Du Consulat à l’Empire - Lettres d’une mère à sa fille/02

Du Consulat à l’Empire - Lettres d’une mère à sa fille
Revue des Deux Mondes, 6e périodetome 42 (p. 269-307).
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DU CONSULAT À L’EMPIRE
LETTRES D’UNE MÈRE À SA FILLE [1]

II
PRÈS DE LA PRINCESSE CAROLINE

Comment la transformation du Consulat à vie en empire héréditaire fut envisagée par le général et par Mme Carra Saint-Cyr, on est assez embarrassé pour le dire, car, durant six mois, la correspondance est interrompue, puisque la mère est près de la fille et qu’on n’a point les lettres de Saint-Cyr à sa femme. Toutefois, l’on peut s’en faire quelque idée par une lettre qu’il écrit à Constance, le 16 prairial an XII (5 juin). Saint-Cyr a invité sa femme à quitter Milan, à rentrer à Paris, toute affaire cessante. Il lui a envoyé des passeports du grand juge, qui ont dû lever tous les obstacles, pour elle, pour Devaux et pour leur suite. « Tu as sûrement apprécié, ma chère Constance, écrit-il, les raisons qui m’ont fait insister auprès d’Armande. La situation de notre fortune et ton intérêt même étaient de puissans motifs. D’ailleurs, la manière dont la chose s’est passée est extrêmement flatteuse pour ta maman[2]. Elle t’aura sûrement communiqué les articles de mes lettres que cela concerne. C’est dans quatre ou cinq jours, aimable Constance, qu’il faudra l’une et l’autre vous armer de courage…

« Tu as dû recevoir le petit écrin que Mme Murat me chargea de te faire parvenir. Tu ne manqueras pas sûrement de lui écrire lorsque tu l’auras reçu. L’Impératrice me fit l’honneur de me dire, dans le temps, que la procuration était partie[3].

« J’ai dîné hier chez le connétable[4]. La princesse Louis est toujours bonne, à son ordinaire. Elle me demanda avec beaucoup d’intérêt de tes nouvelles et de celles de ma femme… »

Les titres ne gênent point ; l’habitude en semble acquise tout aussitôt, et le cas de Saint-Cyr n’est point isolé. Voici qu’Armande, harassée de son voyage de cinq jours, arrive d’un premier bond, le 17 messidor (6 juillet), à Lyon, où elle s’arrête pour voir des parens de son mari ; de là, à Chalon-sur-Saône, encore chez des parens ; enfin, chez elle, à Maisons, le 22 (11 juillet). « Je ne puis te donner de nouvelles que par ouï-dire, écrit-elle à sa fille quatre jours après, n’ayant encore voulu faire aucune visite. Cette semaine, je me lancerai dans le monde, et c’est alors sûrement que j’aurai à te raconter. Cependant, d’ici au dix-huit brumaire, je me reposerai, car je crois que je ne serai en activité de service qu’à cette époque, le Couronnement ne devant avoir lieu qu’alors.

« Depuis hier soir, à huit heures, je suis toute seule, Saint-Cyr étant allé à la cérémonie qui se fait aux Invalides, prêter son serment comme l’un des commandans de la Légion d’honneur et recevoir, dit-on, la décoration de cet ordre…

« Je n’oublierai pas tes commissions et je les remplirai avec le zèle que tu sais que je mets à ce qui te concerne. Les robes de cour consisteront principalement en une queue de deux aunes (ni plus ni moins) qui s’adaptera à une robe faite à la mode ; deux boucles de cheveux tombant sur la poitrine et deux barbes d’Angleterre sans doute, ou de blonde, tombant par derrière[5]. On n’a pas cru devoir adopter les grands paniers.

« Mme Carion sort d’ici : on porte du crêpe, des gazes brochées et unies, des taffetas moirés. On met à ces dernières robes des garnitures de blonde de soie. Elle le fera les modèles des robes dont nous sommes convenues. Elle avait grand’peur que je la quittasse pour prendre Mme Germond qui a la vogue plus que jamais… »

Le 2 thermidor (21 juillet) elle écrit : « Je le dois les détails de l’emploi de mon temps depuis mon arrivée. J’ai été à Paris mercredi de bonne heure. Je fis vite une toilette du matin pour faire les visites dues. Je commençai par Mme Soult qui me reçut, comme de coutume, très bien, qui ne cessa de me demander de tes nouvelles et qui me pria de la rappeler à ton souvenir. De là nous fûmes à Villiers[6], nous ne trouvâmes personne. Nous revînmes à. l’hôtel rue Cerutti[7] ; personne : nous fûmes chez la princesse Louis[8], personne. Je rentrai chez Mme Caillat qui nous avait prêté son appartement[9]. Le soir, je fis une grande toilette pour Saint-Cloud. Je ne fus pas plus heureuse. L’Empereur était parti à deux heures après midi et l’Impératrice était incommodée. Nous revînmes donc Saint-Cyr et moi nous coucher… Jeudi je me remis en route, par un temps affreux, pour Villiers. À moitié chemin, je rencontrai M. Fajac qui venait d’avoir une audience du général Murat dont il ne paraissait pas bien satisfait. Je ne lui dis qu’un mot, nous avions chacun nos affaires en tête. J’arrivai donc et fus de suite introduit chez la princesse. Elle était dans son lit, malade d’un commencement de grossesse, à ce qu’elle croit[10]. Elle m’a parfaitement reçue, m’a proposé, lorsque je serais bien reposée, d’aller passer un mois avec elle. Ensuite nous avons entamé la conversation sur toi. J’ai parlé du désir que tu aurais de venir à Paris, non pas en retirant ton mari de la place qu’il occupe, mais lui obtenant un congé. Il m’a paru que cela pourrait avoir lieu… Je restai une bonne heure chez Mme Murat ; je ne parlai de rien d’essentiel parce que Mme de Rocquemont[11]ne nous quitta pas d’une minute. La princesse me dit que nous t’enverrions la gravure des robes de cour, que cela t’amuserait. Le costume est décidé, on y travaille beaucoup à Saint-Cloud, Mme Germond et beaucoup d’autres femmes.

« Je ne suis pas encore bien au courant des modes. Il m’a paru que les tailles se portent longues. Pour le matin, en grand négligé, ce sont de grandes capotes de percale ; autour du col des fraises d’organdi empesé, plissé à coquilles si la robe monte haut. Si non, ce sont des fichus de même. Je t’enverrai un des bonnets de chez Mme Despaux qui me plaisent beaucoup. Ils sont de soie torse. C’est une espèce de filet élastique. C’est très joli. Le mien est jaune. Je crois que je le prendrai de même couleur pour toi. En parure, on porte beaucoup de fleurs, non avec des guirlandes, mais des tiges qui s’arrangent sur la tête, feuille par feuille. »

Le 4 thermidor (23 juillet) elle écrit, toujours de Maisons : « Pour moi, je suis souvent seule parce que Saint-Cyr est dans l’obligation d’aller souvent à Paris et que, n’ayant pas encore d’appartement, je préfère rester ici plutôt que de rue nicher dans un hôtel garni. Cela est cause que je n’ai fait que les visites d’absolue nécessité et que je n’ai vu personne que Mme Murat., L’Impératrice est partie hier pour Aix-la-Chapelle où elle va prendre les eaux, ce qui me dispense de Saint-Cloud pour quelque temps. Ce voyage ferait croire que celui de l’Empereur se prolongera. On parle beaucoup de la descente et on prétend que tous ceux qui doivent en être ont reçu ordre de partir et n’ont eu que six heures pour leurs préparatifs. Le ministre de la Guerre est parti avant-hier au soir. La formation des maisons princières est donc remise à plus tard : mais Mme Murat ne la perd pas de vue. » « Tu sauras, écrit Mme Saint-Cyr le 7 thermidor (26 juillet), que Saint-Cyr a vu il y a trois jours Mme Murat qui lui dit que je devais aller passer quelque temps chez elle (à ma première visite elle m’y engagea fortement), qu’un de ces jours elle m’écrirait à ce sujet. Ainsi je m’attends la semaine prochaine à aller m’établir à Villiers. Cela me fait croire que si ma nomination n’est pas faite, c’est tout comme. »

En attendant[12], elle reçoit, elle donne à dîner. « Le général Broussier[13]ne put pas venir parce que des affaires de service l’obligèrent de rester à Paris. Mais j’eus Macdonald que j’avais invité et sur qui je ne comptais pas, devant aller chercher sa femme qui est aux eaux d’Aix-la-Chapelle. Il se mit effectivement en route en sortant de chez moi. Tu sauras donc que Mme Macdonald, pour avoir passé des neuf nuits de suite, au bal l’hiver dernier, est tombée dans une fièvre lente, grosse de quatre mois, attaquée de la poitrine et condamnée de tous les médecins[14]. Aussi son mari est-il dans une grande affliction. Il a toujours ses deux petites à Saint-Germain[15]C’est aujourd’hui l’exercice chez Mme Campan.

« Je suis allée hier à Paris pour tes commissions… Tu ne recevras cette fois qu’un bonnet, d’un genre tout nouveau. Il n’y a que les deux princesses Louis et Murat, Mme Bernadotte[16]et moi qui en ayons jusqu’à présent. Il faut que les cheveux soient plats derrière, car on ne fait plus les choux saillans, et que le bonnet soit placé de côté. Il est tout prêt à mettre et le ruban retourne nouer sur la tête. J’espère que tu le trouveras joli. Du reste, je suis encore très peu au courant de la mode, mais on porte généralement des tailles beaucoup plus longues. Les femmes comme il faut ne peuvent sortir le matin la tête nue. Les cheveux étant coupés à la Titus, il faut absolument ou un chapeau de percale pour le très grand négligé ou bien un chapeau de crêpe lilas très grand, avec une tige de cloches de même couleur. La tige de fleurs sur le bonnet ou le chapeau est de première nécessité. »

On n’est pas sans s’impatienter à Maisons. « Je n’ai encore rien de nouveau à l’apprendre nous concernant, écrit Mme Saint-Cyr le 16 thermidor (4 août)… » Mais ce qui l’agace, ce sont les quatre lieues à franchir a toute occasion ; c’est d’être à Maisons, « l’éternel Maisons. » Ses amis s’entremettent pour le lui faire vendre, surtout Mme Soult, qui est de tout et qui prend constamment parti pour les Saint-Cyr : il faut les défendre, car ils ont le vent en poupe et ils ont bien marié leur fille. Mme Soult, qui vient déjeuner le 16, amène une « Mme Gautier, épouse d’un adjudant-commandant qui est employé à l’Armée de Boulogne, lequel est pressé par le maréchal Murat de faire une acquisition près Paris[17]. » Il se présente aussi M. Haller, ancien banquier. Est-ce le Haller de l’armée d’Italie ? « Cela paraît lui convenir, mais plus ils ont d’argent, plus ils marchandent. » Deux ou trois autres personnes doivent venir voir. Toujours pas de nomination. « La Cour est absente de Paris, aussi dit-on qu’il est désert, ce qui fait que je me repose ici tout tranquillement. »

Enfin, sans que le décret ait paru, la princesse forme sa maison, — au moins à l’essai, — et c’est de Neuilly où elle est installée que, le 25 thermidor (dimanche 12 août), Mme Saint-Cyr écrit : « Tu ne seras pas étonnée, ma bien chère petite fille, de voir ma lettre datée de ce pays, puisque tu savais que je devais recevoir une lettre qui devait m’y appeler. C’est ce qui m’arriva jeudi au soir, au moment où je montais en voiture pour me rendre à Paris. C’est ce que j’effectuai le vendredi. Je vins ici faire une visite, on m’engagea à rester ce même jour. Je refusai, parce que l’invitation ne portait que pour le dimanche. Je fus aussi, ce même vendredi, faire ma visite à Mme Louis, de qui je n’avais pas encore été reçue. Je la trouvai cette fois, toujours la même, aussi affable, bonne. Elle ne cessa pendant très longtemps de parler de toi, combien tu avais dû avoir de chagrin[18], etc. Elle se rappela avec plaisir qu’elle avait dansé à ta noce. Survint là Mme Campan qui me demanda de tes nouvelles et si tu n’avais pas reçu des Dialogues qu’elle t’avait envoyés[19]. Je l’assurai bien que rien de semblable ne t’avait été remis. Elle a engraissé beaucoup et est toujours la même[20]. Je sais d’aujourd’hui que je suis décidément nommée dame d’honneur de la princesse Caroline et cela accordé par l’Empereur. Les autres nominations ne se feront qu’au retour de Sa Majesté. Saint-Cyr m’a accompagnée ici hier et repartit le soir.

