Du Rétablissement de l’Impôt dans l’ordre naturel


DU
RÉTABLISSEMENT DE L’IMPÔT
DANS
SON ORDRE NATUREL.




Cet ouvrage est de M. Boesnier de Lormes[1], maître particulier des eaux et forêts de la généralité d’Orléans. Il l’a écrit, il y a plusieurs années, et c’est en vain qu’il en a sollicité la publication. Les censeurs ont dit au lieutenant de police : C’est un livre de gouvernement. Le lieutenant de police a dit : Il faut le renvoyer au contrôleur général. Le contrôleur général a fait faire l’examen par son commis. Le commis a dit à son maître : Ce livre attaque l’état des fermiers généraux dont nous avons besoin, et tous ont conclu à ce que l’ouvrage fût supprimé. Mais un homme de bon sens leur aurait dit à tous : Vous vous trompez. L’ouvrage paraîtra, mais il paraîtra en pays étranger. L’étranger à qui vous l’auriez envoyé et qui aurait payé votre main-d’œuvre, vous l’apportera ; vous payerez son industrie et voilà tout ce qui en résultera ; et cet homme de bon sens aurait raisonné tout aussi pertinemment, quand il eût été question non de l’existence des fermiers généraux, mais de l’existence de Dieu, ou ce qui est bien plus important, des droits de la couronne et même du tyrannicide. C’est qu’il faut tout permettre et sauver l’intérêt, la seule chose à laquelle on puisse pourvoir. Le livre de M. de Lormes vient bien tard. Bien ou mal discutées par les autres et par lui, on n’est guère occupé des questions qu’il agite. Tous les impôts retombent-ils sur les propriétaires des terres ? Ces impôts, tels qu’ils sont aujourd’hui, nuisent-ils à l’agriculture, au commerce et à l’industrie ? Serait-il avantageux aux propriétaires et à l’État d’en former un impôt unique et territorial ? Y a-t-il quelques moyens prompts et sûrs de répartir cet impôt unique, proportionnellement à la valeur des fonds ? Tant que je n’aurai point entendu notre Napolitain[2] discuter cette matière, je n’en saurai que penser. En attendant, je me contenterai de dire que l’ouvrage de M. de Lormes est écrit simplement, naturellement, sans passion et sans amertume, comme doit faire tout bon citoyen qui aime la vérité et qui la cherche. L’auteur né philosophe et sage chercha le bonheur à l’âge de trente ans. Avec une figure, des talents, un esprit, un caractère qui pouvaient lui assurer les agréments de la société, il y renonça pour se retirer dans une petite ferme qu’il fait valoir et qu’il n’abandonne que pour venir un moment, tous les ans, jouir dans la capitale de quelques amis qui le recouvrent avec un plaisir infini et ne le perdent jamais sans regret. Mais rien ne peut l’empêcher de retourner à ses champs qui le rappellent. Il a bravement préféré son repos et son obscurité à des fonctions publiques d’une tout autre importance.




  1. Boisnier de Lormes a publié d’autres ouvrages d’économie politique. Celui-ci n’est point indiqué dans la France littéraire, il a dû paraître vers 1766.
  2. L’abbé Galiani.