Alphonse Lemerre, éditeur (p. 21-22).

LA PIÈCE MILITAIRE


À H. Giacomelli.


Du premier au dernier tableau la scène tremble.
Les tambours, les clairons et les mousquets, ensemble,
Emplissent les décors de fumée et de bruit.
Batailles le matin, l’après-midi, la nuit ;
À tour de rôle, on voit par derrière les toiles,
Le soleil flamboyant, la lune, les étoiles,
Et des effets de neige ou bien de pays chauds.

Sans danger, le public peut lorgner des assauts,
Et pour mieux flatter sa fibre, en cette occurrence,
Les vainqueurs sont toujours les enfants de la France.
Malgré les grondements du canon, la clarté
De la rampe et les sons d’un orchestre en gaîté,
Généraux et chevaux demeurent pacifiques :
— Chevaux très harnachés, généraux magnifiques,
Habits à la Kléber et gestes à la Ney —

Et le patriotisme en nos âmes renaît,
Quoique tout cela soit théâtral et pour rire,
Quand les petits soldats simulent le délire,
Suivent le tricolore et vaillant étendard,
Chantent la Marseillaise et le Chant du Départ !

L’intrigue joue un rôle à peu près secondaire ;
C’est l’amour du sergent et de la vivandière
Qui roucoulent avant, puis après le combat,
Car durant l’action, tout le monde se bat.

Sur un joli cheval qui piaffe et caracole,
Le chef — n’ayant pas dit une seule parole
Encore, à l’air rêveur, la main sous le menton, —
(On le croyait vraiment de bois ou de carton.)
Cherchant dans l’agonie une superbe pose,
Tombe mortellement atteint — Apothéose —


Chœur de soldats :

Pleurons cet homme de valeur !
Il est dans les bras de la gloire !
Sa nourrice fut la Victoire !
Et son père le Champ-d’Honneur !