Documents relatifs à l'enseignement primaire avant la Révolution

Anonyme
Documents relatifs à l'enseignement primaire avant la Révolution
Revue pédagogique, premier semestre 1883 (p. 54-60).

DOCUMENTS
RELATIFS À L’ENSEIGNEMENT PRIMAIRE
AVANT LA RÉVOLUTION


Le Musée pédagogique possède une collection de documents manuscrits très intéressants, relatifs à la situation des écoles primaires en France avant la Révolution. La Revue publiera de temps en temps quelques-unes de ces pièces inédites. Nous en donnons deux aujourd’hui : le Procès-verbal d’une nomination de maître d’école en 1788, dans la commune de Combes-la-Ville, près de Melun ; et le Règlement pour les maîtres d’école du diocèse d’Amiens, daté de 1776.

Procès-verbal de la nomination d’un maître d’école à Combes-la-Ville[1].

Le dimanche seize novembre 1788, l’assemblée de la Fabrique aïant été annoncée au prône de la messe paroissiale, et convoquée au son de la grosse cloche, elle s’est tenue dans la salle des petites écoles, où messire François Voyant, prêtre, curé de ce lieu, portant la parole a dit et représenté que le nommé Joseph Formé, ci-devant maître d’école de la paroisse, étant décédé au commencement de janvier dernier, lui, sieur curé, avait, suivant l’usage constant de la paroisse, et le droit inhérent à sa qualité, qui le met en état, plus que personne, de juger de la foi, de la pureté de mœurs et des talents qui conviennent à un maître d’école, nommé Edme-Nicolas Le Roy, natif de la paroisse du Tillet, de ce diocèse, pour en remplir la place et en faire les fonctions, lesquelles il avait commencé le 20 dudit mois et continué jusqu’à ce jour, à la satisfaction des parents qui lui avaient confié leurs enfants ; que conséquemment il était nécessaire de lui assurer un salaire qui pût le faire subsister décemment, et de lui prescrire authentiquement quels sont les devoirs et les conditions qui lui sont imposées pour avoir part à ce salaire et pouvoir y prétendre et le toucher.

Sur quoi, après en avoir délibéré, l’assemblée a approuvé et approuve tous les articles suivants pour servir de règles de conduite à toujours au maître d’école de cette paroisse.

1° Le maître d’école est obligé d’apprendre aux enfants à servir la sainte messe, et de la servir à leur défaut, dans tout le cours de l’année ; de la sonner et de préparer tout ce qu’il faut pour sa célébration, comme le luminaire, les burettes, les ornements, l’autel, le missel, etc. ; et, après la messe, de remettre chaque chose en sa place.

2° Il est obligé d’assister et de chanter à tous les obits et fondations qui s’acquittent dans l’église pendant le courant de l’année, et de les sonner quand et en la manière prescrite.

3° Plus, d’assister et de chanter à tous les offices, saluts, processions et généralement à tout le culte religieux et public qui se rend à Dieu, pendant tout le cours de l’année, soit les jours de fête, soit les jours ouvriers.

4° Plus, d’assister et d’accompagner M. le curé ou le prêtre commis de sa part, dans l’administration des sacrements, soit de jour, soit de nuit, soit dans l’église, soit dans les maisons, et de faire les fonctions de clerc des sacrements et de sacristain ; conséquemment de préparer tout ce qu’il faut et le remettre en place après la cérémonie ; écrire les actes, recevoir les honoraires et les distribuer à chacun selon ce qu’il lui est dû.

5° Il est chargé de sonner l’Angelus le matin, au soleil levant, plus à onze heures, plus le soir, après le coucher du soleil, tous les jours ouvriers de l’année, plus le soir après le coucher du soleil, toutes les fêtes de l’année, en observant de le sonner plus solennellement à onze heures et le soir les veilles de dimanches et fêtes. Il est chargé encore de sonner tous les obits et toutes les fondations qui s’acquittent dans le courant de l’année, les antiennes des O dans l’Avent, et lorsqu’il faut porter le saint viatique aux malades ;

Plus de sonner les catéchismes et les instructions qui se font ou peuvent se faire pendant le carême ou autre temps de l’année, comme aussi la confession des enfants, aux Quatre-Temps, et pendant leur confession il doit rester dans l’église pour veiller sur eux, s’il est nécessaire.

Plus, il est chargé de sonner l’école à huit heures du matin et à une heure après midi.

6° Il doit prendre soin de l’horloge de la paroisse et la monter avec exactitude et la faire sonner régulièrement.

7° Il doit veiller à ce qu’on prépare les ornements nécessaires et propres à la célébration des offices, s’aider à les préparer.

