’offre pas de garanties suffisantes. »
Eh bien ! ce n’est pas par négligence ou indifférence, ni par protestation contre tel ou tel gouvernement ou un mode particulier de suffrage que nous sommes abstentionnistes, mais bien par une question de principe. Nous n’admettons pas un soi-disant droit de majorité. Remarquons en passant qu’il est mathématiquement prouvé qu’aucun parlement ou gouvernement n’a jamais représenté jusqu’à présent la majorité réelle d’un peuple, mais cela dût-il se produire, que nous contesterions toujours à ce parlement ou gouvernement le droit de soumettre à sa loi la minorité. Sans aller jusqu’à prétendre que les majorités ont toujours tort, il nous suffit d’établir que les minorités ont souvent raison ou même simplement qu’elles peuvent aussi avoir raison, pour rejeter tout droit de majorité.
À moins du cas particulier de ne pouvoir choisir qu’entre deux décisions et d’impossibilité matérielle d’appliquer librement les deux à la fois, la minorité garde pour nous une égale liberté d’action que la majorité. Le droit de la minorité ne sera naturellement inférieur à celui de la majorité que dans la mesure où ses forces de réalisation le seraient aussi.
Ajoutons que nous revendiquons non seulement un droit du groupe minoritaire identique à celui du groupe majoritaire, mais aussi un droit individuel limité uniquement par le peu de moyens qu’un individu représente à lui seul.
Il y a à cela une raison fondamentale. Toute invention, découverte ou vérité nouvelle, dans tous les domaines de la vie, n’est jamais due qu’à des individus isolés ou à la coopération étroite de petits groupements, bien que ces individus et groupements aient profité en somme, entre temps, de l’ensemble des connaissances humaines, sans lesquelles le nouveau pas en avant deviendrait inconcevable. Or, rien n’est évidemment plus nuisible à un progrès, rien ne saurait le retarder davantage que d’en faire dépendre l’application de la conquête préalable de la majorité. La plus large liberté d’expérimentation, l’autonomie nullement entravée pour les plus différents essais, tentatives ou applications, voilà les conditions indispensables à toute nouvelle réalisation audacieuse et féconde, conditions en opposition formelle avec tout soi-disant droit de majorité. D’ailleurs, si les novateurs se trouvent être dans l’erreur, rien ne saurait mieux le prouver que l’expérience, après laquelle ils pourront soit abandonner leur tentative, soit la modifier.
L’adage que les absents ont toujours tort ne saurait s’appliquer à l’abstentionnisme anarchiste ; disons plus, c’est aux électeurs qu’il doit s’appliquer et non aux élus. Nous formulons ainsi non un paradoxe, mais au contraire une vérité assez facile à démontrer. En effet, l’absence la plus à regretter est-ce celle des quelques minutes nécessaires pour voter, ou celle de tous les jours de l’année ? Car le fait de voter implique en somme le renoncement à s’occuper directement de la chose publique pour une période déterminée, au cours de laquelle l’élu reste chargé de s’en occuper au lieu et place des électeurs, ceux-ci devenant ainsi les absents toujours dans leur tort. Et les faits ne démontrent que trop qu’ils le sont réellement.
Évidemment, l’abstentionniste qui ne l’est que par négligence ou indifférence, se trouve dans le même cas ; mais il en est tout autrement de l’anarchiste. Il refuse, lui, de s’absenter partout où son sort se discute et se trouve en jeu, il veut s’y trouver présent pour peser de toutes ses forces sur la décision à intervenir.
L’abstentionnisme n’est donc logiquement anarchique que s’il signifie, d’une part, négation de toute autorité légiférante ; d’autre part, revendication — et application dans la mesure où cela est déjà possible — du principe de faire ses affaires soi-même.
Les « devoirs du citoyen » — si devoirs il y a — ne sauraient être ramenés à l’obligation de déposer un bulletin dans l’urne ; ils ne peuvent que trouver leur application à tout instant où le besoin s’en fait sentir, tandis que le vote ne signifie en somme que déléguer autrui pour faire son devoir propre, ce qui est évidemment un non-sens.
Que l’on envisage la participation à la chose publique comme un droit ou un devoir, elle ne saurait donner lieu à une délégation, à moins de nier pratiquement ce qui vient d’être affirmé théoriquement.
Voyons. Un homme peut-il s’instruire, s’améliorer, se fortifier par délégation ? Non, et cela présuppose, avant tout une activité personnelle de chacun, qui peut être, nous l’admettons, plus ou moins favorisée par d’autres, mais toujours dans le sens de l’adage : « aide-toi, le ciel t’aidera. « La superstition — a dit fort bien Gabriel Séailles — consiste à demander à une puissance étrangère ou à attendre d’elle ce qu’on ne se sent pas le courage ou la force de faire soi-même. » N’est-ce pas précisément cela que continuent à faire les foules électorales à la suite des malins de la politique ?
Peut-on imaginer une plus mauvaise éducation que celle consistant à se décharger sur quelques rares individus du soin de traiter précisément les questions ou l’intérêt de tous est en jeu, et dont la solution pourra avoir les conséquences les plus considérables pour l’humanité ?
Nous nous abstenons ici d’insister sur les turpitudes de la politique et des politiciens, sur l’écœurant spectacle toujours offert par le parlementarisme. Il n’y aurait, par impossible, parmi les élus que des hommes probes, que nous n’en cesserions pas moins d’être les adversaires d’un système qui maintient dans un état de tutelle, de minorité, d’infériorité, la plus grande partie des citoyens.
Se refuser à être électeur ne signifie ainsi dans notre pensée, répétons-le, que revendiquer son droit à exercer dans toutes les affaires publiques une intervention directe, constante et décisive. Nous ne saurions abandonner cela à quelques individus.
Notre abstentionnisme n’est donc pas un oreiller de paresse, mais présuppose toute une action de résistance, de défense, de révolte et de réalisation au jour le jour.
Les socialistes parlementaires n’en ont pas moins prétendu que nous faisions ainsi le jeu de la bourgeoisie. Examinons les faits de près.
Tout le monde se trouve d’accord pour voir dans le parlementarisme une institution bien bourgeoise. Participer à cette institution c’est donc contribuer à son fonctionnement, à son jeu. Est-il possible de changer ce jeu de bourgeois en socialiste ? Les faits sans exception répondent pour nous : Non !
La raison en est bien simple.
Ou la majorité restera bourgeoise et il est incontestable qu’elle imposera son jeu bourgeois à la minorité socialiste. Dans ce cas, toutes les parties sont perdues d’avance, et s’obstiner quand même à jouer avec les bourgeois est incompréhensible, à moins d’admettre que les joueurs socialistes, en perdant tout pour le peuple, peuvent néanmoins gagner quelque chose pour eux-mêmes.
Ou la majorité deviendra socialiste. En ce cas, il est évident que le jeu parlementaire, dont l’origine, le développement et le but sont strictement bourgeois, devra être remplacé par des institutions nouvelles, grâce auxquelles la masse travailleuse ne soit plus jouée.
Pratiquement, l’histoire de toutes les rotations et élections, en Suisse surtout, ou le système est le plus développé et perfectionné, nous apprend que la bourgeoisie arrive toujours à ses fins, en dépit de toutes les « consultations populaires ». D’ailleurs, les moyens ne lui manquent point pour faire illégalement ce qui ne lui est pas accordé légalement. La façon dont la journée légale de huit heures est appliquée devrait pourtant avoir appris quelque chose à nos votards. Et il en est ainsi, d’ailleurs, de toutes les soi-disant lois de protection ouvrière.
Et c’est précisément parce que le suffrage universel est le jeu bourgeois par excellence, même en dehors de toutes les tricheries auxquelles il se prête si bien, que nous sommes abstentionnistes.
Aux jours d’élections ou votations, le croupier bourgeois crie : Faites vos jeux ! Les naïfs qui vont voter verront ramasser leurs bulletins de vote, après quoi ils s’entendront dire : Rien ne va plus ! Et ce jeu du pouvoir, ou le croupier gagne toujours comme à tous les jeux, peut durer éternellement. Les joueurs peuvent bien s’illusionner en réalisant quelques petits gains de temps à autre, mais ils se les verront reprendre avec usure.
S’il y a un point sur lequel nous sommes absolument sûrs d’être dans le vrai, c’est en conseillant au monde ouvrier de s’abstenir de faire le jeu électoral bourgeois.
Ce principe s’applique pour nous non seulement aux élections des Chambres législatives, mais aussi des Conseils de canton, province ou département et des Conseils communaux, de même qu’aux élections des pouvoirs exécutif et judiciaire, là où elles ont lieu comme en Suisse. Nous l’appliquons en outre à toutes les votations découlant des droits de referendum et d’initiative et de l’introduction de la législation dite directe. (Voir ces mots).
