Dupleix et l’Inde française/1/1

Champion (Tome 1p. 1-44).

DUPLEIX
ET
L’INDE FRANÇAISE


CHAPITRE PREMIER

L’Inde et la Compagnie des Indes vers 1725[1].


I. — L’Inde.

L’Inde, où Dupleix vécut trente-deux ans sans interruption, n’est pas le pays admirable qu’ont illustré comme à plaisir la légende et la poésie ; à part les régions montagneuses de l’Himalaya, des Nilguiris et de Kodaikanal qui sont, les unes grandioses et les autres charmantes, on ne voit presque partout que de vastes plaines, à peine ondulées, où la végétation assez rare se détache avec crudité d’un sol rouge et dénudé. Les fleuves, sauf l’Indus, le Gange et le Brahmapoutre, n’ont jusqu’aux approches de leur embouchure qu’un mince filet d’eau pendant la plus grande partie de l’année. La côte Coromandel et la côte d’Orissa, extrêmement basses, se dissimulent mal sous une végétation sans élégance qui s’éclaircit très vite en allant vers les Gattes pierreuses et arides où s’appuient, à l’intérieur de la péninsule, les hauts plateaux du Mysore et du Décan. Plus élevée, avec quelques falaises abruptes, la côte Malabar se perd au contraire dans une mer de feuillages, qui, même en plein midi, oppose une sûre barrière aux rayons brûlants du soleil.


I. De l’influence politique des castes.

Il est probable que ce pays aurait moins enchanté les écrivains s’ils n’y avaient trouvé une civilisation millénaire qui a façonné la nature aux besoins de l’homme et lui a donné quelques charmes factices provoqués par les nécessités quotidiennes de la vie. Cette civilisation dont nul ne sait les origines, nous apparaît dès les premiers âges connus de l’humanité, comme définitivement constituée. Elle repose sur le système des castes, sortes de corps de métiers où l’homme et sa famille sont enfermés toute la vie sans jamais pouvoir en sortir, à quelque degré de fortune que l’on puisse atteindre. Ce système, tout à fait en opposition avec nos mœurs occidentales basées sur une égalité douteuse, n’a cessé d’être pour l’Inde un élément de tranquillité sociale et peut-être de bonheur individuel. Il convient probablement à une contrée où, sous l’action bienfaisante du soleil, les hommes n’ont que des besoins très limités. Les brahmes qui l’ont inventé furent des sages très sceptiques sur les possibilités perfectibles de notre espèce.

Ces brahmes forment encore aujourd’hui une minorité infime dans la population indoue ; ils continuent néanmoins à s’imposer à leurs compatriotes par leur savoir et, à l’occasion, par leurs sacrifices aux intérêts nationaux. Plus forts que les pouvoirs politiques eux-mêmes, ce sont eux qui ont fait l’Inde ce qu’elle est. Par la division de la population en castes, chacun s’est vu attribuer dès sa naissance un rôle social déterminé ; les conditions du travail en ont été la conséquence. C’est ainsi que dans une ruche le labeur des abeilles est réglé d’avance et rien n’est perdu. Et l’on travaille dans l’Inde moins qu’en Europe, plus qu’en Afrique. Les empires qui se sont établis ou succédés ont trouvé dans cette organisation fondamentale les cadres naturels de leur administration et de leurs budgets ; loin de la modifier, ils s’y sont étroitement adaptés et ont pu vivre de cette façon, sans autres obstacles à leur durée que les causes mêmes de la chute de tous les empires, l’imprévoyance ou la cupidité des hommes d’État.

Avant l’arrivée des Européens — et le tableau n’a guère changé depuis — les richesses du pays, qui ne sont pas très grandes en elles-mêmes, n’étaient arrachées au sol que par un travail intensif de l’homme, provoqué tant par les règles sociales que par la nécessité de contribuer aux charges de l’État. L’agriculture, réduite presque exclusivement à la culture du riz et des menus grains, était très développée, grâce à un ingénieux système d’irrigations qui suppléait aux pluies pendant les mois de sécheresse et permettait aux cultivateurs de faire deux récoltes par an ; l’industrie produisait dans la plupart des régions des mousselines et étoffes de soie et de coton. Il n’est pas jusqu’à l’organisation politique, si défectueuse fut-elle, qui ne contribuât à la richesse du pays ; alors qu’en d’autres parties du monde, où la société est embryonnaire, on éprouve les plus grandes difficultés à tirer parti de la main-d’œuvre, le commerce trouvait un appui solide dans la puissante et antique hiérarchie de l’Inde brahmanique.

Cette hiérarchie avait survécu à toutes les révolutions et elles furent nombreuses. Autant qu’on peut remonter dans la nuit des temps et trouver quelques indications précises dans les Védas et le Mahabaratha, on ne rencontre nulle part de stabilité nationale de longue durée. Les états se forment et se déforment avec une grande rapidité, comme si le sentiment populaire était indifférent à ces changements, qui laissaient toujours la multitude écrasée de charges nouvelles, sans jamais lui apporter le moindre bien-être.

On ne connaît rien de précis sur les dynasties qui régnèrent jusqu’au xe et même au xiie siècle. Ce sont des noms qui émergent dans l’histoire, comme des troncs d’arbres dans une forêt dévastée par l’incendie. Nul ne sait comment naquirent ces incendies ni quelle fut leur importance. Sans remonter jusqu’aux temps les plus anciens où, suivant les régions, les Pandhyas, les Cholas, les Chéras, les Pallavas, les Chaluhkias, les Hoysalas, les Yadavas et, dans le nord, les Musulmans, se disputèrent le pouvoir ou se succédèrent les uns aux autres, il suffit d’indiquer qu’au xive siècle s’opérèrent des transformations profondes dont les répercussions venaient à peine de cesser au début du xviiie siècle.


2. Les principaux états de l’Inde.

À ce moment, le grand Mogol, avec Delhi comme capitale, était le souverain nominal et même réel de l’Inde tout entière. Une grande anarchie avait suivi la mort d’Aureng-Zeb en 1707. Ses héritiers, fils et petit-fils, se disputant sa succession, s’étaient livrés les uns aux autres des luttes meurtrières qui avaient affaibli l’empire. En moins de douze ans, cinq souverains plus ou moins légitimes passèrent sur le trône. Les deux frères Seyd, Seyd Abdoulla et Houssein Ali, qui furent les maîtres du gouvernement pendant huit ans, avaient en 1712 placé sur le trône l’empereur Feroksir, qu’ils déposèrent en 1718 pour lui donner comme successeur en 1719, après deux règnes plutôt fantaisistes, un arrière-petit-fils d’Aureng-Zeb, qui prit en arrivant au trône le nom de Mohamed-Cha. Ce prince, adonné aux plaisirs, était un esprit faible, nullement qualifié pour relever l’empire ; son long règne ne fut que le lent développement d’une irrémédiable décadence ; de tous côtés les nababs ou soubabs, qui étaient les grands gouverneurs des provinces, songèrent à s’y rendre autonomes, puis indépendants et héréditaires.


Le premier qui commença cette désagrégation de l’empire fut le fameux Nizam oul Moulk. Il se nommait de son vrai nom Mir Kummur ud din, et était fils d’un certain Ghazi ud din, dont la famille était originaire de Caboul. Au temps d’Aureng-Zeb il avait reçu le titre de Cheyn Koulish Khan, avec le manseb ou commandement de 5.000 chevaux ; quand le vieil empereur mourut, il occupait le poste important de soubab de la province de Bijapour. Il contribua avec les Seyds à l’avènement de l’empereur Feroksir, et à la mort de Zoulfikar Khan, vice-roi du Décan, il reçut en récompense sa succession avec le titre de Nizam oul Moulk. Il ne garda ce gouvernement que pendant 17 mois ; en 1714, il fut remplacé par Houssein Ali Khan, l’un des deux Seyds, et nommé en compensation gouverneur du Malva. Au moment de la déposition de Feroksir et après la confusion qui régna sous ses deux successeurs, Nizam estima qu’il lui serait possible de reprendre possession du Décan et avec l’assentiment tacite du nouvel empereur Mohamed Cha, qui désirait se débarrasser des Seyds, il passa la Nerbudda à la tête de 12.000 hommes et réalisa aisément ses projets. Houssein Ali qui marchait contre lui fut assassiné et Seyd Abdoulla fut lui-même fait prisonnier. Mohamed Cha confirma Nizam dans la nouvelle dignité qu’il s’était lui-même attribuée et bientôt après le nomma vizir. Nizam vint à Delhi en janvier 1722 pour exercer ses fonctions, mais son autorité ne tarda pas à lui faire beaucoup d’ennemis et, plutôt que d’engager avec eux la lutte pour un poste qui ne lui assurait aucun avantage réel, il préféra l’abandonner volontairement et, en octobre 1728, il se retira dans le Décan, où il s’attacha par d’habiles combinaisons avec les Marates à consolider son indépendance. L’empereur en prit ombrage et dès 1724 il lui suscita en secret l’opposition, puis la révolte de Moubaris Khan, gouverneur d’Haïderabad. Celui-ci fut tué et l’autorité de Nizam consolidée. Il perdit, il est vrai, le gouvernement du Malva, que l’empereur lui retira ; mais son pouvoir territorial était assez vaste pour ne pas être affaibli par cette perte, qui le fortifiait plutôt, en donnant à son empire plus d’unité.

