Du mobilier des écoles

Revue pédagogique1, premier semestre (p. 554-569).

DU MOBILIER DES ÉCOLES.


Son importance au double point de vue de l’hygiène et de l’enseignement. — La question du mobilier, dans les établissements d’enseignement, a longtemps été regardée comme un détail sans aucune importance. Les élèves, souvent entassés dans un local presque toujours trop exigu et assis sur des bancs incommodes, y contractaient les habitudes de maintien les plus vicieuses et les plus contraires à l’hygiène. Il ne faudrait pas remonter bien haut pour trouver l’exemple d’écoles où les élèves serrés sur des bancs trop étroits, se voyaient forcés d’écrire sur leurs genoux.

Il y a une vingtaine d’années environ, on a commencé à comprendre que cette question méritait plus de considération qu’on ne lui en avait accordé jusqu’alors. C’est principalement aux États-Unis que l’on s’est le plus préoccupé de réformer les habitudes pernicieuses qui présidaient à la construction du mobilier scolaire ; on a cessé de croire qu’il fallait surtout s’attacher à gagner le plus de place possible et à réduire les dépenses.

Des professeurs compétents, de célèbres hygiénistes ont donné leur avis, et, par des statistiques établies avec le plus grand soin, ont montré quelles étaient les conséquences funestes de la négligence apportée dans la confection des tables-bancs.

Ce sont des médecins des États-Unis qui, les premiers, ont vu et signalé le danger, vers 1854. « En Europe, le mouvement fut beaucoup plus tardif ; une brochure du docteur Schreber, de Leipzig, avait signalé le mal dès 1858. Mais ce n’est qu’en 1863 qu’un médecin suisse, le docteur Fahrner, de Zurich, aborda complètement le problème, le réduisit à ses termes essentiels, et en indiqua la solution. Les observations publiées d’abord dans des recueils pédagogiques, puis réunies dans un livre devenu célèbre en Suisse et en Allemagne, déterminèrent dans ces deux pays un grand nombre d’études théoriques et d’essais de construction. La question fut bientôt étudiée sous toutes ses faces : la réforme du matériel fut proclamée nécessaire à Francfort par Passavant ; à Weimar, par le docteur Tivez ; à Berlin, par Parow ; à Zurich, Leipzig, Breslau par les docteurs Frey, Réclam, H. Cohn, Eulenburg, etc. De l’Allemagne et de la Suisse allemande, le mouvément gagna bientôt la Suisse française, où deux médecins, MM. Guillaume, de Neufchâtel, et Coindet, de Genève, ajoutèrent des observations nouvelles aux travaux de leurs confrères allemands et résumèrent les mesures à prendre dans deux excellents traités d’hygiène scolaire[1] ».

En 1873, l’Exposition universelle de Vienne donnait un éclatant témoignage des efforts qui avaient été faits pour améliorer le mobilier scolaire.

Voici ce que dit, à ce sujet, M. F. Buisson, dans son remarquable rapport sur l’Instruction primaire à l’Exposition de Vienne.

« L’exposition du matériel employé dans les écoles était une des parties réellement instructives, et peut-être la plus complète, de l’exposition scolaire ; c’était surtout une de celles où l’on avait la satisfaction de constater des progrès décisifs accomplis ou en voie d’accomplissement dans presque tous les pays.

» Il n’y a pas plus de douze ou quinze ans qu’on a commencé des études sérieuses sur la construction des bancs d’école au double point de vue de l’hygiène et de la pédagogie. Jusqu’alors, on avait suivi partout les vieux errements, sans se douter même qu’il y eût dans ce modeste domaine aucun progrès, aucune réforme à souhaiter.

» Aujourd’hui, quiconque s’intéresse à l’instruction populaire sait qu’il existe une question des bancs d’école ; et que la solution n’en est ni facile ni indifférente. »

Mauvaises dispositions de l’ancien mobilier scolaire. Accidents qui en sont la conséquence. — Dans presque toutes les écoles du département de la Seine, il faut le reconnaître, M. O. Gréard, le savant directeur de l’enseignement primaire, a remplacé ou remplace l’ancien mobilier scolaire par des modèles nouveaux, remédiant à presque tous les inconvénients signalés ; dans quelques-unes même, on a appliqué des systèmes tout particuliers, fruit de longues recherches, et qui se rapprochent davantage de l’idéal désiré.