Dans l’impossibilité de contester le bien-fondé de nos objections, les partisans du vote finissent par s’écrier : — Votre critique stérile ne rime à rien. Dites-nous donc une bonne fois ce qu’il faut faire.
Remarquons d’abord ce fait. Que nous puissions ou non dire ce qu’il faut faire, cela ne change rien à notre constatation qu’avec le bulletin de vote le résultat est nul. Or, si telle est la vérité incontestable, ce n’est pas à nous seulement que doit se poser la question : Que faire ? — mais chacun doit se la poser individuellement.
L’abstentionnisme anarchiste n’obtiendrait que ce résultat de poser impérieusement et universellement cette question : Que faire ? — que sa valeur apparaîtrait déjà très grande.
Avec le système électoral, la grande masse des électeurs s’en rapporte uniquement pour cela à quelques élus. Il en résulte que celui qui vote le fait surtout avec l’idée plus ou moins consciente de s’abstenir ensuite de s’occuper de la chose publique. Il s’en décharge sur son élu. Le vote plus qu’une participation à la vie publique, ne représente qu’un renoncement à s’y mêler. Chaque électeur pense qu’il vaut mieux qu’un autre le fasse pour lui.
Mais la chose publique est si immense, complexe et ardue qu’il n’est pas de trop de la participation directe de toutes les intelligences, capacités et forces pour bien la servir. Or, ou cela se fait en dehors du Parlement et l’utilité de ce dernier apparaît douteuse, ou le Parlement n’intervient que pour ordonner ce que lui Parlement ne sait pas faire à ceux qui le savent, et nous avons le règne systématique de l’incompétence.
Chacun ne pouvant répondre que dans le domaine propre à son activité à la demande : Que faire ? — le Parlement apparaît une absurdité, car il doit par définition répondre à tous les besoins de toute la vie sociale.
Les phrases vagues des programmes électoraux n’ont jamais répondu à la redoutable question : Que faire ? C’est une réponse qu’aucune majorité électorale ne saura jamais donner ; mais chaque individu peut et doit la donner pour tout ce qu’il connait pratiquement des formes innombrables du travail humain.
Et c’est précisément parce que le vote n’est que l’escamotage pour le grand nombre de cette question : Que faire ? — que nous n’en voulons pas.
ABSTRACTION n. f. L’abstraction est une opération de l’esprit par laquelle on considère les qualités indépendamment des substances dans lesquelles elles résident. Ex. : quand on considère la bonté, en général, sans l’appliquer à un individu, on opère une abstraction.
En philosophie, l’abstraction consiste à séparer une chose d’une autre dont elle faisait partie : les idées abstraites sont donc des idées partielles séparées de leur tout et l’abstraction est la faculté qu’a l’esprit de produire ces idées. L’abstraction est spontanée lorsqu’elle vient des sens, de l’attention involontaire, etc… ; réfléchie lorsqu’on fixe à dessein son attention sur une certaine propriété en négligeant les autres. Tant que les idées représentent une qualité particulière d’un objet, elles sont abstraites ; elles deviennent générales lorsque, par un nouveau point de vue, elles représentent une qualité commune à plusieurs objets. L’abstraction est la condition de la science, parce qu’elle permet d’isoler chacune des qualités dont la somme forme un objet, l’on peut dire que chaque science est un système d’abstractions : l’arithmétique abstrait le nombre ; la géométrie l’étendue ; la mécanique le mouvement, etc.
On fait un usage courant des expressions faire abstraction de ou abstraction faite de, laisser de côté, en ne tenant pas compte de. Ex. : l’anarchiste doit s’efforcer de juger sainement, en faisant abstraction de la haine et de l’amour. Au pluriel le mot abstraction sert souvent à désigner des idées vagues et confuses, des préoccupations chimériques. Ex. : au moment de l’action, les anarchistes doivent se garder de se perdre dans les abstractions.
ABUS n. m. (du latin, préfixe ab et usus, usage). Usage mauvais, excessif ou injuste. Exemple : tout gouvernement est contraint, de par sa fonction même, à commettre de criminels abus. Dans tous les pays, et dans tous les temps l’autorité a toujours été une source d’abus. Les classes dirigeantes se sont servies — et se servent encore, d’ailleurs — de leur force pour spolier les faibles et violer les droits de l’individu. D’autre part, les charlatans religieux ont abusé de la crédulité de la foule et se sont efforcés d’étouffer l’esprit critique et le besoin de lumière des hommes. Pendant que les uns asservissaient le corps, les autres asservissaient le cerveau. C’est contre ces abus innommables que les anarchistes ne cessent de s’élever. Et ils ne cesseront de lutter tant que les peuples seront quotidiennement les victimes de l’arbitraire des puissants ou de l’affairisme des abrutisseurs.
ACCAPAREMENT n. m. L’accaparement est un fait social et plus particulièrement économique. Il s’applique à un ensemble, à un système. Il résulte, surtout de nos jours, de la constitution des grosses firmes financières, industrielles et commerciales, et des coalitions formées par certaines de ces firmes pour faire disparaître la concurrence.
L’accaparement a non seulement pour but de monopoliser le trafic de certains produits ou denrées pour les vendre le plus cher possible, mais encore de faire disparaître, en vendant parfois à bas prix, le commerce ou l’industrie d’importance moyenne. Il est le facteur le plus important de l’augmentation du coût de la vie. Le mécanisme de l’accaparement est extrêmement compliqué. Il peut revêtir les formes les plus contradictoires suivant les buts que se proposent d’atteindre les accapareurs.
Ainsi, autrefois, l’accapareur ne visait qu’à provoquer la raréfaction pour vendre le plus cher possible et édifier rapidement une grosse fortune. Il était très rare que plusieurs accapareurs se réunissent entre eux pour faire de l’accaparement sur plusieurs produits se rattachant à une même production.
Depuis, les trusts, les consortiums, les cartels, les konzerns sont venus ; les financiers et industries, les financiers et commerçants se sont associés dans de vastes groupements, pour s’assurer la maîtrise des marches du globe et dans chaque pays, ces organismes colossaux possèdent leurs ramifications qui fixent les cours des matières premières, des produits manufacturés ou agraires.
Les accapareurs n’agissent plus, aujourd’hui, en ordre dispersé. Ils opèrent en bandes organisées et travaillent chacun dans une spécialité déterminée. Leur système est parfaitement conçu : chacun à sa place dans l’ensemble international et chaque branche financière, industrielle ou commerciale a sa place dans l’organisme national, régional ou local. L’accaparement s’exerce chaque jour et partout. Les Bourses de Commerce en sont les organes régulateurs et les Bourses aux Valeurs les organes ordonnateurs.
L’objet ou le produit n’a plus une valeur qui est fonction du temps de travail qu’il représente, des frais qu’il a nécessités ; la rareté et l’abondance ne jouent à peu près aucun rôle. C’est la seule volonté des accapareurs, des spéculateurs qui en fixe le cours et l’impose à la masse des consommateurs.
Le stockage est généralement le prélude de l’accaparement aussi bien dans le domaine industriel que dans le domaine agraire. En ce qui concerne le commerce en denrées alimentaires, les mandataires des Halles pratiquent ce qu’ils appellent « la resserre ».
Le stockage des matières premières ou des objets manufacturés a pour but de rassembler entre les mains d’un puissant groupement financier et industriel ou financier et commercial, une quantité considérable de matière première ou de produit manufacture de même nature qui provoque une raréfaction factice et momentanée de ces produits ou matières premières.
La plupart du temps les groupements intéressés achètent, à long ou à court terme, tous les produits d’une région ou d’un pays à un cours fixe ou variable suivant le cas. Ils créent ainsi un monopole de fait. Tous les commerçants et industries moyens devront, pour renouveler leur stock particulier, passer sous les fourches caudines des accapareurs et payer le prix fixe par ceux-ci. Bien entendu, en définitive, c’est toujours le consommateur qui fait les frais de ces opérations.
Lorsque la houille, le fer, les tissus, le blé, le vin, etc. ne sont pas assez chers, au gré des accapareurs, ils font la rafle de ces produits ou matières. Ils stockent et ne recommencent la vente qu’après avoir soigneusement monté l’opération qui leur procurera de gros bénéfices ou anéantira une concurrence qui n’a pas prévu le coup de Bourse ou la manœuvre d’achat de grande envergure.
Les accapareurs n’hésitent pas à priver tout un pays du nécessaire pour réussir une belle et profitable opération.
L’accaparement peut, pour réussir, nécessiter soit une production intense, soit un chômage partiel ou total dont la durée est subordonnée à l’importance du résultat à atteindre par les accapareurs.
Une puissante firme ou un groupe de firmes peut, par exemple, acquérir une très grande quantité de matières premières à bas prix pour forcer une firme ou un groupe de concurrents à acheter beaucoup plus cher.