L’autorité de Nizam s’exerçait non seulement sur le Décan, triste et vaste plateau situé entre les Gattes de l’est et celles de l’ouest, avec les villes importantes de Haïderabad et d’Aurengabad, mais encore sur le Carnatic, où se trouvaient Arcate, Vellore, Madras et Pondichéry, et sur toute la côte au nord de Madras jusqu’aux environs de Vizagapatam, avec les villes principales de Mazulipatam et de Rajamandry. Par délégation des droits de l’empereur, il pouvait encore revendiquer la suzeraineté sur les royaumes du sud de l’Inde, ceux de Tanjore et de Trichinopoly, mais c’était une suzeraineté illusoire ; ces états ne reconnaissaient en réalité que l’autorité directe des Mogols.


Le Carnatic, dont faisait partie le territoire de Pondichéry, avait été, depuis la chute du royaume de Golconde, vigoureusement disputé entre les généraux maures d’Aureng-Zeb et les Marates de Pouna, qui étaient parvenus à s’emparer de Gingy et à établir à Tanjore une dynastie de leur race. À la fin, les généraux maures Zoulfikar Khan et son lieutenant Daoud Khan l’avaient emporté. Appelés l’un et l’autre à combattre en dehors du Décan pour la sécurité de l’empire, Zoulfikar Khan, nommé vice-roi en 1692, avait délégué en 1703 ses pouvoirs à Daoud Khan, qui les avait transmis à son tour dans le Carnatic à l’un de ses officiers nommé Sadat-oulla-Khan (1710). Celui-ci avait fait d’Arcate le siège de sa principauté et avait pris le titre de nabab, qu’à son exemple on ne tarda pas à usurper peu à peu de tous les côtés. Sadat-oulla fut le véritable maître du pays jusqu’à sa mort en 1732. Il devait naturellement tribut et obéissance au soubab dont il relevait ; c’est à lui qu’avaient affaire les Anglais de Madras et les Français de Pondichéry. Ni les uns ni les autres n’avaient eu jusqu’en 1722 à se plaindre de ses mauvais procédés, non plus que de l’intervention dans leurs affaires des soubabs du Décan, encore mal affermis en leur gouvernement. Sadat-oulla n’ayant pas d’enfants avait adopté deux fils de son frère, l’un Dost Ali, à qui il réservait sa succession et l’autre Boker Ali, qu’il nomma gouverneur de Vellore.

Contigu au Carnatic du côté du sud, se trouvait le royaume de Tanjore, petit par son étendue mais très important par ses richesses en riz ; c’était le grenier du sud de l’Inde. Un chef marate nommé Ekodji ou Venkadji, en avait fait la conquête en 1674 et y avait établi une dynastie, qui n’a disparu qu’en 1855. Les souverains qui régnèrent après Venkadji mort en 1684, furent ses trois fils : Shaji (1684-1711), Sarfoji ou Saboji (1711-1729) et Takoji (1729-1735).


Le Tanjore touchait lui-même du côté du sud et de l’ouest au royaume des Nayaks du Maduré, démembré en 1559 du grand empire de Bijanagar. Les villes les plus importantes étaient Madura et Trichinopoly. Le roi qui régnait alors était le douzième de la dynastie, il se nommait Vijaya Ranga Chokkanatha ; il était né en 1704 un peu après la mort de son père ; sa mère s’était brûlée sur un bûcher à la façon des veuves indiennes et, pendant sa minorité qui dura seize ans, le pouvoir fut tenu avec une grande autorité par sa grand’mère Mangammalle, qui, en son temps, s’était absolument refusée à mourir pour honorer les mânes de son époux. Lorsque le petit prince fut en âge de gouverner par lui-même, à seize ans, son entourage mit la vieille reine à mort, et c’est ainsi que cessa la régence. Le pouvoir des Nayaks s’étendit un instant sur le Tanjore et le Maïssour ; en 1725, il était réduit au Maduré proprement dit, et, c’était encore un grand royaume puisqu’il s’étendait jusqu’aux montagnes de Travancore et jusqu’au cap Comorin. C’est dans le Maduré, sous les murs de Trichinopoly, que se jouera réellement la partie engagée par Dupleix en 1749 et dans laquelle il devait succomber.

Le Mysore ou Maïssour, au nord et au nord-est du Maduré, était un royaume mal constitué et sans force. La dynastie qui y régnait et qui y règne encore aujourd’hui, s’y était fondée en 1399. Chikka Deva, qui régna de 1672 à 1704, avait acquis Bangalore en l’achetant au roi de Tanjore ; c’était la ville la plus importante du royaume ; venaient ensuite Mysore et Seringapatam. Chikka Deva eut pour successeurs Kanthirawa Raja (1704-1714), puis Doda Krishna Raja (1714-1731), princes faibles et de nulle autorité. La dynastie directe s’éteignit en 1733 avec Chama Raja ; ce prince fut déposé par son cousin le dalavay, ou général en chef des forces du royaume, qui pendant plus de vingt ans disposa de l’autorité effective. Chama Raja fut nominalement remplacé par un membre d’une branche éloignée, nommé Chikka ou Immadi Krishna Raja, qui vécut sans gloire et sans prestige jusqu’en 1766 ; mais déjà Haïder Ali était le véritable maître du royaume.

Le Mysore comme l’empire voisin des Marates ne devait, au temps de Dupleix, jouer qu’un rôle secondaire dans nos luttes du sud de l’Inde ; sous Haïder Ali Khan et Tippou Sahib, il fut au contraire le pivot de notre politique dans la péninsule.


Nos établissements n’avaient plus de rapports avec les Marates depuis que les Maures leur avaient repris Gingy en 1698 et les avaient rejetés à la côte occidentale, d’où leur puissance avait commencé à se répandre dans l’Inde au temps de Sivaji. Cet homme extraordinaire, le plus grand assurément qu’ait produit l’Inde brahmanique, avait réuni en un seul peuple toutes les tribus marates éparses le long des Gattes et les avait rendues indépendantes du Mogol ; bien plus, il avait commencé à les déverser sur l’Inde comme un torrent et il avait contraint tous ses voisins à lui payer un tribut, connu sous le nom de chaut, égal au cinquième des revenus de la province tributaire. Sivaji était mort le 5 avril 1684, à l’âge de 53 ans, laissant un empire très redouté à son fils Sumbaji, qui n’avait ni ses vertus ni ses qualités guerrières. À la mort de Sumbaji, tombé entre les mains d’Aureng-Zeb et exécuté (1689), l’autorité passa à l’un des membres de sa famille, Ram Raja, qui se déclara régent du royaume pendant l’absence et la minorité du fils de Sumbaji, prisonnier des Mogols. Cette captivité se prolongeant, Ram Raja prit le trône pour son compte ; ce fut de Gingy, encore en son pouvoir, qu’il nous confirma en 1688 la possession de Pondichéry. Ram Raja mourut prématurément en 1700, laissant comme héritier un fils âgé de dix ans à peine. La régence fut exercée par sa mère Tara Bye, la Blanche de Castille de l’Inde. Cette femme intrépide administra avec les qualités d’un homme d’État ; elle maintint la discipline parmi ses sujets et résista victorieusement aux Mogols. La mort d’Aureng-Zeb la précipita du pouvoir. Le nouvel empereur Shah Allem ou Bahadour Shah crut devoir en 1708 rendre la liberté au fils de Sumbaji ; celui-ci rentré dans ses états soutint contre la régente une lutte qui dura trois ans et se termina en 1711 par la mort prématurée du fils de Ram Raja. Tara Bye n’ayant plus aucune raison de retenir le pouvoir dut l’abandonner et Schao — tel était le nom du nouveau souverain — régna désormais sans conteste. Il sut respecter la vie de Tara Bye qui mourut en 1761, âgée de 86 ans.


Schao s’était reconnu vassal du Mogol, au même titre que les autres princes de l’Inde, mais c’était un singulier vassal que celui à qui l’empereur payait tribut. Schao, qui paraît avoir été un esprit assez libéral et assez éclairé, gouverna avec l’assistance d’un premier ministre dénommé péchoua, qui fut le célèbre Ballaji Wisnawath, père de toute une dynastie dont le dernier représentant fut Nana Sahib, l’un des auteurs de la révolte de 1857. Ballaji, nommé péchoua en 1714, administra jusqu’à sa mort en 1721. Il fut remplacé par son fils Baji Rao, qui avait hérité de toutes ses qualités. Baji Rao, continuant la politique de son père, délaissa le Carnatic, trop éloigné, respecta le Décan à la suite de compromis avec Nizam oul Moulk et tourna de préférence vers le Guzerate et le Malva l’activité de son peuple et de son roi. C’est au cours d’expéditions conduites en ces pays que commencèrent à se révéler trois hommes qui devaient, soit par eux-mêmes, soit par leurs descendants, exercer une grande influence sur les destinées de l’Inde : Dumnaji Gaekwar, d’où sont issus les rajas de Baroda, Mulharji Holkar, dont les descendants règnent encore à Gwalior, et enfin Ranonji Scindia, rénovateur d’une famille qui eut dans la seconde moitié du xviiie siècle d’éclatantes destinées.


Nous ne parlerons pas des autres états du sud de l’Inde, tels que ceux du Samorin et des rajahs de Travancore et de Cochin, avec qui Dupleix n’eut aucun rapport : c’étaient, par comparaison avec ceux que nous venons de citer, des principautés de peu d’importance et leur nom ne se trouvera que fort incidemment mêlé à notre politique.

Nous en dirons autant des états plus importants du nord, tels que ceux des Rajpoutes, des Sicks et du royaume d’Oudh qui allait se constituer en 1732. Nous n’eûmes de rapports avec aucun d’eux et ce serait sortir de notre sujet que de les faire intervenir dans ce récit autrement que pour citer leur nom et signaler leur existence.


