Du vert au violet/L’Apparition

Du Vert au VioletAlphonse Lemerre, éditeur (p. 109-110).

L’APPARITION



Je vis une femme s’avancer vers moi, ardente et pure comme la neige. Sa robe avait des plis amoureux : autour d’elle flottaient les effluves véhéments des lys, La tristesse et la volupté de la mer émanaient d’elle, et aussi le rayonnement de la mort.

Elle dit : « À l’âme que j’attire, j’apprends la haine du printemps et l’amour de l’automne. Je suis la sœur de l’autrefois et du sommeil. J’apporte dans mes mains les parfums de la Solitude. Je suis celle qui ne connaît ni le regret ni le remords. »

Je l’invoquai pieusement : « Toi qui brilles d’une si resplendissante pâleur, n’apportes-tu point un baume pour l’inexprimable souffrance humaine ? »

— Oh ! le sourire de ses lèvres qui n’avaient point prononcé ce mot : « l’Irréparable ! » —

« Je ne guéris point la souffrance, je la supprime, répondit-elle très lentement. Par moi, et par moi seule, la douleur n’est point. Je suis la Stérilité. »