La transformation rapide de ces matières en produits manufacturés peut impliquer l’emploi d’une main d’œuvre plus nombreuse, mieux payée, si les accapareurs tiennent à conquérir un marché ou à en être les arbitres. Par contre, il peut se faire que cette opération faite et réussie, les accapareurs n’aient aucun intérêt à reprendre une production normale et que, pour préparer de nouveaux coups de bourse, ils cessent momentanément ou ralentissent leur production. C’est alors le chômage qui intervient et la baisse des salaires qui en découle.
Comme on le voit, le mécanisme de l’accaparement est très compliqué. Il peut même se produire — et cela arrive souvent — que certains accapareurs jouent à la baisse exagérée pendant que des compères font la hausse pour désorienter les producteurs et acheteurs qui ignorent tout de la combinaison dont ils doivent être les victimes.
Le trafic des Halles, dans toutes les grandes capitales, donne lieu à des manœuvres constantes d’accaparement. Lorsque les mandataires — qui sont les seuls maîtres des cours des denrées — veulent faire monter ou descendre ces cours, rien ne leur est plus facile. D’un coup de téléphone, ils invitent leurs intermédiaires qui achètent dans l’ensemble du pays à forcer les arrivages ou à réduire les achats. Si les arrivages sont trop grands aujourd’hui, on les arrête demain et le tour est joué. Si les marchandises sont trop abondantes, on les resserre, pour les servir et les vendre le lendemain. Si l’intérêt du mandataire l’exige, la marchandise sera sacrifiée au lieu d’être vendue à un prix plus bas. On l’enfouira, on la jettera au ruisseau, à la poubelle, plutôt que d’en réduire le prix. Ce sont manœuvres et pratiques courantes des accapareurs de denrées. Le gouvernement, les pouvoirs publics ne l’ignorent pas, mais ne font rien pour l’empêcher.
Les mandataires des Halles, de même que les sucriers, les maitres des Forges, les grands minotiers, les pétroliers ont toute licence pour exercer leur industrie à l’abri même de la loi.
L’accaparement fait partie du système social actuel. Il ne disparaîtra qu’avec lui. Autrefois, on pendait les accapareurs ; aujourd’hui, on les décore. C’est un signe des temps.
La cupidité des accapareurs, leurs rivalités, sont à la source de tous les conflits armés entre les puissances qui soutiennent les intérêts de leurs ressortissants et encouragent leurs exploits.
L’accaparement est une des manifestations les plus malfaisantes du capitalisme. Il n’est toutefois qu’un effet, c’est la cause qu’il faut détruire.
ACCAPAREMENT. n. m. Action d’accaparer, de prendre tout pour soi, L’accaparement, en matière de commerce et d’industrie, a toujours été chose très courante et n’est qu’une des tristes conséquences de la société que nous subissons. L’accaparement consiste, pour un commerçant ou un consortium, à retirer de la circulation une forte quantité de denrées ou marchandises de même espèce, afin d’en avoir le monopole et de pouvoir, en écartant toute concurrence, les revendre au taux le plus élevé. Les mesures contre l’accaparement, assez sévères sous l’ancienne monarchie, abolies par l’Assemblée Constituante, reparurent sous la Convention qui déclara l’accaparement crime capital. Aujourd’hui, en principe, la loi punit de l’amende et de la prison l’accaparement des marchandises proprement dites et aussi de tout ce qui est objet de commerce ou de concurrence, par exemple, l’accaparement des moyens de transport. La peine devrait être plus grave si la spéculation a porté sur les grains, farines, pains et boissons. En réalité, les loups ne se mangent pas entre eux et les accapareurs n’ont pas à craindre beaucoup ces lots sévères. À toutes les époques des commerçants ont essayé d’affamer le pays pour augmenter leurs bénéfices ; chaque fois qu’ils furent dénoncés, ils ne s’en portèrent pas plus mal et continuèrent à jouir en paix du fruit de leurs crimes. Au mal de l’accaparement il n’y a qu’un seul remède, celui que préconisent les anarchistes : la mise en commun, organisée des denrées et marchandises. Toutes les autres mesures ne sont que duperies destinées à couvrir un trafic éhonté sous une vaine apparence de « justice ».
ACCLIMATATION n. f. Action d’acclimater artificiellement. L’homme s’acclimate assez facilement dans les pays froids ou les régions de hautes altitudes, mais il lui est très difficile de s’habituer aux pays chauds. C’est vers l’âge de 35 ans que l’acclimatation est le plus facile et c’est vers l’âge de 12 ans qu’elle est le plus pénible. Les Européens établis dans les pays tropicaux doivent envoyer leurs enfants dans leurs pays d’origine de 2 à 20 ans. L’acclimatation des animaux se prépare en les faisant passer graduellement de leur pays d’origine dans le pays où on veut les acclimater, et lorsqu’on a obtenu leur multiplication. L’acclimatation se réalise au bout de plusieurs générations. Les Grecs ont acclimate en Europe le paon et le faisan ; les Romains la pintade ; au XVIe siècle, les Espagnols acclimatèrent le dindon et le cobaye. Les plus remarquables acquisitions de notre époque ont été faites en matière de pisciculture. De même, certaines espèces végétales : le platane, le lilas, la tulipe, le tabac, la pomme de terre, sont les produits d’une acclimatation relativement récente. En 1854, Geoffroy-Saint-Hilaire fonda la Société nationale d’acclimatation en vue de multiplier les espèces utiles. — Le mot acclimatation est aussi employé au sens figuré. Exemple : l’acclimatation d’un individu dans une classe sociale autre que la sienne.
ACCOUTUMANCE n. f. Habitude ; action de se familiariser avec une chose, suivie souvent de l’acceptation passive de cette chose. Il faut prendre garde à l’accoutumance, c’est une redoutable auxiliaire de l’esclavage. De même que le manque d’initiative renforce la routine, de même l’accoutumance brise les velléités de révolte et de libération. L’homme qui, peu à peu, s’est habitué à supporter sans mot dire l’exploitation d’une caste, cet homme-là acquerra peu à peu une mentalité d’esclave. Au lieu de soutenir les travailleurs révoltés, il deviendra le chien de garde de son patron. L’accoutumance est donc une chose dangereuse. Elle tue le besoin de liberté chez l’individu ; elle fait paraître naturelles les conditions de vie les plus artificielles. Ne nous laissons pas endormir par l’habitude.
L’accoutumance, c’est la pente savonnée sur laquelle on se laisse glisser, glisser, glisser si aisément à la longue, qu’on cesse d’avoir conscience de sa chute, si bien que, lorsqu’on est amené, par une circonstance grave, à le constater, on n’a plus la force (l’habitude est une seconde nature) de réagir.
L’accoutumance a des effets qui peuvent être comparés à ceux de la paralysie plus ou moins lente qui, graduellement, s’étend à l’individu tout entier et le prive de sa faculté totale de se mouvoir.
ACCUMULATION (des richesses) n. f. (lat. accumulare). C’est l’action qui consiste à accumuler et qui a pour résultat d’amasser, d’entasser, d’amonceler les richesses. Il y a là un phénomène économique que détermine automatiquement le régime capitaliste. La situation agricole, industrielle, commerciale et financière qui caractérise ce régime a pour conséquence de dépouiller la fraction la plus nombreuse de la population au profit d’une infime minorité. C’est entre les mains de cette poignée d’individus de plus en plus scandaleusement enrichie que se produit cette accumulation des richesses. « La richesse et la misère, écrit l’économiste J.-B. Say, s’avancent sur deux lignes parallèles ». C’est ce phénomène que Karl Marx a remarquablement constaté et que l’auteur du Capital appelle la concentration capitaliste (voir Concentration). Des fortunes fantastiques s’édifient sur le détroussement systématique de la masse qui produit et qui consomme. Plus le régime capitaliste se développe, plus il engendre, par le système des profits additionnés, cette accumulation des richesses.
Déjà spoliée par l’employeur d’une partie importante du fruit de son travail, la classe ouvrière l’est encore par la clique commerciale et si, après avoir subi le prélèvement du rapace dont il est le salarié et du mercanti qui lui vend au plus haut prix ce dont il a besoin pour s’alimenter, se vêtir, se loger et se recréer quelque peu, il reste, par hasard, quelques sous au travailleur, ces faibles disponibilités sont happées par la finance ou dévorées par l’État, En sorte que toutes les richesses créées par le Travail ne restent jamais à la disposition et entre les mains des Producteurs, mais passent immanquablement dans les coffres-forts des improductifs.
C’est ainsi que d’immenses trésors, de prodigieuses ressources, d’incalculables réserves, dûs à l’effort archiséculaire de la multitude qui peine et vit misérablement, se trouvent aujourd’hui en la possession d’une minorité de flibustiers, d’aigrefins et de profiteurs — la propriété, c’est le vol (Proudhon) — qui, de génération en génération, se transmettent constamment accrues, les richesses ainsi accumulées.