On consacrera au contraire quelques lignes au Bengale, où Dupleix passa dix ans de son existence et où devaient s’accomplir en 1757 les destinées de la péninsule et les nôtres à la suite de l’affaire de Plassey.

Le Bengale n’avait jamais représenté une unité nationale bien déterminée ; suivant les circonstances, il avait constitué un ou plusieurs royaumes ; au moyen-âge il en formait cinq avec l’Orissa. Les Musulmans commencèrent à s’y établir vers l’an 1206 et y fondèrent divers royaumes qui restèrent indépendants des souverains de Delhi jusqu’en 1576. Ils furent alors détruits par le grand mogol Akbar, qui fit gouverner la province par des vice-rois. Ses successeurs suivirent son exemple. Au temps d’Aureng-Zeb, les vice-rois furent Khan i Khanan, qui mourut en 1663, puis Amir-ul-Umara et enfin Ibrahim Khan. Ce fut cet Ibrahim qui concéda aux Français le droit de s’établir à Chandernagor et aux Anglais celui de se fixer à Calcutta. Les Anglais nous le représentent comme un nabab bon et généreux. Il finit d’ailleurs très mal ; en 1697, il voulut se soulever et fut tué dans un combat où il avait comme adversaire le prince Azim-us-Shah, petit-fils d’Aureng Zeb. Azim-us-Shah le remplaça comme vice roi et garda le titre jusqu’en 1712, où il périt en disputant à ses frères la succession au trône de leur père Bahadour Shah.

Mais dès 1704 il avait abandonné la direction des affaires à son divan, un nommé Jaffer Khan, pour se retirer à Delhi. Cet homme, né dans le Décan, était d’origine brahamanique ; dans sa jeunesse il avait été emmené comme esclave en Perse où on le convertit à l’islamisme. Les hasards de sa destinée l’ayant ramené dans l’Inde, il vint au Bengale où ses mérites et ses services lui firent en peu de temps accorder les fonctions de divan ou ministre d’Azim-us-Shah. Lorsque ce prince se déchargea du souci des affaires, il le nomma son délégué et lui fit donner le titre de nabab. Jaffer Khan échangea alors son nom contre celui de Mourchid Kouli Khan, sous lequel il est plus connu. C’est lui qui transféra la capitale du Bengale de Dacca à Moxoudabad, qui de son nom prit celui de Mourchidabad. Lorsqu’Azim-us-Shah fut mort. Mourchid Kouli Khan reçut du nouveau souverain Feroksir, fils d’Azim-us-Shah, le titre de soubab, mais il ne devint jamais vice-roi du Bengale, comme l’avaient été ses prédécesseurs immédiats.

Le Bengale ne comprenait en 1726 que le Bengale proprement dit, soit le vaste estuaire du Gange et du Brahmapoutre, avec les villes principales de Dacca, Moxoudabad, Raj Mahal, Monghir, Burdouan et Mednipour ; le Bihar avec Patna et l’Orissa avec Cattec formaient des nababies indépendantes. À l’est, il englobait la région montagneuse de l’Assam et s’étendait jusqu’à Chittagong.


3. Les colonies européennes.

Tous ces états étaient indépendants des puissances européennes qui, à part une malheureuse expérience de sir Josiah Child en 1686-1690, n’avaient pas encore eu l’idée d’associer une politique territoriale à leurs entreprises commerciales. Les Européens, à cette époque, ne se considéraient que comme des marchands tolérés dans leurs comptoirs et tenus à infiniment de respect pour les autorités indigènes considérées comme invincibles à la côte et inattaquables dans l’intérieur. Les guerres civiles étaient leur plus grave souci, car elles paralysaient les affaires et arrêtaient tout commerce ; aussi nul ne songeait à les faire naître et à les entretenir. Les Anglais et les Hollandais poussaient même la crainte des complications au point de ne faire de commerce avec les indigènes que par l’intermédiaire de marchands indiens ; ils se contentaient, pour tout bénéfice, des droits de douane dont ils frappaient les marchandises à l’entrée dans leurs établissements.

Les premiers venus parmi les Européens furent, comme on le sait, les Portugais qui à partir de 1500 jouirent pendant un siècle et demi d’un monopole commercial absolu. La suprématie leur fut ensuite disputée par les Hollandais qui leur enlevèrent successivement les factoreries de Cochin (1661), Cranganore (1662), Cannanore et quelques autres comptoirs moins importants ; en 1725 les Portugais ne possédaient plus que le vaste territoire de Goa, Basseïn et les établissements de Diu et de Daman à la côte est, le bandel ou port d’Hougly dans le Bengale et St-Thomé à une lieue au sud de Madras.


Les Hollandais avaient fondé pour l’exploitation du commerce de l’Inde une société dénommée « Compagnie unie des Pays-Bas pour les Indes Orientales ». La première factorerie qu’ils fondèrent fut Paliacate près Madras en 1609. En 1616, ils s’établirent à Surate, qui était alors la ville la plus importante de toute la côte occidentale, puis ils créèrent des agences à Ahmedabad et à Agra. De 1661 à 1664, ils s’emparèrent de presque tous les établissements portugais. En 1664, ils fondèrent la loge de Mazulipatam et s’installeront vers la même époque à Hougly, Cassimbazar, Patna et Dacca. Ce fut l’apogée de la Compagnie. Les guerres avec la France affaiblirent sa puissance et peu à peu, elle abandonna volontairement quelques-uns des comptoirs pris aux Portugais. Au début du xviiie siècle, ses établissements principaux étaient Surate, Cannanore, Cranganore, Cochin et cinq autres petits comptoirs à la côte occidentale, Négapatam, Sadras, Paliacate et trois autres factoreries de moindre importance à la côte orientale, enfin Chinsura, Cassimbazar, Dacca et Patna au Bengale. On pourrait y joindre Ceylan, indépendant de l’Inde, mais qui n’est en réalité qu’un prolongement de la péninsule. Tous ces établissements dépendaient d’une autorité commune sise à Batavia, dans l’île de Java.


Les Danois arrivèrent peu de temps après les Hollandais. La première Compagnie fut fondée en 1616 et se fixa à Tranquebar en 1600. Une seconde compagnie se constitua en 1670 et s’installa à Serampor ou Frederiknagor, sur l’Hougly, en 1676. Ces établissements ne furent jamais prospères ; Serampor même disparut au bout de peu d’années. La vue de Tranquebar, ville aujourd’hui presque déserte, avec son vieux fort qui a résisté à l’épreuve du temps et ses anciennes maisons qui tombent en ruines, éveille un profond sentiment de mélancolie sur la vanité des entreprises humaines. Les Danois avaient encore une loge à Calicut.


Les Anglais enfin étaient arrivés dans l’Inde presque en même temps que les Hollandais. La première compagnie pour le commerce des Indes se constitua en 1599-1600 sous le titre de « The Governor and Company of Merchants of London Trading into the East India. » Elle obtint en 1608 l’autorisation de fonder un établissement à Surate. Cette installation, d’abord très précaire, ne devint solide qu’en 1612 ; des agences secondaires, tenues par des marchands indigènes, furent alors créées à Ahmedabad, Berhampour, Ajmir et Agra. Après diverses tentatives elle prit pied à Mazulipatam en 1616 et en 1639 le rajah de Vencataguiri, dernier descendant des rois de Bijanagar, lui accorda la possession du territoire de Madras. Le fort St-Georges fut construit dès 1640. Le comptoir de Madras fut érigé au rang de présidence en 1653, cette présidence étant elle-même subordonnée à la direction de Surate.

C’était l’époque où Cromwell tournait du côté de la mer l’activité de son pays ; ce fut le moment où les Anglais, suivant pas à pas les Hollandais, voulurent avoir des stations dans l’Inde entière. En 1651, ils s’installent à Hougly dans le Bengale ; en 1661, la reine Catherine de Bragance apporte en dot à son mari le roi Charles II la ville de Bombay, et le roi la rétrocède à la Compagnie en 1668.

Cette ville remplaça Surate comme chef-lieu des établissements anglais de la côte ouest en 1687. La Compagnie rêva alors de devenir une puissance conquérante et territoriale et en 1686, sous la direction de sir Josiah Child, elle s’engagea au Bengale et à Surate dans une guerre contre les Maures, à la suite de laquelle elle eut pu être entièrement chassée de l’Inde, si les Maures avaient poursuivi leurs avantages. Mais le Mogol, qui avait besoin de commerçants étrangers en son pays, préféra la traiter avec générosité, et en 1690 il lui confirma ses anciens privilèges. Elle y gagna encore de pouvoir cette même année demeurer à Chutanoutti ou Calcutta, où elle avait essayé de s’établir en 1686, mais d’où les Maures l’avaient chassée : par son installation en cette ville, ses revers furent en réalité la préparation de sa grande fortune.

En 1698, il se constitua une nouvelle compagnie sous le nom de « English Company Trading to the East India ». L’ancienne n’ayant pas été abolie, les deux se combattirent. Rien n’était plus préjudiciable aux intérêts britanniques ; le Parlement les obligea dès 1702 à une union préliminaire qui, sous l’arbitrage du comte Godolphin, devint une union définitive en 1708. La compagnie unie prit le nom de « Limited East India Company ». C’est elle qui, sous l’autorité du roi et du Parlement, a en réalité gouverné l’Inde jusqu’en 1858.

Ses débuts, sous la nouvelle forme adoptée par elle, ne furent pas tumultueux : comme ses rivales, elle ne songea qu’à développer son commerce, sans souci de reprendre le programme d’expansion territoriale élaboré en 1686.