« Je suis embettée (sic) aujourd’hui, je ne sais trop pourquoi. Le temps est affreux, le vent souffle de tous les côtés, quoique mon petit appartement soit gentil. Je suis logée tout près de Mme de Rocquemont. Je sais, sous le sceau du secret, qu’elle est nommée gouvernante des enfans. Je vais finir ma lettre parce que je n’ai pas une idée dans la tête, et puis je n’ai pas encore pris l’habitude d’être chez d’autres que chez moi ou chez toi et, à mon âge, on prend difficilement un autre genre de vie. Cependant, je n’ai qu’à me louer des égards et de l’honnêteté de tous. »

Deux jours après : « Maintenant je vais te donner des détails de nos occupations journalières. Nous vivons très retirés. Le soir, quelques aides de camp restent et on joue à des jeux innocens. On se couche entre onze heures et minait. Ce soir, à huit heures, j’accompagne Mme la Maréchale aux Invalides où il se chante un Te Deum pour la fête de l’Empereur et nous revenons coucher ici. Demain, Mme Germond doit venir essayer l’habillement de cour de la princesse. Il est convenu que, quand il sera confectionné, Mme Dupont en fera un semblable sur une poupée qui te sera envoyée. Mme Murat est persuadée que cela t’amusera beaucoup. Au reste, pour ces dames, il sera plus riche que joli.

« …Le temps continue à être détestable. Il me rend malade, il m’agace les nerfs. J’attends Saint-Cyr qui vient dîner avec nous. Nous avons des toilettes à faire. C’est pourquoi ma lettre ne sera pas longue. »

Qu’elle trouve pesant l’assujettissement auquel elle est contrainte, on s’en aperçoit au premier jour. « Nous ne cessons d’être arrosés, écrit-elle le 30 thermidor (18 août). On ne trouve pas dans la journée une demi-heure pour sortir et tu dois juger de la contrariété que j’en éprouve. Cela m’apprend qu’il faut se faire à tout et je suis vraiment étonnée de ma souplesse. Mme Murat, comme tu le sais sans doute, est très sédentaire, et n’aime pas à voir du monde, de sorte qu’excepté quelques personnes dans l’intimité, elle ne reçoit pas. Cependant, elle s’est décidée à prendre un jour, et c’est les lundis. Ainsi, après-demain au soir, ce sera la grande représentation. Je ne sais pas encore si je m’y trouverai, car mon service ne commencera que le dix-huit brumaire.

« Nous sommes allées, jeudi soir, au Te Deum. C’était fort beau, la musique très bonne, mais la cérémonie véritablement ennuyeuse par sa longueur. Nous étions dans la tribune des princesses, de sorte qu’étant derrière elles nous perdions le coup d’œil. Nos soirées se passent en lecture et en conversation. Dans la journée, c’est-à-dire après le déjeuner, je reste avec Mme Murat une couple d’heures suivant les affaires qu’elle a à régler. Alors je me retire dans mon appartement où je lis et écris et où souvent je m’ennuie, parce que je suis bien circonscrite dans mon cercle et que je n’ai pas les mêmes ressources que chez moi. A quatre heures, je fais un bout de toilette et à cinq je me rends à mon poste. Je suis on ne peut plus satisfaite de Mme Murat. Elle est toute bonne pour moi et d’une honnêteté parfaite. Le maréchal aussi et jusqu’à Mme de Rocquemont qui, entre nous soit dit, n’était pas d’abord très prévenue en ma faveur, je l’ai forcée à en venir là, et nous sommes très bien ensemble maintenant.

« J’ai vu avant-hier Mme Lambert qui vint voir Mme Murat. Elle me sauta au col et me demanda de tes nouvelles avec beaucoup d’empressement. Elle est charmante, elle a un très bon maintien, parle avec facilité et se conduit à merveille. Elle a grandi et pâli ; ses traits ont bien grossi, mais au total, c’est une femme très agréable. J’ai déjà vu aussi assez souvent Mme de Souza, autrefois Mme de Flahaut[21]. Tu sais qu’elle est auteur d’Adèle de Sénanges, Charles et Marie, etc. C’est une femme aimable dans toute l’étendue du terme. Il est rare qu’une femme auteur soit goûtée en société, eh bien ! elle se met à la portée de son auditoire et, avec des petits riens, vous fait passer des heures comme des minutes. »

Et le lendemain elle écrit : « Hier au soir sont arrivées Mme et Mlle de Lagrange[22]. Je présume qu’elles vont passer quelques jours. Cela fait que je pourrai sans inconvénient revoir mon chez moi de Maisons que j’ai quitté depuis onze jours. »

Un temps se passe sans que Constance donne de ses nouvelles. Mme Saint-Cyr est bien inquiète. Le 27 (14 septembre), rassurée enfin, elle écrit de Maisons : « Tu as dû t’apercevoir par les différens lieux d’où j’ai daté mes lettres que depuis plus d’un mois je ne suis fixée nulle part. Je n’ai cessé tout ce temps d’aller de Maisons à Paris, de Paris à Neuilly, et toujours comme cela. J’étais ambulante. Depuis deux jours je suis ici et, ayant pris congé pour quelque temps, je vais me remettre, soit dit entre nous, de la contrainte que j’ai éprouvée. D’ailleurs, je vais avoir la famille de Saint-Cyr…

« Je ne pense point encore à t’envoyer des modes, parce que, d’abord, Mme Murat n’a pas été de cet avis, n’y ayant absolument rien de nouveau. Dans le monde, ce sont toujours des tailles très courtes. En négligé, tout robes courtes en percale brodée et garnie en belle dentelle. Ensuite on met, si l’on veut, une juive aussi brodée tout le tour et garnie de même, mais sans taille. C’est une ceinture en percale qui attache devant et, pour cacher cette ceinture, on a une bande de percale, coupée en dents de loup et brodée à jour qui retombe dessus. Les dents sont courtes. Voilà les déshabillés élégans de la princesse. Le soir, elle a de petites robes, rondes toujours, de taffetas de différentes couleurs, les unes garnies en crêpe, les autres de même étoffe posée à cheval et froncée comme avec des rubans. Ce que tu peux te donner qui est très joli et que je lui ai vu, c’est une robe de crêpe rose à queue brodée en coton blanc. C’est très élégant. Quand la Cour sera de retour, c’est alors que je te parlerai modes et que je pourrai faire tes emplettes, mais, en ce moment, Paris est tout à fait désert, il n’y a d’élégance dans aucun genre. »

Elle est encore à Maisons le 30 fructidor (1T septembre) : « Coppe a fait partir douze paires de souliers pour toi ; j’espère qu’il se sera bien rappelé ta mesure. Du moins il me l’a assuré. Il te les fait au même prix que Menier et il t’en enverra huit paires tous les mois comme nous en sommes convenues. On trouve assez généralement que Mme Murat est mal chaussée et il n’y a qu’elle qui se trouve bien. Ses souliers ont le même défaut que les tiens. Ils sont trop couverts et trop pointus. Et puis, elle n’a pas la jambe et le pied aussi jolis et aussi parfaitement faits que les bras et la main. J’aurai de ses nouvelles aujourd’hui par Saint-Cyr qui est allé à Paris hier après déjeuner pour se rendre le soir à l’assemblée de Neuilly. Tous les lundis, les assemblées sont la répétition des cercles de Saint-Cloud, excepté qu’ils sont moins nombreux. Le premier a été mortellement ennuyeux, mais ceux auxquels je me suis trouvée depuis ont été supportables parce qu’on y a joué. J’y ai vu Mme Grua qui est à Paris avec Lechi.[23]Elle a dû être belle, mais tout le monde se moque de sa poitrine qui est maintenant assez basse pour reposer sur son ventre. Il y a encore Mme Saint-Martin qui fait beaucoup d’effet[24]. Les autres femmes, ce sont toujours les mêmes. Il n’y a pas de nouvelles beautés remarquables, si ce n’est Mme Mollien[25], dame de l’Impératrice. On ne se présente pas avec plus d’assurance et de décence. Elle est bien, mais je ne la trouve pas belle.

« Il faut apprendre maintenant à faire la révérence, car les petites salutations d’autrefois, c’est-à-dire de la Révolution, ne sont plus de saison. Ainsi exerce-toi d’avance pour les savoir bien faire quand le temps viendra… »

Le 5 vendémiaire (jeudi 27 septembre), elle écrit : « Je ne suis revenue de Paris qu’hier pour diner. Tu sais que j’y fus dimanche dans l’intention d’aller à Neuilly lundi soir, ce que j’exécutai. On me reçut fort bien. Le maréchal et madame me dirent pourquoi je n’y étais pas allée diner, Saint-Cyr y étant et ayant été invité. Ils m’observèrent que je n’avais pas besoin d’invitation. Mais tu ne devinerais pas qui m’obstruait l’entrée du salon lorsque j’arrivai. Deux personnes qui, depuis six mois, n’étaient venues à Paris : Mmes Petiet et Isidore. Elles sont toujours les mêmes. Elles m’ont beaucoup demandé de tes nouvelles, surtout la dernière qui se plaint toujours de ton silence. Il y avait beaucoup de monde et c’est un des plus jolis jours d’assemblée. Mme Talhouet, qui y était, s’informa aussi de ta santé. Mardi, je me suis occupée de tes commissions… Je me suis aussi occupée de faire mes emplettes pour le costume de cour. Beaucoup ont pris du nacarat, du cerise, du ponceau. Je m’étais décidée pour cette dernière couleur, mais je n’en ai plus trouvé. J’ai voulu alors, ne pouvant être remarquée par la couleur la plus éclatante, l’être par une couleur plus modeste et dont à coup sûr il y aura fort peu. Ma queue sera donc, d’un velours de très joli gris ; il en faut huit aunes et autant de satin blanc pour la doublure. C’est Mme Germond, chez qui je suis allée, qui me l’a coupée, ainsi que la robe de satin, et c’est Mlle Lolive qui me la fait broder. Mon dessin est une guirlande de pommes de pin. La pomme sera en finition en or mat et la tige et les feuilles en laine. La broderie ne peut avoir que quatre pouces de largeur. Voilà, ma chère Constance, en quoi consiste le costume adopté. Tu me vois déjà écrasée sous le poids de vingt-deux aunes d’étoffe sans compter la broderie. Tu dois juger de la figure que je ferai avec cela, mais au reste il y en aura d’aussi embarrassées que moi. »

Le 15 vendémiaire (7 octobre), Mme Saint-Cyr, qui prend la belle résolution de numéroter désormais ses lettres et qui malheureusement ne la tient pas, écrit à sa bien-aimée Constance : « L’Impératrice est de retour depuis hier au soir, c’est ce qui me fait aller à Paris ce soir pour me présenter à Saint-Cloud demain au matin, et, ne l’ayant pas vue à mon arrivée d’Italie, je suis bien aise de me montrer des premières. Le soir, nous irons à Neuilly et je te rendrai compte de tout ce que j’aurai vu[26]. Quant au luxe dont tu me parles, c’est toujours tel que tu l’avais vu. Nos costumes de cour par exemple nous reviendront fort cher. Je t’en ai donné des détails par ma dernière et, tout fait, il reviendra au moins à deux mille francs. Je ne suis pas étonnée du calcul du maréchal Jourdan et je trouve qu’il a tout mis au plus bas, mais on n’est pas maréchal d’Empire pour rien. »

Évidemment, Mme Saint-Cyr prend difficilement son parti de la sujétion où elle est réduite ; sa fille a remarqué dans ses lettres quelque tristesse. « Cela vient souvent de la situation où je me trouve, répond-elle ; par exemple, de Neuilly ou peu de temps après en être partie, tu me trouveras un style gêné parce que je suis si contrainte et si gênée que cela prend sur mon humeur et sur ma santé. »


Elle n’est d’ailleurs pas plus avancée, et rien n’est fait pour les nominations. Elle écrit le 20 (12 octobre) : « Je fus au cercle de Mme Murat lundi au soir. Elle me demanda de tes nouvelles. Cela me fait rappeler que tu devrais lui écrire, surtout après l’intérêt qu’elle m’a témoigné t’avoir conservé lorsqu’elle t’a su malade. Du reste, elle m’a reçue un peu froidement parce que je ne reste pas à Neuilly ; je n’y ai pas un appartement assez commode pour la saison qui commence à être froide et pluvieuse, et puis je suis bien aise de savoir quelle sera décidément la place que je devrai occuper. Je lui ai donné pour excuse le séjour chez moi des frères et belles-sœurs de mon mari.

« J’ai été rendre mes devoirs à l’Impératrice, mercredi matin. Elle m’a reçue comme de coutume et s’est informée de ta santé. Mme Savary me parla beaucoup de toi, ainsi que Mme Talhouet. Mme de Luçay me demanda de tes nouvelles, elle n’a pas embelli, non plus que sa fille. Mme de Colbert[27]y arriva, elle est laide et, je crois, bête. Mme de Larochefoucauld[28], dame d’honneur, beaucoup plus petite que moi, excessivement contrefaite, n’étant plus jeune, mais paraissant avoir de l’esprit et s’exprimant très bien, Mesdames Lauriston et d’Arberg[29], voilà quel était le nombre des dames de l’Impératrice. D’étrangères il n’y avait que Mesdames Fleurieu[30], Chauvelin[31]et moi. J’y arrivai à deux heures et n’en repartis qu’à quatre.

