Doctrine de la vertu (trad. Barni)/Eléments métaphysiques/Partie 2/Chapitre 1/S2/$42

Éléments métaphysiques de la doctrine de la vertu (seconde partie de la Métaphysique des moeurs), suivis d'un Traité de pédagogie et de divers opuscules relatifs à la morale
Traduction par Jules Barni.
Auguste Durand (p. 146-147).


DES VICES QUI PORTENT ATTEINTE AU DEVOIR DU RESPECT ENVERS LES AUTRES HOMMES.
CES VICES SONT : A, L’ORGUEIL ; B, LA MÉDISANCE ; C, LA RAILLERIE.
A.
l’orgueil.
§ 42.

L’orgueil[1] (superbia, ou, comme ce mot l’exprime, le penchant à s’élever toujours au-dessus des autres) est une espèce d’ambition[2] (ambitio), par laquelle nous demandons aux autres hommes de faire peu de cas d’eux-mêmes en comparaison de nous ; et par conséquent c’est un vice contraire au respect auquel tout homme a le droit de prétendre.

Il diffère de la fierté[3] (animus elatus), qui est une sorte d’amour de l’honneur[4], où le soin de ne rien céder de sa dignité d’homme dans la comparaison avec les autres (aussi a-t-on coutume de la caractériser par l’épithète de noble) ; car il exige des autres un respect que pourtant il leur refuse. — Mais cette fierté elle-même devient une faute et une offense, lorsqu’elle ne fait aussi qu’exiger des autres qu’ils s’occupent de notre importance.

L’orgueil, qui est comme la passion de l’ambitieux voulant voir marcher derrière lui des gens qu’il se croit permis de traiter avec dédain, est injuste et contraire au respect dû aux hommes en général. C’est une folie[5], c’est-à-dire une frivole dépense de moyens pour une chose qui sous un certain rapport ne mérite pas d’être regardée comme une fin. C’est même une sottise[6], c’est-à-dire une absurdité choquante, consistant à se servir de moyens qui doivent produire chez les autres justement tout le contraire de ce qu’on se propose ; car plus l’orgueilleux se montre empressé d’obtenir le respect des autres, et plus chacun le lui refuse. Tout cela est évident de soi. Mais on n’a pas assez remarqué que l’orgueilleux a toujours au fond une âme basse. Car il n’exigerait pas que les autres fissent peu de cas d’eux-mêmes, en se mesurant à lui, s’il ne se jugeait capable, dans le cas où la fortune lui serait contraire, de ramper à son tour et de renoncer à tout respect de la part d’autrui.

Notes du traducteur modifier

  1. Hochmut.
  2. Ehrbegierde.
  3. Stolz.
  4. Ehrliebe.
  5. Thorheit.
  6. Narrheit.

Notes de l’auteur modifier