Doctrine de l’Église catholique orthodoxe/Introduction/Differences regle de foi


Librairie de l’Union Chrétienne (p. 18-26).



différences entre les églises chrétiennes touchant la règle de la foi.

Jusqu’au seizième siècle, l’Église romaine admit que la règle de la foi consiste dans le témoignage constant et universel de l’Église. Au seizième siècle, quelques théologiens, et surtout le jésuite Bellarmin, érigèrent en enseignement théologique les prétentions des papes ; ils enseignèrent que l’évêque de Rome, comme chef de l’Église de droit divin, résume en lui l’Église entière et qu’il est l’interprète infaillible de la doctrine révélée, soit écrite, soit transmise par tradition. D’autres théologiens, surtout en France, se déclarèrent pour l’ancienne doctrine ; on les appela gallicans ; les sectateurs de Bellarmin étant surtout en Italie, c’est-à-dire au delà des montagnes des Alpes qui séparent ce pays de la France, on les appela ultramontains, et leur nouvelle doctrine fut nommée ultramontanisme. Ce système a pris peu à peu le dessus dans l’Église romaine, et il est aujourd’hui la doctrine de cette Église. Or, ce système est évidemment contraire au principe catholique qui place la règle de la foi, non pas dans la parole de l’évêque de Rome, mais dans le témoignage constant et universel de l’Église tout entière, se perpétuant depuis les apôtres jusqu’à nos jours.

Pour être orthodoxe, l’Église romaine doit abandonner le système qui donne au pape une autorité doctrinale plus grande que celle qu’il possède comme simple évêque.

L’Église anglicane n’a pas un enseignement parfaitement défini touchant la règle de foi. En effet, par le VIe des articles de foi, elle n’admet que l’enseignement écrit ; par le XIXe elle admet la défection de toutes les Églises patriarcales qui forment l’Église universelle ; par l’art. XXI elle refuse aux Conciles œcuméniques l’infaillibilité, quoiqu’ils représentent l’Église. D’un autre côté, par l’art. XX, elle reconnaît que l’Église possède l’autorité dans les controverses en matière de foi ; par l’art. XXXIV, elle condamne cent qui violent les traditions de l’Église, même en matière de discipline ; dans les préfaces du livre des Prières publiques, elle recommande « de chercher, au moyen des anciens Pères, l’origine et le fondement du service divin ; » elle n’exclut que ce qui est contraire à l’enseignement écrit ; elle donne l’ordre établi par les Anciens Pères comme le type du vrai culte. En reconnaissant les quatre premiers conciles œcuméniques, elle admet qu’ils ont défini la vraie croyance des cinq premiers siècles, et que l’Église de cette époque fut pure dans sa foi et dans sa discipline ; parmi ses canons, elle en a un dans lequel elle recommande aux prédicateurs de prendre les Pères Catholiques et les Anciens Évêques, pour guides dans leurs explications des Écritures ; elle a en grand honneur l’étude des Pères de l’Église, et ses meilleurs théologiens enseignent qu’elle rejette l’examen particulier des protestants. C’est ainsi qu’enseignent Overall, Hall, Beveridge, Bull, et, de notre temps, le savant docteur C. Wordsworth.

La doctrine de l’Église anglicane est donc plus rapprochée de celle de l’Église orthodoxe d’Orient que la doctrine de l’Église romaine. Pour être complètement d’accord avec l’Église orthodoxe, l’Église anglicane devrait concilier les éléments qui se trouvent dans ses livres officiels et déclarer plus nettement : 1° qu’il existe un enseignement divin transmis par les apôtres de vive voix ; 2° que cet enseignement oral s’est conservé infailliblement dans l’Église ; 3° que l’on peut le constater par le témoignage constant et universel des Églises apostoliques, c’est-à-dire, des Églises qui sont restées immuables depuis les premiers siècles, dans la doctrine qu’elles avaient reçue.

Les protestants rejettent absolument la règle catholique du témoignage constant et universel, soit comme moyen de transmission de l’enseignement oral, soit comme moyen d’interprétation de l’enseignement écrit ; leur principe est : l’Écriture seule interprétée individuellement.

Cependant, ils sont obligés d’en appeler au témoignage constant et universel de l’Église pour établir l’authenticité de l’enseignement écrit, car c’est elle qui nous a transmis l’Écriture Sainte telle que nous l’avons. La réaction des protestants contre les abus de l’Église romaine les a conduit trop loin. Pour combattre les traditions particulières et erronées de cette Église, ils proclamèrent que toute tradition doit être rejetée, sans s’apercevoir que c’est cette tradition qui donne à l’Écriture elle-même toute sa valeur, en constatant son authenticité. Pour être dans la vérité exprimée par l’Écriture elle-même, les protestants doivent admettre 1° ce principe de saint Paul que l’enseignement divin a été donné de deux manières : de vive voix et par écrit (2. Thessal. II, 14) ; 2° que l’Église a conservé ce double enseignement et qu’elle l’atteste par son témoignage constant et universel ; 3° que chaque individu doit accepter ce témoignage, soit pour la constatation de l’enseignement oral ou écrit, soit pour l’interprétation de ce dernier, et qu’on doit toujours subordonner son interprétation individuelle à l’interprétation collective.

Le protestant qui rejette ces règles ne peut que prêter à Dieu ses propres idées, en interprétant la parole divine d’après son intelligence plus ou moins éclairée et étendue. Il devra rejeter tout ce qui ne lui paraîtra pas conforme à sa raison, ou chercher des sens qui lui paraîtront raisonnables. Il tombera ainsi dans le rationalisme, dès qu’il voudra tirer les conséquences logiques de son principe. C’est ce qui arrive à un grand nombre de protestants de nos jours.