« L’Empereur est arrivé hier matin et la princesse Louis est accouchée avant-hier d’un second prince[32]. Je compte aller après déjeuner chez Mme Murat.

« J’espère que bientôt Saint-Cyr et moi nous connaîtrons notre sort. Et à moins qu’il n’ait une destination dans une armée active, je me propose de le suivre partout. Le séjour de Paris serait un supplice pour moi sans lui et sans ma chère Constance…

« Je te permets, ma bien-aimée, de couper tes cheveux, mais j’exige de toi, toujours d’après ta déférence à mes conseils, de les laisser grandir quand ils ne tomberont plus. Tu ne les auras plus jamais aussi beaux qu’ils étaient, mais cependant ils pourront bien revenir et tu pourras en avoir encore assez pour n’être pas obligée, au bout d’un certain temps, de mettre un cache folie, ce qui n’est pas aimable, je le sais par expérience et tu peux m’en croire. Adieu, ma chère Constance, je vais faire un petit bout de toilette pour voir Mme Murat, elle s’est fait saigner il y a trois jours. »

Pour achever de lui donner le dégoût de sa situation, voici qu’à présent on lui retire la place qui lui avait été promise : « Lundi dernier, écrit-elle le 30 vendémiaire an XIII (22 octobre), en me rendant à la soirée de Mme la maréchale Murat, elle m’annonça qu’elle avait reçu l’arrêté de l’Empereur qui me nommait près d’elle une des dames pour accompagner. Mme de Beauharnais, parente de l’Impératrice[33], dont le mari est sénateur, est sa dame d’honneur. Tu penses, ma bien-aimée Constance, qu’il n’a pas pu exister de concurrence entre elle et moi, et j’ai dû être sensible à la manière toujours aimable dont Mme Murat m’a annoncé qu’en cas de maladie ou d’absence de Mme de Beauharnais, ce serait moi, comme la première des dames pour accompagner, qui remplirais ses fonctions et, à cet effet, elle n’a voulu d’abord présenter à l’Empereur que moi et Mlle de Lagrange (actuellement Mme Adélaïde Lagrange) ; les autres ne seront donc nommées que par un arrêté postérieur au mien. Je ne te parlerai point des autres marques de bonté et d’intérêt que m’a témoignées Mme Murat en cette circonstance. Il te suffira de savoir que je me trouverai satisfaite de mon sort, tant que ma santé se soutiendra aussi bonne qu’en ce moment.

« Maintenant, je vais t’entretenir de ce qui vous regarde, parce que tu sais que je n’ai de pensée que pour toi et de bonheur que par toi. J’ai été à même de remarquer d’une manière non équivoque que le général et Mme Murat n’ont pas vu avec plaisir que Charpentier se fût prononcé (dans la circonstance du couronnement) d’une manière aussi formelle pour rester en Italie. Elle s’en est expliquée avec moi sans détours et le maréchal en a fait de même avec Saint-Cyr. Ils ont pensé qu’il sacrifiait trop à ses intérêts personnels et pas assez à son dévouement pour l’Empereur et son gouvernement. Tu crois bien que nous avons répondu et fait valoir ses raisons comme Charpentier l’aurait fait à notre place. Cependant, nous eussions désiré qu’il eût montré, comme presque tous les autres généraux, le désir de se trouver à la cérémonie du Sacre. Cet acte d’empressement aurait produit le meilleur effet, le refus n’aurait rien changé à sa position et, dans le cas contraire, sa présence momentanée à Paris n’aurait pu qu’être avantageuse à ses intérêts.

« Saint-Cyr n’a toujours point de destination, mais tout prouve qu’il est vu de l’Empereur avec bienveillance. »

Nul n’est dévoué à l’Empereur comme le maréchal Murat, si ce n’est la princesse, et l’on voit comme ils comprennent dans leur inspection des généraux qui ne sont même pas du gouvernement de Paris. La domination ne s’étend pas seulement sur la dame pour accompagner, mais sur sa fille, le mari de sa fille et l’on en verra bien d’autres exemples. « Tu vas te plaindre de mon silence, ma bien chère et bien aimée Constance, écrit Mme Saint-Cyr le 7 brumaire (29 octobre), mais tu jugeras qu’ayant été de service toute la semaine dernière, je n’ai pas de moment à disposer en ta faveur. Enfin, Mme Adélaïde Lagrange a pris ma place hier et me voilà libre pour huit jours. Le service consiste à être rendue chez la princesse entre midi et midi et demi. Il faut recevoir les visites jusqu’à quatre heures et demie. Ensuite, je viens faire ma toilette du soir. J’y retourne le soir pour rester ou accompagner la princesse si elle sort. Voilà nos occupations de tous les jours ; je te laisse à en juger.

« J’ai vu chez Mme Murat, Mme Olivier[34]qui y a été présentée par la générale Pille ainsi que sa fille aînée[35]. J’y ai vu mesdames Lambert et Pannelier qui m’ont chargée de te dire mille belles choses. Mme Petiet a enfin pris sur elle de me faire une visite. Elle me la fit vendredi au soir et, samedi, nous dînâmes ensemble chez la princesse. Le soir, on fit de la musique et on valsa un peu. On saute à présent beaucoup. Depuis que nous avons quitté Paris, la danse a totalement changé. Ce sera des nouvelles leçons que tu auras à prendre, mais tu seras bientôt au fait. Isidore m’a bien priée de te dire qu’elle ne t’a point oubliée et qu’elle t’aime toujours de tout son cœur. C’est aujourd’hui jeudi et jour de cercle et tu penses qu’il faut que je m’y trouve.

« Le Couronnement est renvoyé au 15 frimaire et beaucoup croient qu’il n’aura lieu qu’à Noël. On m’a dit que M. de Melzi[36]devait venir au couronnement. »

On pense bien qu’avec l’existence qu’elle mène, Mme Saint-Cyr a dû quitter Maisons. Elle a pris un appartement au Grand Hôtel du Nord, rue Richelieu. Elle écrit le 14 brumaire (5 novembre) : « C’est aujourd’hui [lundi] que je reprends mon service. C’est le jour de grande représentation. Tu devrais ces jours-là faire toilette et t’imaginer être à côté de moi à faire les honneurs. Tel est notre emploi. Je suis allée à Saint-Cloud jeudi dernier parce que je reçus un billet de l’Etat-major qui nous avertissait que l’Impératrice recevrait, à huit heures et demie, les dames des généraux qui avaient déjà eu l’honneur de lui être présentées. Elle fit le tour des deux salons qui étaient pleins de monde, dit un mot à chacune et se retira dans ses appartemens à neuf heures un quart. Voilà tout l’emploi de ma semaine. »

Le 21 brumaire (12 novembre), on est enfin fixé sur la date de la cérémonie. « On dit, écrit Mme Saint-Cyr, que le Couronnement doit avoir lieu le 11 prochain. L’ordre pour les généraux est parti hier. Ils doivent être à Paris le 7. Tu vois qu’on ne leur donne pas le temps de délibérer. Au reste, je crois que sur qui que ce soit que le sort tombe, leur empressement prouvera combien ils désirent se trouver à une cérémonie qui ne se voit pas tous les jours. Le général Murat me demande sans cesse si Charpentier ne vient pas. Il doit en savoir plus que moi et ton mari aussi.

« C’est encore lundi aujourd’hui et cercle, par conséquent. Nous avons eu, samedi dernier, la présentation des ambassadeurs chez la princesse Caroline. À midi, nous étions toutes parées. J’ai vu aussi dans la semaine la princesse Louis qui me demande toujours très obligeamment de tes nouvelles. Mme Mathieu est auprès de Mme Joseph[37] ce que je suis près de Mme Murat. On fait en ce moment, dit-on, un livre d’étiquette, il est attendu avec impatience par chacun pour savoir ce qu’on a à faire…

« Il n’y a point de nouvelles ici dignes de toi. Il existe le luxe le plus recherché sur les étoffes de la saison, et surtout les garnitures en blonde très haute sont très à la mode ; les blondes ont remplacé les tulles pour les manches et le tour de la gorge. Du reste, les tailles sont toujours courtes et les robes lacées derrière. »

Du 23. — « J’ai été avant-hier, dans un cabriolet mené par Saint Cyr, à Villiers, voir Achille[38], qui a repris ses attaques d’épilepsie, qui a été fort mal, et qui n’est pas encore bien ! Le soir, je me rendis au cercle, il fut très brillant. Demain, nous avons une réception d’ambassadeurs chez notre princesse ; ainsi tu vois que, sans être de service, souvent, je me trouve obligée d’être là. »

En effet, — et l’on ne peut dire que ce soit là une sinécure. « Tu as vu par mes précédentes, écrit-elle le 28 brumaire (19 novembre), l’emploi de mon temps dans mes nouvelles fonctions, et, comme cela se répète de huit jours en huit jours, j’ai peu de momens à moi ; mais je crois et j’aime à croire que bientôt notre service ne sera pas aussi assujettissant. Cela dépend du nombre. Nous devons être quatre et nous ne sommes encore que deux. On dit que Mme Saint-Martin, femme de l’ancien préfet de Verceil, va être des nôtres.

« Tu veux des On dit. Eh bien ! on dit que l’Empereur part mercredi prochain pour Fontainebleau, où il recevra le Pape, et qu’il sera marié devant l’Église, ne l’étant pas[39]. On dit que les princesses iront aussi à Fontainebleau ; j’ignore si, comme dame de semaine, je serais du voyage s’il se faisait. On dit qu’Isidore doit se marier avec le frère du colonel Colbert[40]. Tout ce que je sais, c’est qu’on voit partout le mari, la femme, la fille et le benêt de fils. Ils sont tous montés sur leurs grands chevaux (tu sais ce que cela veut dire en parlant d’eux), et je les ai plantés là. On ne parle pas de mari pour Mlle de Luçay. Je vois assez souvent, aux cercles de Mme Murat, Mme Gardanne[41], d’une grande élégance et accostée tantôt de Mme Saint-Martin et tantôt de Mme Regnault de Saint-Jean d’Angely[42]. Celle-ci est toujours aussi minaudière que par le passé.

« Le général Murat me dit hier : « Ma foi, si Charpentier veut venir, il ne tient qu’à lui : pour peu qu’il en témoigne le désir au maréchal Jourdan[43], il est sûr d’être choisi. »

Voici qu’à présent on entre dans la période des fêtes, et Mme Saint Cyr ne paraît point très empressée. Elle écrit le 7 frimaire (28 novembre) : « Nous avons, pour les trois derniers jours de cette semaine, des présentations sans fin : demain, jeudi, MM. de Cobentzel[44]et de Lima[45]. Après-demain, toutes les ambassadrices et étrangères parmi lesquelles se trouvera Mme de Knobelsdorf[46], que nous appelions, à Constantinople, Mme de Prusse, et, samedi, deux princes. Le Pape et l’Empereur arrivent à midi aujourd’hui. Tous les préparatifs pour le Couronnement se font. Les illuminations des Tuileries seront superbes si le temps est beau, ce dont je doute, car cette nuit, il est tombé beaucoup de neige. J’ignore encore si je serai de semaine dimanche prochain. Si Mesdames Saint-Martin et Lambert sont nommées, j’éviterai le cortège ce jour-là, car nous irons à Notre-Dame ; sinon, j’assisterai à l’aller et au retour.

« On dit que, dans le Piémont, on a volé le fourgon du Pape, qui contenait des choses très précieuses pour l’Empereur, l’Impératrice et la famille. Je te donne autant de nouvelles qu’il est possible. J’ai mon habit de cour tout prêt à mettre, fait par Mme Germond et qui va à merveille, mais cette queue de velours de deux aunes trois quarts de long est d’une pesanteur terrible. Cela force à se tenir droit. Ainsi, le jour du Couronnement, tu me vois habillée et coiffée avec mes coquilles blanches, d’après les conseils de la princesse Caroline. Je fais du collier le bandeau ; dans les bandeaux je trouve un peigne et un collier. Tout cela remis à neuf sera très bien. Je fais faire une seconde queue de satin bleu, brodé en paillettes, fausses bien entendu. Celle-ci sera pour les petits jours. »

Enfin, voici les détails de la cérémonie : « Par mes lettres de la semaine dernière, écrit Mme Saint-Cyr, le 15 frimaire (6 décembre), je te donnais les détails de tout ce que nous avions à faire jusqu’au dimanche, et cela s’effectua comme je te l’avais dit ; mais le dimanche a été pour moi une journée terrible, quoique j’aie été dispensée d’être du cortège parce que Mme Murat obtint, la veille au soir, de l’Empereur la nomination de Mme Saint-Martin, et elle commença tout de suite son service, qui durera jusqu’à samedi soir prochain. Enfin, pour en revenir à moi, il faut te dire que nous devions être spectatrices. Il fallut être rendue à la tribune qui nous était destinée à huit heures du matin. Il faisait un froid excessif. Je me levai à cinq heures ; je me fis coiffer à cinq heures et demie. Je ne me mis point en costume, parce que c’était très inutile. Nous fûmes donc à Notre-Dame à huit heures, Mme de Lagrange et moi. Nous y sommes restées jusqu’à la fin de la cérémonie, qui a duré jusqu’à trois heures et demie. Tout a été superbe ; mais je n’ai pas une plume assez exercée pour te donner tous les détails du Couronnement, et je te renvoie à la lecture des journaux, qui sont très exacts pour le cérémonial. Je ne fus rendue chez moi qu’à cinq heures. Je n’avais rien pris de la journée, et j’étais si gelée et si fatiguée que je n’eus pas le courage de sortir le soir pour voir les illuminations. Le lundi a été tout entier au peuple. Le mardi, il y a eu repos. Hier, on est allé dans le même ordre au Champ de Mars, pour distribuer les aigles et recevoir le serment des troupes ; je n’y ai pas été. On parle d’une fête donnée à l’Empereur pour dimanche prochain. C’est moi qui serai de service. En voilà bien long sur ce chapitre.

