Doctrine de la vertu (trad. Barni)/Eléments métaphysiques/Partie 1/L1/$3

Éléments métaphysiques de la doctrine de la vertu (seconde partie de la Métaphysique des moeurs), suivis d'un Traité de pédagogie et de divers opuscules relatifs à la morale
Traduction par Jules Barni.
Auguste Durand (p. 70-71).


§ 3.


Solution de cette apparente antinomie.


Dans la conscience d’un devoir envers lui-même, l’homme se considère, en tant que sujet de ce devoir, sous un double point de vue : d’abord comme être sensible[1], c’est-à-dire comme homme (comme être faisant partie de l’espèce animale), et ensuite comme être rationnel[2] (je ne dis pas seulement comme être raisonnable[3], car la raison pourrait bien être aussi, comme faculté théorétique, l’attribut d’un être corporel vivant), c’est-à-dire comme un être qu’aucun sens ne peut atteindre, et qui ne se révèle que dans des rapports pratiques, où l’incompréhensible attribut de la liberté se manifeste par l’influence de la raison sur la volonté à laquelle elle dicte des lois intérieures.

Or l’homme, comme être physique[4] raisonnable (homo phænomenon), peut être déterminé par sa raison, comme par une cause, à produire des actions dans le monde sensible, et ici le concept de l’obligation ne se montre point encore. Mais le même être, considéré dans sa personnalité, c’est-à-dire comme un être doué de liberté intérieure (homo noumenon) est capable d’obligation, et en particulier d’obligation envers lui-même (envers l’humanité dans sa personne). C’est ainsi que l’homme (considéré sous ce double rapport) peut, sans contradiction, reconnaître un devoir envers lui-même, puisque le concept de l’homme n’est pas pris dans un seul et même sens.

Notes du traducteur modifier

  1. Sinnenwesen.
  2. Vernunftwesen.
  3. Vernünftiges Wesen.
  4. Naturwesen.

Notes de l’auteur modifier