Ce fait d’absorption progressive de toutes les richesses peut être comparé au mouvement d’une pompe aspirante et foulante, qui serait actionnée par quelques privilégiés et fonctionnerait au profit exclusif de ceux-ci. Ce que le mouvement de cette pompe aspire, c’est la totalité des richesses enfantées par les prolétaires des deux sexes, de tous âges et de toutes nationalités ; ce que le mouvement de cette pompe refoule, c’est la masse de ces prolétaires qu’il rejette systématiquement dans l’enfer d’un travail de brutes et d’une existence de forçats.
Les conséquences de cette odieuse accumulation des richesses sont particulièrement saisissantes dans les grands centres qu’on a appelés les cités tentaculaires. (Voir le livre de Émile Vandervelde sur ce sujet.) L’opulence y côtoie le dénuement ; l’oisiveté y avoisine le travail forcé ; les rires et les chants s’y mêlent aux larmes et aux cris de détresse ; l’orgie tue les uns et les privations assassinent lentement les autres. « Il y a, rien qu’en France, écrivait le Dr Bertillon, il y a 25 ans, plus de cent mille personnes de quinze à soixante ans qui, chaque année, meurent de la misère et de ses suites. »
Si on tient compte de la quantité d’enfants qui succombent au manque d’hygiène, à l’insuffisance ou à la mauvaise qualité des aliments qu’ils absorbent, qui s’étiolent lentement dans d’infects taudis sans air, qui, malades, sont privés des soins qui leur seraient nécessaires (voir la brochure de Kropotkine : « Aux Jeunes Gens » et, consulter les tables de mortalité enfantine) ; si on ajoute à ce tableau funèbre la quantité de vieillards qui s’acheminent vers la tombe plus tôt qu’ils ne le feraient s’ils possédaient l’aisance et la sécurité auxquelles toute une vie de labeur et de privations leur donne un droit incontestable ; si on additionne toutes ces victimes d’une criminelle organisation sociale, on peut hardiment tripler, quadrupler, quintupler ce chiffre de cent mille affirmé par un technicien de la mortalité qui n’est pas des nôtres.
Et pourtant, il existe assez de maisons pour que tout le monde soit convenablement abrité, assez de chaussures et de vêtements pour que personne n’aille pieds nus et en guenilles, assez de denrées alimentaires pour qu’il n’y ait aucun estomac vide et affamé.
Mais toutes ces richesses sont aux mains et à la merci de quelques-uns qui les ont accumulées. Ceux-ci peuvent crever d’indigestion, tandis que d’autres meurent d’inanition ; ils peuvent se demander dans quelles orgies extravagantes et insensées ils dépenseront leur superflu, tandis que d’autres s’allongent chaque soir sur leur misérable grabat en se demandant comment ils vivront le lendemain.
Tout, tout, tout aux premiers ; rien, rien, rien aux derniers.
C’est épouvantable, mais il en est ainsi.
Il était fatal que, grâce aux progrès merveilleux de la science appliquée à l’agriculture et à l’industrie, que, grâce aux découvertes de plus en plus admirables des techniciens et des inventeurs, la somme des richesses mises, par le Travail, à la disposition de l’humanité progressât sans cesse et il est normal que cette somme ait atteint aujourd’hui un niveau extrêmement élevé. Mais, ce qui est stupéfiant et inadmissible, c’est que les résultats féconds de ce développement de la richesse aient été confisqués par quelques accapareurs, au détriment de la collectivité humaine ; ce qui est révoltant, c’est que la structure économique et politique de la société bourgeoise fatalise un état de choses aussi profondément criminel ; ce qui est intolérable, c’est que cette confiscation de la richesse publique continue à s’opérer méthodiquement, systématiquement, avec la complicité des Pouvoirs publics théoriquement chargés d’entraver et d’interdire cette confiscation ; ce qui est intolérable, c’est que cette accumulation des richesses soit favorisée et garantie par la loi qui couvre ce crime au lieu de le rendre impossible, il est vrai qu’il serait insensé de demander au Législateur et à la Force publique de réprimer l’accumulation des richesses, puisque cette accumulation est inhérente au régime social que le Législateur consolide et justifie et que la Force publique a pour mandat de soutenir.
Il est vain de s’indigner contre le fait économique en question sans s’indigner, du même coup et avec plus de véhémence encore, contre le régime social qui le fatalise : on ne peut efficacement combattre l’effet sans s’attaquer à la cause et c’est folie que de vouloir détruire l’effet sans en détruire la cause.
C’est, néanmoins, ce que font, absurdement, tous ces gens qui violemment s’élèvent contre l’accumulation des richesses dont pâtit la masse et qui, nonobstant, se font les défenseurs du milieu économique qui la produit nécessairement.
L’Anarchisme ne se borne pas à enregistrer le paupérisme d’en bas auquel aboutit l’accumulation des richesses en haut ; il en recherche la cause, il la dénonce, il la combat et il travaille à l’abolir, il enseigne à tous les déshérités qu’ils ont le devoir d’arracher les richesses à ceux qui, par la ruse, l’exploitation et la violence s’en sont emparés et que celles-ci doivent devenir et constituer l’héritage inaliénable et indivisible de tous les êtres humains.
ACHEMINEMENT n. m. L’acheminement est une marche en avant, par degrés, vers un but. C’est une avance, par étapes, vers le progrès. Exemple : le lent acheminement de l’humanité vers l’idéal anarchiste. La société, malgré les conservateurs, subit un continuel acheminement vers un idéal de bonté et de fraternité. Cette marche est parfois imperceptible, mais elle est sûre. Certes, bien du chemin reste à parcourir, bien des étapes à franchir avant d’arriver au but rêvé. Mais il suffit de jeter nos regards en arrière, de considérer le déroulement des siècles qui nous ont précédés, pour constater l’indéniable progrès, moral aussi bien que matériel, de l’humanité. Cette marche en avant, rien ne pourra l’entraver ni la retarder. Les forces de réaction s’uniront en vain pour empêcher l’avènement d’une société meilleure. Leurs efforts seront impuissants. Un jour viendra, prochain peut-être, ou une société nouvelle s’épanouira librement, une société d’amour, de travail sain, de paix universelle.
Appliquée à l’histoire, l’expression « acheminement » caractérise le mécanisme du processus des sociétés humaines vers l’ensemble des améliorations et perfectionnements vers lequel se dirige leur constant effort.
Le plus souvent, cet acheminement s’opère avec lenteur et de façon latente ; il échappe à l’observation et les plus clairvoyants le soupçonnent plus qu’ils ne le distinguent véritablement. Il arrive, parfois, que la marche en avant devient précipitée et traverse en un espace de temps très court d’immenses espaces.
Dans le premier cas, c’est l’évolution ; dans le second, c’est la Révolution.
ACTION n. f. « Au commencement était l’action » dit Goethe. Ce qui distingue les vivants des morts. Ne pas agir, c’est ne pas vivre, c’est se suicider. Agir, c’est penser, c’est créer, c’est traduire en réalité positive les besoins, les aspirations, les désirs, les volontés qui nous agitent. L’Action est à l’écrit et à la parole ce que le fruit est à l’arbre. Le verbe et l’écrit seraient vains s’ils ne faisaient pas naître le Geste. L’Action provoque un retentissement, constitue un exemple, possède une puissance d’entraînement incomparables. L’action réelle est profonde et dédaigne l’artificiel. Elle n’est pas une simple apparence elle est un fait sensible, réel, concret. Elle peut être silencieuse et se développer dans l’ombre et le mystère ; elle ne s’aperçoit pas toujours et nécessairement ; mais toujours elle crée et c’est dans la mesure où elle enfante qu’elle s’affirme : noble, forte et belle. Les actions les plus humbles sont souvent les plus admirables ; elles ne s’inquiètent ni du bruit, ni de l’éclat ; elles opèrent dans l’obscurité souvent plus et mieux qu’en pleine lumière. Elles ne requièrent point l’apparat théâtral qui diminue fréquemment la sincérité et le désintéressement de ses auteurs. On dit : « c’est un homme d’Action » pour designer un homme énergique, aimant la vérité, attaché à la justice et décidé à lutter âprement pour elles et à les faire triompher. Les hommes d’action sont rares, bien plus rares que les bavards et les déclamateurs. Beaucoup passent pour des « hommes d’action » qui ne sont même pas des hommes, mais des bornes inertes sur le chemin de la vie. L’Action, c’est la Vie ; l’Inaction, c’est la Mort. — Gérard de Lacaze-Duthiers.