« J’ai attrapé un bon rhume de cerveau. S’il me tombe sur la poitrine, j’en aurai pour tout l’hiver. J’ai oublié de te dire que nous avons accompagné la princesse, vendredi dernier, chez le Pape. Il ne nous a pas donné de chapelet. »

Peut-être a-t-il manqué là une occasion de convertir ces dames, car pas une fois, dans les lettres de Mme Saint-Cyr à sa fille, il n’est question de morale, de culte ou de religion et pour la nièce d’un évêque, même constitutionnel, cela est peu.


Il faut attendre au 28 frimaire (19 décembre) pour que la conversation reprenne. « J’étais de service la semaine dernière, écrit Armande, et toutes mes journées ont été employées de manière à n’avoir pas un moment à moi. Voici comment : le lundi nous eûmes une réception de tous les princes étrangers, et pour cela il fallut être prête, c’est-à-dire parée à midi. Nous fûmes sur nos jambes jusqu’à cinq heures. Nous dînâmes à la hâte et, à sept heures, j’accompagnai la princesse Caroline aux Tuileries ; je rentrai chez moi à onze heures. Le mardi, il n’y eut rien d’extraordinaire, mais je restai là toute la journée. Mercredi, je m’y rendis le matin comme de coutume ; le soir, nous fûmes toutes ensemble au bal du ministre de la Guerre. Les princes et princesses Joseph, Louis et Caroline y furent. Ce bal a été superbe ; il n’y manquait que ma bien-aimée. Il dura fort tard et nous ne nous retirâmes qu’à trois heures du matin. Le jeudi, je dînai avec ma princesse et toute la famille chez le prince Joseph, au Luxembourg. Le vendredi, il a fallu être prête et parée à midi, pour être présentée à S. M. l’Impératrice comme attachée à la princesse Caroline. Les présentations sont courtes, et, dans le peu de temps que j’ai eu à lui parler, c’est de toi qu’elle m’a entretenue. Elle m’a demandé de tes nouvelles, si tu te plaisais en Italie, si tu ne reviendrais pas, etc. Le soir, il y avait, chez Mme Murat, soirée et bal donné à l’Empereur. Il y vint effectivement, il dansa une contredanse et se retira à dix heures. Après quoi on soupa, on dansa jusqu’à minuit et peu à peu chacun défila, et je me retirai chez moi à une heure. Le samedi, je n’eus qu’à me rendre chez la princesse où je restai jusqu’à dix heures et demie du soir. Dimanche, j’étais malade, et je dis heureusement : cela m’a dispensée d’être de la fête de l’Hôtel de Ville ; la voilà passée. Demain, il y a bat chez le ministre de la Marine. J’irai ce soir prendre les ordres de Mme la maréchale. Samedi, tous les généraux donnent à dîner aux princes et aux grands dignitaires de l’Empire ; vaudeville et bal à la suite.

« Je te conseille d’économiser sur ta pension pendant que tu es en Italie, car ici tout ce qui est objet de luxe est d’une cherté affreuse, et vingt-cinq louis par mois à Paris, pour peu qu’on veuille être un peu au courant de la mode, vingt-cinq louis, dis-je, sont bientôt passés. On m’a dit qu’à présent Mme la maréchale dépense par mois, pour sa toilette, trente mille francs[47], et cela ne m’étonne pas. C’est une recherche incroyable, des broderies de tous les genres, de toutes les sortes, etc.

Mme Saint-Cyr est si fort occupée que sa correspondance languit et qu’elle reste parfois une semaine sans écrire. « Tu sauras, écrit-elle le à nivôse (26 décembre), que les grands plaisirs de Paris commencent à se ralentir. Il y eut jeudi dernier le bal du ministre de la Marine, qui fut très beau, très nombreux et très brillant. Les princesses Louis et Caroline ouvrirent le bal par une seule contredanse. Ces dames ont défense de l’Empereur de valser et, à leur grand regret, elles se sont abstenues. Ce soir, il y a bal chez Eugène. Je l’ai vu un moment hier chez Mme Murat, il m’a demandé de tes nouvelles.

« C’est encore Mme Récamier qui a emporté la pomme au bal du ministre de la Marine. Je ne t’ai pas raconté l’événement arrivé à Mme Saint-Martin, notre collègue, au bal du ministre de la Guerre. En valsant, elle est tombée tout de son long à la renverse et son cavalier avait les pieds si bien engagés dans les jambes de sa dame qu’il ne pouvait parvenir à la relever. Tu te doutes qu’une grande partie du monde s’est mise à rire, je n’ai pas été la dernière, mais cela a valu à Mme Saint-Martin une forte réprimande de la part de la princesse Caroline ; elle lui a dit qu’elle était trop coquette, etc.

«… Nous avons déjà un froid bien rigoureux. J’ai fait faire, pour sortir à toutes les heures du jour, une robe de velours noir sans garniture, faite en spencer, à manches en amadis, et, avec cela, je brave toutes les intempéries de la saison. C’est d’autant plus commode que je peux la garder le soir si je n’ai point à faire de visites d’étiquette… »

Encore quinze jours sans lettre et l’on ne peut penser qu’il y en eût d’égarées. Pourtant, le premier jour de l’an 1805 s’y trouve compris. Il faut croire que l’usage de le souhaiter en famille n’était pas encore revenu, mais il était en route : « J’ai été de service toute la semaine dernière, écrit Mme Saint-Cyr le 20 nivôse (10 janvier), et elle a été si employée que je n’ai pas eu un moment à moi pour t’écrire. Il y eut, le jour de l’an, un cercle aux Tuileries qui a été très beau. Toutes les femmes en robe de cour et tous les hommes en uniforme de leur charge ou grade. Il y avait neuf cents personnes invitées et les parties de jeu, rangées dans la grande galerie, faisaient un très beau coup d’œil. La veille, qui était le lundi, je dînai chez Mme Duroc, qui est toujours gentille et qui me demanda de tes nouvelles. Le reste de la semaine, je l’ai passé chez ma princesse. Dimanche, nous l’avons toutes accompagnée au bal qu’ont donné MM. les maréchaux d’Empire à l’impératrice Joséphine. Tu as sans doute lu les détails de cette fête dans les journaux : ils n’ont rien dit de trop, car tout le monde s’est accordé à dire que c’est une des plus belles qui se soient données depuis longtemps. L’Empereur et l’Impératrice se retirèrent à minuit et les princesses Louis et Caroline une demi-heure après, mais je ne pus me retirer qu’à quatre heures, parce qu’il me fut impossible d’avoir ma voiture. Nous étions toutes en robe de cour et les danseuses quittèrent leur queue, Lundi, mardi et mercredi j’ai dormi jusqu’à midi. Ensuite, je me brode, une robe de percale en coton blanc, ce qui m’amuse beaucoup. Mon dessin est une guirlande de groseilles : le fruit est en nœud et les feuilles au passé. Elle sera très jolie, mais c’est un ouvrage de patience. Quand tu feras broder à Milan des robes, il faut que tu expliques à la brodeuse que la broderie doit être bombée et, pour cela, sous le point au passé, il faut faire une première broderie. Il faut une doublure enfin, qui forme une broderie mate. J’imagine que tu me comprends. Tu sauras que l’on porte beaucoup de plumes en parure. Il n’y a qu’avec les fleurs qu’on n’en mette pas.

« Il paraît qu’on s’occupe beaucoup en ce moment du gouvernement d’Italie. On dit que Joseph va être roi de Lombardie, le maréchal Bernadotte général en chef de l’armée et Mathieu, — le nôtre, — ministre de la Guerre. Ce ne sont que des on-dit dont une partie pourra bien se réaliser. »

Six jours après, le 26 nivôse (16 janvier) : « Dimanche, nous avons eu grand cercle aux Tuileries, à la fin duquel, suivant l’usage, l’Impératrice a fait sa tournée. Quand mon tour est arrivé, elle m’a demandé de tes nouvelles, si tu n’étais pas enceinte et, m’a-t-elle ajouté, Constance me doit un filleul.

« Lundi, nous passâmes, Mme Adélaïde et moi, une partie de la matinée chez notre princesse. Elle eut assez de visites le matin et comme elle avait donné congé à la dame de service, elle nous chargea de faire les honneurs. Le soir, nous nous rendîmes toutes chez elle en habit de cour pour la fête du Corps législatif. Le local n’était pas disposé pour recevoir une si grande affluence de personnes, de sorte qu’on y étouffait, et l’Empereur, l’Impératrice et toute la Cour se sont retirés de très bonne heure, c’est-à-dire à dix heures. Hier, j’ai dîné chez Marescalchi[48]pour la première fois depuis mon retour. Il nous a très bien reçus. Il y avait en femmes Mme de Gallo[49]et deux autres : une duchesse allemande et une princesse espagnole. J’étais à table entre Caprara[50]et le prince Giustiniani[51]. Ce dernier m’a dit avoir passé une soirée très agréable chez toi, il y a environ un mois. Caprara qui avait fait ma conquête à Milan n’est plus dans mes faveurs, il souffle comme un bœuf. Aujourd’hui, bal à l’Empereur chez notre princesse Caroline ; nous faisons toutes les honneurs. Je serai habillée en robe de mousseline lamée qui m’a été donnée pour mes étrennes et coiffée avec du velours cerise et de la même mousseline que ma robe, j’aurai avec cela deux plumes blanches. Te voilà bien au courant, j’espère, de toutes mes actions, jamais compte rendu n’a été plus fidèle. »

Constance, elle aussi, tient sa mère au courant de tout ce qu’elle fait et de ce qui lui arrive ; la voici enceinte pour la seconde fois, et Mme Saint-Cyr en est très occupée. Cependant elle continue son existence agitée et quand ses journées et ses soirées ne sont pas aussi remplies, elle est tentée de s’en plaindre : « J’ai fait tristement toute la semaine dernière, écrit-elle le 9 pluviôse (29 janvier), parce que Mme Caroline a été malade et que, par cette raison, elle n’est pas sortie. J’ai donc manqué un bal chez la princesse Louis mercredi et le petit concert des Tuileries le samedi ; le même jour, j’étais invitée à dîner chez Mme Soult, mais j’étais un peu incommodée, de sorte que Saint-Cyr m’a excusée. J’ai aussi manqué le grand cercle des Tuileries dimanche. Petit père m’a dit qu’il avait été très beau et surtout brillant de diamans. Toutes les femmes en avaient. Je suis encore restée toute la journée au coin de mon feu et tu dois juger combien j’étais heureuse, sachant le prix que j’attache à ma liberté. Mais aujourd’hui il n’en est pas de même : je dîne chez une puissance, chez Cambacérès. J’y ferai bonne chère, mais je m’y ennuierai. On n’y reste pas longtemps. De là, je ferai des visites. Pendant ma semaine Mme Murat a fait habiller la poupée tant promise. Je l’ai, je vais la faire emballer et à la première occasion je te l’enverrai : tout cela te servira de modèle pour les robes de cour, car, d’après les bruits publics, il y aura bientôt un roi et une reine en Italie, à Milan ; il paraît sûr que ce ne sera pas Joseph. Le Pape part de Paris du 10 au 15 février et l’Empereur quinze jours après. On ne parle plus de guerre et j’espère que Charpentier est à peu près rassuré à ce sujet. Je suis bien aise de voir que, dans ce cas, il était résolu à te renvoyer chez nous. Le maréchal Murat prétend qu’il l’a tout à fait oublié. Il dit qu’il y a un siècle qu’il ne lui a écrit. Notre princesse s’occupe du mariage d’Isidore ; c’est un secret que j’ai deviné, mais j’ignore encore quel sera l’heureux mortel. Je ne le saurai que quand ma semaine sera revenue. »


C’est à présent Mme Charpentier qui, par ses retardemens à écrire, cause à sa mère des inquiétudes qui préparent à un peu d’aigreur. Mme Saint-Cyr écrit le 20 pluviôse (9 février) : « Une chose très extraordinaire, c’est que ce n’est pas moi qui donne de tes nouvelles, ce sont les étrangers qui par les plus grands hasards du monde me procurent l’avantage d’en savoir. Avant-hier, ayant rendez-vous chez l’Impératrice, nous y trouvâmes le maréchal Jourdan, il nous dit qu’il recevait souvent des nouvelles de Charpentier et que tu étais bien. Hier, étant en visite chez la princesse Caroline, j’y ai rencontré Mme Campan à qui M. Toinon ( ? ) avait parlé de toi. Voilà comme de temps en temps j’attrape quelques mots te concernant…

« Je t’ai envoyé par la messagerie une poupée tout habillée en costume de cour. Ce sera ton modèle si l’Impératrice va à Milan. C’est Mme Murat qui l’a fait faire exprès. Tu devrais prendre ton courage à pleine main et écrire à la princesse pour la féliciter de la nouvelle dignité que l’Empereur vient de conférer à son mari. Il est à présent Altesse sérénissime[52]. Mme Lambert est enfin des nôtres. Elle a été nommée samedi et est entrée de service dimanche. Cela me donne trois semaines de repos. L’aumônier est aussi nommé. C’est M. l’archevêque de Barral[53], frère du nôtre[54]. Toute la maisonnée est invitée à dîner demain, pour faire connaissance apparemment.