Il ne faut pas croire qu’il suffise de montrer le mal pour qu’on puisse immédiatement le faire disparaître : la question des bancs d’école est une des plus complexes. Ce n’est qu’au moyen de combinaisons raisonnées que l’on peut parvenir à supprimer en même temps tous les inconvénients signalés, et encore est-il presque impossible de le faire sans créer d’autres inconvénients, sans soulever de nombreuses critiques.

Le mobilier de l’école a sur l’élève une influence physique et une influence morale : aussi la réforme complète de notre mobilier scolaire ne peut-elle être que le résultat des observations présentées au double point de vue de l’hygiène et de la pédagogie.

Le banc et la table d’école qui constituent la partie la plus importante du matériel scolaire, doivent être construits de telle sorte, que l’élève soit convenablement assis, qu’il n’ait à prendre, pour écrire, aucune de ces positions vicieuses, qui le fatiguent rapidement, en même temps qu’elles ont une influence désastreuse sur son organisme. Si ces conditions sont remplies, l’élève est plus disposé au travail.

Examinons quels sont les principaux inconvénients que présente l’ancien mobilier scolaire encore en usage dans un trop grand nombre d’écoles, et quelles sont aussi les conditions que doit remplir une bonne table-banc.

L’ancien mobilier se composait de longues tables, contenant 8, 10, 12 et même 15 élèves. L’espace libre laissé entre la table et le banc devait être suffisant pour que l’élève pût s’y tenir debout. De plus, le banc étant continu, chaque élève devait pouvoir entrer dans sa place et en sortir sans déranger ses voisins, 1l lui fallait pour cela enjamber le banc auquel il devenait impossible d’adapter un appui pour le dos de l’élève. Un pareil mobilier était on ne peut plus gênant pour les enfants des deux sexes ; pour les filles en particulier, il nécessitait des mouvements peu conformes aux convenances. Il y à quelques mois, nous avons visité un établissement important qui reçoit des élèves de huit à vingt ans et où l’on a adopté un modèle unique de table !

Enfin, dans l’ancien mobilier, la hauteur du pupitre et celle du banc étaient à peine calculées ; quant à la largeur du pupitre elle était toujours trop faible, et l’inclinaison de la table, lorsqu’elle existait, était rarement conforme aux indications données par les hygiénistes.

On voit immédiatement, par cette énumération rapide, à quels accidents pouvait donner lieu la négligence apportée dans la construction du mobilier. Le plus dangereux de tous est celui qui résulte de l’espace libre laissé entre les bords intérieurs de la table et du banc. Cet espace a été désigné par les spécialistes sous le nom de distance. Obligé de s’avancer sur le bord de son banc pour atteindre la table, l’élève cherche sur le pupitre l’appui qui lui manque.

Cette position tout à fait anormale le fatigue et, au bout de quelque temps, ne pouvant plus écrire facilement, il cherche à reposer sa tête sur son bras gauche qui, plié au coude, repose lui-même sur la table, ou bien l’incline, à quelques centimètres à peine de la main qui écrit.

Alors, l’une des épaules se trouve soulevée au-dessus du niveau de l’autre, la colonne vertébrale est déjetée et pour ainsi dire tordue, les côtes sont comprimées contre le bord de la table, la respiration devient difficile, et l’on voit naître, de cette position vicieuse, les plus graves affections, ainsi que l’indiquent les statistiques des médecins et des hygiénistes les plus experts.

Le docteur Eulenburg déclare que sur 300 cas de déviations de la colonne vertébrale observés à Berlin, le mal provient, dans 267 de ces cas, de causes scolaires ; le docteur Frey, de Genève, constate que, sur 400 cas observés dans l’espace de sept années, 300 fois le développement du mal a eu lieu pendant l’âge scolaire.

« En général, les médecins qui se sont occupés de l’hygiène des écoles et un grand nombre d’orthopédistes accusent les mauvaises habitudes de maintien qu’on y contracte, de produire souvent la déviation de la colonne vertébrale, et, en particulier, cette déviation qu’on désigne sous je nom de scoliose. Si, dit Fahrner, on parvient à démontrer que 90 % de ces déviations se développent pendant les années que l’enfant passe à l’école et que ces déviations répondent exactement à la position qu’il prend en écrivant, on sera certainement en droit d’accuser les maisons d’éducation d’être une des causes principales de la maladie.

» Au moyen d’un dessin qui nous paraît exact, Guillaume montre très-clairement le rapport qui existe entre la forme ordinaire de la scoliose et la position qu’on prend en écrivant, et, il ajoute que sur 731 élèves il en trouva 218 (près de 30 %) qui accusaient une déviation de l’épine dorsale.

