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XII

Création du Présidial du Puy.


1689.

1. — Lettre de M. de Basville, intendant du Languedoc, à M. Lepeletier, contrôleur-général des Finances.

Monsieur, je croi la proposition du sieur Pinot, procureur du roy au Puy, d’établir un présidial dans cette ville pour le Velay, utile au roy et avantageuse au public. Les charges de cette création seront levées parcequ’il y a plusieurs habitans de la ville du Puy riches et en état d’acheter.

Quant à l’intérest public il est nécessaire de relever la justice dans ce pays, où elle n’est guère connue. L’éloignement du parlement de Thoulouse y cause ou de grandes injustices ou des frais excessifs aux parties. Ce canton est environné de montagnes de toutes parts qui rendent le commerce difficile, et qui semblent demander qu’il y ait des juges pour décider en dernier ressort les petites affaires. Le séneschal a pour les crimes une attribution pour juger prévostablement les cas prévostaux, mais très souvent les cas présidiaux y demeurent impunis, parce qu’on les juge toujours à la charge de l’appel, et les difficultés ou les frais du transport des prisonniers font ordinairement abandonner la poursuite. J’ay pensé plus d’une fois à cet établissement et je croi que je l’aurois proposé si le sieur Pinot ne m’avoit prévenu. C’est un bon officier, en réputation pour sa probité et pour sa capacité. Si le roy agrée cette proposition et que vous me l’ordonniez aussy je luy manderai de me venir trouver et je travaillerai avec lui à un projet pour l’exécution de ce dessein, que j’aurai l’honneur de vous envoyer. C’est la réponse que je dois à votre lettre du 29 mars dernier. Je suis avec respect, Monsieur, votre très-humble et très-obéissant serviteur, De Lamoignon de Basville. A Montpellier, le 8 avril 1689.

(Original, Arch. nat. G5-5).


2. — Édit du Roy portant création du présidial du Puy en Vellay, vérifié au Parlement de Thoulouse, et en la cour des Comptes, Aydes et Finances de Montpellier.


Donné à Versailles au mois d’octobre 1689.

