Documents diplomatiques français (1871-1914), série 1, tome 3/03

Rectification des frontières turco-grecques.
Documents diplomatiques français (1871-1914), série 1, tome 3, Texte établi par Sébastien Charléty (Commission de publication des documents diplomatiques français), Imprimerie nationale (p. 3-4).

3.

M. de Freycinet, Ministre des Affaires étrangères, à M. Fournier, Ambassadeur de France à Constantinople.

D. no 7.
Paris, 9 janvier 1880.

Dans un entretien que j’ai eu ces jours derniers avec Lord Lyons, il a été, entre autres choses, question du nouveau projet de rectification des frontières de Grèce, présenté aux Gouvernements par mon prédécesseur[1]. Vous savez que toutes les Puissances, excepté l’Angleterre, ont déjà formellement approuvé notre proposition, et nous ont promis leur concours.

Autant que je puis en juger par le langage de l’Ambassadeur de Sa Majesté Britannique, la raison qui a retardé jusqu’ici la réponse du Foreign Office semblerait être qu’à Londres on a voulu, avant de se prononcer, attendre l’issue de la crise ministérielle qui a amené la formation du Cabinet actuel[2] [3]. Lord Lyons m’a, en effet, demandé si je comptais maintenir intégralement la combinaison suggérée par M. Waddington, contre laquelle mon interlocuteur n’a d’ailleurs présenté aucune objection.

Je lui ai répondu que j’étais parfaitement résolu à persévérer dans la même voie, et je me suis empressé d’exprimer l’espoir que la Grande-Bretagne n’hésiterait pas à se rallier au plan très équitable qui vient d’être agréé par toutes les autres Puissances. L’insuccès des Conférences turco-helléniques de Prévéza[4] et de Constantinople ayant démontré clairement que la délicate question agitée dans la 13e séance du Congrès de Berlin[5] n’avait plus aucune chance d’être tranchée par une entente directe entre les parties intéressées, l’heure était évidemment venue où l’Europe avait un intérêt réel à intervenir pour mettre le plus tôt possible un terme à des discussions qui la fatiguent et qui retardent en Orient le règlement de bon nombre d’affaires importantes.

Or, il paraissait bien difficile, au point où en sont venues les choses, et après l’échec successif de tant de projets hellènes et ottomans, qu’il pût encore surgir une proposition nouvelle aussi satisfaisante pour les deux pays limitrophes, et aussi acceptable pour toutes les Puissances que la transaction présentée par M. Waddington.

M. l’Ambassadeur d’Angleterre m’a promis de rendre compte de notre entretien à son Gouvernement.

J’ai invité d’autre part M. l’amiral Pothuau à insister auprès de Lord Salisbury afin d’obtenir une réponse, et nous ne saurions maintenant tarder beaucoup à la recevoir.

  1. Voir t. II, 1re série, n° 485.
  2. Voir ci-dessus n°1, note 3.
  3. Note de Wikisource : C'est-à-dire : « Du 28 décembre, M. de Freycinet avait remplacé M. Waddington à la Présidence du Conseil et aux Affaires étrangères. »
  4. A Prévéza, du 7 janvier au 18 mars 1879, les ministres helléniques et ottomans avaient discuté la question de la nouvelle frontière sans arriver à un accord. Leurs successeurs n’avaient pas abouti davantage à Constantinople.
  5. Le 5 juillet 1878, M. Waddington proposait au Congrès d’inviter la Sublime Porte à s’entendre avec la Grèce pour une rectification des frontières dont il indiquait la direction générale.