Les plaintes continuent avec un peu plus de vivacité, et les lettres s’abrègent. Le 27 pluviôse (16 février) à la fin, Mme Saint-Cyr écrit : « Je t’en veux de ton excessive paresse, j’espère bien qu’en carême tu voudras bien faire pénitence et, par cela même, m’écrire très souvent. Pour moi, je ne m’aperçois pas trop de la différence de ces deux différens temps de l’année. Je me suis reposée trois semaines et demain je commence mon service de toute la semaine. La princesse ne se presse pas d’accoucher, mais elle ne peut plus aller dans le monde. Elle ne sort que pour aller se promener au ci-devant bois de Boulogne, car il n’existe plus puisqu’il est tout en allées. Une autre nouvelle, c’est que Mme Tallien se marie et, avant de recevoir ce nouveau sacrement, elle s’est jetée aux pieds du Pape pour lui demander sa bénédiction[55]. Bien des personnes ont paru étonnées de cette ferveur religieuse, mais quelqu’un qui la connaissait sans doute plus particulièrement assura que cette conduite de Mme Tallien ne devait nullement surprendre, car il l’avait toujours vue vivre enceinte. Tu donneras ces deux calembours à deviner. Tels qu’ils sont ici, ils ne sont que pour toi. »

Et voici l’orage. Elle écrit le 9 ventôse (28 février) : « Quoique je sois fondée à croire qu’il suffit que je vous donne des conseils, à ton mari et à toi, pour que vous ne les suiviez pas, cependant il y a des devoirs à remplir dans la vie, que (dont,) dans quelle passe où l’on se puisse trouver, rien ne peut dispenser, et ton mari est dans ce cas-là vis-à-vis du général Murat. Charpentier ne cessait de me dire pendant le séjour que j’ai fait à Milan qu’il lui avait des obligations infinies concernant son avancement militaire et son accroissement de fortune. Comment se fait-il que, dans une circonstance aussi flatteuse pour le maréchal Murat, au moment où il est porté où se bornaient ses vœux, au moment, dis-je, où le sénatus-consulte le fait prince, Charpentier soit le seul qui ne lui donne pas une marque de souvenir ? Je sais à n’en pouvoir douter qu’il en a fait la remarque et qu’il y est très sensible. On peut être content de son sort, n’avoir plus d’ambition, mais je crois que, dans la société, il ne faut jamais oublier les procédés et ne jamais manquer aux égards et à la reconnaissance qu’on est en droit d’exiger de vous. Voilà mon mot, faites-en ce que voudrez. »

Il faut croire que cette fois Mme Saint-Cyr avait été prévenue par son gendre, et que Murat ne l’avait point mise au courant. Le 25 pluviôse (14 février), Charpentier avait écrit à Murat qui répondit à sa lettre de félicitations le 11 ventôse (2 mars)[56], deux jours après que Mme Saint-Cyr eut envoyé cette leçon à sa fille.

Au reste, le flot passé, elle ne s’arrête pas, et elle arrive aux nouvelles : « Nous avons eu samedi dernier, écrit-elle, un bal chez Mme Soult où ont assisté l’Empereur et l’Impératrice, les princes et princesses Louis et Murat et les maisons de l’Impératrice et des deux princesses. Le bal a été très joli. Dimanche, petit bal chez notre princesse. Il n’y avait que Mme Louis et sa maison, Mmes Savary, Bernadotte, Maret[57], Lavalette[58], Petiet, Isidore et nous ; il a duré jusqu’à une heure du matin ; lundi, je me suis donné pour la première fois la connaissance du bal masqué de l’Opéra ; j’étais en domino noir, mais le peu d’habitude que j’en ai m’a fait n’oser parler à personne. Il m’a beaucoup amusée ; je me suis retirée à quatre heures du matin.

« Le voyage de l’Impératrice est incertain depuis deux jours ; celui de l’Empereur est très prochain.

« La même incertitude règne toujours dans les idées pour savoir qui sera roi de Lombardie. Vous seriez bien étonnés si on vous donnait le prince Eugène[59]… »

Mme Saint-Cyr a été calmée par la lettre du général Charpentier, elle ne parle plus de ses griefs contre sa fille. Elle s’en va, malgré la saison, s’établir pour quelques jours à Maisons où elle imagine de faire des travaux pour mieux vendre sa campagne. De là, elle écrit le 22 ventôse (13 mars) : « J’ai eu hier la visite de Mmes de Lagrange mère et fille. Elles arrivèrent à midi et repartirent à cinq heures. Ma collègue m’annonça que Mme Murat avait grande envie de revenir sur le congé qu’elle avait promis de me donner, lorsque j’en voudrais faire usage, parce que Mme Saint-Martin venait d’en demander un aussi pour aller voir sa famille et chercher ses enfans en Piémont. La princesse trouve que deux dames absentes en même temps, c’est trop ; comme, je suis de semaine dimanche, Saint-Cyr traitera cela pour l’avantage de tous. On dit toujours que le voyage de l’Empereur est retardé. Ce qui le prouverait, c’est que l’on parle de deux cercles, un dimanche prochain et l’autre le dimanche faisant quinzaine. A ce dernier, les robes de velours ne seront pas admises.

« Les dames qui doivent accompagner l’Impératrice sont désignées : ce sont d’abord Mme de La Rochefoucauld, Mmes d’Arberg et Mme de Serrant[60], Mmes Lannes[61]et Savary iront avec leurs maris, mais non pas comme étant de service. Tu verras au moins une de tes anciennes camarades. J’imagine que tu auras le temps de me dire si tu veux que je t’envoie une robe de cour brodée ou non. C’est une dépense trop considérable pour que je prenne sur moi de la faire faire à ma fantaisie : ma queue de velours et la robe de satin blanc, la broderie seule de ces deux objets a coûté 1 400 francs. Mlle Lolive m’a dit que celle de printemps se faisait en taffetas moiré.

« As-tu coupé tes cheveux ? Tu ne m’en as plus parlé depuis que je t’avais permis de t’en défaire ? Comme tu serais aimable si tu les avais conservés ! La dernière coiffure des jeunes femmes comme toi, ce sont les cheveux bien séparés sur le front, un seul crochet sur les deux sourcils, un rang de perles beaucoup plus bas que la séparation des cheveux de devant et de derrière, lequel rang de perles va se perdre dans le chou derrière. Telle était la coiffure des dames Duchâtel[62], Savary, etc., dans les derniers bals. Elle leur allait très bien. Les robes étaient en crêpe blanc ; un ruban pouponné en bas, ensuite trois rubans blancs satinés prenaient du côté gauche jusqu’au bas de la robe du côté droit, à trois doigts de distance les uns des autres, et à chaque ruban, en bas, un bouquet, ou des roses, œillets, hortensias, etc. C’était simple et joli. D’autres avaient des corsets brodés sur toutes les coutures en argent et les basques à dents de loup. C’est un journal de modes que je t’envoie ; j’espère que tu seras contente de moi… »

À présent, c’est Mme Saint-Cyr qui n’écrit pas, mais où en trouverait-elle le temps ? « J’ai eu, dit-elle, le 5 germinal (26 mars), ma semaine à faire et dimanche nous avons assisté à la cérémonie du baptême du dernier fils de la princesse Louis, à la suite duquel il y a eu dîner, spectacle, — on joua Athalie, — et cercle. Enfin nom fûmes invitées pour quatre heures à Saint-Cloud et nous n’en sommes sorties qu’à minuit et demi. Ma santé se soutient passable. J’ai eu dimanche la visite de M. de Caprara qui venait me demander mes commissions pour toi… C’est à lui que je compte remettre celle-ci. »

Aussi, est-elle brève ; mais elle se dédommage quatre jours après, le 9 germinal (30 mars), où, de Maisons, elle donne « les détails de tout ce que j’ai fait, écrit-elle, depuis le dimanche au matin 26 ventôse[63], où je recommençai ma semaine auprès de la princesse. Je la vis peu ce jour-là et je la quittai de bonne heure pour faire ma toilette, dîner et me rendre à Malmaison où j’étais invitée au spectacle. C’étaient deux vaudevilles charmans, à la suite desquels il y eut un petit ballet de circonstance, où dansèrent Vestris, Duport, Mme Gardel, etc.[64] . Après le spectacle, on nous fit passer dans la galerie où l’Empereur fit sa tournée et bientôt après l’Impératrice. Elle me dit : « Comment se porte Mme Charpentier, je vais la voir, vous voudriez bien être du voyage, » etc., et nous revînmes à Paris.

« Lundi, je me rendis comme à l’ordinaire à mon poste. Mme Murat se tint quelque temps dans notre salon et, dans un moment où nous étions tête à tête, elle me dit : Le général Charpentier s’est séparé de M. Vautré[65]. Je lui répondis que toi ni lui ne nous en aviez parlé et que je savais qu’effectivement il était à Paris. Alors, elle me dit : Sûrement, il est ici, et le général, en le renvoyant, lui a dit qu’il était bien fâché de cette séparation, mais que sa femme ne pouvait pas le souffrir chez elle, et que c’était la seule raison qui les faisait se séparer. Je répondis alors à Mme Murat que cela m’étonnait beaucoup, parce que tu ne te mêlais en rien de ce qui regardait le service et, à plus forte raison, de ce qui regardait les aides de camp de ton mari. Elle insista alors fortement en me répétant que c’était absolument toi qui l’avais voulu. Je finis par lui dire que, si cela était, il était sûr aussi que tu avais eu de fortes raisons pour l’exiger. J’ai su, depuis et d’ailleurs, que M. Vautré a dit de ton mari et de toi toutes sortes de faussetés. Il parait très soutenu par le prince et la princesse. Il est fortement recommandé par eux au ministre de la Guerre.

« Le mardi, je ne la vis presque pas ; elle avait déjà quelques douleurs ; j’y passai la soirée ; le mercredi je m’y rendis à onze heures, elle était couchée ; j’y retournai le soir et j’y restai jusqu’à onze heures, je ne la vis pas. Elle accoucha à quatre heures du matin, du jeudi[66] ; le jeudi dans la journée, et jusqu’au samedi au soir, je ne quittai pas ses appartemens que pour diner chez moi. Voilà comment j’ai passé ma semaine.

« Dimanche, toutes les dames des princesses ont été invitées de se rendre, à quatre heures, à Saint-Cloud, pour assister au baptême de Napoléon-Louis. Nous nous y sommes toutes trouvées en habit de cour. Tu sais peut-être qu’on vient de former la maison de Madame, mère de l’Empereur : Mme de Fontanges, dame d’honneur[67] ; dames pour accompagner : Mmes de Saint-Pern[68], Soult, Davout[69]et Junot[70]. Cette dernière ne fera pas de service ; elle est à Lisbonne avec son mari. Après le baptême, nous avons dîné à une table dont Mme de La Rochefoucauld faisait les honneurs. Nous étions trente-six femmes : pas un homme à table. Ensuite, nous sommes allées dans le salon ordinaire de l’Empereur et de l’Impératrice. On a annoncé le spectacle. Nous nous sommes rendues dans la salle et nous nous sommes placées chacune dans les loges de nos princesses. On nous a donné Athalie. Après le spectacle, il y a eu un feu d’artifice, et la journée a fini à minuit et demi. Je suis revenue à Paris, n’en pouvant plus du poids énorme de ma queue de velours. Lundi, nous avons été souhaiter la fête à Mme Murat. Je l’ai vue mardi. Mercredi, je comptais venir coucher ici ; mais nous reçûmes des billets de spectacle pour Saint-Cloud, et nous y fûmes. On y joua Nicomède ; je suis venue ici jeudi matin pour déjeuner, et me voilà.