ACTION D’ART. Action désintéressée et vivante, se traduisant non seulement par la création d’œuvres d’art proprement dites, mais par la manifestation de la beauté dans tous les actes de la vie pour l’indépendance de l’individu au sein de tous les milieux ; action de protestation, de révolte — utile, non utilitaire, humaine non humanitaire. Toute action sincère est une action d’art. (Cont. : action politique, action guerrière, action religieuse, etc. : formes d’inaction).
ACTION DIRECTE. 1o Selon le « Larousse ». — Recours à la force, préconisé par les syndicalistes révolutionnaires préférablement à l’action constitutionnelle aidée par l’État.
2o Selon nous. — Action individuelle ou collective exercée contre l’adversaire social par les seuls moyens de l’individu ou du groupement. L’action directe est, en général, employée par les travailleurs organisés ou les individualités évoluées par opposition à l’action parlementaire, aidée ou non par l’État. L’action parlementaire ou indirecte se déroule exclusivement sur le terrain légal par l’intermédiaire des groupes politiques et de leurs élus. L’action directe peut être légale ou illégale. Ceux qui l’emploient n’ont pas à s’en préoccuper. C’est avant tout, et sur tous les terrains, le moyen d’opposer la force ouvrière à la force patronale. La légalité n’a rien à voir dans la solution des conflits sociaux. C’est la force seule qui les résoud.
L’action directe n’est pas cependant nécessairement violente, mais elle n’exclut pas la violence. Elle n’est pas, non plus, forcement offensive. Elle peut parfaitement être défensive ou préventive d’une attaque patronale déclenchée ou sur le point de l’être ; d’un lock-out partial ou total, par exemple, déclaré ou susceptible de l’être à brève échéance.
Quelques exemples sont nécessaires pour bien fixer les esprits.
1o L’ouvrier qui discute ses intérêts avec son patron, soit pour conserver des avantages acquis, soit pour faire triompher des revendications nouvelles, fait un acte d’action directe. Il se place, en effet, seul, face à son employeur, sans recourir à des concours étrangers au conflit social.
Qu’il obtienne ou non satisfaction, que le patron reconnaisse de bonne foi le bien-fondé des désiderata qui lui sont soumis et accorde satisfaction ou les rejette, il y a toujours action directe. Que le patron cède par impuissance momentanée ou par calcul — ce qui est fréquent — ou bien qu’il résiste parce qu’il se croit assez fort pour braver la force collective qu’il sent derrière l’ouvrier qui réclame et discute, il y a de la part de l’individu qui mène la lutte sur ce terrain, action directe.
Que la discussion reste courtoise, qu’elle dégénère en dispute ou en rixe, l’acte de l’ouvrier reste, en tous les cas, une manifestation d’action directe. C’est la discussion de classe.
Ce que l’ouvrier ne doit pas perdre de vue dans cette discussion, c’est son devoir de classe. Il ne doit jamais céder de terrain à l’adversaire. Il ne doit conquérir des avantages qu’en conservant sa dignité d’homme. Il ne doit, à aucun prix vendre sa conscience ni ses connaissances professionnelles, même s’il est miséreux, en acceptant de recevoir en échange des avantages personnels : un poste de commandement ou de maîtrise, un salaire occulte supérieur à celui de ses camarades, etc., etc…
Composer avec le patron, recevoir de lui des satisfactions personnelles refusées aux autres, c’est commettre un acte de trahison vis-à-vis de ses frères de misère et de travail. Si on ne se sent pas capable de résister aux propositions mielleuses du patron, il vaut mieux se taire que de se faire l’instrument, même inconscient, de l’asservissement des camarades.
L’ouvrier qui se charge de revendiquer ses droits et ceux de ses camarades doit avoir un profond sentiment de ses devoirs de classe. S’il les ignore, il doit les apprendre avant d’agir.
2o Le syndicat peut, bien entendu, employer collectivement le même moyen de lutte. Il doit se conduire de la même façon que l’ouvrier qui agit seul. Lui, non plus, ne doit ni promettre ni donner à l’adversaire des concours moraux ou techniques qui renforceraient la puissance patronale au détriment des ouvriers. Un syndicat qui accepterait que ses membres, contrôlés ou non par lui, pénètrent dans les organismes de direction et de gestion capitalistes ne pourrait plus, en aucun cas, pratiquer l’action directe puisque les intérêts des patrons et des ouvriers, même inégaux, se confondraient.
La discussion collective de classe ne peut donner lieu ni à compromis ni à abandon. Elle peut revêtir tous les caractères de la discussion individuelle. Cependant, elle diffère de celle-ci sur un point important. Tandis que l’acte individuel, qui s’exerce souvent dans un milieu réfractaire à l’esprit de classe, ne comporte généralement que le renvoi ou le départ volontaire de l’ouvrier lésé mais impuissant, la discussion collective de classe aboutit presque toujours, en cas d’insuccès, à la grève, si les forces ouvrières sont alertées, cohérentes et organisées pour la lutte prévue et en vue des batailles à livrer.
Dans tous les cas, la grève est un acte grave. Il convient de n’utiliser cette arme qu’à bon escient, avec circonspection, en toute connaissance de cause, après un examen très attentif de la situation et de la position, du conflit. Il convient aussi de se rendre compte aussi exactement que possible des résultats à atteindre, des conditions de la lutte à engager, des répercussions en cas de succès ou d’insuccès.
Par exemple, lorsque la décision de grève est prise, il faut mettre tout en œuvre pour rendre effective la cessation du travail, agir avec vigueur, courage et méthode. Une grève victorieuse est un facteur de développement, de rayonnement et d’attraction pour l’organisation syndicale. Par contre, une défaite diminue, généralement, la confiance et la combativité des individus. Elle provoque souvent la désertion des syndiqués. Elle émousse toujours leur ardeur et leur esprit de solidarité.
3o L’ouvrier qui, au cours d’un conflit social, décide selon sa conscience d’accomplir un acte de destruction ou de mise hors d’usage du matériel ou des outils de travail, qui exerce une action violente sur un représentant de la classe adverse ou sur un de ses camarades inconscient de son devoir de classe, fait aussi une action directe.
Toutefois, un tel acte ne doit avoir lieu que s’il est réellement un facteur de succès, de réussite de l’action engagée. Dans le cas contraire, si l’acte est inconsidéré, une simple manifestation de colère, il risque de desservir — et souvent considérablement — le mouvement en cours.
Avant d’employer ce moyen d’action — qui peut s’imposer — l’individu doit se rendre compte, par avance, de la portée de son acte et de ses conséquences probables. Il ne doit l’accomplir que s’il l’estime réellement utile au succès de la cause qu’il défend. Se laisser aller à l’accomplissement irraisonné d’un acte de violence ou de sabotage c’est faire preuve de faiblesse, d’inéducation, d’incompréhension. C’est prêter le flanc à l’adversaire et souvent justifier la violence adverse, même si on est provoqué, ce qui arrive d’une façon courante.
4o Un syndicat peut, lui aussi, décider d’employer la violence ou le sabotage. Toutefois, il ne saurait en imposer l’exécution à ceux de ses membres qui n’accepteraient pas ces moyens de lutte ou ne désireraient pas les utiliser eux-mêmes.
Dans ce cas, seule la conscience de chacun décide pour l’accomplissement des actes reconnus nécessaires. Il est bon que les participants ou exécutants soient seuls au courant des projets, des tentatives à exécuter et arrêtent seuls leurs moyens d’action. Le secret est de rigueur. Seuls, ceux qui ont décidé d’agir ainsi dans le bien commun, sont juges de leurs actes. Les autres, par contre, sont juges du résultat. Ils ne doivent pas hésiter à en condamner l’emploi nouveau où le résultat est défavorable à la cause commune. Pas plus qu’une collectivité n’a le droit de s’opposer aux actes nécessaires, des individualités ne doivent accomplir des actions qui vont à l’encontre du résultat cherché. C’est affaire de conscience et de circonstances. Ce qui était mauvais hier peut être bon demain et vice-versa.
5o L’homme qui abat un tyran, un oppresseur redoutable, par quelque moyen que ce soit, accomplit aussi un acte d’action directe, bien qu’il ne s’attaque pas au régime lui-même et qu’il ne mette que rarement celui-ci en péril. Il agit directement contre un adversaire social qui se révèle particulièrement malfaisant.
6o Un groupement peut être appelé à agir dans les mêmes conditions. Dans ce cas, il est nécessaire que les participants acceptent cette façon de mener la lutte, comme ils le feraient s’il s’agissait d’un acte de sabotage, de destruction ou de violence collective. Les mêmes précautions sont à prendre et l’action ne peut être engagée ou continuée que dans les conditions exposées au § 4. Un tel acte ou une telle série d’actes peut parfois s’imposer et devenir un facteur important et même décisif de succès en période révolutionnaire.
Comme on le voit, l’action directe peut se présenter sous des aspects très différents, suivant les circonstances et les buts poursuivis.
