E. D. – Le marbre animé/10

Aux dépens de la compagnie (Bruxelles) (p. 76-82).

CHAPITRE X



COUP D’ŒIL RÉTROSPECTIF




Le soir, la conversation tomba sur la petite actrice des Bouffes, qu’elle avait congédiée, après quatre jours de relations. Elle m’avoua qu’elle avait voulu essayer de tous les condiments de l’amour. „Quand j’ai tenté l’épreuve, avec la petite Morena des Bouffes, j’avais déjà fait l’essai de la femme, grâce à la complaisance d’une de mes soubrettes, qui m’était fort attachée déjà, et qui depuis ce moment, passerait par le feu pour moi, mais ni la soubrette, ni la comédienne, ne m’ont rien fait éprouver ; et je me disposais à aller tenter l’expérience dans un pays exotique, quand vous vous êtes présenté, mon cher Hercule. Vous êtes venu et vous avez vaincu”.

J’avais remarqué, parmi ses soubrettes, une jeune Slave aux yeux bleus langoureux, aux cheveux noirs, avec une peau d’un blanc mat, qui semblait dévorer sa maîtresse du regard. Je me doutais que c’était elle, la soubrette dévouée à la mort à sa maîtresse.

„C’est sans doute de Léa, que tu veux parler, dis-je à la princesse.

„Comment l’avez-vous devinée, au milieu de mes nombreuses servantes ?

„À ses yeux, dont les myosotis sont si tendres, quand ils regardent ma belle princesse”.

En tenant ces propos, je nourrissais un dessein qui me souriait bigrement. Mais comment m’y prendre avec Nijni, qui était d’un pays où l’on ne trouve guère de tempéraments de Lesbienne. Cependant Léa, qui était Russe aussi, devait avoir, je n’en doutais pas, de brillantes dispositions. Je préparai donc mes batteries pendant la nuit. Après avoir disposé la belle Russe à l’amour, je la pris en levrette, j’allongeai le bras pour branloter le petit bouton, que dans cette position la verge frotte mal. „Quel dommage, ma princesse, m’écriai-je, qu’on ne puisse pas mettre le doux velours d’une petite langue, là où mon doigt vient se poser, en même temps que frère Jacques s’occupe de fouiller de fond en comble ; elle ferait si bien là, une petite langue ; ce serait le plaisir divin, mignonne”.

Je n’eus pas le loisir de discourir plus longtemps. Nijni qui commençait à éprouver l’effet de ma double manœuvre, dans son centre des plaisirs, serrait les fesses et le vagin comprimait mon membre. Je me tus donc, et je ne songeais plus qu’à mener l’affaire à bien. J’étais si bien secondé, que je m’escrimais à peine depuis une minute, quand j’enivrai de volupté le récipient, qui pompait en même temps mon membre comprimé.

Je n’avais pas repris le sujet de la conversation qui nous occupait tout à l’heure. Nijni, la tête sur mon sein, le cou sur mon bras gauche, les draps ramenés jusqu’au menton, reposait songeuse, et semblait avoir quelque chose sur le bout de la langue. Enfin elle se décida ; après des hésitations très visibles, à aborder la question.

„Mon ami, commença-t-elle, ce que vous m’avez dit tout à l’heure me revient. Je suis sûre que nous pourrions faire l’expérience le plus facilement du monde. Léa est d’une discrétion absolue, et son dévouement pour moi est sans bornes. Je veux d’ailleurs vous avouer que je la considère bien plus comme une amie que comme une servante ; chaque fois qu’elle me trouve seule, elle se jette à mon cou, m’embrasse follement, comme vous, sur la bouche, m’étreint sur son sein, se presse contre moi, et ses yeux bleus troublés, et ses lèvres roses tremblantes, ont l’air de parler, de demander quelque chose ; je devine bien ce qu’elle désire, car vous savez que j’ai essayé de la chose, mais comme ça ne me disait rien, et qu’elle n’a jamais osé s’aventurer, ça c’est toujours fini par des soupirs à fendre l’âme, qu’elle pousse, quand je me débarrasse. Voulez-vous que nous la fassions venir ? Mais je vous avertis que je ne veux rien d’elle sans vous ; je veux bien qu’elle soit là comme appoint, mais point comme agent principal. Mais elle, ne sera-t-elle pas intimidée par votre présence ?

— Non, non, mignonne ; si elle t’est dévouée comme tu le dis, rien ne l’arrêtera pour se livrer à ses fantaisies lesbiennes ; elle donnerait sa vie pour t’embrasser là. Je les connais un peu, ces folles passionnées, elles subiraient d’affreux supplices, pour pouvoir satisfaire un caprice.

— Faisons-la donc venir, si vous voulez. Avec vous je consens à faire toutes les expériences. Mais comment inaugurer ces folies ? Je crains que devant vous elle n’ait pas tous ses moyens, tout son entrain ?

— Je me tiendrai caché derrière les rideaux du lit ; tu lui laisseras croire qui je suis parti, et que ne t’endormant pas, ça t’ennuie de passer la nuit seule, que tu veux qu’elle te tienne compagnie. Elle acceptera volontiers ; tu la feras entrer dans ton lit, et une fois là, pour peu que tu t’y prêtes, elle ne sera pas longue à venir te faire mimi là.

— Poussez donc le bouton numéro 3, il correspond à la chambre de Leà ; et bien qu’elle ne soit pas de service cette nuit, elle ne manquera pas d’accourir. Mais vous allez avoir froid en chemise”.

Je saute du lit, je pousse le bouton de la sonnerie, et je reviens tranquillement me cacher derrière les rideaux. Deux minutes ne s’étaient pas écoulées, que la porte de la chambre à coucher s’ouvre, livrant passage à la jolie soubrette brune aux yeux bleus, qui avait passé un peignoir, sur sa chemise, et mis ses pieds nus dans des babouches. Elle avait les yeux gonflés de sommeil, comme une personne qu’on vient de réveiller en sursaut. Elle pose son bougeoir à côté de la veilleuse, augmentant ainsi la faible clarté qui nous éclairait, puis elle s’avança vers le lit de sa maîtresse, et s’arrêta à deux pas, l’œil fixé sur sa maîtresse.