» Les orthopédistes sont unanimes pour déclarer que la plupart des scolioses se développent pendant le temps des études. Klopsch à rassemblé les observations des médecins spécialistes, et établi que la plupart des scolioses commencent à se montrer entre 10 et 14 ans. Eulenburg seul les place d’abord entre la 7me et la 12me année.

» Quelques orthopédistes, Bouvier entre autres, refusent au genre d’occupation et au maintien toute influence sur la production de la scoliose. Mais il y à ici une circonstance qui nous paraît tout à fait concluante, c’est que la déviation de la colonne vertébrale est bien plus fréquente à droite qu’à gauche ; or, tout le monde connaît l’inclinaison du corps à droite, pendant qu’on écrit, et le fait est signalé par Guillaume. La même remarque peut s’appliquer au dessin, aux travaux d’aiguille, etc… Il est impossible de ne voir là qu’une simple coïncidence, et l’on ne peut guère expliquer la production de la scoliose ordinaire d’une autre façon. Parow, en parlant de la nécessité d’une modification des tables des écoles, dit que, sur 282 cas de scoliose, il y en avait 218, c’est-à-dire près de 79 %, pour : lesquels il était impossible de trouver aucune cause de maladie, soit interne, soit externe, et qu’on était obligé d’accuser uniquement un maintien vicieux[2] ».

Un autre mal, la myopie scolaire, est engendré par cette habitude que contracte forcément l’élève, d’approcher constamment la tête à quelques centimètres du papier sur lequel il écrit : l’œil se déshabitue à regarder de loin. L’enfant penche sa tête en avant ; par la répétition de cette attitude, il arrive à perdre la faculté d’accommodation, et au bout d’un certain temps il devient myope. Ce mal se développe bien plus rapidement encore si la tablette du pupitre n’est pas inclinée ou si elle ne l’est pas suffisamment : car, alors, soit que l’élève lise, soit qu’il écrive, l’objet qu’il fixe se présente à lui obliquement, et il est forcé pour distinguer les caractères, souvent très-petits, de faire un grand effort de l’œil. De plus, l’enfant sentant l’incommodité de cette position, en cherche une qui lui permette de voir son livre ou son cahier sous un angle plus ouvert, et alors il avance le dos et le cou, se creuse la poitrine, et comprime ainsi tout l’appareil de la respiration.

« Les premiers essais de statistique ayant pour but d’établir l’influence de l’école sur le développement de la myopie sont dus à l’Anglais Waze, et datent du commencement de ce siècle. Depuis cette époque, on trouve quelques recherches sur ce sujet, presque toujours isolées, et ne concluant pas. Il faut faire une exception pour celles du docteur Hermann Cohn, de Breslau, qui, par la méthode et la rigueur des observations, répondent parfaitement aux exigences de la science actuelle.

» C’est là un travail fort important et dont les conclusions doivent, jusqu’à un certain point, faire autorité.

» Cohn a pris pour base de son travail les résultats de l’examen des élèves de à écoles de village de Langenlielau, de 20 écoles élémentaires, de 2 écoles de jeunes filles, de 2 écoles moyennes, de 2 realschulen (écoles supérieures du commerce et de l’industrie) et de 2 colléges de Breslau.

» Sur 10,060 élèves, il en à examiné lui-même 6,059 ; les autres l’étaient d’après ses indications, par les maîtres. Cohn a encore dernièrement examiné les yeux de 410 étudiants de l’université de Breslau.

» On a établi en même temps l’âge de l’élève, le temps qu’il a passé à l’école, le moment où il l’a quittée ; on a noté avec soin les maladies des yeux à ces différentes époques, et tous ces détails ont fourni à l’examen scientifique une base tellement sûre, qu’il serait, à notre sens, fort difficile d’en établir une semblable sur le même sujet. Comme résultat, on trouve que parmi ces 10,060 élèves, 17 % n’avaient pas la vue normale, mais que ce nombre se divisait fort inégalement et de la manière suivante :

  Pour 100.
Dans les écoles de village  5,2
Dans les écoles élémentaires des villes 14,7
Dans les écoles supérieures de filles 21,9
Dans les écoles moyennes 19,2
Dans les écoles supérieures du commerce 24,1
Dans les colléges 31,7

