Documens officiels 2e trim. 1830
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PROCLAMATION ET ABDICATION DE BOLIVAR.

La proclamation adressée par Bolivar aux Colombiens contient en substance ce qui suit :

« Après vingt ans consacrés au service de la patrie, je quitte enfin la présidence, et le congrès se réunit pour consolider nos institutions. L’accusation d’aspirer au pouvoir absolu ne m’a pas été épargnée par ceux-là mêmes qui désiraient se partager les lambeaux de l’autorité suprême. Plus d’une fois ils m’ont offert le sceptre de la Colombie, mais j’ai repoussé leur offre avec indignation. Colombiens ! ne vous laissez pas aveugler à votre tour ; réunissez vos efforts à ceux du congrès constituant ; là seulement est l’avenir et l’espoir du peuple ; là doivent converger tous les efforts du patriotisme. Si vous séparez votre pensée de la sienne, les flots déchaînés de l’anarchie ne tarderont pas à submerger votre beau territoire. »

Le message envoyé par le libérateur au congrès n’est qu’une ampliation de la pièce précédente. Bolivar le termine ainsi :

« En vous exprimant ma détermination irrévocable de quitter la présidence, je sais que la sincérité d’une déclaration pareille sera regardée comme suspecte. J’insiste pourtant, et je vous prie de considérer qu’il y va tout autant de votre honneur de ne plus me proposer cette place éminente, que du mien de la refuser désormais. Si vous m’y rappeliez encore, le monde pourrait croire que je ne suis pas étranger à cet événement. Il ne manque pas dans notre patrie de citoyens capables de remplir les devoirs de président, de citoyens qui ne sont pas, ainsi que moi, exposés à la calomnie et accusés d’ambition.

» Il est indispensable qu’un nouveau chef prenne en main la direction des affaires de la république ; car un grand nombre de nos compatriotes veulent savoir si décidément ce poste cessera d’être confié au même homme. Sur l’hémisphère américain comme sur le continent d’Europe, trop de personnes me croient coupable d’arrière-pensées contre la liberté de la Colombie. Hâtez donc votre choix, et qu’un de nos citoyens devienne ce que je ne puis plus être, le point central de la concorde intérieure : ce sera de tout mon cœur que je soutiendrai ce magistrat légitime par l’exemple de mon obéissance, l’appui de mon épée et le concours de l’influence qui m’est acquise.

» Citoyens, il vous reste de grands résultats à conquérir. Les finances réclament vos lumières : la dette nationale est un cancer qui nous ronge. Il est urgent de réorganiser l’armée, d’améliorer l’administration de la justice. L’indépendance, je le dis à notre honte, est encore le seul progrès que nous ayons accompli ; nous ne l’avons obtenue qu’en laissant tout le reste en souffrance : mais elle est la date de tous les perfectionnemens, la première conquête qui force la voie et rend les autres faciles. L’avenir est dans vos mains. »

Quant à la séparation de Venezuela d’avec le reste de la Colombie, Bolivar s’en occupe très-succinctement et conseille aux représentans d’apporter prudence et modération dans l’examen de cette affaire.

Bogota, 20 janvier 1830.


CONVOCATION DES ÉTATS DE POLOGNE.


Extrait du protocole de la secrétairerie d’état du royaume de Pologne.


« Nicolas Ier, etc.

« Prenant en considération les art. 32 et 87 de la constitution de notre royaume de Pologne, de même que les art. 90, 91 et 93 des statuts organiques relatifs aux assemblées de la diète, nous avons résolu de réunir les deux chambres dans notre capitale de Varsovie.

» Les séances des deux chambres s’ouvriront le 28 mai, et seront closes le 28 juin.

» Les nonces et députés devront se trouver dans notre capitale sept jours avant l’ouverture de la diète, pour présenter au sénat les pièces prouvant la validité de leur élection. Les sénateurs du royaume de Pologne devront donc se trouver à la même époque dans cette capitale.

» Sénateurs, nonces et députés !

» Il s’est déjà écoulé douze ans depuis que l’immortel restaurateur de votre patrie vous rassembla pour la première fois autour de son trône, afin de vous mettre en possession du plus précieux des priviléges qu’il vous a conférés.

» Ayant hérité de ses sentimens pour vous en même temps que de son sceptre, nous vous convoquons aussi dans le même dessein. Vous avez appris par trois diètes quel doit être le but de vos efforts, ainsi que ce que vous devez éviter. L’expérience vous a montré les avantages des délibérations calmes et tranquilles, de même que les suites préjudiciables des dissentions. Cette expérience ne sera sûrement pas sans fruit pour vous.

» Ainsi nous ne doutons pas que dans vos délibérations vous ne vous occupiez du bien public avec le zèle qui vous a toujours animés, et avec le même esprit d’ordre et d’union qui a caractérisé les travaux de votre dernière session.

» Du reste, nous vous assurons de notre bienveillance royale, et nous vous recommandons à la protection divine.

» Donné à Pétersbourg, le 25 mars (6 avril) de l’an de grâce 1830, et de notre règne le troisième.

» Nicolas. »


DÉCRET DU ROI D’ESPAGNE MODIFIANT L’ORDRE DE LA SUCCESSION AU TRÔNE.