Louis par la grâce de Dieu, roy de France et de Navarre, à tous présens & à venir, salut. Les soins que nous sommes obligez de prendre pour soutenir la guerre contre les principales puissances de l’Europe ne nous empêchent pas d’avoir l’application nécessaire pour rendre la justice à nos peuples, & pourvoyant autant qu’il nous est possible à la punition des crimes & à l’abréviation des procès, nous avons fait pour cela diverses ordonnances & règlemens, mais comme nous scavons que les principales causes de la longueur des procès & de l’impunité des crimes sont ou les différens degrès des juridictions dans lesquelles les instances sont portées par la passion des parties ou l’éloignement des cours supérieures qui donne lieu à la violence et à l’oppression, & que nostre ville du Puy, capitale du pais de Vellay, l’une des principales de notre province de Languedoc, se trouve scituée à cinquante lieues du parlement de Thoulouse dans un païs de difficile accès, qui la rend impraticable pendant divers temps de l’année ; nous avons crû qu’il n’y avoit pas de moyen plus seur pour le faire jouyr du même repos que nous avons procuré à nos autres sujets, que d’y créer un siège présidial pour y exercer la justice dans l’étendue du ressort du séneschal qui y est déja établi : ainsi la difficulté de traduire les prévenus au parlement de Thoulouse & les frais qu’il falloit faire pour leur conduite n’empêcheroit plus que les voleurs publics, les vagabonds & les scélerats sujets à la juridiction du prévôt ou du présidial par concurrence, & qui troublent ordinairement le commerce ne soient punis ; & en incorporant les baillages du Puy & Montfaucon au siège présidial & au sénéchal, nous suprimons quatre degrez de juridiction qui s’estoient établis pour une même instance dans la ville du Puy & païs de Vellay par un abus manifeste & contre l’ordre général du royaume, d’autant plus que par ce moyen les parties ne soient pas obligées de s’épuiser pour porter au parlement des procez où il s’agira des sommes modiques qui seront jugées par le présidial en dernier ressort au cas de l’édit, & nous pourrons retirer de la vente des offices de ce siège & de l’augmentation de finance de ceux qui sont déja établis un secours considérable dans l’état présent de nos affaires ; A ces causes, de l’avis de notre conseil & de notre certaine science, pleine puissance & authorité royale, Nous avons par notre présent édit perpétuel et irrévocable, créé, érigé & établi, créons, érigeons et établissons un siège présidial dans ladite ville du Puy à l’instar des autres présidiaux de notre province de Languedoc ; lequel siège présidial nous avons uni et incorporé avec le sénéchal de ladite ville, pour avec ledit sénéchal & dans l’étendue de son ressort, avoir même juridiction & connaissance de toutes les matières, tant civiles que criminelles en première instance par appel, & en dernier ressort, attribuées par nous ou par les roys nos prédecesseurs aux autres sénéchaussées & sièges présidiaux de notre dite province de Languedoc ; voulons que ledit siège présidial & sénéchal soit composé outre le sénéchal, le lieutenant-général civil, le lieutenant-général criminel, le lieutenant principal civil & sept conseillers rapporteurs, deux conseillers honoraires & taxateurs de dépens, un procureur & un avocat pour nous, vingt procureurs postulans & trois huissiers actuellement establis près ledit sénéchal, de deux présidens présidiaux, d’un lieutenant particulier civil, de neuf conseillers laïcs dont l’un sera commissaire pour la confection des inventaires, d’un conseiller clerc, d’un lieutenant de sénéchal, de robbe courte, d’un avocat pour nous, de dix procureurs & six huissiers, dont l’un aura la qualité d’huissier audiencier, tous lesquels officiers nous avons ajoutez au nombre cy dessus, pour conjointement avec eux exercer la jurisdiction présidiale & sénéchale. Et d’autant qu’il est aussi nécessaire d’establir une chancellerie prez ledit présidial de même qu’il y en a prez les autres présidiaux affin que nos sujets domiciliez dans l’étendue de son ressort puissent commodément avoir toutes les expéditions nécessaires de chancellerie aussi bien que de justice, sans estre obligez de les prendre à l’avenir dans la chancellerie establie prez notre parlement de Thoulouse, nous avons encore par notre présent édit créé & érigé audit siège une chancellerie présidiale à l’instar de celles establies en tous les présidiaux de notre province, pour y estre toutes le expéditions scellées de cire jaune, d’un scel qui sera pour cet effet fabriqué & composé de nos armes à trois fleurs de lys, autour duquel seront écris ces mots : Le scel royal du siège présidial du Puy ; la garde duquel demeurera & appartiendra à un nostre conseiller garde-scel, que nous avons créé en titre d’office formé aux mêmes honneurs, authoritez, prérogatives, prééminences, pouvoirs, assistances, rapports de procez, distribution d’iceux, part aux épices et droits qu’ont nos autres conseillers cy-dessus créés, laquelle chancellerie sera composée d’un nostre conseiller secrétaire audiancier, d’un nostre conseiller secrétaire controlleur, d’un clerc commis à l’audiance pour recevoir les émolumens du sceau, d’un chauffe-cire & de deux huissiers pour par lesd. officiers, tant dudit présidial & sénéchal, que de ladite chancellerie, jouir des mêmes droits et privilèges, prérogatives & prééminences dont jouissent pareils & semblables officiers dans les autres sénéchaussées, sièges présidiaux & chancelleries présidiales de nostre dite province de Languedoc, ausquels offices il sera par nous pourveu en payant par ceux qui se présenteront pour les remplir en nos revenus casuels les sommes ausquelles lesdits offices seront taxez par les rolles que nous ferons à cest effet arrester en nostre conseil, & ce à l’égard des officiers de ladite chancellerie pour cette première fois seulement, & à l’avenir il y sera pourveu sur la nomination de noz très chers & féaux chevaliers, chanceliers, gardes des sceaux de France, ausquels nous en avons concédé et accordé, concédons & accordons ledit droit de nomination & présentation avec la finance qui en proviendra, vacation arrivant par mort, résignation on autrement, tout ainsi que des autres offices de nos chancelleries, dont la nomination a esté accordée à la dignité de leurs charges, ne nous réservant que ladite première finance & pour toujours le marc d’or qui sera payé aux mutations, ausquels offices, tant dudit présidial & sénéchal, que de ladite chancellerie, Nous avons attribué les gages cy-aprèz scavoir : au premier desdits deux présidens 800 livres, au second 600 livres, au lieutenant particulier 600 livres, ausdits six conseillers compris le conseiller clerc 160 livres chacun, & en outre à celui qui fera la fonction de commissaire des inventaires 80 livres, audit lieutenant du sénéchal 100 livres, audit avocat pour nous 120 livres, à nostre dit conseiller garde scel 160 livres, à l’audiancier & au controlleur chacuns 400 livres, au clerc commis à l’audience & au chauffe-cire chacun 75 livres, dont il sera fait fonds de deux quartiers par chacun an à commencer au premier janvier de l’année prochaine dans les estats de nos finances de la généralité de Montpellier & payer ausdits officiers sur leurs simples quittances. Sera en outre le fonds fait dans les estats des charges assignées sur les amandes des jurisdictions royalles de ladite généralité pour le service divin & menues nécessitez dudit sénéchal augmenté de 300 livres à raison de ladite création. Ordonnons en outre que les droits du sceau des lettres & autres expéditions qui seront scellées en ladite chancellerie seront taxées & payées sur le même pied que les autres chancelleries présidialles & que le controlle, registre populo & autres délivrances en soient faictz suivant les réglemens & ordonnances, tarifs, ordre & usage pratiquez en icelle sans exception ny réserve, & comme si le tout eust esté plus au long spécifié & exprimé, sans toutesfois préjudicier aux droits de nos amez & féaux conseillers secrétaires, les officiers de nostre grande chancellerie, & de nos deux cens quarante conseillers sécrétaires, lesquels se trouvant sur les lieux pourront signer les lettres & expéditions principales, ainsi & que de tout temps ils ont accoustumé, & le peuvent faire suivant nos édits et ordonnances, que nous voulons et entendons estre gardées & observées. Avons en conséquence suprimé & suprimons les baillages de ladite ville du Puy & de Montfaucon, que nous avons uniz & incorporez audict présidial & sénéchal pour avoir pareille jurisdiction & connoissance qui estoit cy devant attribuée ausdits baillages, les officiers desquels remettront incessamment leurs titres devant notre amé & féal conseiller en notre conseil d’Estat le sieur de Lamoignon, intendant de justice, police & finances de nostre province de Languedoc, pour estre procédé à la liquidation de leur finance, & ensuite par nous pourveu à leur remboursement ainsi qu’il appartiendra, & quand aux procez pendans ausdits baillages du Puy & Montfaucon, nous les avons évoquez & évoquons à nous & à notre conseil, & iceux renvoyez et renvoyons audit sénéchal & siège présidial du Puy, pour être par eux jugez conformément aux édits & réglemens suivant la quantité & qualité des sommes ou des parties. Et pour traitter plus favorablement lesd. officiers nouvellement créés, Nous les avons dispensés & dispensons de payer les pretz pendant les années 1690, 1691 & 1692, qui restent des neuf années portées par notre déclaration qui accorde l’annuel aux officiers de notre royaume, en payant l’annuel sur le pied de l’évaluation de leurs offices.

