E. D. – Le marbre animé/5

Aux dépens de la compagnie (Bruxelles) (p. 36-41).

CHAPITRE V



LA CHAISE




Le souvenir de la charmante Victoire, ma bien chère maîtresse de l’an dernier, me hantait ce soir. Je ne pouvais la voir qu’à la dérobée, et nous mettions à profit les plus courtes absences de son cocu, en nous aimant comme nous le pouvions, le plus souvent sur une chaise. J’eus la fantaisie de renouveler avec Nijni, l’emploi de ce meuble, et de passer ainsi cette nuit ; quand je dis de passer la nuit sur la chaise, j’entends que les combats amoureux devaient se livrer sur ledit siège. L’aimable maîtresse avec laquelle je pratiquais autrefois ce jeu, trois et quatre fois dans la journée, au temps de nos amours (qu’hélas ! vinrent empoisonner de leur venin de hideuses vipères), excellait dans ce genre d’exercice. Il est vrai que ma promptitude à la seconder dans sa chevauchée, la garantissait d’être surprise en selle. Quand nous étions sur le qui-vive, la braguette seule s’ouvrait pour laisser passer maître Jacques, la belle enfourchait le coursier, et chevauchait à la diable ; au moindre bruit d’aventure, d’un bond elle était à terre, et Jacques enfermé. C’était si bon avec elle, que même quand nous avions tout notre temps, nous pratiquions l’amour ainsi, en prenant toutes nos aises, par exemple, nus, et chair contre chair. Jamais avant Victoire, je n’avais eu, et jamais depuis je n’ai retrouvé une aussi habile écuyère ; et si je lui donne ici un souvenir de reconnaissance et de regret, je conserve le doux espoir de lui servir encore de monture, narguant les ignobles mégères que l’enfer attend. Je me rappelle aussi certain buffet, auquel je l’adossais, quand n’osant la prendre en selle, de crainte d’un retour intempestif du maître, je l’enfilais, debout, posture que je recommande aux amants pressés par le temps.

Nijni, toujours soumise à mes volontés, se promène dans la chambre, sur un épais tapis, appuyée à mon bras. Nus, tous les deux, nous marchons lentement, nous dirigeant vers une glace en pied, qui nous renvoie notre image avec tous nos mouvements. J’aime à voir trembloter à chaque pas cette belle gorge qui tressaute, dressant sur deux globes ronds et dodus, un petit bouton de rose, dont la pointe se tient en avant, droite et ferme. Devant la glace, je renverse la mignonne sur mon bras gauche, et je la tiens embrassée, la bouche sur la bouche, la main sur les jolies pommes d’amour ; puis glissant la main droite entre ses cuisses, je l’enlève de terre, et je l’emporte vers la chaise qui doit servir à nos ébats. Dès que je suis assis, Nijni vient s’asseoir à son tour sur mes genoux, qui rentrent dans la chair de ses grosses fesses ; elle a passé son bras gauche autour de mon cou, attirant ma figure contre la sienne ; j’en profite pour lui mordre les lèvres, et prendre entre ses dents, sa jolie langue rose, tandis que je frise l’épaisse toison qui couvre le promontoire. Mon priape s’agite impatient, et la belle, à qui je le montre, s’en vient m’enjamber, et suivant mes conseils en tous points, elle prend la verge à pleine main, la présente au pertuis qui doit l’engloutir, et après quelques accolades du gland au clitoris, elle se l’enfonce dans le ventre ; et jetant ses bras autour de mon cou, elle commence à chevaucher, d’abord à l’amble, puis au trot ; mes deux mains sont sur ses fesses, les patinant, les caressant, les claquant de petites tapes, pinçant les chairs, chatouillant le petit trou du cul ou les pressant fortement. L’écuyère pratique si bien mes conseils à présent, que je retrouve dans ses bras, le souvenir si doux de la regrettée Victoire. Mais quand j’interroge les yeux de ma princesse, ils sont toujours azurés et tranquilles.

Sans prendre le moindre repos, dès que la place est nette, je viens recommencer. Nijni se rassied sur mes genoux, qui reçoivent toujours avec plaisir sa belle croupe. Pendant que je mange sa figure de baisers, sa main, que je dirige, vient caresser les pelotons d’amour entre mes cuisses ; au seul contact du doux velours de cette main blanche et potelée, le priape se redresse en colère, prêt à rompre sur-le-champ une nouvelle lance. La mignonne enfourche la monture, et délaissant l’amble et le trot, elle me mène au paradis en quelques bonds précipités, d’un train d’enfer, qui nous tient à peine en route. Je n’insiste pas pour savoir si cette rapide chevauchée, qui a essoufflé la cavalière, l’a aussi émue ; ce galop, s’il est mon fait, n’est pas le sien.

Toute la nuit la chevauchée continua, coupée par des intervalles de repos sur le lit ; et quand je m’en vais, le matin, le coucou, qui chante dix heures, me dit seul bonjour. Nijni dort à poings fermés, fatiguée sans doute, mais par quoi ? Par sa rude besogne ou par la volupté ?…