« Ferdinand vii par la grâce de Dieu, etc., aux infans, prélats, ducs, marquis, comtes, ricos hombres, etc. ; sachez :

» Que durant les cortès qui se réunirent en mon palais de Buen-Retiro, en l’année de 1789, il fut question, sur la demande de mon auguste père, de la nécessité et convenance de faire observer l’ordre régulier établi par les lois du royaume et par l’ancienne coutume, en ce qui touche le droit de successibilité à la couronne, en préférant l’aîné aux cadets, et l’enfant du sexe masculin à celui du sexe féminin, en suivant leur ligne respective ; et lesdits cortès, reconnaissant en effet tout ce qui était résulté de bien pour la monarchie durant 700 ans, de cet ancien ordre de choses, et appréciant les circonstances éventuelles qui contribuèrent à sa réforme par acte du 10 mai 1713, déposèrent entre les mains royales de S. M. une pétition datée du 30 septembre de ladite année 1789, où elles faisaient valoir tous les résultats utiles recueillis par le royaume de l’observation de l’ancienne coutume, soit avant, soit plus particulièrement après la réunion des couronnes de Castille et d’Aragon, telle qu’elle est établie par la loi 2e, titre 15, partie 2o ; suppliant S. M. que, nonobstant le susdit acte, elle daignât ordonner que l’ancienne coutume de la monarchie fût de nouveau et toujours observée, faisant publier à cet effet la pragmatique sanction d’usage, comme loi rendue et rédigée en assemblée de cortès, à l’effet de constater cette résolution et l’abrogation de l’acte précité.

» Le roi mon auguste père daigna prendre sur cette pétition une résolution conforme à ce que demandait le royaume, faisant écrire sur la consultation dont la junte des assistans aux cortès, le gouverneur et les membres de mon conseil royal de Castille accompagnèrent la pétition des cortès : « Qu’elle avait pris une résolution conforme à ladite demande. » Mais, ordonnant que, pour lors, il en fût gardé le plus grand secret, ainsi qu’il convenait à son service, S. M. ajoutait à la résolution qui précède : « Qu’elle ordonnait à ceux de son conseil d’expédier la pragmatique sanction accoutumée en pareil cas. » À cet effet, il fut transmis secrètement copie, par le gouverneur du conseil, au président des cortès, le comte de Campomanes, de la supplique précitée, et des résolutions y annexées, et le tout fut publié dans le sein des cortès, avec la réserve recommandée par S. M.

» Les troubles qui agitèrent bientôt l’Europe, et ceux dont la Péninsule eut bientôt à souffrir, ne permirent pas l’exécution de ces importans desseins qui demandaient des jours plus tranquilles. Mais, grâce à la divine miséricorde, le bon ordre et la paix dont avait un si grand besoin mon peuple bien-aimé, ayant été rétablis, après avoir examiné cette importante affaire, et avoir entendu les ministres dévoués à mon service et au bien public, j’ai ordonné, par mon décret adressé à mon conseil le 26 de ce mois, que, conformément à la susdite pétition en original, présentée par les cortès, et à ce qui avait été résolu par le roi mon père bien-aimé, ainsi qu’à l’attestation des notaires majeurs des cortès, lesquels documens lui ont été en même temps transmis, il fasse immédiatement publier la loi et pragmatique d’usage. Cette publication ayant eu lieu en mon conseil, en présence de mes deux fiscaux, ce jour 27 du même mois, et son exécution ayant été ordonnée, comme loi rendue en cortès, j’ordonne qu’on observe et exécute désormais à perpétuité le contenu littéral de la loi 2e, tit. 15, partie 2e, selon la pétition des cortès réunies en mon palais du Buen-Retiro, en l’année 1789 et dont la teneur est comme suit : »

Le texte de cette loi, reproduit en vieux style espagnol, établit d’abord suivant des exemples tirés de la loi de Moïse et des saintes écritures, le droit de préférence des aînés sur leurs cadets, et elle stipule après ce qui suit :

« C’est ainsi qu’il en a toujours été sur toute la terre et principalement en Espagne. Il y fut établi que, pour obvier à tous les maux, la souveraineté du royaume appartiendrait à ceux qui viendraient en ligne droite, et qu’à défaut d’enfant mâle, la fille aînée après lui hériterait. Il fut même ordonné que si le fils aîné venait à mourir avant d’hériter, et qu’il laissât fils ou fille de sa femme légitime, celui ou celle-ci hériterait et non pas d’autre ; que si tous ceux-ci décédaient, l’héritier du trône serait le plus proche parent, pourvu qu’il fût capable à cet effet (home para ello) et qu’il n’eût rien fait qui dût le lui faire perdre. D’où il suit que le peuple est tenu de reconnaître le fils aîné du roi, car autrement le roi ne saurait être complétement reconnu ; et enfin quiconque ferait en contre de ce quelque chose commettrait trahison et aurait mérité la peine d’usage envers ceux qui méconnaissent la souveraineté du roi.

» Et en conséquence, j’ordonne, etc.

» En mon palais, le 29 mars 1830 ;

« Moi ! le Roi. »