Voulons que pour cette fois seulement il soit procédé à la réception desd. officiers en ladite sénéchaussée, & à l’avenir en notre parlement de Thoulouse, comme il est observé par les officiers des autres sièges présidiaux de nostre province de Languedoc, & d’autant que les offices des officiers dudit sénéchal incorporez avec ledit présidial en deviendront plus considérables & de plus grand prix, nous voulons qu’ilz payent pour supplément de finance les sommes ausquelles ils seront modérément taxez suivant les rolles qui en seront arrestez en nostre conseil, & faute par eux de satisfaire au payement desd. taxes dans le délay qui leur sera donné, leurs offices seront vendus & les propriétaires tenus de remettre leurs titres devant led. sieur de Lamoignon dans trois mois, pour être procédé à la liquidation de leurs finances, pourveu à leur rembourcement ainsi qu’il appartiendra. Si donnons en mandement à nos amez & féaux conseillers, les gens tenans nostre court de parlement de Thoulouse, que les présentes ils fassent lire & publier, registrer & observer de point en point selon la forme & teneur sans y contrevenir ny permettre qu’il y soit contrevenu, nonobstant tous édits, ordonnances, déclarations, coutumes, usages & autres choses à ce contraires, ausquelles nous avons expressément dérogé par le présent édit. Car tel est notre plaisir & afin que ce soit chose estable à toujours, nous avons fait mettre nostre scel à ces présentes. Donné à Versailles au mois d’octobre 1689 et de nostre règne le 47e. Signé : Louis — et plus bas : Philipeaux. Et scelé en cire verte.