8° Plus balaïer le chœur et le sanctuaire, toutes les veilles de dimanches et de fêtes, ainsi que passer ensuite un torchon sur les gradins de l’autel, le tabernacle, les grilles, les stalles et la chaire.

9° Il doit orner et préparer les autels à temps convenable, les veilles de fêtes, selon le rit ou la rubrique de chaque fête ou de chaque cérémonie ; disposer le dais pour les processions du Saint-Sacrement et pour les offices des jeudi et vendredi saints, et, après les solennités, déparer les autels et l’église et remettre chaque chose à sa place.

10° Aux enterrements des grands corps, le maître d’école est sonneur né avec le bedeau de l’église, il doit parer les autels en noir, mettre les parements d’autel et les chandeliers nécessaires, le bénitier, l’aspergeoir, et généralement préparer tout ce qui est nécessaire pour les convois et enterrements après lesquels il doit ranger tout avec ordre et propreté et tous les deux, le bedeau et lui, avec les autres sonneurs qu’ils prennent à leur choix, ou à celui des parents des défunts, ils doivent sonner de la manière prescrite dans le diocèse, faire la fosse, porter le corps et l’enterrer. Mais, comme ledit maître d’école est obligé d’assister en surplis au convoi et enterrement, il doit païer quelqu’un à ses dépens, qui aide à sa place à porter le corps et à l’enterrer, avec les autres sonneurs.

Plus, aux enterrements des enfants, le maître d’école doit sonner, faire la fosse, porter ou faire porter le corps et l’enterrer ; il doit préparer tout pour le convoi et l’enterrement, après lesquels il doit tout replacer.

Plus, à tous les convois et enterrements, le maître d’école doit chanter et faire les fonctions de clerc des convois, et par conséquent distribuer les cierges au clergé, écrire les actes, recevoir les honoraires, en donner quittance et les distribuer à qui de droit.

11° Plus, pendant tout le cours de l’année le maître d’école est obligé de montrer à lire et à écrire aux enfants de la paroisse qui vont à l’école et de leur enseigner l’arithmétique. Il doit former des enfants de chœur en plus grand nombre qu’il pourra, et non seulement leur apprendre le plain-chant, mais leur apprendre les cérémonies, en outre, il doit faire le catéchisme au moins deux fois la semaine, savoir le mercredi et le samedi, en se conformant à celui qui se fait dans l’église, le dimanche, par Monsieur le curé ou Monsieur le vicaire.

Plus, il doit faire le catéchisme aux commençants aux mêmes jours et aux mêmes heures où M. le curé et M. le vicaire le font à ceux qui sont le plus avancés, les jours de dimanches et de fêtes, et ce catéchisme doit durer au moins une heure.

12° L’école du matin commencera à huit heures, et finira à onze ; celle du soir, à une heure, et finira à quatre. Celle du matin commencera par la prière du matin, dont la formule sera toujours la même, sans aucun changement, et mise au tableau dans la salle des écoles, et finira ladite école du matin, par l’Angelus dit alternativement, de deux jours l’un, tantôt en latin, tantôt en français.

L’école du soir commencera par des actes de foi, d’espérance, de charité et autres, que tous doivent apprendre pour les faire toute leur vie pendant le cours de leur travail et de leur occupation ordinaire, et elle sera terminée par la prière du soir.

Le maître d’école aura un catalogue exact de tous les enfants de la paroisse en état d’apprendre à lire, veillera sous les ordres de M. le curé, à ce qu’ils viennent assidûment à son école, et visitera avec honnêteté les parents pour s’informer des raisons ou prétextes de leur absence.

Il aura soin que tout se passe dans son école avec modestie, exigeant rigoureusement le silence, la retenue, l’application ; et n’y souffrant dans aucune circonstance du bruit et de la confusion.

Il fera en sorte que chaque enfant lise à chaque école, non pas toujours selon l’ordre dans lequel ils sont placés, mais indifféremment et comme il le jugera à propos pour les tenir toujours attentifs.

Il les divisera par bandes, ou classes, selon leur portée différente et leur science respective ; et il exigera que dans chaque bande, chacun ait le même livre pour suivre, des ïeux, la lecture de son condisciple et leur apprendre avec plus de facilité, par la répétition de la même lecture dans le même livre commun à tous.

13° Il est extrêmement important que le maître d’école place à propos les punitions et les récompenses, c’est la charité qui doit régler les unes et les autres : c’est elle qui apprend à punir les enfants sans les dégoûter et les aigrir : à les louer et à les récompenser sans les enorgueillir.

Il n’emploïera le fouët qu’à l’extrémité et pour les fautes les plus graves, et ne le donnera jamais qu’après la classe, et lorsque les enfants auront été congédiés.

