Imprimerie Beauregard (p. 57-).

VII

Le Poète


Comme les sables d’or qui retombent des èbes
Sur la plage où les flots chaque jour ont pleuré,
Le poète répand sur les rugueuses plèbes
L’extase de ses nuits et son chant inspiré.

Il puise, sans compter les richesses qu’il donne,
Aux sources que la vie ardente cache aux yeux ;
Et s’il ouvre la main, c’est que son rêve ordonne
De rajeunir la Terre aux sourires des cieux.


Il sent frémir le pouls agité de la foule,
Qui bat sous la douleur et le faix du métier,
Et l’humaine souffrance élabore en son moule
Tous les vers qu’il écrit dans le silence altier.

Sa lenteur va plus loin que la hâte de l’homme,
Et si, courbant le front sur les sillons fleuris
Il entend murmurer le mot que l’herbe nomme.
Son oreille et son cœur n’en restent pas surpris.

Il sait que toute flamme et que toute allégresse
Viennent d’un centre unique où tout rayonne à flots.
Beauté, Vertu, Grandeur, et que rien ne transgresse
L’ordre mystérieux dans le grand souffle éclos.

Toujours plus haut il monte au delà de tes songes,
Ô monde pantelant qui gémis sur ton or !
Et s’il épreint les cris ainsi que des éponges
Pour en sortir un long sanglot : Confiteor !


S’il met une électrode aux lèvres d’une plaie
Pour en cautériser le traumatisme abject ;
S’il relance l’abus comme on chasse une laie
Et fustige le faux dans son essor suspect ;

S’il fait surgir l’éclair dans la force latente
Qui demeure inactive en son obscurité ;
S’il te conduit vers l’astre éloigné qui le tente
À l’éclat du flambeau de sa témérité ;

S’il te dit que l’amour est la langue de l’âme
Que t’enseigne le Ciel en ses ravissements,
Ne le repousse pas, car son verbe proclame
La déroute du Mal et de ses truchements.

Écoute les accents de la Muse éternelle
Qui console toujours et n’a jamais trahi ;
Place ta confiance et ton espoir en elle,
Rayon divin des profondeurs, Gesta Dei !