Les établissements anglais étaient alors ceux de Surate avec des agences à Baroche, Ahmedabad et Soualhy, Bombay, Carwar, Tellichery, Calicut et Anjingo à la côte occidentale, Porto Novo, Goudelour, Madras, Mazulipatam, Madapolam et Vizagapatam à la côte orientale, Calcutta, Balassor, Cassimbazar, Dacca, Palna, Malda et Raj Mahal au Bengale. — La compagnie avait en outre des factoreries en Perse à Ispahan, Schiras et Gomron, qui était le port de Bender Abbas.

En 1725, le gouverneur de la présidence de Madras était Elwick (1721-1725). Ses prédécesseurs immédiats avaient été Thomas Pitt (1698-1709), le grand-père du célèbre orateur de la fin du siècle, Harrisson (1709-1717), Joseph Collet (1717-1720) et Hastings (1720-1721) ; ses deux premiers successeurs furent Macraë (1725-1730) et George Morton Pitt (1730-1735).


Les Français arrivèrent les derniers. Ils se fixèrent d’abord à Surate (1666) et Pondichéry (1674), puis à Mazulipatam (1687), Chandernagor, Balassor et Cassimbazar (1688-1689), et enfin Calicut (1701) et Mahé (1721). On verra au paragraphe ci-après consacré à la Compagnie des Indes quelle était la valeur de chacun de ces élablissements ; nous dirons simplement ici comment nous nous établîmes au Bengale, où Dupleix devait être pendant dix ans le directeur de nos comptoirs.

En 1674, le Flamand, vaisseau de l’escadre royale de M. de la Haye, était remonté jusqu’au Bengale, où M. Duplessis, officier de ce navire, avait obtenu du nabab un premier paravana pour le commerce de la Compagnie. Il prit même possession d’emplacements pour établir des loges à Cassimbazar, Hougly et Balassor. Ce ne fut toutefois qu’en 1684 que le premier navire de commerce de la Compagnie, le Saint Joseph, parut à Hougly, à 5 kilomètres en amont de Chandernagor. Il en rapporta quelques marchandises, sans que le sous-marchand Bertrand, chargé des opérations commerciales, eut mission de fonder le moindre établissement. Le Saint Joseph retourna à Hougly en 1685, dans les mêmes conditions. C’est seulement en août 1686 que M. Deltor, second du comptoir de Pondichéry, partit sur le même bateau avec l’intention de créer au Bengale un établissement permanent, dont la direction serait donnée au marchand Regnault. Deltor rentra à Pondichéry le 4 janvier 1687. Le Saint Joseph fit un quatrième voyage en août de la même année, suivi quelques mois après par le Saint Côme (17 mars 1688). Enfin, cinq mois plus tard, en août, M. Cerberet, envoyé extraordinaire du roi, de passage à Pondichéry, désigna pour commander en chef au Bengale J. Boureau-Deslandes, ancien employé de Surate et qui venait de se signaler au Siam. Deslandes était le gendre du gouverneur François Martin. Lorsqu’il arriva à son poste, en septembre, Regnault venait de mourir.

Deslandes, comme son prédécesseur, s’installa d’abord au bandel ou port d’Hougly, occupé par les Portugais ; ne trouvant pas d’emplacement pour se fixer à Hougly même, il se souvint des droits acquis en 1674 par Duplessis, et, après quelques cadeaux faits au nabab, il se fixa à Chandernagor (avril 1690). Les travaux d’installation étaient en grande partie achevés en juillet 1692.

Aujourd’hui Bandel, Hougly, Chinsura et Chandernagor, toutes quatre situées sur la rive droite de l’Hougly. en se suivant du nord au sud, ne forment, en réalité qu’une seule et même ville, qui s’étend sur une longueur de 20 kilomètres. Il en était peut-être de même à la fin du xviie siècle.


II. — La Compagnie des Indes.

Le développement des intérêts de la France hors d’Europe, ce que nous appelons aujourd’hui la politique coloniale, n’avait jamais été indifférent à l’ancienne monarchie : déjà François Ier avait eu quelque idée de l’expansion de notre influence dans le Nouveau-Monde à peine découvert et, avant lui, les marins de Dieppe avaient commercé avec la côte de Guinée. Il était réservé à Richelieu et surtout à Colbert de créer des instruments durables de notre action extérieure. Ce n’est pas ici le lieu de retracer la politique de ces hommes admirables qui furent aussi bien secondés par leurs souverains qu’ils servirent eux-mêmes leur pays. Colbert, après de vaines tentatives de ses prédécesseurs pour coloniser Madagascar, pensa qu’on trouverait plus aisément dans l’Inde les ressources que la Grande Île s’était obstinée à refuser, et il fonda en août 1664 la Compagnie des Indes orientales.


I. Sa constitution.

Le but de cette fondation était déterminé dans le préambule de l’acte constitutif : « La félicité des peuples, y était-il dit, consiste non seulement en la diminution considérable des impositions que nous leur avons accordée depuis deux ou trois années, mais beaucoup plus au rétablissement du commerce de notre royaume par le moyen duquel seul l’abondance peut être attirée au-dedans… et se répandre sur le général des peuples, au moyen des manufactures, dans la consommation des denrées et de l’emploi d’une infinité de personnes que le commerce produit… ; nous nous sommes principalement attaché au commerce qui produit des voyages au long cours, étant certain et par le raisonnement ordinaire et naturel et par l’expérience de nos voisins que le profit surpasse infiniment la peine et le travail que l’on prend à pénétrer dans les pays éloignés… »

Il était, d’autre part, stipulé que la Compagnie, « outre le privilège exclusif de la navigation et du négoce dans les mers de l’Inde, conserverait en toute propriété, justice et seigneurie toutes les terres et places qu’elle pourrait acquérir, qu’elle pourrait envoyer des ambassadeurs au nom du roi au roi des Indes, faire des traités soit de paix ou de trêve, déclarer la guerre ou faire tous autres actes qu’elle jugerait à propos pour l’avantage de son commerce, armer des vaisseaux en guerre, établir des garnisons, les pourvoir d’armes et de munitions et les faire commander par des officiers nommés par elle, sous la seule réserve de prestation du serment de fidélité au roi avant de la prêter à la Compagnie. »

Ou les mots n’ont pas de sens ou ce programme comportait pour la Compagnie la faculté de faire des conquêtes territoriales ; mais, outre que la conception était toute nouvelle, il eût fallu pour la réaliser une paix continue en Europe, qui nous assurât en Orient la liberté de nos mouvements ; or, Louis XIV fut presque toujours en guerre jusqu’à sa mort et loin de pouvoir faire des conquêtes dans l’Inde, nous y perdîmes au contraire Pondichéry, qui nous fut pris par les Hollandais en 1694.

La Compagnie ne put, en réalité, que se livrer à des opérations purement commerciales, qui ne tardèrent pas à devenir sa préoccupation exclusive, au point de lui faire considérer toute ambition politique comme contraire à ses intérêts et à son but. Ces opérations, contrariées par la guerre en Europe et parfois aux Indes, ne répondirent pas au plan de Colbert aussi complètement qu’il l’avait envisagé. La Compagnie se débattit au milieu de difficultés sans nombre, notamment au cours de la guerre de la succession d’Espagne et quand elle disparut, en mai 1719, elle avait cessé d’être une force depuis de longues années.

À ce moment, Law venait d’établir en France le fameux système financier auquel son nom est resté attaché : il lui parut qu’il reprendrait et fortifierait utilement l’œuvre de Colbert en associant à ce système toutes les compagnies coloniales alors existantes, Afrique, Sénégal, Guinée, Chine, Canada ; il en absorba quelques-unes dans la Compagnie d’Occident ou de la Louisiane, constituée en 1717 et les fusionna enfin toutes ensemble en mai 1719 on une société unique qui prit le nom de Compagnie perpétuelle des Indes, ou plus simplement Compagnie des Indes.

Il serait trop long et hors de notre sujet de raconter les nombreuses vicissitudes par lesquelles passa cette Compagnie durant l’application du système, dont elle était pour ainsi dire la pierre angulaire ; ce récit appartient plutôt à l’histoire même de notre pays. Il suffit de rappeler qu’après l’échec de Law, il fallut liquider toutes les opérations qu’il avait entreprises et reconstituer sur un nouveau pied celles qui pouvaient encore vivre : la Compagnie des Indes était du nombre.

La liquidation, commencée dès la fin de décembre 1720, quelques jours seulement après la fuite de Law — il était parti le 13 — fut achevée en juillet 1722 et se termina par un beau feu de joie où l’on brûla tous les registres, actes et papiers qui avaient servi à l’établir. Comme résultat, il fut reconnu à la Compagnie un capital de 112 millions de livres représenté par 56.000 actions, dont 48.000 actions entières de 2.000 livres et 80.000 dizièmes d’actions. Ce chiffre doit être considéré comme celui sur lequel la Compagnie reposa réellement (Arrêt du 22 mars).

Un arrêt du surlendemain 24 régla en quelque sorte sa constitution. Rien n’était modifié au programme général tracé par Colbert, et la Compagnie nouvelle pouvait, comme sa devancière, déclarer la guerre et faire des traités sous la réserve de la suzeraineté du roi. Son champ d’action était même plus étendu ; elle ne gardait pas seulement le privilège exclusif du commerce des Indes et de celui des îles de France et de Bourbon, depuis le Cap de Bonne-Espérance jusqu’à la mer Rouge et aux mers de Chine, mais elle recevait encore celui de la côte occidentale d’Afrique, du Cap de Bonne-Espérance au Cap Blanc, et celui de la côte de Barbarie, du Cap Blanc à Tunis, et elle conservait la Louisiane comme héritage de la Compagnie d’Occident. Elle perdit, il est vrai, en 1730 le commerce de la Barbarie, qui fut rendu à une société particulière, et en 1731 la Louisiane, qui fut rétrocédée au roi, mais elle garda le Sénégal jusqu’à l’expiration de son privilège en 1770.