» Parmi les 410 étudiants, on en trouvait 68 % qui n’avaient pas la vue normale (amétropiques). Si on laisse de côté l’hyperopie, l’astigmatisme et les maladies des yeux réelles, comme étant moins importantes, et que l’on ne tienne compte que de la myopie, on trouve 10 % de myopes parmi les enfants, se dédoublant ainsi :

  Pour 100.
Dans les écoles de village  1,4
Dans les écoles élémentaires des villes  6,7
Dans les écoles supérieures de filles  7,7
Dans les écoles moyennes 10,3
Dans les écoles supérieures du commerce 19,7
Dans les colléges 26,2
Il faut ajouter pour les étudiants 60,0

» On voit déjà là une ascendance régulière en prenant les chiffres en masse ; c’est bien autre chose si l’on prend chaque école d’après le nombre de classes. Qu’il nous suffise ici de citer les classes des écoles élémentaires des villes et les colléges.

Classes
VI
V
IV
III
II
I
Écoles élémentaires
»
»
2,9
4,0
9,8
9,8
Dans les colléges 12.5 18,2 23,7 31,0 41,3 55,8

» Il est d’autant plus difficile de contester les assertions du docteur Cohn qu’il montre par les tableaux détaillés que non-seulement le nombre des myopes augmente de classe en classe, mais aussi le degré de myopie. On doit dire cependant que, sur ce dernier point, les écoles des filles et les écoles moyennes font exception.

» La myopie dans les écoles est donc, en général, progressive et elle mène peu à peu à un affaiblissement marqué de la vue[3] »

Ajoutons, cependant, qu’il est inexact d’attribuer l’énorme proportion des myopes, parmi les enfants des écoles, uniquement et exclusivement au régime de ces établissements. Il est évident qu’il y a en dehors de l’école, et même à la maison, un ensemble de circonstances favorables qui contribue à produire la myopie.

L’absence du dossier n’a pas des inconvénients moins redoutables, et c’est pour ce défaut que la réforme semble devoir être le plus difficile. On prétend que l’élève doit s’habituer à se tenir droit, sans avoir besoin pour cela d’être soutenu, et que le dossier prédisposerait l’enfant à la mollesse, à l’abandon et à la nonchalance. Mais ceux qui opposent de telles raisons ne voient-ils donc pas qu’ils arrivent à un résultat absolument opposé à celui qu’ils se proposent d’atteindre ?

L’enfant ne saurait et ne pourrait tenir constamment droite la partie supérieure de son corps lorsqu’il reste trop longtemps assis. Si son dos ne trouve aucun appui, il ne tarde pas à se fatiguer, il laisse s’affaisser sur ses reins son dos et sa poitrine ; il courbe le cou, laisse tomber la nuque en avant, s’accoude et se penche sur la table. Alors, les fausses côtes viennent comprimer les organes digestifs et respiratoires ; les fonctions ne s’accomplissent plus avec facilité ; de là, des congestions qui se manifestent par des saignements de nez souvent inoffensifs, quelquefois redoutables.

Une autre source de graves inconvénients, avons-nous dit, est le manque de proportions dans les dimensions du banc et de la table. Ces inconvénients sont de plusieurs natures. Si le banc et la table sont trop petits pour l’élève, un double inconvénient se présente : les jambes de l’élève, trop longues pour venir se poser sur la barre d’appui, s’allongent au delà de cette barre et forment avec les cuisses un angle obtus, ce qui donne très-peu de stabilité à assiette de l’enfant, et fatigue beaucoup les articulations des genoux ; de plus, le coude dans sa position naturelle se trouve placé plus haut que le pupitre, et l’élève ne peut écrire qu’à la condition d’incliner son corps en avant, et pour se rapprocher de son cahier, il doit forcément donner à tout son corps une position vicieuse.

Si, au contraire, le banc et la table sont trop hauts pour l’élève, deux inconvénients se retrouvent, en sens inverse : les jambes trop courtes pour atteindre soit le sol, soit la barre d’appui, se balancent dans le vide, ce qui rend aussi fatigante que peu stable la position assise ; d’autre part, le coude se trouve placé trop bas pour permettre au bras de s’appuyer sur la table, ce qui fait que l’élève cherche à se hausser pour parvenir au niveau de son pupitre. Il s’avance sur le bord du banc, se soulève au moyen de ses bras, ne reste plus assis qu’à moitié, rentre le cou dans ses épaules, et, forcé de lever l’avant-bras pour écrire, il appuie tout son corps sur le bras droit ; alors, l’épaule droite, soulevée au-dessus du niveau de l’épaule gauche, s’ankylose dans cette position. Il en résulte le plus souvent une déformation que l’on nomme la haute épaule.

