Divagations (1897)/Parenthèse

Pour les autres éditions de ce texte, voir Parenthèse.

DivagationsEugène Fasquelle, éditeur (p. 206-210).






PARENTHÈSE






Cependant non loin, le lavage à grande eau musical du Temple, qu’effectue devant ma stupeur, l’orchestre avec ses déluges de gloire ou de tristesse versés, ne l’entendez-vous pas ? dont la Danseuse restaurée mais encore invisible à de préparatoires cérémonies, semble la mouvante écume suprême.




Il fut un théâtre, le seul où j’allais de mon gré, l’Éden, significatif de l’état d’aujourd’hui, avec son apothéotique résurrection italienne de danses offerte à notre vulgaire plaisir, tandis que par derrière attendait le monotone promenoir. Une lueur de faux cieux électrique baigna la récente foule, en vestons, à sacoche ; puis à travers l’exaltation, par les sons, d’un imbécile or et de rires, arrêta sur la fulgurance des paillons ou de chairs l’irrémissible lassitude muette de ce qui n’est pas illuminé des feux d’abord de l’esprit. Parfois j’y considérai, au sursaut de l’archet, comme sur un coup de baguette légué de l’ancienne Féerie, quelque cohue multicolore et neutre en scène soudain se diaprer de graduels chatoiements ordonnée en un savant ballabile, effet rare véritablement et enchanté ; mais de tout cela et de l’éclaircie faite dans la manœuvre des masses selon de subtils premiers sujets ! le mot restait aux finales quêteuses mornes de là-haut entraînant la sottise polyglotte éblouie par l’exhibition des moyens de beauté et pressée de dégorger cet éclair, vers quelque reddition de comptes simplificatrice : car la prostitution en ce lieu, et c’était là un signe esthétique, devant la satiété de mousselines et de nu abjura jusqu’ à l’extravagance puérile de plumes et de la traîne ou le fard, pour ne triompher, que du fait sournois et brutal de sa présence parmi d’incomprises merveilles. Oui, je me retournais à cause de ce cas flagrant qui occupa toute ma rêverie comme l’endroit ; en vain ! sans la musique telle que nous la savons égale des silences et le jet d’eau de la voix, ces revendicatrices d’une idéale fonction, la Zucchi, la Cornalba, la Laus avaient de la jambe écartant le banal conflit, neuves, enthousiastes, désigné avec un pied suprême au delà des vénalités de l’atmosphère, plus haut même que le plafond peint quelque astre.


Très instructive exploitation adieu.



À défaut du ballet y expirant dans une fatigue de luxe, voici que ce local singulier deux ans déjà par des vêpres dominicales de la symphonie purifié bientôt intronise, non pas le cher mélodrame français agrandi jusqu’à l’accord du vers et du tumulte instrumental ou leur lutte (prétention aux danses parallèle chez le poëte) ; mais un art, le plus compréhensif de ce temps, tel que par l’omnipotence d’un total génie encore archaïque il échut et pour toujours aux commencements d’une race rivale de nous : avec Lohengrin de Richard Wagner.

Ô plaisir et d’entendre, là, dans un recueillement trouvé à l’autel de tout sens poétique, ce qui est, jusque maintenant, la vérité ; puis, de pouvoir, à propos d’une expression même étrangère à nos propres espoirs, émettre, cependant et sans malentendu, des paroles.


Jamais soufflet tel à l’élite soucieuse de recueillement devant des splendeurs, que celui donné par la crapule exigeant la suppression, avec ou sans le gouvernement, du chef-d’œuvre affolé lui-même : ce genre de honte possible n’avait encore été envisagé par moi et acquis, au point que quelque tempête d’égout qui maintenant s’insurge contre de la supériorité et y crache, j’aurai vu pire, et rien ne produira qu’indifférence.


Certaine incurie des premières représentations pour ne pas dire un éloignement, peut-être, de leur solennité, où une présence avérée parmi tout l’éclat scénique commande, au lieu de ces légères Notes d’un coin prises par côté et n’importe quand à l’arrière vibration d’un soir, mon attention pleine et de face, orthodoxe, à des plaisirs que je sens médiocrement ; aussi d’autres raisons diffuses, même en un cas exceptionnel me conduisirent à négliger les moyens d’être de ce lever angoissant du rideau français sur Wagner. Mal m’en a pris ; on sait le reste et comment c’est en fuyant la patrie que dorénavant il faudra satisfaire de beau notre âme.

Voilà, c’est fini, pour des ans.

Que de sottise et notamment au sens politique envahissant tout, si bien que j’en parle ! d’avoir perdu une occasion élémentaire, tombée des nuages et sur quoi s’abattre, nous, de manifester à une nation hostile la courtoisie qui déjoue le hargneux fait divers ; quand il s’agissait d’en saluer le Génie dans son aveuglante gloire.

Tous, de nouveau nous voici, quiconque recherche le culte d’un art en rapport avec le temps (encore à mon avis que celui d’Allemagne accuse de la bâtardise pompeuse et neuve), obligés de prendre matériellement, le chemin de l’étranger non sans ce déplaisir subi, par l’instinct simple de l’artiste, à quitter le sol du pays ; dès qu’il y a lieu de s’abreuver à un jaillissement voulu par sa soif.