Le même arrêt fixa son capital de 112 millions de livres, lui rendit la ferme des tabacs, dont le revenu était évalué à 2.500.000 livres[2] et lui attribua les droits du domaine d’Occident, estimé 333.333 livres, qui étaient des droits de douane sur les produits des colonies françaises d’Amérique. Un arrêt du 31 août suivant ajouta à ces divers droits le monopole de la vente des cafés et un autre du 15 février 1724 lui donna le monopole de l’émissions des loteries. L’édit de juin 1726 la confirma dans la possession de ces divers monopoles et la déchargea de toutes ses obligations passées.

La Compagnie ne conserva pas longtemps tous ces monopoles. Les revenus du domaine d’Occident et le monopole des loteries lui furent retirés par l’édit de juin 1725 et elle échangea en 1730, pour une durée de huit ans, la ferme des tabacs contre une redevance annuelle de 7 millions ½ pour les 4 premières années et de 8 millions pour les quatre dernières. Ce bail fut renouvelé au même prix en 1738 pour six nouvelles années. Quant au monopole du café, il se confondait en quelque sorte avec le commerce propre de la Compagnie, dont il formait une des parties les plus importantes.

La Compagnie resta donc, à partir de 1730, avec les bénéfices du bail des tabacs et ceux de son propre commerce pour assurer la marche de ses affaires et distribuer un dividende aux actions. Ce dividende, arrêté à la somme fixe de 150 livres par titre, nécessitait une somme annuelle de 8.400.000 livres : il était prélevé, non sur les bénéfices commerciaux, mais sur le produit du privilège exclusif de la vente du tabac. Au taux primitif des actions, cette somme formait un revenu net de 7 ½ %. Il pouvait être versé en outre aux actionnaires une part variable proportionnelle aux bénéfices commerciaux réalisés ; cette part ne fut jamais distribuée, mais l’autre le fut très exactement jusqu’en 1739.

L’arrêt du 24 mars avait placé à la tête de la Compagnie un Conseil dit « Conseil des Indes », qui se composait d’un chef, d’un président et de vingt conseillers. Aucune part n’était faite aux actionnaires, « vu la difficulté de prendre des délibérations dans une assemblée aussi nombreuse et le peu de connaissances qu’ont le plus grand nombre des actionnaires en matière de commerce. »

Mais tel n’était pas leur sentiment, et il y eut de si vives protestations que, cinq mois après, sans que l’expérience du nouveau conseil ait pu être faite, le roi jugea indispensable d’établir une nouvelle administration de la Compagnie et de confier la direction et la régie entière du commerce à douze directeurs que les actionnaires auraient la faculté de changer quand ils ne seraient pas contents de leur conduite, et de leur adjoindre huit syndics, qui seraient élus chaque année en assemblée générale, pour suivre avec les directeurs les détails de l’administration et en rendre compte chaque année à l’Assemblée. Le roi se réservait, toutefois, le droit de désigner quatre officiers de son Conseil pour veiller, sous les ordres du Contrôleur général des Finances, à la bonne marche de cette administration, y maintenir l’ordre, la fidélité et l’exactitude au travail, ainsi que l’exécution des règlements.

Ce fut l’objet de l’arrêté du 30 août, divisé en 19 articles. Les directeurs devaient tous posséder au moins 50 actions ; le roi se réservait de nommer les douze premiers. Il devait être formé douze départements ou bureaux, à la tête de chacun desquels serait établi l’un des directeurs. Chacun de ceux-ci serait en même temps préposé comme second dans un autre bureau et aussi comme troisième dans un troisième bureau, afin que tous pussent se suppléer les uns les autres. Il serait tenu pour les affaires de chaque département des Comités particuliers auxquels assisteraient les trois directeurs de ce département. Quant aux affaires plus considérables, elles seraient portées au moins deux fois la semaine devant l’assemblée des 12 directeurs. — Les syndics, au nombre de huit, seraient élus chaque année, à l’assemblée générale du 15 mars, et choisis parmi les notables bourgeois ; six d’entre eux seraient préposés à l’inspection des douze départements du commerce et les deux autres à l’inspection de la régie des tabacs et autres droits ; ils assisteraient avec voix délibérative tant dans les comités de leur département que dans l’assemblée des directeurs. Les quatre inspecteurs nommés par le roi devaient avoir au moins 50 actions de la Compagnie ; dans les départements qui leur étaient confiés, ils suivaient le travail des directeurs, commis et employés. Tous les quinze jours il devait être tenu une assemblée composée du Contrôleur général, des quatre inspecteurs, des huit syndics et des douze directeurs. Les projets généraux d’armements, établissements des nouvelles colonies, entreprises de nouveaux commerces et autres affaires majeures étaient délibérés en cette assemblée. Enfin, le duc d’Orléans était nommé gouverneur de la Compagnie et le duc de Bourbon vice-président.

L’élection des huit syndics eut lieu le 27 septembre suivant et l’organisation de la Compagnie parut définitive[3] ; mais, dès 1724, on cessa de convoquer les actionnaires en assemblée générale ; par arrêté du 27 juillet 1726, on substitua aux douze départements trois comités, qui réunirent chacun deux ou trois directeurs et un syndic[4] ; en 1730, le Contrôleur général Orry supprima les quatre inspecteurs par mesure d’économie, mais, bientôt après, il les remplaça par un commissaire unique, qui fut d’abord M. de Moras, l’un des anciens inspecteurs, puis son propre frère Orry de Fulvy ; enfin, par l’arrêt du 23 janvier 1731, le même contrôleur substitua aux 20 directeurs et syndics en exercice 6 directeurs et 2 syndics et créa six départements nouveaux, dont quatre à Paris, un à Lorient et un à Nantes, ayant chacun un directeur à sa tête et disposés comme suit :

À Paris, 1er département : Inde, Chine, Moka et les Îles ; 2e : Canada, Sénégal et Guinée ; 3e et 4e : achat des marchandises nécessaires au commerce, suite des fonds et examen des livres ;

À Lorient, 5e département : Construction, radoubs, armements, désarmements, chargements, déchargements, envoi et réception des marchandises ;

À Nantes, 6e département : Envoi, réception, et mise en magasin des marchandises ; ventes publiques auxquelles assistait le directeur de Lorient.

L’un des syndics était chargé des affaires contentieuses et assistait, le cas échéant, aux ventes. L’autre avait pour mission de dresser les délibérations de la Compagnie et d’en tenir des registres exacts. Les fonctions de secrétaire et sous-secrétaire avaient été supprimées. Les directeurs et les syndics ne percevaient pas à l’origine d’honoraires fixes ; ils prélevaient seulement 3 % sur les bénéfices constatés à la fin de chaque année. Cette somme était divisée en sept parts, dont six attribuées aux directeurs et la septième aux deux syndics. Mais, après un an d’essai de ce régime, les syndics appelés à partager les travaux des directeurs eurent la même part de bénéfice, soit ⅛. Enfin, en mai 1742, on alloua un traitement fixe de 12.000 livres aux uns et aux autres.

Telle était l’organisation générale de la Compagnie des Indes, du jour où Dupleix arriva à Pondichéry en 1722 jusqu’au moment où il devint gouverneur de tous nos établissement en 1741. L’autorité réelle appartenait au Contrôleur général, véritable chef de la Compagnie ; les directeurs et syndics, nommés par lui, n’étaient pour ainsi dire que ses premiers employés. À partir de 1731, l’autorité effective fut transmise au commissaire du roi, délégué du Contrôleur général et celle d’Orry de Fulvy fut d’autant plus grande qu’il était le frère du ministre. Les actionnaires convoqués une seule fois, en 1723, se contentaient de toucher leurs dividendes, qui leur étaient servis avec autant de régularité qu’une rente d’État, comme si la Compagnie des Indes était un des organes mêmes du Contrôle général des Finances.


2. Ses finances.

Dans son Mémoire sur la situation actuelle de la Compagnie des Indes publié en 1769, l’abbé Morellet a fait des exposés de sa situation financière à divers époques. Il est important d’en connaître quelques-uns pour se rendre compte des difficultés que rencontra Dupleix, lorsqu’il intervint en 1749 dans les affaires du Carnatic et du Décan. Il ne pouvait réussir en ces opérations qu’à la condition de s’appuyer en France sur une organisation financière qui permît le succès. Or, elle ne le permit jamais. Les fonds furent toujours insuffisants pour préparer une campagne à l’avance, et les dettes allèrent en augmentant d’année en année.

Voici quelle était la situation au 31 janvier 1725, trois ans après l’arrivée de Dupleix dans l’Inde :

Capital (en y comprenant les 100 millions dus par le roi) 
 143.640.987 livres.
À déduire :
Dettes 
4.255.846
Fonds morts[5] et mauvaises créances 
2.119.774
Principal des rentes viagères de la loterie 
94.620 6.439.440 »
Reste capital libre 
137.201.547 livres.
Revenus :
Produits des tabacs 
8.000.000
Rente sur le roi 
300.000
À déduire rente viagère de la loterie 
9.462 8.290.538 »

Les bilans des années suivantes accusèrent successivement un capital de :

138.360.000 livres au 29 mars 1726.
138.800.000 au 11 juin 1727.
141.246.000 au 30 avril 1728.
142.093.000 au 30 avril 1728.
143.420.000 au 29 avril 1730.
142.600.000 au 29 avril 1731.
135.800.000 au 30 juin 1732.
139.600.000 au 30 juin 1733.
142.900.000 au 30 juin 1734.
145.000.000 au 30 juin 1735.
147.700.000 au 30 juin 1736.
152.000.000 au 30 juin 1737.
154.800.000 livres au 30 juin 1738.
159.400.000 au 30 juin 1739.
161.900.000 au 30 juin 1740[6].