Enfin, la réunion des enfants, sur des bancs où ils se trouvent assis en trop grand nombre, encourage leur dissipation en rendant plus difficile leur surveillance au double point de vue de la discipline et de la moralité.

Conditions auxquelles doit satisfaire une bonne table-banc. — Après cet examen des inconvénients que présente l’ancien matériel, il nous est facile de fixer les conditions que doit remplir une bonne table-banc.

1° L’enfant doit se trouver assis de telle sorte que, posé en plein sur son banc, il arrive facilement au cahier posé sur le pupitre. Pour cela, il faut autant que possible, que le bord intérieur de la table et le bord intérieur du banc soient dans le même plan vertical :

Il faut que la distance soit nulle ou à peu prés.

Voici néanmoins l’objection que M. le docteur J.-B. Fonssagrives fait aux tables qui présentent une distance nulle pour les jeunes enfants :

« Le banc rapproché de la table n’a pas autant d’inconvénients que le banc trop éloigné ; mais cette disposition gène la liberté de l’enfant, et, si elle maintient davantage sa taille dans la rectitude, elle a l’inconvénient de comprimer fortement le creux de l’estomac et la base de la poitrine. »

Nous avouons ne point partager cette opinion.

Quelques hygiénistes demandent, au contraire, que pour les jeunes enfants, la table déborde de quelques centimètres sur le banc, tandis qu’ils accordent une marge de quelques centimètres entre le bord de la table et l’arête du banc, pour les adultes.

2° L’élève doit être soutenu par un dossier qui lui présente un point d’appui commode, sans encourager la mollesse et sans permettre les poses nonchalantes : on admet, en général, que le dossier doit pouvoir soutenir les reins et reposer la région lombaire.

3° L’élève doit trouver, à portée de ses jambes, et sans prendre de position anormale, une barre d’appui pour les pieds. On à reconnu qu’une simple traverse de bois ou de fonte remplissait mieux cet office qu’une planchette inclinée.

Du reste, le véritable point d’appui pour les pieds devrait être le sol.

4° Pour la hauteur du banc, on s’accorde à penser qu’elle doit être telle, que l’enfant étant assis en plein, et ayant les pieds posés sur Le sol, les jambes forment avec les cuisses un angle droit, et le tronc un autre angle droit avec les cuisses : le banc doit donc être élevé au-dessus du parquet, d’une hauteur égale à celle de la jambe de l’élève jusqu’au genou.

5° Quant à la hauteur de la table, elle doit être telle, que l’avant-bras de l’élève, quand il écrit, repose facilement et pleinement sur le pupitre : cette condition est remplie lorsque le pupitre arrive à peu près à la hauteur du creux de l’estomac.

6° L’inclinaison du pupitre doit être de 15 à 20° environ lorsqu’il s’agit d’écrire. Pour lire, il est désirable d’avoir une inclinaison plus forte.

7° L’enfant doit être commodément et pleinement assis ; la profondeur du siége doit donc être égale à la longueur du fémur de l’élève. Quant à sa largeur, elle doit être telle que toute la partie assise y repose complétement : cette condition à laquelle on ne peut satisfaire avec les bancs continus peut être facilement satisfaite avec le système à siéges isolés, de différentes grandeurs.

8° Enfin, comme principe général, l’enfant doit pouvoir gagner sa place aisément, sans déranger ses camarades ; il doit pouvoir se lever facilement, pour répondre au professeur, et de plus, la surveillance de ce dernier doit pouvoir, s’exercer facilement, et sur chaque élève en particulier.

La longueur de la place attribuée à chaque élève est encore un point à discuter : elle dépend beaucoup de l’âge de l’enfant. Elle doit être au minimum égale à la largeur du corps, d’un coude à l’autre, avec un peu de jeu de chaque côté.

Dans l’application, deux de ces conditions présentent des difficultés, ce sont : la hauteur raisonnée du banc et du pupitre, et surtout l’aplomb du bord de la table sur le bord du banc.

