Alphonse Lemerre, éditeur (p. 103-106).

CAFÉS-CHANTANTS



CAFÉ-CHANTANT


À J. M. de Heredia.


Les guirlandes de gaz dans les Champs-Élysées
Avec les marronniers aux branches pavoisées
Éclairent de très loin le grand café-chantant,
Et, de très loin aussi, le promeneur entend
Les forte de l’orchestre arriver par bouffées.

En plein air, — cet air tiède, épais, des soirs d’été. —
Comme des papillons qui vont à la clarté
Des lampes, y brûlant leurs pattes et leurs têtes,
On se sent attirer vers ces marionnettes
Vivantes, ces décors, cette électricité.


La lumière au ton cru rend blafard le visage
Du spectateur ainsi que le vert du feuillage.
Ce n’est pas le théâtre ordinaire où l’on va
Applaudir le ténor ou chuter la diva ;
Non, c’est sans parti pris que se fait le tapage.

Ils passent tout leur temps à rire, à se pâmer,
Ces bourgeois, calicots et gommeux très peu dignes
Qui hêlent la chanteuse et l’appellent par signes.
On est heureux, on boit, on chante, on peut fumer,
Et garder son chapeau pour ne pas s’enrhumer.