Enfin, en 1743, au moment où Dupleix venait de prendre le gouvernement de Pondichéry, la situation était la suivante :

Capital (y compris la rente du roi) 
186.359.130 livres.
À déduire :
Dettes 
19.607.164
Fonds morts et mauvaises créances 
28.458.398
Principal des deux émissions de rentes viagères 
15.051.870 63.117.432 »
Reste : Capital libre.   123.241.698 livres.
Revenu indépendant du commerce, défalcation faite des rentes viagères 
6.785.451 »

Entre ces deux dates extrêmes où la paix la plus complète régna en Europe et dans l’Inde entre la France et l’Angleterre, le capital réel avait été réduit de près de 15 millions par diverses loteries, comme les revenus fixes avaient diminué d’un million 505.087 livres. Si le capital nominal s’était néanmoins accru, la faute en était à la perte de deux vaisseaux avec leurs chargements, aux frais nécessités par l’établissement de Karikal et aux opérations militaires de Moka et de Mahé : le tout avait coûté au bas mot 12 millions de livres, et Dumas pouvait écrire à Dupleix le 4 octobre 1743 que, si les dépenses continuaient sur le taux où elles étaient montées tant aux Indes qu’en France, elles ruineraient infailliblement la Compagnie. Il est probable, cependant, que la Compagnie n’aurait pas connu les risques redoutés par Dumas, si la guerre n’avait pas éclaté avec l’Angleterre. La période de 1730 à 1740 fut très prospère et les bénéfices commerciaux passèrent de 4.221.156 en 1725 a 6.944.240 en 1736 et à 10.367.559 en 1743. La guerre avec l’Angleterre ne la ruina d’ailleurs pas ; à la paix, elle se trouva seulement un peu plus endettée et, sans les théories économiques de Quesnay, Gournay et Turgot, qui occasionnèrent sa fin, il est probable que, son privilège renouvelé, elle eût duré autant que l’ancienne monarchie. Elle ne prêta cependant aucun appui aux projets de Dupleix, d’abord parce qu’elle n’avait aucun crédit pour les suivre, ensuite parce que Dupleix, n’ayant pas lui-même d’idée préconçue, ne les formula expressément qu’à la fin de 1753, alors que son remplacement était déjà décidé.


3. Son organisation dans l’Inde.

Il nous faut maintenant jeter un coup d’œil sur l’organisation de la Compagnie dans l’Inde elle-même. Nos établissements étaient dirigés par un gouverneur résidant à Pondichéry, choisi par la Compagnie et nommé par le roi. Tous les services étaient sous ses ordres. Il était assisté d’un second, pouvant le suppléer, et d’un conseil supérieur de cinq membres, dont il était obligé de prendre les avis, sans être tenu de les suivre. Ce conseil avait une compétence générale sur toutes les affaires commerciales, administratives, politiques, militaires, judiciaires et disciplinaires. Il établissait le programme des travaux publics et les faisait exécuter. Il effectuait les nominations provisoires pour combler les vacances, sous réserve d’approbation de la Compagnie ; il n’avait cependant contre les employés et officiers que le droit d’interdiction, qui consistait à les suspendre de leurs fonctions. La révocation ne pouvait être opérée que par la Compagnie.

Le personnel civil comprenait des sous-commis, commis de deuxième classe, commis de première classe, sous-marchands et marchands principaux. Les conseillers étaient pris parmi les sous-marchands et, plus rarement, parmi les commis de première classe. Dans les conseils figuraient aussi, parfois, des conseillers « ad honores », des conseillers surnuméraires, des conseillers avec expectative de seconds. Les conseillers titulaires étaient chacun pourvus d’un emploi spécial : procureur général, caissier, teneur de livres, garde-magasin, inspecteur général de la visite des marchandises.

L’avancement avait lieu exclusivement à l’ancienneté. Lorsqu’une vacance venait à s’ouvrir, la place était prise par l’employé du rang immédiatement inférieur ; et ainsi tout le personnel au-dessous gravissait un échelon. Ce système qui ne tenait aucun compte du mérite et des services rendus, fut plusieurs fois critiqué. Chaque année, l’état des employés était envoyé en France pour permettre le contrôle et l’envoi des agents nécessaires pour pourvoir aux vacances existant dans les emplois subalternes.


Les forces militaires de la Compagnie n’avaient rien de commun avec les troupes royales ; depuis 1719, elles étaient recrutées par elle aussi bien dans le royaume qu’à l’étranger, particulièrement en Allemagne ; ce recrutement était en général très défectueux ; les recrues, en arrivant à Pondichéry, manquaient à la fois de préparation militaire et de discipline. Toutes les troupes étaient placées sous les ordres du gouverneur, assisté d’un major-général qui exerçait l’autorité effective ; en 1722, ce major était Boutteville ; il mourut en 1726 et fut remplacé par Simon de la Farelle qui avait pris une part importante à l’expédition de Mahé. On n’employait pas encore de contingents indiens, mais seulement des topas, métis d’Européens et d’Indiens. En 1723, il n’y avait encore que quatre compagnies, dont trois à Pondichéry et une à Chandernagor. Chacune d’elles était composée de 80 Français et de 40 topas. Il n’existait de garnison, même réduite, en aucun autre comptoir. Le dépôt des troupes était en France à Lorient, devenu depuis le 9 août 1719 le port exclusif de la Compagnie. C’est là que ses officiers recevaient l’enseignement technique dans une école où l’on enseignait les sciences, les arts, l’hydrographie, le dessin et même l’écriture.


L’administration de Lorient formait un département indépendant placé sous les ordres d’un directeur, qui cumulait ses fonctions avec celles de commandant de la Marine. Une ordonnance de 1723 créa toute une organisation qui ne tarda pas à faire de cette ville une place très importante ; toutes les affaires maritimes et la plupart des affaires commerciales y furent centralisées. Dès 1720, la flotte de la Compagnie s’élevait à plus de 100 navires de tout tonnage ; ceux que l’on construisit sous l’impulsion de Law furent faits trop hâtivement et firent peu d’usage. En principe, un navire durait 14 ans et devait faire 6 grands voyages. Ceux qui furent mis à la mer dans la première partie du xviiie siècle ne dépassèrent pas 850 tonneaux, et il y en eut de moindres. Un navire de 600 tonnes coûtait autour de 185.000 livres ; chacun de ses voyages revenant en moyenne à 178.000 livres, soit 1.070.000 livres pour six voyages, c’était un capital de 1.255.000 livres à amortir en quatorze ans.

L’ordonnance de 1723 avait fixé à 25 capitaines, 25 premiers lieutenants, 25 seconds lieutenants et 25 enseignes, le nombre des officiers de marine de la Compagnie. Ce chiffre tout à fait insuffisant fut constamment dépassé. Ces officiers étaient recrutés parmi les élèves pilotins et les enseignes « ad honores » embarqués sur les vaisseaux de la Compagnie ; c’étaient, en général, des fils ou des parents d’officiers ou d’employés de la Compagnie, des fils de famille de la petite noblesse ou de la bourgeoisie. L’instruction technique leur était donnée avant tout embarquement à Lorient, où ils entraient en service, comme cadets, de 15 à 18 ans. Ils étaient embarqués ensuite et les cours d’instruction technique se poursuivaient à bord pendant leur première navigation.

Les officiers de la navigation des Indes touchaient à la mer, par mois : capitaine, 200 livres, 1er lieutenant, 120 livres, 2e lieutenant, 90 livres, 1er enseigne, 60 livres, 2e enseigne, 50, aumônier, 30. C’était peu, mais ils avaient droit, en outre, à des port-permis leur permettant de transporter en France une cargaison que la Compagnie vendait pour leur compte. Ces port-permis étaient de 16.000 livres pour les capitaines, de 5.333 pour les premiers lieutenants, de 3.200 pour les deuxièmes.

Les hommes d’équipage avaient aussi droit à des port-permis variant de 60 à 10 francs. L’ensemble des marchandises embarquées atteignait ainsi le dixième de la cargaison, mais ce chiffre était en réalité dépassé par les objets de contrebande et la pacotille que les officiers et les matelots ne se faisaient pas faute d’embarquer en fraude, sauf à encourir la confiscation, les amendes et la prison. Les officiers, en général dépourvus de scrupules, étaient au contraire d’assez bons manœuvriers, et l’on compte peu de bateaux perdus par leur incurie ou leur incapacité.


4. Le commerce d’Europe et le commerce d’Inde en Inde.

La Compagnie se livrait dans l’Inde à un double commerce, avec l’Europe et avec nos divers établissements ou comptoirs au-delà du Cap de Bonne-Espérance. L’un était dénommé commerce d’Europe et l’autre commerce d’Inde en Inde.

