Dumas.- Grand dictionnaire de cuisine, 1873/Faisan

Alexandre Dumas
Grand dictionnaire de cuisine
Texte établi par Denis-Joseph Vuillemot, A. Lemerre (p. 547-557).
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FAISAN. — Genre d’oiseau de l’ordre des gallinacés.

Le roi Crésus, assis sur son trône tout incrusté de diamants et de pierres précieuses, orné de son diadème et couvert d’or et de pourpre, demandait à Solon s’il avait jamais vu quelque chose de plus beau ?

« Oui, lui répondit le philosophe, j’ai vu les faisans et les paons. »

Le faisan a été découvert et rapporté par les Argonautes des bords du Phase, d’où il tire son nom ; de la Grèce il a passé à Rome, et de Rome dans le reste de l’Europe.

La chair du faisan est peut-être la plus délicate et la plus sapide qui se puisse trouver ; on le sert rôti, cuit à la braise, en filet sauté, en escalopes et en salmis ; quand on l’apprête à la braise, on peut le servir sur une sauce aux truffes, à la Périgueux, sur un ragoût d’olives tournées ou sur une litière de choucroute. L’auteur de la Henriade a fait sur le faisan un poëme qui vaut mieux que son poëme sur le Béarnais.

Il n’a qu’un vers :

L’oiseau du Phase est un mets pour les dieux.

Brillat-Savarin a fait sur ce magnifique oiseau une de ses meilleures méditations :

« Le faisan, dit-il, est une énigme dont le mot n’est révélé Page:Dumas.- Grand dictionnaire de cuisine, 1873.djvu/571

« L’oiseau ainsi préparé, il s’agit de l’étoffer, ce qui se fait de la manière suivante :

« Ayez deux bécasses, désossez-les et videz-les de manière à en faire deux lots : le premier, de la chair, le second, des entrailles et des foies.

« Vous prenez la chair et vous en faites une farce en la hachant avec de la moelle de bœuf cuite à la vapeur, un peu de lard râpé, poivre, sel, fines herbes, et la quantité de bonnes truffes suffisante pour remplir la capacité intérieure du faisan.

« Vous aurez soin de fixer cette farce de manière à ce qu’elle ne se répande pas en dehors, ce qui est quelquefois assez difficile quand l’oiseau est un peu avancé. Cependant on y parvient par divers moyens, et, entre autres, en taillant une croûte de pain, qu’on attache avec un ruban de fil, et qui fait l’office d’obturateur.

« Préparez une tranche de pain qui dépasse de deux pouces de chaque côté le faisan couché dans le sens de sa longueur ; prenez alors les foies, les entrailles de bécasses et pilez-les avec deux grosses truffes, un anchois, un peu de lard râpé et un morceau convenable de bon beurre frais.

« Vous étendez avec égalité cette pâte sur la rôtie et vous la placez sous le faisan préparé comme dessus, de manière à être arrosée en entier de tout le jus qui en découle pendant qu’il rôtit.

« Quand le faisan est cuit, servez-le couché avec grâce sur sa rôtie ; environnez-le d’oranges amères et soyez tranquille sur l’événement.

« Ce mets de haute saveur doit être arrosé, par préférence, de vin du cru de la haute Bourgogne ; j’ai dégagé cette vérité d’une suite d’observations qui m’ont coûté plus de travail qu’une table de logarithmes.

« Un faisan ainsi préparé serait digne d’être servi à des anges, s’ils voyageaient encore sur la terre, comme du temps de Loth.

« Que dis-je ! l’expérience a été faite. Un faisan étoffé a été exécuté, sous mes yeux, par le digne chef Picard, au château de la Grange, chez ma charmante amie Mme de Ville-Plaine, apporté Page:Dumas.- Grand dictionnaire de cuisine, 1873.djvu/573 Page:Dumas.- Grand dictionnaire de cuisine, 1873.djvu/574 Page:Dumas.- Grand dictionnaire de cuisine, 1873.djvu/575 Page:Dumas.- Grand dictionnaire de cuisine, 1873.djvu/576 Page:Dumas.- Grand dictionnaire de cuisine, 1873.djvu/577 primez les peaux et les nerfs, vous hachez ces chairs et les mettez dans une casserole que vous couvrez ; vous aurez fait un fumet de vos carcasses comme il est indiqué au fumet de lapereaux (Voyez cet article), et sa cuisson faite, vous le passez au travers d’une serviette, vous le faites réduire et y ajoutez trois cuillerées à dégraisser d’espagnole travaillée, faites réduire le tout à consistance de demi-glace et réservez-en une partie pour glacer votre entrée ; sautez vos filets, retournez-les, assurez-vous s’ils sont cuits, dressez-les en couronne, mettez votre hachis et vos truffes dans votre sauce avec un morceau d’excellent beurre, remuez le tout sans le laisser bouillir, versez-le dans le puits de vos filets, puis faites une deuxième couronne sur cette première, avec les petits filets que vous aurez fait sauter dans le beurre et glacés ; glacez le tout avec ce que vous avez conservé de votre sauce et servez.

Escalopes de faisans. — Vous levez les ailes de trois faisans et vous leur enlevez la petite peau comme à l’article précédent, puis vous les coupez en filets d’égale grosseur dont vous formez des escalopes ; vous faites fondre du beurre dans une sauteuse et vous y arrangez vos escalopes les unes après les autres ; saupoudrez-les de sel et de poivre, arrosez-les de beurre fondu, faites un fumet du restant de vos chairs et de vos carcasses, ajoutez-y trois cuillerées à dégraisser d’espagnole, mettez le tout à demi-glace, faites sauter vos escalopes, égouttez-les et mettez-les avec leur jus dans votre réduction, sautez-les, finissez-les avec du beurre, goûtez si elles sont de bon goût, dressez-les et servez avec des truffes coupées en rondelles.

Salmis de faisans. — Vous laissez refroidir deux faisans cuits à la broche, vous les dépecez et les parez proprement en supprimant les peaux ; arrangez-les dans une casserole, mouillez- les avec du consommé et faites-les chauffer sur des cendres chaudes. Mettez dans une casserole un bon verre de vin rouge ou blanc, ajoutez-y trois ou quatre échalotes hachées, un zeste de bigarade, trois cuillerées à dégraisser d’espagnole réduite, gros comme une muscade de glace ou de réduction de veau ; faites réduire le tout, pilez les peaux et les parures de vos faisans, mettez-les dans votre réduction, délayez-les sans les faire bouilPage:Dumas.- Grand dictionnaire de cuisine, 1873.djvu/579 Pâté de faisan sans truffes. — Troussez proprement le faisan et cassez lui les os, piquez-le ensuite de gros lard et de jambon, assaisonnez-le de fines herbes, persil, ciboules et épices, dressez-le sur une abaisse de pâte ordinaire avec laurier, beurre frais, bardes de lard et lard pilé ; assaisonnez de sel, poivre, fines herbes et fines épices, couvrez et façonnez proprement votre pâté et faites cuire deux ou trois heures.

Nota. — N’oubliez jamais d’ajouter le fumet ou l’essence du faisan dans votre pâté, par la cheminée, après qu’il est sorti du four. (Vuillemot.)

Soufflé de faisans. — On procède de la même façon que pour le soufflé de perdreaux. (Voir cet article.)