Registré, ouy & ce requérant le procureur général du roy, pour estre exécuté selon sa forme & teneur suivant l’arrest de ce jour à Thoulouse en Parlement le 29 novembre 1690 : Signé : Lacombe.

Registré ès Registres de la cour de Comptes, Aydes & Finances de Montpellier, ouy ce et requérant le procureur général du roy, pour estre exécuté selon sa forme & teneur, les chambres & semestres assemblés le 8 novembre 1690. Signé : Lefèvre.

Collationné aux Originaux par nous escuyer & conseiller secrétaire du roy, maison & couronne du roy, maison & couronne de France & de ses finances. Binot.

(D’après un imprimé de l’époque faisant partie de la collection de M. l’abbé Payrard).



3. — Lettre du Contrôleur général à M. de Basville.

Monsieur, je responds par cet ordinaire à quatre de vos lettres que j’ay reçues les 25, 28 et 30 du mois passé. Il y a ordre au Conseil royal donné le 15 octobre pour le paiement, etc. L’office de controlleur triennal du diocèse d’Uzès a esté levé le 2 de ce mois moyennant 2420 livres par un nommé Froment, etc… Je vous renvoye l’estat des justices royalles que vous m’adressez. Il faut que l’on ayt obmis dans la lettre que M. Lepeletier vous a escrite sur cela d’y expliquer que c’estoit pour scavoir celles ou il y a des receptes, des consignations des commissaires aux saisies réelles, etc.

L’establissement du présidial du Puy est résolu conformément à vostre advis. L’édit est mesme expédié et scellé. Il ne reste plus pour consommer cette affaire que de scavoir de quelle manière nous le ferons, si on débitera ces offices en détail, ou si ce sera par un traité, si on les débitera dès à présent au profit du roy ou si Sa Majesté ne trouveroit pas mieux son compte à en charger la Province, surtout s’il y avoit lieu de joindre cela à quelque autre chose, pour en faire une affaire un peu considérable. Vous ferez, s’il vous plaist, vos réflexions sur cela. Mais de quelque manière que les choses tournent, il sera toujours très bon de vous asseurer autant que vous pourrez de marchands pour le débit de ces charges, particulièrement s’il se présente de bons sujets pour les remplir.

Je suis, etc. — 8 novembre 1689.

(Original. Arch. nat., G7, 299).


(À suivre.) Ch. Rocher.