« Mme Germond travaille à force à tes parures ; voici ce dont je suis convenue avec elle. Tu sais qu’elle fournit tout. Elle te fera une robe de cour de taffetas moiré, blanche, avec une broderie légère en or : ce n’est pas même un dessin. La robe de dessous en tulle, brodée en or en plein, laquelle pourra te servir de robe de bal en y ajoutant une ceinture brodée de même que la robe, plus un filet en or pour te coiffer. Tu auras deux robes parées de moire, une robe garnie en chenilles blanches et en lames, et une blanche, garnie en fleurs ; ensuite, une robe de bal en crêpe rose avec des bouffettes en taffetas rose parsemées de paillettes d’argent. Aussitôt que ce sera prêt, je te les expédierai. Mme Savary emporte soixante robes ; Mme d’Arberg, une quantité prodigieuse aussi ; mais il faut laisser faire ces dames. J’ai aussi donné ta robe lamée à Mme Germond. Elle la refera et elle a dit qu’on ne portait plus de tunique, mais qu’elle tâcherait d’arranger la tienne à la russe. Voilà tout pour le moment.

« L’Empereur partira de Fontainebleau le 12, passera par Troyes, Semur, Châlons, Mâcon, Bourg, et arrivera à Lyon le 22 ; il doit être à Stupinii le 30. Parmi les personnes qui l’accompagnent, celles avec qui nous avons eu le plus de rapports sont Caulaincourt, Caffarelli et Saint-Sulpice, écuyer de l’Empereur. Ce dernier a été avec nous à Bayonne, et nous avons conservé avec lui des relations d’amitié. Il doit être porteur d’une lettre de Saint-Cyr pour Charpentier. »


Comme Constance avance dans sa grossesse, Mme Saint-Cyr se décide à l’aller trouver. Faut-il penser qu’elle ait encore le goût des fêtes du couronnement de Milan ? En tout cas, elle écrit le 19 germinal (9 avril) : « Saint-Cyr a écrit hier à ton mari, ma très chère Constance, pour l’informer que je comptais me mettre en route pour aller vous embrasser l’un et l’autre le 2 ou le 3 du mois prochain, Il fait part aussi à Charpentier de sa nouvelle destination. Ainsi nous partirons dans le même temps, l’un pour le Nord, l’autre pour le Midi. Je suis revenue de Maisons jeudi. Depuis ce temps, je me suis rendue tous les jours chez la princesse, parce qu’elle reçoit depuis trois heures jusqu’à cinq heures et demie. Elle est aussi bien que possible et compte se faire porter bientôt à Neuilly. Ma semaine commence dimanche prochain, jour de Pâques. Si elle est encore à Paris, je la ferai. Si elle est à la campagne, elle m’en a dispensée, parce que, devant partir tous les premiers jours de la semaine, j’aurais trop à faire pour pouvoir passer toute la semaine chez elle. Il est dans les choses possibles qu’elle fasse le voyage d’Italie, lorsqu’elle sera remise. Si cela est, je reprendrai mon service près d’elle tout le temps qu’elle resterait à Milan, ainsi que Mme Saint-Martin qui part le 2 pour Turin. Nous nous sommes promis de nous retrouver à Milan…

« Peut-être sais-tu ou ne sais-tu pas qu’il faut être présentée à l’Impératrice et à l’Empereur et, pour cela, il faut en faire la demande à la dame d’honneur, Mme de La Rochefoucauld. Tu pourras t’adresser à Mme Savary pour savoir si tu devras être en robe de cour ou non, car il est très fâcheux ici, et il en sera de même à Milan, de ne pas avoir de costume quand il le faut et de l’avoir quand il ne le faut pas. J’ai vu hier Savary chez la princesse. Il m’a dit devoir partir à la fin de cette semaine et il m’a promis de se charger de ta robe de cour. Toutes les tiennes seront prêtes ce soir. Une fois arrivée, que de choses nous aurons à nous dire !… J’ai vu hier Mme Rapp. Elle ne va pas en Italie. Son mari part dans quinze jours. Tu ne verras pas, comme je te l’avais annoncé, le général Saint-Sulpice, il retourne à l’armée de Brest pendant tout le temps que durera le voyage de Leurs Majestés. Comme je te porterai moi-même de mes nouvelles, peu t’importent les personnes qui pourront t’en donner. »

Mme Saint-Cyr comptait que, sa semaine faite, elle pourrait partir et prendre sa route par Genève. Le 27 germinal (17 avril) elle le pensait encore, mais elle se trouva retardée. Ce n’est que le 11 floréal (1er mai) qu’elle se met en route : elle est à Lyon le 6 mai « pour acheter des gants et des rubans, » et voir quelques personnes, puis Chambéry, Saint-Jean-de-Maurienne, Lans-le-Bourg, Turin, Novare. Elle compte être le lundi 23 à Milan pour dîner.


Si, à son retour d’Italie, au début de l’an XIV, elle ne ramène pas avec elle Mme Charpentier, celle-ci la suit de tout près, car, durant la guerre que viennent de déclarer l’Autriche et la Russie alliées de l’Angleterre, le général, qui est chef d’état-major de l’Armée d’Italie, envoie en France sa femme. D’abord, elle ira faire connaissance avec sa belle-famille qui habite dans le département de l’Aisne les terres de Vailly et d’Oigny ; celle-ci dans la forêt même de Villers-Cotterets, celle-là à trois lieues de Soissons, près d’un bourg où l’on trouve des ressources. Elle y vient passer quelques jours. Elle quille sa mère le 3 octobre (11 vendémiaire) et celle-ci lui écrit de Maisons le 5 et lui raconte son interminable tête-à-tête avec un vieux voisin qui n’est supporté qu’à cause de ses quatre-vingt-quatre ans.

« A cinq heures arriva Mme Devaux[71]qui me tira fort heureusement de mon tête-à-tête. Nous dînâmes et, à six heures et demie, je reçus deux lettres de Mme de Beauharnais qui nous invitait à dîner à Neuilly, chez la princesse, ce même jour jeudi. Il était trop tard pour m’y rendre, de sorte que j’y suis allée hier. J’ai vu la princesse. Elle m’a demandé de tes nouvelles, m’a dit qu’elle te trouvait très bien, combien de temps tu resterais à ta campagne ? Enfin, j’ai su qu’elle n’a point le projet d’aller à Strasbourg, qu’elle passera l’hiver à Neuilly, parce que l’hôtel qu’elle fait arranger[72]a besoin de grandes réparations qu’il faut dix-huit mois pour qu’il soit en état de la recevoir. Ce ne sera donc qu’alors qu’elle quittera sa campagne. Je vis un moment Jérôme qui était arrivé la veille[73]. Il est d’un changement incroyable. C’est tout à fait la princesse Elisa, excepté que son teint est tout à fait bien et ses cheveux d’un plus grand noir. Il est d’une maigreur extrême et a un fonds de tristesse dans sa physionomie qui n’est pas ordinaire à son âge. J’ai vu Mme de Lagrange qui fait son service, ainsi me voilà renvoyée à je ne sais quand. Elle m’a appris que Mme de Laplace était restée à Lucques[74]. Les autres ont passé à la princesse Borghèse. Je suis revenue coucher ici. Je me repose aujourd’hui. Demain je retourne à Paris. Je verrai le matin Mmes Saint-Martin et Lambert, Mme Mathieu, et, à cinq heures et demie, je serai à Neuilly pour dîner. La princesse recevra. Il faut faire les honneurs. J’y serai vraisemblablement jusqu’à onze ! Lundi, je chercherai des appartemens et je reviendrai me caser à Maisons. »

Dix jours sans lettre, Constance va d’un parent chez l’autre, de Vailly à Oigny, elle n’a pas le temps de donner de ses nouvelles et sa mère la punit par le silence. Enfin, de Neuilly, le 15 octobre (23 vendémiaire), elle écrit : « Par la date de ma lettre, tu vois que je fais le service. J’ai remplacé Mme Adélaïde dont le père a eu une attaque d’apoplexie[75]. Je suis venue samedi faire mes visites et j’étais de retour dimanche avant midi pour la messe. Depuis ce jour, la princesse a gardé le lit pour cause de petites indispositions. Il fait aujourd’hui un temps affreux, grand vent, froid et pluie. Tu sauras qu’on a reçu avant-hier soir, dans la nuit, la nouvelle d’une grande victoire emportée par le prince Murat sur les Autrichiens[76]. Il leur a fait douze mille prisonniers. C’est un beau commencement. Tu as dû recevoir des nouvelles de ton mari, puisque je t’ai renvoyé un gros paquet venant de lui et adressé au ministère de la Guerre. On dit que le maréchal Masséna avait ordre de se tenir sur la défensive[77]. Peut-être que cette affaire de l’Armée du Rhin fera changer les dispositions de l’Armée d’Italie. »

Trois jours plus tard, le 26 vendémiaire (18 octobre), elle annonce des victoires dignes du « commencement. » « Les nouvelles de l’Armée du Rhin, écrit-elle ; sont on ne peut plus satisfaisantes. Nous avons remporté trois victoires coup sur coup[78]et nous sommes à Munich. L’Armée d’Italie est restée jusqu’à présent sur la défensive. Peut-être aura-t-elle l’ordre, d’après les affaires d’Allemagne, d’attaquer. Cependant je t’assure qu’il n’y a encore rien eu. Je le sais positivement hier du prince Louis, chez qui nous sommes restés depuis trois heures jusqu’à minuit. La princesse Louis a été très étonnée lorsque je lui ai dit qu’avant ton départ, tu t’étais présentée pour l’avoir. Elle ne l’a pas su, de sorte qu’elle m’a dit qu’elle était un peu fâchée, mais qu’elle ne t’en voulait plus. Elle te verra avec plaisir à ton retour. Nous étions douze femmes rassemblées chez elle le soir et il n’y avait pas un homme. On éprouve une disette extrême de cette espèce d’êtres. Tu ne t’en es pas encore aperçue, mais cela viendra. »

Le séjour à Oigny s’abrège. Le 2 brumaire (24 octobre) Mme Saint-Cyr écrit à sa fille : « Encore neuf jours et tu seras dans mes bras… Ne manque pas de venir me voir le onze. Tu n’auras qu’à demander ma voiture pour l’heure où tu la désireras. Denis sera à tes ordres ainsi que Duquet, c’est une affaire arrangée. Mme Murat ne cesse de me demander de tes nouvelles, et tu ne pourras te dispenser de la voir le même jour que tu viendras ; mais tu peux te mettre en robe ronde. On ne porte plus autre chose, si ce n’est dans les grands cercles, ou bien dans les dîners priés. Que cela ne te gêne donc pas, car, de quelque manière que ce soit, tu seras aussi bien reçue par elle que par moi. Tu vois que je suis bien sûre de mon fait.

« Les nouvelles de l’Armée du Rhin sont toujours des plus satisfaisantes. Nous sommes allées hier au soir à Paris, à huit heures, chez la princesse Louis pour les entendre. Le résultat est que nous avons pris tous les canons, munitions, magasins des Autrichiens et fait cinquante mille prisonniers. C’est si beau que vraiment on le croit à peine, mais tu sais que rien n’est impossible à l’Empereur. Le prince Murat a été de toutes les affaires et on lui attribue avec raison tous, les succès. Exelmans[79]a eu dans la première action deux chevaux tués sous lui. Il en a été récompensé, ayant été désigné par le prince pour présenter les drapeaux pris sur l’ennemi à l’Empereur qui l’a nommé sur-le-champ officier de la Légion d’honneur et lui a promis plus encore

« On ne sait encore rien de l’Armée d’Italie. Ce qu’il y a de certain, c’est que l’armée autrichienne en Allemagne est tout à fait perdue. Maintenant, c’est aux Russes que nous allons faire voir ce que nous savons faire.