Si on tient compte des exemples qui précèdent, on peut dire qu’elle revêt les caractères suivants : discussion individuelle ou collective de classe, grève avec ses multiples aspects, sabotage et sévices contre le patronat ou les ouvriers inconscients, attentats contre un oppresseur ou un groupe de représentants du pouvoir.
De même qu’il peut y avoir discussion de classe sans grève, il peut y avoir grève sans sabotage, sévices ou chasse aux renards. Une seule de ces manifestations caractérise l’action directe. Il suffit qu’elle s’exerce individuellement ou collectivement, de classe à classe, sans recourir à des forces étrangères au conflit lui-même.
En période révolutionnaire, l’action directe prend immédiatement le caractère de grève générale insurrectionnelle. Elle a pour but de permettre à la classe ouvrière de s’emparer des moyens de production et d’échange qui assurent, en tout temps, la continuité de la vie sociale. Elle supprime le concours partiel ou total du prolétariat encaserné. L’action directe devient, en cette occasion, nécessairement violente, puisqu’elle s’exerce contre un adversaire qui se défend par la force.
Elle est le premier acte révolutionnaire d’un prolétariat qui vise à remplacer le pouvoir politique par l’organisation sociale, après avoir détruit la propriété individuelle et instauré la propriété collective.
Elle s’oppose à l’insurrection, arme des partis politiques qui tous, sans exception, n’ont qu’un désir : prendre le pouvoir et le garder. L’action directe est la seule et véritable arme sociale du prolétariat. Nulle autre ne peut, quelque emploi qu’on en fasse, lui permettre de se libérer de tous les jougs, de tous les pouvoirs, de toutes les dictatures — y compris la plus absurde d’entre elles : celle du prolétariat.
On retrouvera la définition des termes : discussion de classe, grève, lock-out, sabotage, attentat ou sévices, chasse aux renards, à leur ordre alphabétique.
En somme, il y a une très notable différence entre la définition bourgeoise de l’action directe et la signification réelle que nous lui donnons.
Alors que nos adversaires — et cela se conçoit — ont surtout voulu montrer l’action directe comme un acte ou une série d’actes désordonnés, brutaux, violents, sans raisons ni motifs, destructeurs pour le plaisir ou la satisfaction de ceux qui les accomplissent, nous affirmons que l’action directe est ordonnée, méthodique, réfléchie, violente quand il le faut seulement, dirigée vers des buts concrets, nobles et largement humains.
ACTION DIRECTE. — Il n’y a pas que l’action par laquelle le Syndicalisme et certaines écoles révolutionnaires pensent faire aboutir leurs revendications qu’on puisse qualifier d’action directe. Il y a encore — et parallèlement à cette forme collective de l’Action directe — la forme individuelle de celle-ci. Celle-ci a pour terrain l’homme lui-même. Elle consiste dans l’évolution intérieure de l’individu, dans la violence qu’il exerce sur lui-même, dans son effort pour se surmonter, s’embellir et devenir meilleur, dans la guerre qu’il livre à ses passions, dans la victoire qu’il remporte chaque jour sur la laideur. Les résultats de cette Action directe sont positifs. L’art, la pensée, les livres aident l’individu à se découvrir ; ils le révèlent à lui-même. Ils agissent directement sur sa conscience, pour la réformer, l’augmenter, la fortifier.
ADAPTATION n. f. Action d’appliquer, d’approprier une chose à une autre. — En biologie, on entend par adaptation la modification qui rend un organe plus apte à sa fonction. Un organe particulier est adapté lorsque, parmi les diverses manières d’être possibles, il réalise le maximum d’effets ; un être est adapté quand ses organes le sont. L’adaptation domine toutes les théories évolutionnistes.
Darwin a bien montré que, parmi les variations, seules, celles qui peuvent s’adapter sont conservées. Dans les classifications naturelles, il faut éliminer toutes les ressemblances adaptatives. Ainsi, chez les vertébrés qui volent, et, par suite, se ressemblent par adaptation à cette fonction, les uns seront rangés parmi les mammifères, d’autres parmi les reptiles, le plus grand nombre parmi les oiseaux.
Le mot adaptation est également employé au sens figuré. Exemple : un individu peut s’adapter à un milieu autre que le sien. Les nationalistes prétendent que l’homme ne peut s’adapter dans une nation autre que la sienne ou que tout au moins cette adaptation sera toujours artificielle et peu profonde. Leur raisonnement est trop intéressé pour qu’on puisse l’accepter ainsi qu’ils le voudraient. Si, jusqu’à ce jour, les hommes éprouvent de grandes difficultés à s’adapter dans un pays qui leur est étranger, si les hommes fraternisent encore difficilement par dessus les frontières, la faute en est justement aux nationalistes qui se plaisent à allumer entre les peuples de fictives querelles et qui aiment à dresser entre eux des frontières de haine ou d’incompréhension. Pourtant, les nationalistes conquérants n’hésitent pas, à l’occasion, à faire annexer à leur pays des contrées de langue et de mœurs différentes. Et cela prouve le peu de cas qu’ils font eux-mêmes de leurs arguments sur l’impossible fusion des races et des peuples. Lorsque les travailleurs se décideront à n’être plus les victimes des diplomates, ils s’apercevront que rien ne s’oppose véritablement à une fraternité large entre les nations. Et ils pourront mutuellement s’adapter aux mœurs et à la mentalité du voisin. Le seul obstacle à une compréhension complète : la langue, disparaîtra vite par l’emploi d’une langue internationale.
ADMINISTRATION n. f. Action de diriger ; de conduire, de coordonner dans l’ensemble les affaires publiques ou particulières. Dans le privé, chacun administre ses affaires comme il lui plaît, quitte à encourir les sanctions que comporte toute dérogation aux lois et règlements. Du point de vue national et international, l’Administration publique est, dans son acception la plus large, l’ensemble des pouvoirs et fonctions qui gèrent la commune, le département, la nation et qui fixent les rapports d’un pays avec les autres pays. C’est cet ensemble de dispositions, de manières d’être, d’attitudes, de relations qui déterminent ce qu’on appelle couramment la politique intérieure et extérieure d’un État. En principe, chaque administration a pour objet de diriger, en vue de l’intérêt de tous, les grands services publics : état civil, finances, police, justice, armée, enseignements, travaux publics, commerce, postes, transports, agriculture, etc., etc. En réalité, l’Administration — qui se confond avec la bureaucratie (voir ce mot), laquelle en est l’expression pratique, fait peser sur tous le poids écrasant des impôts, des tracasseries, des inquisitions, de la surveillance et des condamnations. Toutes les administrations sont hiérarchisées à l’excès, en descendant d’un ministère et d’une direction générale jusqu’aux agents subalternes. L’administration est la forme anonyme que prend le Pouvoir central pour réduire, sous couleur de protection, à la plus minutieuse servitude tous les habitants d’un pays. Voici ce qu’en dit, sous la signature d’André Girard, le dictionnaire La Châtre : « Quand le pouvoir autocratique déclina, la puissance de l’administration s’accrut. Elle est la réalisation de cette puissance despotique qui s’appelle l’État. Elle n’est que la marque hypocrite de la tyrannie ; car elle se revendique, en démocratie, de la volonté nationale, tandis qu’elle n’est que l’ensemble des rouages qui broient et annihilent cette volonté. On ne peut faire un pas dans la vie sans être tributaire de cette administration : la naissance, le mariage, la paternité, la mort sont, pour celle-ci, l’occasion d’autant d’actes signés, paraphes, légalisés, authentifiés, enregistrés, que l’on prétend réclamés par l’intérêt de la Société. À quelque rang de l’échelle sociale qu’on se trouve place, quelque profession, commerce ou industrie que l’on exerce : agriculteur, manufacturier, commerçant, elle se trouve constamment devant nous, derrière nous, ou à côté de nous, nous enserrant dans les milles rets dans lesquels elle immobilise les énergies et paralyse les initiatives. Le préjugé qui fait d’un état civil rigoureux le critérium de la civilisation est une des pires aberrations qui aient jamais frappé l’esprit humain. L’État Civil n’a d’autre effet que d’enchaîner l’individu, plus étroitement qu’il ne l’a jamais été, d’en faire un numéro, un rouage à la merci du pouvoir, lequel n’est, lui-même, que le serviteur de la ploutocratie. Avec leur enregistrement méticuleux, leur état civil, leur administration indiscrète et tracassière, les sociétés modernes étouffent l’individualité au profit d’une classe d’oppresseurs. Il y a lieu de s’étonner que tant de personnes croient indispensable au bon fonctionnement de la société cette lourde machine qui écrase les forces vives d’un peuple. Cependant, l’administration et les fonctionnaires et agents qui la composent n’accomplissent rien de surnaturel ou de particulièrement spécial. Tout ce qu’ils font ne pourrait-il être fait, en chaque ordre de choses, directement par les intéressés eux-mêmes ? La suppression de l’État — qui n’est qu’une répartition sur une foule de têtes du pouvoir royal d’autrefois, ce qui en augmente considérablement le poids — aurait l’immense avantage, tout en nous débarrassant d’une foule d’oisifs et d’inutiles, de remettre entre les mains de chacun la gestion de ses propres intérêts. Or, ne sommes-nous pas, chacun en ce qui le concerne, plus aptes que qui que ce soit, à discerner ce qui nous est le plus profitable ? En nous débarrassant de ce joug écrasant, nous réaliserions d’immenses économies et nous verrions nos affaires opérées désormais dans le sens de nos véritables intérêts. »
On confond assez souvent, à tort, les mots : Administration, Gouvernement, Régime. Le Gouvernement dirige la chose publique : il ordonne. Le Régime est la régie, la ligne de conduite définie, fixée par le Gouvernement, le mode politique sous lequel on vit : par exemple, le régime républicain, monarchique, constitutionnel, libéral, dictatorial, socialiste. L’administration est la manière de mettre pratiquement à exécution ce qui est ordonné par le Gouvernement et édicté par le Régime.