Pour que les tables et les bancs puissent se trouver dans les conditions voulues de hauteur pour les tailles différentes des élèves, quelques inventeurs ont imaginé des systèmes à siéges isolés, où le siége pourrait s’élever ou s’abaisser au moyen de différents appareils ; quelques-uns, pour compléter le système, ont imaginé de rendre mobile, en même temps, la barre d’appui pour les pieds. Nous étudierons plus tard les avantages et les inconvénients de ces différents systèmes ; ce que nous pouvons dire ici, c’est qu’il semblerait plus simple d’adopter dans une classe, trois ou quatre modèles de bancs, de hauteurs différentes, sur lesquels on rangerait les élèves, suivant leur taille. Toutefois, dans ce cas encore, il y aurait peut-être là une difficulté pour les écoles où l’on a l’habitude de ranger les élèves suivant leur ordre de mérite, à différentes époques de l’année.

La seconde condition, celle qui consiste à placer dans un même plan vertical les bords intérieurs de la table et du banc, présente dans la pratique des difficultés plus sérieuses.

Bancs à distance invariable. Bancs à distance variable. — Si l’on met le bord intérieur de la table d’aplomb sur l’arête intérieure du banc, il devient impossible à l’élève de se tenir debout entre la table et le banc. Pour remédier à cet inconvénient, de nombreux systèmes ont été imaginés ; ils peuvent se diviser en deux grandes classes : matériel à distance invariable, et matériel à distance variable.

Le matériel à distance invariable remédie, en général, à la difficulté indiquée par l’adoption du siége isolé ou du siége à deux places, accompagné ou non de l’isolement du pupitre. Dans ce système, chaque élève a, d’un côté au moins, un couloir assez large pour qu’il puisse s’y tenir debout pendant les interrogations, les lectures, les prières, etc… L’objection que l’on peut faire à ce système est de demander trop de place. Toutefois, nous pensons que, tant que la classe n’atteint pas des proportions qui rendent difficile la surveillance, ou fatigante la fonction de professeur, l’hygiène est d’autant plus satisfaite que chaque élève dispose d’un plus grand espace.

En somme, les bancs à deux places satisfont aux lois de l’hygiène, et la tendance qui se manifeste tous les jours de réduire le nombre d’élèves d’une même classe à 40 ou 50 au maximum, rend son application de plus en plus pratique.

Le système du matériel à distance variable se distingue par la mobilité du pupitre, la mobilité du siége, ou, à la fois, par la mobilité du pupitre et du siége.

Ces dénominations indiquent suffisamment en quoi consistent ces systèmes : il s’agit de pupitres et de siéges dont les bords intérieurs sont dans le même plan vertical, quand l’élève est assis, et qui, par différents mécanismes, laissent un espace libre entre eux, quand l’élève est debout.

Nécessité d’adopter le banc à deux places. Avantages. — Il ressort des considérations générales que nous venons d’indiquer que le moyen le plus propre pour remédier à tous les inconvénients signalés par les hygiénistes et les maîtres serait l’adoption du banc à deux places accompagné ou non de l’isolement de la table. On pourrait, ainsi, sans inconvénient, supprimer la distance, ou la réduire à deux ou trois centimètres, en laissant à droite et à gauche de chaque banc un espace assez large pour permettre à l’élève de s’y tenir debout. L’adaptation d’un dossier n’offrirait plus alors aucune difficulté, et on pourrait varier plus commodément les différentes tailles des bancs et des tables.

Enfin, ce système est celui qui satisfait le plus complètement au besoin de facile surveillance. Il offre encore un autre avantage qui a son importance. On sait combien il en coûte à un instituteur de se voir dans la nécessité de refuser un élève. Si ses classes sont pourvues de bancs continus pour 8 ou 10 élèves, le chef d’institution auquel la place fera défaut n’hésitera pas le plus souvent à serrer un peu ses élèves, pour en faire entrer 11 ou 12, par exemple, dans une table de 10. Nous avons fait ressortir les graves inconvénients auxquels donnent lieu une pareille manière de procéder, au point de vue de la discipline et de l’hygiène. Si, au contraire, le mobilier ne comporte que des sièges isolés ou des bancs à deux places, il deviendra impossible à ce maître de se livrer à un pareil abus, et 1l devra, ou refuser les élèves nouveaux ou créer de nouvelles divisions.

Les élèves auront alors une meilleure installation, les conditions hygiéniques dans lesquelles ils se trouveront seront plus favorables, et l’enseignement y gagnera.

Éd. Jourdan,
Directeur de l’École commerciale de Paris.

  1. La Question des bancs d’école, par Léon Bourgeois, Réforme économique, juin 1877.
  2. Hygiène des écoles, par Virchow. Traduction du docteur E. Decaisne.
  3. Hygiène des Écoles, par Virchow. Traduction du docteur E. Decaisne.