Le premier était un monopole de la Compagnie, Son but principal était moins d’importer dans l’Inde des marchandises de France que de lui demander les siennes propres. Aussi les bateaux partaient-ils d’Europe assez peu chargés. Ils emportaient surtout des matières d’argent, prises à Cadix qui, transformées dans l’Inde en roupies, servaient alors aux transactions commerciales : les marchandises d’Europe étaient l’appoint plutôt que le principal de ces transactions : elles consistaient surtout en draps et en fer, puis venaient, dans des quantités peu appréciables, les autres produits, notamment la quincaillerie, la verroterie, le corail, les cauris et les vins. Les retours consistaient selon les régions en guinées, percales, baffetas, guingans, sanas, salempouris, tarlatanes, mouchoirs de Mazulipatam et de Pondichéry, bétilles, organdis, étoffes de soie ou de coton, et les plus riches étaient fournies par le Bengale. Il faut y joindre le poivre, le café, le bois rouge et le salpêtre. Ces marchandises devaient être commandées plusieurs mois avant la livraison : il n’y en avait pas de préparées à l’avance. Comme il n’existait pas de fonds de roulement, on ne pouvait en principe faire une commande qu’avec de l’argent importé. Cet argent arrivait, soit sous forme de lingots, soit sous forme de piastres mexicaines. Les fonds étaient immédiatement portés à la Monnaie des souverains du pays qui, seuls à ce moment, avaient le monopole de la frappe des pièces d’argent, et, après l’opération, la plus grande partie était distribuée aux marchands. Les commandes s’exécutaient alors en toute sécurité : les marchands commençaient aussitôt à travailler et le chargement des navires pour la fin de l’année pouvait être considéré comme assuré. Les fonds envoyés par la Compagnie ne suffisaient pas toujours à assurer l’intégralité des chargements demandés ; on recourait alors sur place à quelques emprunts péniblement consentis, mais les conseils eussent préféré qu’on leur envoyât assez de fonds pour pouvoir commencer les opérations de l’année suivante sans être obligés de recourir à ces expédients. La Compagnie ne méconnaissait point la justice de ces désirs, mais ne put jamais leur donner satisfaction.

Les marchandises fournies à la Compagnie par ses différents comptoirs dans l’Inde lui coûtaient à cette époque environ 2 millions ½ par an ; ces chiffres approchèrent de 3 millions de 1725 à 1730 et dépassèrent parfois cette somme dans la suite. Arrivée en France, la cargaison était aussitôt vendue en une seule fois à Lorient et à Nantes ; on estime qu’après déduction de tous les frais, aussi bien ceux de l’armement que ceux de l’administration générale, elle donnait à peine 10 %. Elle donnait au contraire de 60 à 100 %, si l’on compare seulement les prix d’achat dans l’Inde et de vente en France.

La Compagnie avait commencé par se réserver le commerce d’Inde en Inde, comme celui d’Europe ; mais en 1722, considérant que ce dernier était plus favorable à ses intérêts et qu’il convenait de lui consacrer la totalité de ses fonds, elle permit à tous ses employés de faire le commerce d’Inde en Inde, à l’exception, toutefois, de la Chine, de Moka et des autres endroits où elle avait des comptoirs. Elle se réservait également l’usage de ses bateaux ; ses employés ne devaient se servir que de ceux des Maures ou des Gentils (Paris, 20 février 1722). En 1724, elle alla plus loin : par lettre du 12 décembre, elle ne garda plus que le commerce de Moka et résolut de ne s’intéresser dans celui des autres comptoirs que pour une somme globale de 10.000 pagodes chaque année. C’était à peu près la quinzième partie des armements ; le reste fut abandonné aux particuliers.

Le commerce d’Inde en Inde se faisait surtout du Bengale, où se trouvaient les marchandises les plus appropriées. Le Conseil de Chandernagor pouvait indifféremment armer pour Jedda, Moka, Bassora, Bender-Abbas, le Pégou, Achem, Manille et Canton, tandis que les toiles bleues de Pondichéry, qui constituaient presque uniquement le commerce de cette ville, ne s’écoulaient guère utilement qu’à Moka et à Manille.

L’armement d’un navire oscillait autour de 100.000 roupies ; il était constitué par les marchandises propres aux armateurs et celles qu’ils avaient à fret, généralement à 7 %, comme aussi les fonds qu’ils prenaient à la grosse entre 15 et 20 %. Après prélèvement des droits d’entrée fixés à 3 %, il pouvait laisser un bénéfice net de 30 à 40 %. mais ces chiffres étaient rarement atteints. Le succès d’un armement dépendait de la capacité du capitaine, mais surtout de l’habileté du subrécargue.


5. Les comptoirs de la Compagnie dans l’Inde.

Jetons maintenant un rapide coup d’œil sur les divers comptoirs ou localités où se pratiquait notre commerce de l’Inde. Et d’abord ceux de l’Inde elle-même ; c’étaient Chandernagor, Cassimbazar et Balassor au Bengale ; Mazulipatam et Yanaon aux côtes de Coromandel ou d’Orissa, Calicut, Mahé et Surate à la côte Malabar prolongée jusqu’au Konkan.


Il sera plus spécialement parlé du Bengale, où Dupleix devait pendant dix ans exercer son activité, au chapitre consacré à la situation de Chandernagor en 1731. Mazulipatam, jadis l’une des villes les plus commerçantes de l’Inde, était dans un triste état ; il ne s’y faisait presque plus d’affaires. Notre loge, concédée par firman de 1687, se trouvait à quelque distance de la mer, à proximité des loges anglaise et hollandaise. Le local que nous y occupions fut acheté par Courton en 1723 pour 390 pagodes. Le même agent avait proposé de faire l’acquisition de l’île de Divy, à l’embouchure de la Kistna. Le Conseil Supérieur ne crut pas devoir entrer dans ses vues. Cette île avait été concédée précédemment aux Anglais par un firman du Mogol, sous réserve que cette cession ne porterait pas préjudice aux droits du nabab. Celui-ci prétendit que l’île lui rapportait de gros revenus et demanda comme indemnité une somme considérable. Les Anglais aimèrent mieux tout abandonner. Le Conseil Supérieur pensa sagement que, dussions nous souscrire aux exigences du nabab, nous nous trouverions encore en face du droit de priorité des Anglais, et la Compagnie estima de son côté qu’à moins d’avantages commerciaux absolument certains, elle ne devait, quant à présent, songer qu’à affermir ses anciens établissements et nullement à en former de nouveaux.

La loge de Yanaon, fondée en 1723, dépendait de Mazulipatam : elle eut pu fournir en temps ordinaire de 3 à 400 balles de marchandises, mais en 1727 le commerce était si défectueux et l’avenir si peu rassurant que le Conseil Supérieur prit prétexte de la tyrannie des rajahs du pays pour donner l’ordre à Fouquet et Guillard, qui tenaient le comptoir, de l’évacuer momentanément, en y laissant seulement des pions pour garder les bâtiments (janvier 1728).

Mahé avait été occupé en 1721 à la demande même de Bayanor, prince du pays, pour nous permettre d’y avoir en quelque sorte le monopole de l’achat des poivres, dont Bayanor toucherait les droits de douane à la sortie. Les deux opérations se justifiaient l’une par l’autre. Comme tout de suite l’argent nous manqua pour acheter des poivres, Bayanor qui ne percevait aucun droit, crut avoir fait un marché de dupe et, en 1724, il nous expulsa, à l’instigation des Anglais, de Tellichéry, un petit port situé à 8 kilomètres au nord de Mahé. La Compagnie organisa aussitôt une expédition pour venger cet affront, et le 1er décembre 1725, une flotte commandée par M. de Pardaillan parut devant Mahé ; la ville fut reprise les 2 et 3 décembre. Toutefois, la guerre dura quelque temps encore autour de nos frontières et la paix ne fut signée avec Bayanor que le 8 novembre 1726. Cette paix n’était pas en elle-même fort glorieuse ; nous abandonnions à Bayanor nos créances sur lui estimées 70.000 fanons, nous lui faisions une sorte de don de 150.000 autres fanons et nous prévoyions divers cadeaux annuels ressemblant à s’y méprendre à un tribut : du moins nous étions les maîtres en notre loge où nous pouvions construire un fort, des magasins et habitations. Ce traité n’avait pas réglé toutes nos difficultés, nous restions en réalité en guerre avec les Anglais pour le compte d’un petit prince nommé Coyonnaire, dont les états se trouvaient entre Mahé et Tellichéry. Les Anglais attaquaient Coyonnaire et nous le soutenions. Cette situation qui pouvait amener la guerre directe entre les deux pays, finit par attirer l’attention du gouvernement de Madras lui-même, d’où dépendait Tellichéry, et il fut décidé que des négociateurs français et anglais se réuniraient au début de 1728 pour amener un accommodement. Les délégués français furent Delorme, second du Conseil Supérieur qui vint de Pondichéry tout exprès en décembre 1727, et M. Deidier ; les délégués anglais furent Adam et Et. Law. Ils parvinrent, non sans peine, à arrêter une convention, datée du 20 mars 1728, qui, après avoir réglé la situation spéciale à Coyonnaire par une sorte de neutralité, portait une clause importante, qui joua fort heureusement dans l’avenir : les Français et les Anglais prenaient l’engagement de ne jamais inquiéter mutuellement leurs forts ni d’attaquer leurs embarcations dès qu’elles seraient en vue de Mahé et de Tellichéry, quand même il y aurait guerre en Europe entre les deux couronnes.

La loge de Calicut, fondée en 1701, avait été l’origine de notre établissement de Mahé ; depuis 1720, elle n’en était plus qu’une dépendance. Bien que la ville fut infiniment plus peuplée et que le pays lui-même ne fut pas moins riche, le poivre s’y vendait plus cher, les affaires étaient moins importantes. Un employé y faisait toute la besogne avec quelques écrivains du pays.


