Doctrine de la vertu (trad. Barni)/Eléments métaphysiques/Partie 2/Chapitre 1/S2/$39

Éléments métaphysiques de la doctrine de la vertu (seconde partie de la Métaphysique des moeurs), suivis d'un Traité de pédagogie et de divers opuscules relatifs à la morale
Traduction par Jules Barni.
Auguste Durand (p. 143-144).
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§ 39.


Mépriser (contemnere) les autres, c’est-à-dire leur refuser le respect que l’on doit à l’homme en général, est dans tous les cas contraire au devoir ; car ce sont des hommes. Leur accorder intérieurement peu d’estime[1] (despicatui habere) en les comparant avec d’autres, est parfois, il est vrai, chose inévitable ; mais le témoignage extérieur de ce défaut d’estime est une offense. — Ce qui est dangereux n’est point un objet de mépris, et ce n’est pas en ce sens que l’homme vicieux est méprisable : que si je me sens assez fort contre ses attaques pour dire que je le méprise, cela signifie tout simplement que je n’ai aucun danger à craindre de sa part, alors même que je ne songerais point à me défendre contre lui, parce qu’il se montre lui-même dans toute sa bassesse. Mais il n’en reste pas moins que je ne puis refuser tout respect à l’homme vicieux lui-même, comme homme ; car, en cette qualité du moins, il n’en peut être privé, quoiqu’il s’en rende indigne par sa conduite. Aussi faut-il rejeter ces peines infamantes qui dégradent l’humanité même (comme d’écarteler un criminel, de le livrer aux chiens, de lui couper le nez et les oreilles), et qui non-seulement, à cause de cette dégradation, sont plus douloureuses pour le patient (qui prétend encore au respect des autres, comme chacun doit le faire) que la perte de ses biens ou de sa vie, mais encore font rougir le spectateur d’appartenir à une espèce qu’on puisse traiter de la sorte.

Notes du traducteur modifier

  1. Geringschätzen.

Notes de l’auteur modifier