ADMIRATION n. f. (préf. ad. vers et lat. mirari, regarder). Attirance quasi-instinctive vers tout ce qui est beau et sympathie profonde pour tout ce qui est utile et vivant. Il sied d’admirer les beaux gestes, les pensées grandes et élevées. Admirons le courage, la sincérité et la véritable indépendance. Admirons, en un mot, tout ce qui est digne d’être admiré et ne marchandons pas, alors, notre admiration : accordons-la largement et sans restrictions. Laissons les si et les mais, les distinguos, les arguties et toutes les considérations, de pacotille aux constipés, aux pédants, aux pygmées. Ne privons pas de notre admiration ceux qui la méritent. Mais ne la galvaudons pas, ne la gaspillons pas sur ce qui est inexistant ; ne la prodiguons pas sans motifs suffisants. Refusons-la aux pleutres, aux renégats, aux gouvernants. Faisons un choix dans nos sentiments admiratifs. Gardons-nous d’imiter, dans cet ordre d’idées, la foule ignorante, la multitude trompée par les apparences. Pas d’admiration pour les galons conquis dans le sang des champs de bataille ; pas d’admiration pour les « prélats enchasublés » qui ne doivent la vénération qui les entoure qu’à la somme d’impostures qu’ils incarnent ; pas d’admiration pour les millionnaires dont l’opulence se mesure aux privations et aux humiliations qu’ils ont férocement imposées à leurs exploites ; pas d’admiration pour les hommes d’État dont chaque pas vers le Pouvoir qu’ils ambitionnent marque une palinodie, un revirement ou une trahison ; pas d’admiration pour les faux savants et les faux artistes ; pas d’admiration pour les « Grands Hommes » fabriqués à coups de grosse caisse et de réclame tapageuse. Admirons tous les vrais artistes, tous les pontes prestigieux, tous les esprits supérieurs, tous les savants sans charlatanisme et toute la pléiade des flambeaux qui percent et dissipent les ténèbres de l’ignorance, de la servitude et de la misère. Admirer, c’est participer à l’œuvre admirée, c’est presque créer soi-même l’œuvre qu’on admire ; c’est presque s’élever à la hauteur de celui qu’on admire. Celui qui admire l’œuvre du génie s’égale à son auteur et quand nous applaudissons un beau geste, c’est — moralement — comme si nous l’accomplissions nous-mêmes.
ADULTÈRE « Violation de la foi conjugale ». Telle est la définition donnée communément à ce mot par les dictionnaires. Mais c’est là, en vérité, une définition impropre. En effet, qu’est-ce que la « foi conjugale » ? Si ce n’est le serment par lequel deux époux s’engagent mutuellement, pour la durée de leur union, sinon pour la vie, à n’avoir de rapports sexuels qu’entre eux, à l’exclusion de tout contact amoureux, comme de toute liaison passionnelle, en dehors du ménage.
Or, un tel serment — qui peut être fait, et même respecté, par des amants non légalement unis — n’est pas forcément exigé par la loi lors de la célébration des épousailles. Tel est le cas pour la France, où le maire se borne à lire, aux nouveaux conjoints, l’article du code civil qui leur fait une obligation de se demeurer « fidèles », sans souci de savoir s’ils s’en sont fait l’un à l’autre la promesse.
L’adultère n’est donc point, en son essence, une des formes du parjure. C’est surtout un délit : celui qui consiste, pour une personne mariée, à enfreindre la loi en vigueur en ayant, en dehors du ménage, des relations d’amour, quelles que soient les dispositions morales qui aient chez elle présidé à l’acceptation de l’hymen, conclu souvent par ignorance ou par nécessité.
Tous les peuples n’ont point considéré comme une faute grave les fantaisies sexuelles des époux lorsque, pour le noble jeu d’amour, ils éprouvent le besoin de changer de partenaire. À Tahiti, l’importance n’en dépasserait point celle d’une innocente et bien naturelle distraction. Au Darfour, cette incartade mérite tout au plus une gronderie. Les Lapons, dit-on, poussent l’hospitalité jusqu’à offrir à leurs hôtes leurs femmes et leurs filles — je me complais à croire que c’est avec l’assentiment de ces dernières !
Cependant la plupart des peuples n’ont point fait preuve d’une aussi louable douceur dans les mœurs. Ils ont, au contraire, férocement châtié, comme les pires criminels, les époux se donnant licence de rechercher, avec qui leur plaisait, des voluptés dont ils n’avaient point eu l’avantage, ou qu’ils ne goûtaient plus, au foyer conjugal.
Dans l’antiquité, l’adultère était presque partout punie de mort. L’épouse coupable est brûlée vive, ou fouettée jusqu’à épuisement, ou bien encore massacrée à coups de pierres par la populace. Il est des régions où l’on se contente de lui couper le nez. Ailleurs, elle est exposée sans voile dans la rue et livrée à tous les passants.
Son complice peut être, lui aussi, puni de mort, ou fustigé cruellement, s’il n’est mutilé dans ses organes sexuels.
Pourtant, en dépit des supplices et des menaces, l’amour, qui n’a jamais connu d’autre loi que son caprice, persiste à enivrer les esprits et attiser les sens, avec un tel irrespect des conventions admises, que la peur de terribles suites semble parfois pour lui un excitant de choix. Et l’adultère ne disparaît point des mœurs. Il rencontre seulement plus d’obstacles. Mais les jaloux n’y gagnent rien, si ce n’est la satisfaction de mesquines vengeances, car il n’est pas d’exemple que la contrainte ait fait naître l’amour où il n’existait point, ou l’ait ressuscité de ses cendres là où il n’existait plus.
Il a fallu un déplorable nombre de siècles pour que disparussent en partie d’aussi sauvages répressions. N’oublions pas que l’abolition de la torture, tout au moins dans ses procédés les plus inhumains, et pour les pays d’Europe seulement, est à peu près contemporaine de la Révolution Française, c’est-à-dire historiquement récente !
Dans le cours du Moyen-Age, si la peine capitale devint exceptionnelle, les époux adultères n’en furent pas moins soumis à des châtiments corporels, et à des épreuves vexatoires, comme d’être promenés nus à travers la ville, en plein midi, sous la risée et parfois les coups des badauds accourus.
Plus tard ces exhibitions furent supprimées, plus par pudibonderie probablement, que par charité chrétienne. Mais le fouet et l’amende demeurèrent longtemps encore en usage, du moins pour les gens du peuple. Car, pour ce qui est des nobles, ils faisaient à peu près ce qu’ils voulaient, et se bornaient d’ordinaire à faire entrer leurs femmes ou leurs filles dans des couvents.
De nos jours, dans les pays les mieux civilisés, quand la constatation de l’adultère n’est pas seulement prétexte à divorce ou à répudiation, avec perte de certains avantages matrimoniaux, elle n’entraîne que l’amende et l’emprisonnement. Encore ceci tend-il à tomber en désuétude.
Le monde ne s’en porte pas plus mal, bien au contraire, et le cocuage n’en est peut-être pas rendu beaucoup plus fréquent. L’erreur du genre humain est de s’imaginer que l’on ne peut rien obtenir de satisfaction là où ne s’exerce un despotisme barbare, et de croire que nous roulerions dans des abîmes sans fond si nous ne prenions la précaution de nous ligoter les uns les autres dans quantité de règles absurdes, parce qu’abusives et généralement inefficaces.