« Je suis encore à Neuilly et vraisemblablement pour quelque temps encore ; j’y suis on ne peut mieux, je me porte à merveille, que faut-il de plus ?… Tu étais invitée à dîner dimanche dernier chez la princesse Louis. J’y fus parce que la princesse Caroline l’exigea. Lundi, je dînai avec la princesse Caroline chez M. Jérôme. Elle lui a cédé ou prêté son hôtel rue Cerutti. Saliceti[80]y dîna ainsi que Mme de Laplace qui arrive de son grand voyage, plus minaudière que jamais. Il parait qu’elle reste attachée à la princesse Elisa, car elle n’est qu’en congé à Paris pour six mois, les autres dames qui étaient à cette princesse ont passé à la princesse Borghèse. Voilà bien des nouvelles, ma chère Constance, cela t’amusera pendant ton séjour à Oigny. »


Et puis ? — Et puis, c’est tout. La conversation entre la mère et la fille s’interrompt sur la capitulation d’Ulm. Est-il une plus belle chute ? Qu’arrivera-t-il à présent de la baronne Carra de Saint-Cyr et de la comtesse Charpentier ? Seront-elles de nouveau séparées par les emplois de leurs maris ou bien seront-elles dès lors réunies pour vivre dans le même hôtel, comme on les trouve en 1812, au 22 de la rue d’Aguesseau ? Saint-Cyr, qui avait commandé au camp de Boulogne jusqu’en 1806, fut employé durant la campagne de Pologne et obtint la plaque de grand-officier après Friedland. Il commanda en 18001a 2e division du 4e corps et se distingua à Essling et à Wagram. Il avait, en 1813, le commandement de la 32e division militaire à Hambourg. Les forces dont il disposait étaient insignifiantes en présence de l’insurrection menaçante du pays entier et il évacua Hambourg sans tirer un coup de fusil. Commandant supérieur en 1814 de Valenciennes, Condé et Bouchain, il n’eut qu’une escarmouche avec une division qui menaçait Condé. Rallié aux Bourbons, il fut envoyé, en 1817, reprendre possession de la Guyane ; il y passa quelque temps comme gouverneur et ne semble point y avoir réussi. Il vint rejoindre à Vailly le général Charpentier qui s’y était installé avec sa femme et sa belle-mère. La carrière active du chef d’état-major de l’Armée d’Italie s’était achevée noblement à Bautzen, à Hanau, à Craonne et à Laon ; pendant la première Restauration, il fut inspecteur général d’infanterie dans la 1re division, et membre de diverses commissions ; il reçut la plaque de grand-officier et la croix de Saint-Louis. Rallié des premiers à l’Empereur, il commanda la 12e division militaire à Nantes, pendant les Cent Jours. Il resta ensuite trois années sans emploi, entra dans le corps d’état-major en 1818 et fut retraité en 1824 ; il se retira alors définitivement à Vailly où son beau-père, sa belle-mère et sa femme avaient établi leur principale résidence. Ce fut Charpentier qui mourut le premier en 1831, Saint-Cyr trois ans plus tard : Mme Saint-Cyr lui survécut jusqu’en 1845 ; enfin, Constance, comtesse Charpentier, fut notre contemporaine. Elle avait quatre-vingts ans lors de son décès en 1868. Est-ce donc si vieux ?

Si elle était pareille à sa mère, comme elle a dû être aimable ! Et ne fallait-il pas qu’elles le fussent, si, comme il paraît avéré, elles passèrent ainsi l’une et l’autre un long espace de leur vie dans une bourgade de Picardie ! Quel changement en vérité, car quelles existences agitées, non par l’aller et retour de Paris à Constantinople, ce fut là un voyage, mais par le déplacement journalier de Maisons à Neuilly et à Paris, et puis, comme si ce n’était rien, Bayonne, Grenoble, par deux fois au moins l’Italie : qui donc disait que notre temps était le temps de « la bougeotte ? » Mme Saint-Cyr en fournit un bel exemple.

Assurément, c’est une mauvaise époque pour les contemplatifs. : Mme Saint-Cyr ne philosophe point et n’est guère lisarde : une seule fois, au cours de ses cent cinquante lettres, elle exprime une opinion sur un livre qu’elle lit. A la vérité, c’est Saint-Simon. « Tu sauras, écrit-elle, que, depuis que je suis ici (à Maisons), je me suis jetée dans la lecture du siècle de Louis Quatorze. Je lis les Mémoires de M. le duc de Saint-Simon qui ne sont pas très clairs parce qu’on a bien perfectionné le style depuis ce temps-là, mais bien écrits cependant et mettant bien au fait des intrigues de cette cour (en politique) et donnant une idée de ce qui arrivera dans ce siècle. Voilà mes amusemens quand je suis seule. » Il faut croire qu’elle est rarement seule ; et puis, elle aime le monde, les visites, les dîners, tout ce qui est de la vie élégante ; elle aime la toilette, et il n’est que de l’en entendre parler ; si futile pourtant qu’on la pourrait croire, elle a la grande, la première vertu : elle est fidèle en amitié ; ceux qui ont traversé sa vie lorsqu’elle était Mme Dubayet demeurent dans son intimité après qu’elle a prouvé, en épousant Saint-Cyr, la persistance de ses affections. Elle se brouille avec les Petiet, mais c’est qu’elle les soupçonne d’avoir attaqué sa chère petite fille. Elle replace près de son second mari un aide de camp du premier, Castéra, et elle continue à voir intimement le général Menant. Elle a gardé avec Grenoble des correspondances assidues et elle ne manque guère d’y venir au moins une fois par année. Elle porte à un degré impérieux cette fidélité, qui peut bien passer pour la qualité essentielle de l’être social. Mais on estime parfois que cette vertu privée n’est point de mise dans la politique et qu’on peut en même temps demeurer tendrement attaché à ceux qu’on élut ou qu’on rencontra comme amis, et garder, au plus durant le temps qu’ils sont heureux, les sermens qu’on a prêtés à des princes. On serait embarrassé de dire si Armande est demeurée attachée à « sa princesse. » Heureusement est-on dispensé de résoudre la question. Quand Mme Murat coiffa le bonnet de grande-duchesse de Berg, elle garda sa maison française, mais elle la perdit quand elle ceignit la couronne des Deux-Siciles. Armande libérée conserva en France, de son service, les honneurs de la Cour et l’entrée dans la salle du Trône. Et si elle avait le cœur français, elle dut se trouver libérée.

Et puis, elle pouvait dire qu’elle n’avait point sollicité un emploi dans la maison d’honneur de Caroline. On était venu au-devant d’elle, et son mari, en la rappelant de Milan, avait été chargé d’une commission expresse. On ne pouvait assurément mieux choisir et les femmes d’une certaine maturité, qui tenaient à la Révolution, dont les maris y avaient marqué et qui avaient de la tenue, de la politesse, l’usage du monde, n’étaient point si nombreuses qu’on dût négliger Mme Aubert-Dubayet, ambassadrice à la Porte. Il semblait donc que pour le moins, dans la maison qu’on formait à la princesse Caroline, la première place lui revint. Il n’en fut rien et, au moins par lettres, elle supporta galamment ce déboire. Mais elle avait vu les agrémens mondains et, comme écrit Saint-Cyr à la jeune Constance, « la situation de notre fortune et ton intérêt même ; » et pouvait-elle imaginer les rigueurs d’une étiquette qui n’était pas même codifiée et dont les prescriptions variaient selon les caprices ?

Pouvait-elle penser que la nouvelle princesse, avec ses vingt-deux ans tout juste, raffinerait sur les obligations imposées à sa maison, composée pour le moment d’une dame toute seule ? La princesse, qui tenait son monde si serré et qui exigeait une continuelle présence, ne se contentait pas du service officiel : elle entrait dans le détail de la vie de celles qui étaient attachées à sa personne et elle s’ingérait à les diriger et à les reprendre. On peut se former ici quelque idée de son despotisme, de même qu’on eût ignoré, sans la publication récente de la correspondance de Murat, l’étendue de son action et la quantité de ses protégés. Malgré qu’elle trouve à certains jours le joug pesant, Mme Saint-Cyr l’accepte pour les occasions qu’il lui fournit d’aller dans le monde, de sortir, et de se montrer, mais aux bals ou aux cercles, bien plus qu’aux cérémonies qu’elle esquive volontiers. A la vérité, ce sont là des grandeurs qui tournent vite à la corvée, même si l’on est directement intéressé et qu’est-ce que des comparses que ne soutient pas une vanité exaspérée au point qu’ils croient les yeux braqués sur leurs moindres démarches ? Et Mme Saint-Cyr n’est pas ainsi faite. Il est difficile de discerner si elle prend ce qu’elle fait autrement que comme un devoir et un agrément mondains. Aussi bien comment penser que l’on ait rebroussé chemin jusqu’à cette forme de culte dont se trouvaient entourées les princesses d’ancien régime, en sorte que leurs dames fussent comme leurs prêtresses ? Mme Saint-Cyr ne pouvait admettre Vraiment que Mme Murat fût de droit divin. L’Empereur, peut-être, vu les miracles qu’il faisait, mais il fallait que le miracle fût ininterrompu. Une seule fois elle se hasarde à parler de lui et c’est pour marquer sa foi. Mais cette foi résisterait-elle aux épreuves, au malheur, au temps ?

En tout cas, ce serait bien l’unique religion qu’elle eût professée. S’il est par deux fois, deux uniques fois, question dans ces lettres de cérémonies catholiques, officielles, c’est d’un ton d’indifférence, sinon de négation. Les femmes de ce temps sont la plupart ainsi, et ce qui reste d’elles, mémoires ou lettres, l’atteste. L’assistance faisant partie de l’étiquette, on s’y astreint, mais cela semble si loin de la pensée, tout occupée par le matériel de la vie, l’ambition, la gourmandise, le plaisir, les affections familiales ! — Il y a bien aussi chez certaines l’amour, et l’on peut admettre que ce soit la forme de mysticisme qu’elles ont adoptée. Mme Saint-Cyr la pratique, mais pour son second mari, et elle le raconte tout franchement, à sa fille. Mais ce matérialisme bon enfant est si près de la Nature qu’il ne choque pas comme s’il raffinait. Il y avait dans la France d’il y a cent ans une simplicité dans la vie qui s’exprimait dans le langage et qui ne se voilait pas de phrases mensongères. La pudeur n’y perdait rien, ni les bonnes mœurs ; mais la franchise, la netteté, la propreté de l’esprit et du cœur y gagnaient, L’hypocrisie du langage a engendré l’hypocrisie des caractères. Est-ce là un progrès ?


FREDERIC MASSON.

  1. Voyez la Revue du 1er novembre.
  2. Point de détails à ce sujet. Murat a quitté l’Italie pour venir présider le Collège électoral du département du Lot, qui l’a élu au Corps législatif ; mais il n’est pas resté longtemps député. Bonaparte en fait le gouverneur de Paris, un maréchal d’Empire, un grand-amiral, un prince, une Altesse, puis une Altesse impériale. Il a vu sans doute Saint-Cyr et lui a fait des propositions pour l’entrée d’Armande dans la maison qu’on formera à la princesse Caroline.
  3. Pour le baptême de l’enfant. Il n’en est question que dans cette lettre de Saint-Cyr : « J’envoie douze caresses bien gentilles à mon petit-fils. » Plus tard, de Mme de Saint-Cyr, qui l’a tant désiré, silence complet. Il faut penser que l’enfant était mort au bout de quelques semaines. L’Impératrice dit de Constance : « Elle me doit un filleul. » Et, en effet, elle est bientôt enceinte pour la seconde fois d’un enfant que tiennent encore l’Impératrice et Murat.
  4. Louis Bonaparte.
  5. On renonça aux boucles et aux barbes, lesquelles furent reprises à la cour de Louis XVIII, mais on adapta au décolleté de la robe la chérusque qui semble un ressouvenir de la cour des Valois.
  6. La maison de campagne du maréchal Murat, Neuilly-Villiers.
  7. L’hôtel Thélusson, au bout de la rue Cerutti, actuellement Laffitte.
  8. Rue Cerutti. L’hôtel actuellement occupé par la banque Rothschild. Je crois qu’elle est y est déjà installée bien qu’il n’ait été acheté que le 13 prairial (juin 1804).
  9. Rue Neuve-des-Petits-Champs, 99.
  10. Elle accouche le 22 mars 1906 de l.ouise-Julie-Caroline, mariée en 1825 au comte Rasponi, morte à Ravenne en 1889.
  11. Mme de Rocquemont est gouvernante des enfans de Mme Murat. Elle les suit à Naples et parait y être restée jusqu’en 1815. Elle appartenait selon toute vraisemblance à la famille Hecquet de Rocquemont, honorablement connue à Abbeville.
  12. 9 thermidor (28 juillet).
  13. Jean-Baptiste Broussier, qui s’était illustré dans la guerre de Naples, commandait la ville de Paris.
  14. Morte le 21 septembre 1804.
  15. Anne-Charlotte, qui épousa en 1810, M. Régnier, fils du duc de Massa, et Anne-Élisabeth, qui épousa en 1813 le comte Perregaux, nées d’un premier mariage de Macdonald avec Mlle Jacob.
  16. Bernardine-Eugénie-Désirée Clary, mariée le 17 août 1798 à Jean-Baptiste-Jules Bernadotte, plus tard prince de Ponte-Corvo, roi de Suède.
  17. Il s’agit vraisemblablement de Gautier (Nicolas-Hyacinthe) ne à Loudéae le 5 mai 1774, mort à Vienne en 1809, qui avait épousé Maria-Magdalena de Robertî-Vîttori.
  18. De la mort de son premier enfant.
  19. Conversations d’une mère avec sa fille, en anglais et en français, dédiées à Mme Louis Bonaparte, Paris, an XII, in-8.
  20. Il s’est trouvé, mêlées aux lettres que Constance avait conservées de sa mère et de son beau-père, quelques lettres de Mme Campan, à laquelle on a voulu faire une réputation d’écrivain et dont il se peut fort bien que les ouvrages publiés aient été pour le moins fortement retouchés, si l’on juge par une de ces lettres. Je conserve l’orthographe de la prétentieuse institutrice. Elle écrit, après l’accouchement de Mme Charpentier, le 14 prairial (3 juin) :
    « J’ai su par votre cher beau-père, ma bien aimable Constance, que vous étiez mère et nourisse ; en vérité, ces deux qualités sont bien raprochées du titre de pensionnaire bleue et du danger de la table de bois que votre prudence et votre sagesse vous fesaient cependant éviter malgré vos jeunes années. Recevez mon sincère compliment sur votre nouveau titre, sur votre nouveau bonheur. Vous éprouvez le sentiment le plus doux qui existe, il est souvent accompagné de tourmens et toujours d’une inquiétude qui tient à la tendresse. Vos parens l’ont ressentie pour vous. Chacun a son tour, mais bonne maman va l’avoir pour deux et voilà sa sensibilité doublement employée.
    « Mme Ney a deux gros garçons, l’un blond, l’autre brun ; l’un, c’est l’aîné, est le général lui-même ; l’autre, c’est Eglé. Chacun est satisfait, vous arriverez au même lot. Il fait chaud ici comme en Italie, et cela depuis deux jours. Jamais récolte n’a tant promis en France, bled, vins, pommes, tout sera abbondant. Non les abbricots ni les pêches, mais ce sont jouissances passagères dont je ne fais aucun cas. Ce qui m’enchante, c’est cette multiplicité de tonneaux de vins de Bordeaux, de Bourgogne, ces milliers de bouteilles de Champagne dont les bouchons partant avec éclat se mêlent à la gaieté des repas françois et semblent narguer notre implacable ennemie, qui, dans toute l’étendue de son isle couverte d’atteliers, de métiers, ne peut trouver à cueillir une seule grappe de raisin et dont les habitans n’en aiment pas moins à terminer leurs repas en vidant les flacons remplis par les productions de notre heureuse terre.
    « Voilà presque de la politique, mais j’espère ne l’avoir pas rendue imposante ; je ne veux jamais l’être en rien pour une élève que j’aime tendrement. Mille complimens au général et sincère amitié à votre bien aimable maman. Adieu, ma chère Constance, je vous embrasse bien tendrement et suis pour la vie,
    « Votre sincère et affectionnée amie et institutrice,
    « GENET CAMPAN. »
    14 prairial de l’an XII.
  21. Adélaïde-Marie-Emilie Filleul, mariée d’abord à Charles-François de Flahaut, comte de la Billarderie, décapité en 1793, puis, en 1802, à Jose-Maria, comte de Souza-Bothello.
  22. Il s’agit ici d’Angélique-Adélaïde Méliand, femme du marquis de la Grange, lieutenant-général en 1784 et de la dernière de ses filles : Adélaïde-Françoise, née à Paris, le 21 mai 1774, mariée le 3 février 1810 à Jean-Louis Mathevon, baron de Curnieu. Il ne saurait en effet être question de sa sœur aînée mariée en 1793 à M. de Cambis, ni des enfans de sa belle-sœur, née Hall, épouse en premières noces de Suleau : il est à remarquer qu’une fille de celle-ci, ayant épousé en premières noces Robert de Lignerac, duc de Caylus, se remaria à L.-J. Carra de Saint-Cyr, comte de Rochemure, fils adoptif du général de Saint-Cyr,
  23. Il y a toute une dynastie de musiciens du nom de Grua à partir du XVIIIe siècle, à Milan et en Allemagne.
  24. Victoire-Marie-Christine Fresia d’Oglianico épousa Jean-François-Félix Saint-Martin La Motte, d’une des premières familles du Piémont ; il fit partie en 1800 et 1801 du gouvernement provisoire, fut préfet du département de la Sesia et sénateur le 1er floréal an XII.
  25. Adèle-Rosalie Collart-Dutilleul épouse, en août 1802, Nicolas-François Mollien, depuis ministre du Trésor public.
  26. Voici comme étaient libellées, à la main, les invitations à dîner, pour Neuilly :
    S. A. I. MADAME LA PRINCESSE CAROLINE