Pour les fautes ordinaires, il se contentera de faire mettre à genoux. Si elles sont répétées, il peut employer la férule ou les verges sur les mains ouvertes. Il lui est surtout défendu de frapper les enfants à la tête ou de les souffleter. Il fera corriger les indociles par leurs parents et il congédiera de l’école ceux dont le mauvais exemple pourrait entraîner les autres. Mais cette expulsion étant la plus grande peine qu’il puisse imposer, il ne l’emploïera qu’après avoir épuisé toutes les autres et averti M. le curé ainsi que les parents.

Il évitera avec soin toute partialité, toute préférence injuste d’un enfant à un autre : il donnera encore plus d’éloges à l’application, à la modestie, à la piété qu’à la facilité et à la mémoire ; il aura soin surtout de ne pas paraître avoir plus d’affection pour ceux qui sont avantagés de quelques biens de la fortune que pour ceux qui sont plus pauvres ; il comptera pour rien les agréments de la figure et apprendra par son exemple aux enfants à n’estimer que ce qui est vraiment estimable, selon les principes de la religion.

14° Il ne donnera qu’un demi-jour de vacance par chaque semaine, et s’il s’y rencontre quelque fête, il n’en donnera aucune.

Quant aux grandes vacances d’usage, et nécessitées par les récoltes de la campagne, elles commenceront et finiront avec la perception de la dixme des grains, mais, même pendant les grandes vacances, le maître d’école sera toujours obligé à toutes les fonctions susdites concernant le service de l’église, les messes, les obits, fondations, offices, l’administration des sacrements, les enterrements, la sonnerie, le soin de l’horloge, etc.

15° Il serait à souhaiter et grandement à désirer que le maître d’école menât, tous les jours ouvrables et d’école, tous les enfants à la messe, ainsi que cela se pratique avec édification dans beaucoup de lieux ; mais les enfants de l’école de cette paroisse étant en si grand nombre qu’à peine un seul maître peut y suffire, et leur avancement pouvant souffrir notablement de cette assistance journalière, le maître ne les fera assister à la messe qu’aux Quatre-Temps, les jours de Vigiles et ceux auxquels il y aura messe de dévotion annoncée au prône ou messe de mariage à laquelle il doit assister.

16° Le maître d’école ne doit jamais s’absenter de la paroisse, sans en avoir demandé et obtenu la permission de M. le curé.

Plus, il ne doit vacquer à autre chose qu’à son école, les jours et aux heures qui y sont destinés, c’est-à-dire depuis huit heures du matin jusqu’à onze ; et depuis une heure après midi jusqu’à quatre, temps uniquement consacré à l’enseignement et qui y doit être absolument emploïé ; pourra néanmoins ledit maître exercer un métier, travailler et s’occuper à tel objet honnête qu’il voudra, hors les susdites heures, aussi que les jours où l’école vacquera.

Et pour l’observation du présent règlement que le maitre d’école de la paroisse est tenu de suivre de point en point, il en sera donné copie à chacun maître lorsqu’il entrera en place. Ensuite l’assemblée délibérant sur les émoluments, honoraires et gages qui seront attribués audit maître d’école, elle a statué et arrêté 1° que la misère d’un grand nombre de particuliers de la paroisse étant à son comble, et le salaire que les enfants païent au maître, chaque mois, pour les leçons qu’ils en reçoivent, ne pouvant être augmenté pour un grand nombre, il sera compté et délivré audit maître, par le marguillier en charge, la somme de cinquante écus[2] par chacun an, payable en quatre termes égaux de trois mois en trois mois, savoir : les onze février, mai, août et novembre, le contentement de M. le curé préalablement pris à chacun païement ; déclarant ladite Fabrique assemblée ne pouvoir donner une plus forte somme, quelque désir qu’elle ait de faciliter aux habitants les plus pauvres les moïens de faire instruire à peu de frais leurs enfants, et malgré l’idée qu’elle a de l’importance des fonctions d’un maître d’école, lesquelles, si elles sont bien remplies, ne peuvent être trop appréciées ; 2° que le maître d’école continuera de jouir de la maison et du jardin autrefois légués à ladite fabrique pour cet effet ; dans laquelle maison ledit maitre sera et demeurera obligé de faire les réparations locatives ; 3° qu’à un grand enterrement, outre la part de ce qui est dû aux sonneurs, le maître d’école aura, suivant l’usage, vingt sols pour son honoraire de maître d’école et dix sols pour ses fonctions de sacristain et de clerc des convois ; 4° qu’à un enterrement d’enfant, le maître d’école aura, suivant l’usage, dix sols pour son honoraire de maître d’école, cinq sols pour sonner et dix sols pour faire la fosse, porter ou faire porter le corps et l’inhumer ; que si cependant l’enfant n’est pas de la paroisse, il continuera de lui être attribué quarante sols, comme il a toujours été fait ; 5° qu’à un mariage, le maître d’école aura vingt sols pour son assistance et ses fonctions de sacristain et de clerc des sacrements, tant aux fiançailles qu’à la célébration du mariage ; 6° qu’à un baptême, il n’aura que ce que le parrain et la marraine voudront bien lui donner ; 7° qu’à une grand’messe de dévotion, il lui sera donné douze sols, soit qu’il porte chappe, soit qu’il chante en surplis ; 8° qu’à un service il aura les mêmes honoraires qu’à un convoi et enterrement.