Pourquoi l’adultère a-t-il été puni si sévèrement dans le passé et expose-t-il encore, dans nombre de pays éclairés, à des pénalités diverses, au lieu de n’exposer partout qu’à la séparation pure et simple ? On invoque comme prétexte la nécessité de préserver la morale. Belle morale, en vérité, que celle qui fait de la femme l’esclave de l’homme, l’assimile à un objet mobilier dont il peut, après la famille, disposer à son gré, et couvre de chaines les amants ! Mais cela même n’est qu’un prétexte hypocrite. Si la morale — celle qui nous vient de la mythologie judéo-chrétienne — était vraiment en jeu, il n’y aurait aucun motif pour que l’homme et la femme ne fussent également châtiés lorsqu’ils accomplissent, sans respect du commandement divin, l’œuvre de chair.
Or, il n’en est pas ainsi. La loi et les mœurs ont établi et consacrent encore, quoique moins brutalement, une scandaleuse différence dans la culpabilité, selon que ce qu’il est convenu de nommer « la faute » est commis par un représentant de l’un ou de l’autre sexe.
Au sein des familles où le père ne s’est privé de rien, ou les jeunes hommes — avec l’assentiment, on pourrait dire la complicité de leurs proches — s’affichent en compagnie de maîtresses toujours nouvelles, la moindre amourette de la sœur aînée serait jugée par tous une faute abominable, digne des sanctions les plus sévères.
Lorsque l’homme se marie, c’est le plus souvent après avoir usé largement des plaisirs de l’existence. C’est au moment où, fatigué, il aspiré au repos, qu’il contracte union avec une jeune fille qui, elle, n’en a connu aucun et serait, par conséquent, avide autant qu’il le fut jadis, de découvrir le monde. Cependant sa révolte — fût-ce devant le plus fade, le plus attristant des hyménées — sera taxée de dévergondage.
Que, déçue, privée des plus légitimes caresses, elle recherche auprès d’un autre que son conjoint les satisfactions passionnelles qu’elle en attendait, et il se trouve excusable, de par la loi française, de l’abattre à coups de revolver, alors même que sa conduite ne se trouverait point exempte de galantes aventures. L’épouse, elle, ne bénéficie de la même mansuétude que lorsque l’acte a eu lieu dans son logis.
Le Code pénal français condamne la femme adultère à la prison et à l’amende, sans considération des circonstances dans lesquelles le délit a été commis. Par contre, le mari adultère n’est répréhensible aux yeux du législateur que lorsqu’il a entretenu une concubine au domicile conjugal. Encore ce forfait ne lui vaut-il qu’une simple amende, sans emprisonnement. Dans tous les autres cas, il se tire d’affaire blanc comme neige, sans avoir risqué autre chose qu’une instance en divorce.
Ces dispositions inéquitables ne sont que les vestiges d’un long passé d’injustice, pendant lequel la femme fut jugée, en matière de concubinage, comme la principale, sinon comme la seule responsable du méfait dans tous les cas, l’homme, même marié, n’étant appelé à partager son sort que lorsqu’il est convaincu d’avoir séduit pour son agrément l’épouse d’un voisin.
Cette différence de traitement proviendrait-elle de l’inégalité des désirs, de ce que chez la femme les rapports sexuels seraient chose superflue, dont il est loisible de se priver sans grand effort, alors qu’ils représenteraient pour l’homme une impérieuse nécessité ?
Une telle prétention est sans fondement sérieux. La femme n’est pas moins portée à l’amour que l’homme. Sa timidité naturelle et les contraintes de son éducation la rendent seulement plus réservée dans l’expression de ses vœux les plus chers. Et la crainte de conséquences graves, dont l’homme n’a guère à pâtir, la fait plus que lui hésiter en présence d’un peu de bonheur offert.
Ce n’est ni dans un raisonnement désintéressé, ni dans de vertueux scrupules qu’il faut rechercher l’origine des dispositions légales ou des coutumes barbares prises contre les épouses adultères et leurs complices, mais dans des considérations beaucoup plus mesquines.
L’homme a pour lui la force physique ; la femme a contre elle les charges de la maternité, qui, faisant d’elle une infirme pendant une partie de l’existence, l’obligent à rechercher près de son compagnon aide et protection, avec, en plus, des moyens de subsistance qu’il lui serait difficile de se procurer par son seul effort.
L’homme a spéculé sur cet état de choses pour faire payer d’une dépendance presque absolue ses services. Il a fait de la femme une esclave plus ou moins choyée, ou maltraitée, qui lui doit obéissance en échange de l’entretien. Il s’est réservé, notamment, le privilège de procéder à la confection des lois, et il les a rédigées pour son plus grand avantage.
Père de famille, il est plein d’indulgence pour les escapades de ses fils, car les enfants que ceux-ci pourraient avoir au dehors ne risquent pas, d’ordinaire, en raison de la difficulté d’établir la paternité, de devenir une charge pour le budget familial. S’il est rigoureux pour les filles et les surveille étroitement, c’est que les enfants qui pourraient être, par elles, mis au monde, ne pouvant être désavoués, risqueraient d’en causer une très lourde, et c’est ce que l’on ne pardonne guère.
Époux, il considère comme un achat en bonne et due forme l’acceptation par lui de garantir le nécessaire à sa compagne. Aussi, la veut-il toute à lui, c’est-à-dire vierge, et, pour éviter les tourments de la jalousie, entend-il se réserver l’exclusivité de ses caresses. S’il consent au sacrifice d’élever une progéniture qui portera son nom et profitera de ses biens, encore ne le veut-il qu’à la condition expresse qu’elle soit tout entière de ses œuvres.
De là à poursuivre de sa vengeance exaspérée, comme les plus criminels des larrons, la femme qui, nourrie de son pain, a osé disposer de ses charmes en faveur d’un autre, et l’homme qui, introduit dans le logis conjugal, a porté la main sur une propriété qui n’était pas la sienne, il n’est qu’un faible espace à parcourir.
Ces considérations de commerçant avisé sont à l’origine des moralités conventionnelles en matière d’union des sexes. Pour les rendre dignes de vénération, on les a élevées à la hauteur d’ordonnances divines. Elles ont fourni le prétexte à un nombre incalculable de drames, à la fois pitoyables et grotesques.
Le remède n’est pas seulement dans une éducation meilleure, avec un respect plus grand de la personne humaine, et de son légitime droit, sans distinction de sexe, de disposer d’elle-même sous sa responsabilité propre. Il est encore et surtout dans l’abolition des héritages, la socialisation des richesses naturelles, permettant une assistance sociale fraternelle, garantie par tous à chacun, dans les périodes d’existence ou, par suite de l’âge, de la maternité, ou de la maladie, il devient impossible à l’être humain de fournir une somme de travail correspondant aux multiples besoins d’une honnête aisance.
Devant son bien-être et sa sécurité à la société tout entière, et non pas seulement à quelques-uns de ses représentants : le mari, les ascendants, la femme ne sera plus dans la nécessité de se subordonner à leurs volontés sous peine d’abandon.
Ce ne sera point la disparition de la famille basée sur le pur amour et les libres affinités, la seule qui soit respectable, mais la désagrégation définitive de celle qui, aux temps des combats meurtriers pour la possession des richesses et de la pâture, fut établie sur la violence et l’intérêt.
ADULTÈRE adj. et n. m. (du latin préfixe ad et alter, un autre). Une personne est dite adultère lorsqu’elle viole la foi conjugale. Employé comme substantif, l’adultère désigne la violation de la foi conjugale. Voyons tout d’abord l’opinion du droit bourgeois sur l’adultère : l’adultère peut servir de base à une demande en divorce, en séparation de corps, en désaveu de paternité. Le mari seul peut porter plainte contre sa femme et réciproquement. Cette faculté est retirée au mari s’il est convaincu d’avoir entretenu une concubine dans la maison conjugale. La loi excuse le meurtre de la femme adultère et de son « complice » par le mari, s’il les surprend en flagrant délit dans la maison conjugale ! La femme adultère poursuivie peut être condamnée à un emprisonnement de trois mois à deux ans, si le mari ne consent à la reprendre ; le « complice » est passible de la même peine et d’une amende de 100 à 200 francs. Le conjoint divorcé pour adultère peut épouser son « complice ». On voit, par ce qui précède, que la loi bourgeoise d’aujourd’hui n’est guère moins barbare que celle du moyen-âge, ou encore que celle de la Russie d’avant la Révolution de 1917, où la femme adultère, entièrement nue, était chassée du village, par le mari, à coup de fouet. C’est une honte, à notre époque, de voir l’adultère considéré comme un crime. La loi en est encore à considérer la femme comme la propriété personnelle du mari. C’est là une de ces situations intolérables contre lesquelles les anarchistes ne cesseront de s’élever. Chacun doit avoir le droit de disposer de son corps à sa guise et n’a de compte à rendre à personne. C’est pour cela que les anarchistes repoussent le mariage légal comme ils repoussent le mariage religieux et qu’ils préconisent l’union libre. (Voir amour libre, union libre).