    et Monsieur le maréchal de l’Empire Murat,
    prient M….. de venir dîner lundi,
    16 vendémiaire, à 5 h. 1/2, à leur maison de campagne

    de Neuilly.

    R. S. V. P.
    Paris, le 13 vendémiaire.

  27. Marie-Geneviève-Joséphine Caudaux, mariée, le 30 décembre 1803, à Auguste-François-Marie de Colbert, tué le 3 janvier 1809 ; remariée en 1814, au marquis de La Briffe.
  28. Adélaïde-Marie-Françoisc Pyvart de Chastullé qui épousa en 1788 Alexandre-François de la Rochefoucault, était la cousine germaine d’Alexandre de Beauharnais, premier mari de Joséphine.
  29. Francisque-Claudie de Stolherg-Gedern, née en 1756, épouse Nicolas, comte d’Arberg et Valengin, est amenée à Paris par Joséphine près de laquelle elle vit avec ses filles jusqu’en 1814. Elle est la sœur de Mme la comtesse d’AIbany et de la duchesse de Berwick.
  30. Aglaé Deslacs d’Arcambal, mariée en 1792 à Charles-Pierre Claret de Fleurieu, gouverneur du Palais des Tuileries.
  31. Herminie-Félicienne-Joseph Le Tavernier, mariée en 1792 à Bernard-François Chauvelin, maître de la garde de robe de Louis XVI, sorti du Tribunat en 1804, membre du Corps législatif et préfet de la Lys.
  32. Napoléon-Louis, né à Paris, le 11 octobre 1804, mort à Forli, le 17 mars 1831.
  33. Suzanne-Élisabeth-Sophie Fortin-Duplessis a épousé, en 1799, Claude de Beauharnais, cousin du premier mari de Joséphine, veuf de Claude-Françoise Gabrielle-Adrienne de Lezay Marnésia dont il avait eu pour fille Stéphanie, plus tard grande duchesse de Bade ; de sa seconde femme il avait eu une fille, née le 11 décembre 1803. Il était sénateur avec sénatorerie et fut comte de l’Empire, chevalier d’honneur de L’Impératrice Marie-Louise ; il adhéra en 1814 à la déchéance et fut pair de France.
  34. Marie-Anne Lambert épouse en 1789 Jean-Jacques Olivier, général de division du 22 mai 1799, mort en 1813. La fille ai née du général Olivier épousa le fils du général comte du Hugeudorp, aide de camp de l’Empereur et Légataire.
  35. Louis-Antoine Pille, commissaire des guerres en 1767, volontaire en 1790, général de division en 1795, mort en 1828.
  36. Vice-président de la République italienne, plus tard duc de Lodi.
  37. La princesse Joseph Bonaparte.
  38. Achille Murat, né en 1801, mort en 1847, fils aîné de Joachim Murat et de Caroline Bonaparte.
  39. Ceci montre que la situation était connue et que l’on comptait fort bien que le mariage aurait lieu.
  40. Louis-Pierre Alphonse de Colbert Chabanais fut baron de l’Empire, général de brigade en 1814, général de division en 1837 ; il était frère d’Auguste-Marie-François, marié à Mlle Canclaux, tué à Caballos (Espagne), le 3 janvier 1809.
  41. Anne-Henriette Croze de Lincel, mariée à Claude-Mathieu Gardanne, général de brigade, aide de camp de l’Empereur.
  42. Laure Guesnon de Bonneuil, mariée à Michel-Louis-Étienne Regnault (de Saint-Jean d’Angely), député, ministre d’Etat, etc., proscrit par la Restauration.
  43. Il a remplacé Murat dans le commandement des troupes françaises stationnées dans la République italienne.
  44. Le comte Philippe de Cobentzel, ambassadeur de S. M. l’empereur d’Allemagne et d’Autriche.
  45. M. de Lima, ambassadeur de S. A. R. le prince Régent de Portugal.
  46. M. de Knobelsdorf, ministre de Prusse près la Porte, sous le règne de Frédéric-Guillaume II fut chargé par son souverain, en septembre 1806, d’une mission près de l’Empereur.
  47. L’Empereur accordait à la princesse Caroline, comme traitement annuel, 240 000 francs : mais, de plus, il lui faisait des gratifications, comme, par l’ordre du 10 nivôse an XIII, une de 200 000 francs.
  48. Ferdinand Marescalchi, ministre des Affaires étrangères du royaume d’Italie, en résidence à Paris.
  49. La signora Maddalena Mastrillo, marquise del Gallo, femme du ministre de Naples à Paris.
  50. Grand-écuyer de la couronne d’Italie, neveu du cardinal.
  51. Léonard Giustiniani, comte de l’Empire en 1810 (1759-1823.)
  52. S. A. S. Mgr le maréchal Murat, grand-amiral. 12 pluviôse an XIII (1er février 1805).
  53. Louis-Mathieu de Barral, sénateur, archevêque de Tours, né à Grenoble, le 20 août 1746, fut après le divorce aumônier de l’impératrice Joséphine.
  54. Le frère de l’archevêque est Joseph-Marie, député au Corps législatif, premier président de la Cour impériale à Grenoble. Il avait épousé Mlle de Tencin et était le propre beau-frère de Mme de Barral-Beauharnais.
  55. Marie-Jeanne-Ignace-Thérèse Cabarrus, mariée le 3 août 1805, à François-Joseph-Philippe de Riquet de Caraman, qui fut prince de Chimay, par diplôme du roi des Pays-Bas, du 21 septembre 1824. Elle avait eu avant ce troisième mariage sept à huit enfans, dont deux étaient légitimes.
  56. Murat, Lettres, III, 340, n° 1817.
  57. Marie-Madeleine Lejeas, mariée le 21 mai 1801 à Hugues-Bernard Maret, secrétaire d’État, ministre, etc., alors âgé de 38 ans, dame du palais de l’Impératrice.
  58. Emilie-Louise de Beauharnais, nièce de Joséphine, mariée le 18 mai 1798 à Antoine-Marie Chamans-Lavalette, dame d’atours de l’impératrice.
  59. Vice-roi d’Italie le 7 juin 1805.
  60. Charlotte-Élisabeth-Maric de Rigaud de Vaudreuil, veuve du conventionnel d’Izam de Fraissinet, mariée en 1793 à Antoine-Joseph-Philippe de Walsh de Serrant, maréchal de camp en 1784, dame du palais de l’Impératrice.
  61. Louise-Antoinette-Scolastique Guéhéneuc, mariée le 15 septembre 1800 au général Jean Lannes, divorcé de Jeanne-Jacqueline-Barbe Méric, dame du palais de l’Impératrice.
  62. Marie-Antoine-Adèle Papin, mariée en 1802 à Charles-Jacques-Nicolas Duchâtel, directeur général des Domaines, âgé de 49 ans, dame du palais de l’Impératrice.
  63. 17 mars.
  64. Ballet de Gardel à l’occasion de la fête de l’Impératrice, frais de représentation 1 283 fr. 40.
  65. Le général Charpentier a pour aides de camp, en l’an XIII, Vautré, chef de bataillon, Paitru, capitaine, Halry, capitaine (État militaire). Ce Vautré doit être Victor Vautré, chevalier de l’Empire en 1810, marié vers 1811, à Françoise-Antoinette-Benjamine Giovio, qui fut major en 1808, colonel du 9e de ligne en 1810 et retraité maréchal de camp honoraire en 1817, avec un titre de baron.
  66. De Louise-Julie-Caroline, née à Paris le 22 mars 1805, mariée le 25 octobre 1825 à Jules, comte Rasponi.
  67. Caroline Lefèbvre, baronne de l’Empire en 1809, née en 1767, avait été mariée en 1782 à François vicomte de Fontanges, maréchal de camp en 1789, lieutenant-général en 1815 ; il avait servi en Espagne pendant la Révolution. Mlle Lefèbvre était parente des Beauharnais.
  68. Elisabeth Magon de la Lande, mariée le 14 décembre 1790 à Marie-Joseph-Thérèse, vicomte de Saint-Pern, nommée dame pour accompagner Madame le 24 ventôse an XIII, morte au château de Pont le 6 septembre 1806.
  69. Louise-Aimée-Julie Leclerc, sœur des généraux Leclerc et belle-sœur de Pauline Bonaparte, mariée le 12 novembre 1801 à Louis-Nicolas Davout, alors général de division.
  70. Laure-Adélaïde-Constance Saint-Martin de Permon, mariée en 1801 à Jean-Audoche Junot, aide de camp de l’Empereur.
  71. Sa belle-sœur,
  72. L’Elysée.
  73. Jérôme après avoir quitté miss Paterson est arrivé à Alexandrie où il a été contraint de céder à la volonté de son frère, et il a abandonné « sa femme américaine. »
  74. Marie-Anne-Charlotte Courty de Romange, mariée le 15 mars 1788 à Pierre-Simon Laplace, membre de l’Académie française et de l’Académie des Sciences, ministre, sénateur, etc., dame pour accompagner la princesse Elisa.
  75. Il n’est mort que le 28 avril 1808.
  76. Combat de Wertingen (8 octobre).
  77. Envoyé pour commander l’Armée d’Italie à la place de Jourdan.
  78. Combats de Gruzburg, d’Elchingen et de Memmingen.
  79. Remy-Joseph-Isidore Exelmans, constamment aide de camp de Murat jusqu’en 1811.
  80. Christophe Saliceti, député de la Corse de 1789 à 1799, a joué le plus grand rôle dans la vie et la fortune des Bonaparte (1757-1809).