Enfin il a été arrêté unanimement qu’à raison du gage de cent cinquante livres accordé par la présente assemblée audit maître d’école de la paroisse, il ne sera rien innové ou changé dans l’usage du païement des mois d’école que les plus pauvres font audit maître d’école ; qu’ainsi il continuera de lui être païé : 1° six sols par les enfants les moins fortunés qui apprennent à connaître les lettres, ou qui épèlent ; 2° huit sols, par ceux qui lisent dans le latin ; 3° dix sols par ceux qui lisent dans le latin et le français ; 4° douze sols, par ceux qui lisent et écrivent ; 5° douze sols par ceux qui apprennent l’arithmétique.

Laissant ladite assemblée audit maître le droit de traiter, pour le prix de ses leçons, comme bon lui semblera avec ceux qui les lui demanderaient, hors les heures de l’école publique, ou qui voudraient qu’il se transportât en leurs maisons, l’exhortant néanmoins ladite assemblée à modérer ses prix pour se rendre utile à un plus grand nombre ; ainsi qu’elle invite tous et un chacun de ceux qui composent la paroisse, à honorer et faire respecter par leurs enfants ledit maître et à le païer non seulement avec exactitude chaque mois, comme il est en droit de l’exiger, sous peine de renvoïer de l’école leurs enfants, après en avoir néanmoins conféré avec M. le curé, mais encore à le païer le plus généreusement qu’ils pourront, et à ne pas s’en tenir injustement aux prix de rigueur de la taxe des plus pauvres, fixée par le présent règlement. Ainsi conclu et arrêté les jour et an, comme dessus, approuvant les vingt-six lignes portées en marge de la présente délibération.

Ont signé au registre : Morin, Dutfoy, Viret, Lefranc, Liévin, Constant, Le Roy ; Voyant, curé.

Vu et approuvé dans le cours de nos visites le 17 juillet 1789.

Desplances, archid. de Brie.

Clouet, secrétaire.

Règlements pour les clercs-lays ou magisters du
diocèse d’Amiens
[3].

I

Tous ceux qui se présenteront pour cet emploi, apporteront un témoignage avantageux de leur conduite, signé du curé dans la paroisse duquel ils auront servi, certifié par le Doyen de la chrétienté.

II

Ils sauront leur chant, les principales rubriques et cérémonies de l’Église.

III

Ils seront capables d’enseigner la jeunesse à lire et à écrire, et de lui apprendre les premiers éléments de la doctrine chrétienne. Ils sauront tout le catéchisme par cœur.

IV

Ils porteront les cheveux plus courts que le commun des laïques.

V

Il leur est défendu de boire et de manger dans les cabarets du lieu de leur résidence, de jouer en public du violon, d’aller aux danses publiques, aux veilles ou séries, sous peine de révocation de leurs pouvoirs.

VI

Ils remettront chaque année leurs pouvoirs avec des certificats de leur curé, entre les mains des Doyens faisant des visites dans leur paroisse, qui les apporteront à nos Grands-Vicaires pour être continués si on le juge à propos.

Au dos, on lit :

Nous avons reçu et approuvé Jean-Louis Lecaillet, pour servir en qualité de clerc-lay dans la paroisse de Lamotte, à la charge par lui d’exécuter les règlements ci-dessus marqués.

Donné à Amiens, le 14 novembre 1776.

Signé : Dargudes, Vic. Gén.


  1. Ce document est extrait d’une collection préparée en vue de l’Exposition de 1878 par les instituteurs de l’arrondissement de Melun, sous la direction de leur inspecteur primaire, M. Laporte.
  2. Un écu valait trois livres.
  3. Ce document est l’autorisation épiscopale donnée à l’un des anciens instituteurs de la commune de Lamotte-en-Santerre (Somme). L’instituteur actuel, M. Choquet, a envoyé une copie de cette pièce que l’on conserve dans la famille.