C’est à Surate, alors la ville la plus importante de l’Inde, que nous avions commencé à nous établir en 1668 ; de ce lieu, l’autorité n’avait pas tardé à passer à Pondichéry. Les dettes contractées par l’ancienne Compagnie et qu’elle n’avait pu acquitter, l’avaient obligée à réduire le nombre de ses employés. La nouvelle voulut en 1720 rendre au comptoir son lustre primitif et elle y envoya 6 ou 7 employés qui formèrent un Conseil supérieur dont le directeur était Pilavoine. Mais les dettes qui, avec les intérêts des intérêts, s’élevaient à plusieurs millions, continuaient de peser sur les affaires et, comme nous ne fîmes aucun effort commercial, il fallut à nouveau en 1724 congédier les employés. D’Angest, Aumont, Duplessis et David repassèrent à Pondichéry où le gouverneur leur donna d’autres affectations pour éviter de les renvoyer en France. Il ne resta plus en place que le directeur Grangement, et un conseiller, Flacourt. Notre situation se trouva alors humiliée au point que le gouverneur maure nous retira le droit d’arborer notre pavillon et de délivrer des passe-ports à aucun navire particulier.

Le commerce français, comme d’ailleurs la ville elle-même, ne devaient jamais retrouver leur ancienne prospérité. Le lustre de Surate devait s’effacer peu à peu devant la prospérité croissante de Bombay.


6. Les comptoirs hors de l’Inde.

Les localités du pays où nous faisions du commerce en dehors de l’Inde étaient, par ordre alphabétique : Achem, Bassora, Bender-Abbas, la Chine, Manille, Moka et le Pégou.

Jusqu’en 1725 nous ne tentâmes rien à Achem. Les Anglais en étaient exclus depuis plusieurs années et, seuls, les Danois de Tranquebar y expédiaient des bateaux en vertu de traités remontant à quarante ans. En 1725, le roi d’Achem envoya un messager au Bengale pour ouvrir des relations entre son maître et le Conseil de Chandernagor. Ce fut le Conseil Supérieur qui répondit à ces ouvertures par l’envoi du Triton au mois d’août 1726. Le voyage fut mauvais, en raison des troubles politiques du pays. Les opérations continuèrent néanmoins les années suivantes avec des fortunes diverses, mais elles furent en général peu fructueuses.


Nous faisions du commerce avec Bassora, sans doute depuis le jour où nous nous établîmes à Surate ; quand nous nous installâmes au Bengale, nos navires partirent surtout de Chandernagor. Ce voyage, bien qu’il fut réputé avantageux, ne donnait pas toujours d’heureux résultats. En ce pays où les Anglais, les Hollandais et les Français se disputaient la clientèle, le succès tenait surtout à une heureuse proportion dans les marchandises importées et qui consistaient en mousselines, opium et soieries ; s’il en arrivait en abondance, elles se vendaient à bas prix et tout était compromis. Nous n’avions pas de comptoir à Bassora ; les navires qui venaient en ce port essayaient d’y vendre leurs marchandises pendant la durée normale de leur séjour ; s’ils n’y pouvaient parvenir, ils laissaient un subrécargue pour terminer les opérations. La défense générale de nos intérêts était confiée aux Carmes, qui exerçaient les droits consulaires sans en avoir la fonction effective ; les commerçants se plaignaient en général qu’elle fut mal assurée contre les exigences sans cesse renaissantes des autorités turques.

Les navires allant en Perse s’arrêtaient parfois à Bender-Abbas, où ils déposaient quelques marchandises. Nous y eûmes un instant une loge, mais on n’en tira jamais une grande utilité et en 1727 elle était totalement tombée en ruines. Bender-Abbas et Bassora exportaient surtout des raisins secs, des dattes, de l’ambre, du cuivre et des monnaies d’or de Venise et de Hollande.

Le commerce de Chine était réputé l’un des meilleurs, parce que les retours se faisaient en or et en marchandises propres pour l’Europe, mais il n’offrait aucune sécurité. Tyrannisés par les mandarins, trompés par les marchands et interprètes, on était encore exposé à la rapine des voleurs dont le pays était rempli. Nous avions néanmoins fondé à Canton un comptoir dont La Bretesche était directeur en 1723 avec Tribert de Tréville comme sous-directeur, Duvelaër et Renault comme employés. En 1724, Tribert remplaça La Bretesche. La Compagnie faisait généralement le commerce de Chine par des vaisseaux partant directement de France ; en 1726, elle décida qu’ils partiraient de Pondichéry, mais toujours pour son compte ; elle acceptait pourtant que les particuliers pussent y charger à fret, tant pour l’aller que pour le retour. La constance n’était pas la qualité dominante de la Compagnie ; en 1727, elle résolut de reprendre son commerce de France, tout en exprimant au Conseil Supérieur le désir qu’il continuât ses armements particuliers.


Les Français n’allaient à Manille que depuis 1720 ou 1721 ; jusqu’en 1731, un seul armement procura un bénéfice assez appréciable, d’autres n’avaient rendu que leur capital ; ceux de 1720 et 1726 donnèrent de la perte.


Le comptoir de Moka n’avait d’utilité que pour le commerce des cafés du même nom, qui venaient en réalité de l’intéricur et notamment de Betelfagui, à quelque cent kilomètres de la côte entre Moka et Hodeïda. À l’origine, la Compagnie fit directement ce commerce de France ; en 1726, elle résolut de le faire de Pondichéry et donna pour instructions à La Feuillée, chef du comptoir, de lui procurer chaque année 4 à 500 milliers de café. La Feuillée avait songé à faire un établissement à Jedda, et son second, Ingrand, avait même passé un traité avec le pacha. Mais, dans le temps où il faisait ces projets, les Anglais envoyèrent deux vaisseaux dont les capitaines et subrécargues et sept autres personnes furent massacrés par la populace. La Feuillée renonça à son idée. Il fut remplacé en 1727 par Burat, ancien capitaine en second de l’Argonaute, avec Ingrand comme second et Miran comme troisième.


On allait au Pégou pour y construire ou y radouber des navires et pour en retirer des bois, tels que le teck, du brai, des huiles et autres objets nécessaires à la navigation ; les bois y étaient pour rien. On y portait très peu de marchandises ; les paiements étaient longs et les risques très grands. Il ne semble pas que l’on eût été en relations suivies avec ce pays avant 1723. En 1729, à la suite de négociations conduites par un nommé Alvarez avec le roi du Pégou, celui-ci promit de nous céder un terrain à Prôme, ville située sur le chemin d’Ava et un bancassal ou magasin à Syriam.

Sur cette même côte d’Asie, mais plus au sud, nos vaisseaux allaient parfois hiverner à Merguy, qui appartenait alors au Siam, mais nous n’y faisions aucun commerce.


  1. Nous avons réduit au minimum l’indication des sources principales auxquelles nous avons puisé ; il faut les lire de la façon suivante :
    Ars. Arsenal.
    A. P. Archives de Pondichéry.
    B. N. Bibliothèque Nationale, manuscrits, fonds français.
    A. C. Archives du Ministère des Colonies.
    C. P.
    Correspondance du Conseil supérieur de Pondichéry avec le Conseil de Chandernagor, publiée par nous à Pondichéry de 1915 à 1918.
  2. Cette ferme lui fut donnée pour tenir lieu d’une rente de 3 millions de livres par an, dont le roi était débiteur envers la Compagnie d’Occident, comme remboursement par elle, au cours de l’application du système, de 100 millions de billets d’État.
  3. Les inspecteurs nommés en vertu de l’arrêt du 24 mars furent MM. de Fortia, Conseiller d’État, Danycan de Landivisiau, Angran et Pérène de Moras, maîtres des requêtes ; les Directeurs furent MM. Baillou de Blanpignon, Raudot, Castagnier, de Préménil, Godeheu, Hardancourt, le Cordier, Fromaget, Deshayes, Morin, La Franquerie et Mouchard. Enfin M. de Caligny fut nommé Secrétaire et de Faroüard, avocat au Conseil, Sous-Secrétaire.

    MM. Baillou de Blanpignon, Raudot, La Franquerie et Mouchard se retirèrent d’eux-mêmes peu de temps après leur nomination. Cavalier passa en Angleterre comme représentant de la Compagnie.

    Les syndics nommés à l’Assemblée générale du 27 septembre furent MM. Paris-Duverney, syndic général, de Meuves, Dartaguette, Bertrand, Saintard, Cavalier et Le Cordier.

  4. 1er Comité : les Indes. — Directeurs : Godeheu, Hardancourt ; syndic, le Cordier.

    2e Comité : Sénégal, Guinée, Louisiane, Canada, Îles d’Amérique, Archives de la Compagnie, affaires ecclésiastiques. — Directeurs : abbé Raguet, Morin, d’Espréménil. Syndic : des Meuves.

    3e Comité : Barbarie, achats, examens de comptes, inspection des livres et de la caisse. — Directeurs : Castanier, Fromaget, Deshayes. Syndic : Saintard.

    Enfin un directeur à Lorient, M. de Fayet.

    L’abbé Raguet avait été nommé directeur ecclésiastique par un arrêt du mois de mai 1724.

  5. Morellet désigne par ce terme une partie des capitaux fixes, notamment les immeubles. Il les déduit du capital parce qu’ils ne sont pas un instrument immédiat du commerce et qu’ils ne donnent aucun bénéfice.
  6. Dans le même espace de temps, le capital des actions avait varié de 680 livres en 1725 à 1330 livres en 1730, 1521 en 1735 et 2316 en 1740, pour retomber à 1986 en 1741.