Alphonse Lemerre, éditeur (p. 35-36).

APRÈS-MIDI AU THÉÂTRE


À Ludovic Mouchot.


Ce spectacle dont j’ai rêvé toujours
N’intéresserait bien que ma personne :
Une salle où la musique résonne
En s’amollissant sur tous les velours.
La scène très grande et très inclinée
Pour qu’on puisse voir les choses du fond.
Dessus elle on se mêle et se confond.
La troupe est nombreuse et assaisonnée
De danseuses, de clowns et de jongleurs,

De chiens, de géants, même d’avaleurs
De sabres. — Surtout soixante danseuses
Aux maillots chair-rose, aux corsets foncés,
Légères, dansant les cous renversés,
Se tenant la taille assez gracieuses,
Une main, pinçant les gros plis bouffants
De la jupe en gaze et jambes levées
Ensemble. — D’orchestre ivres, abreuvées,
Leurs bouches avant des rires d’enfants.

Les clowns gais qui font sur l’épine dorse,
Tête, épaules, bras, des effets de force.

À mon fauteuil je dors de temps en temps
Dans l’obscurité de la salle vide…
Un rayon de ciel part d’en haut livide.

— Noire impression, un jour de printemps. —