Dissertation sur la tragédie de Racine, intitulée : Alexandre le Grand


Dissertation sur la tragédie de Racine, intitulée : Alexandre le Grand


DISSERTATION SUR LA TRAGÉDIE DE RACINE
INTITULÉE : ALEXANDRE LE GRAND.
À madame Bourneau1.
(1666 ; retouché en 1668.)

Depuis que j’ai lu le Grand Alexandre, la vieillesse de Corneille me donne bien moins d’alarmes, et je n’appréhende plus tant de voir finir avec lui la tragédie. Mais je voudrois qu’avant sa mort il adoptât l’auteur de cette pièce, pour former, avec la tendresse d’un père, son vrai successeur. Je voudrois qu’il lui donnât le bon goût de cette antiquité qu’il possède si avantageusement ; qu’il le fît entrer dans le génie de ces nations mortes, et connoître sainement le caractère des héros qui ne sont plus. C’est, à mon avis, la seule chose qui manque à un si bel esprit. Il a des pensées fortes et hardies, des expressions qui égalent la force de ses pensées ; mais vous me permettrez de vous dire, après cela, qu’il n’a pas connu Alexandre ni Porus. Il paroît qu’il a voulu donner une plus grande idée de Porus que d’Alexandre, en quoi il n’étoit pas possible de réussir ; car l’histoire d’Alexandre, toute vraie qu’elle est, a bien de l’air d’un roman : et faire un plus grand héros, c’est donner dans le fabuleux ; c’est ôter à son ouvrage, non-seulement le crédit de la vérité, mais l’agrément de la vraisemblance. N’imaginons donc rien de plus grand que ce maître de l’univers ; ou nos imaginations seront trop vastes et trop élevées. Si nous voulons donner avantage sur lui à d’autres héros, ôtons-leur les vices qu’il avoit, et donnons-leur les vertus qu’il n’avoit pas : ne faisons pas Scipion plus grand, quoiqu’on n’ait jamais vu chez les Romains une âme si élevée que la sienne ; il le faut faire plus juste, allant plus au bien, plus modéré, plus tempérant et plus vertueux.

Que les plus favorables à César contre Alexandre, n’allèguent en sa faveur ni la passion de la gloire, ni la grandeur de l’âme, ni la fermeté du courage. Ces qualités sont si pleines dans le Grec, que ce seroit en avoir trop que d’en avoir plus. Mais qu’ils fassent le Romain plus sage en ses entreprises, plus habile dans les affaires, plus étendu dans ses intérêts, plus maître de lui dans ses passions.

Un juge fort délicat du mérite des hommes s’est contenté de faire ressembler à Alexandre celui dont il vouloit donner la plus haute idée : il n’osoit pas lui attribuer de plus grandes qualités, il lui ôtoit les mauvaises : Magno illi Alexandro, sed sobrio neque iracundo simillimus2.

Peut-être que notre auteur est entré dans ces considérations, en quelque sorte ; peut-être que pour faire Porus plus grand, sans donner dans le fabuleux, il a pris le parti d’abaisser son Alexandre. Si ç’a été son dessein, il ne pouvoit pas mieux réussir ; car il en fait un prince si médiocre, que cent autres le pourroient emporter sur lui, comme Porus. Ce n’est pas qu’Ephestion n’en donne une belle idée ; que Taxile, que Porus même ne parlent avantageusement de sa grandeur ; mais, quand il paroît lui-même, il n’a pas la force de la soutenir, si ce n’est que, par modestie, il veuille paroître un simple homme chez les Indiens, dans le juste repentir d’avoir voulu passer pour un dieu parmi les Perses. À parler sérieusement, je ne connois ici d’Alexandre que le seul nom : son génie, son humeur, ses qualités, ne me paroissent en aucun endroit. Je cherche, dans un héros impétueux, des mouvements extraordinaires qui me passionnent, et je trouve un prince si peu animé, qu’il me laisse tout le sang-froid où je puis être. Je m’imaginois, en Porus, une grandeur d’âme qui nous fût plus étrangère : le héros des Indes devoit avoir un caractère différent de celui des nôtres. Un autre ciel, pour ainsi parler, un autre soleil, une autre terre, y produisent d’autres animaux et d’autres fruits : les hommes y paroissent tout autres par la différence des visages, et plus encore, si je l’ose dire, par une diversité de raison : une morale, une sagesse singulière à la région y semble régler, et conduire d’autres esprits dans un autre monde. Porus, cependant, que Quinte-Curce dépeint tout étranger aux Grecs et aux Perses, est ici purement François : au lieu de nous transporter aux Indes, on l’amène en France, où il s’accoutume si bien à notre humeur, qu’il semble être né parmi nous, ou du moins y avoir vécu toute sa vie.

Ceux qui veulent représenter quelque héros des vieux siècles doivent entrer dans le génie de la nation dont il a été, dans celui du temps où il a vécu, et particulièrement dans le sien propre. Il faut dépeindre un roi de l’Asie autrement qu’un consul romain : l’un parlera comme un monarque absolu, qui dispose de ses sujets comme de ses esclaves ; l’autre comme un magistrat qui anime seulement les lois, et fait respecter leur autorité à un peuple libre. Il faut dépeindre autrement un vieux Romain furieux pour le bien public, et agité d’une liberté farouche, qu’un flatteur du temps de Tibère, qui ne connoissoit plus que l’intérêt, qui s’abandonnoit à la servitude. Il faut dépeindre différemment des personnes de la même condition et du même temps, quand l’histoire nous en donne de différents caractères. Il seroit ridicule de faire le même portrait de Caton et de César, de Catilina et de Cicéron, de Brutus et de Marc-Antoine, sous ombre qu’ils ont vécu, dans la République, en même temps. Le spectateur, qui voit représenter ces anciens sur nos théâtres, suit les mêmes règles pour en bien juger, que le poëte pour les bien dépeindre ; et pour y réussir mieux, il éloigne son esprit de tout ce qu’il voit en usage, tâche à se défaire du goût de son temps, renonce à son propre naturel, s’il est opposé à celui des personnes qu’on représente : car les morts ne sauraient entrer en ce que nous sommes, mais la raison, qui est de tous les temps, nous peut faire entrer en ce qu’ils ont été.

Un des grands défauts de notre nation, c’est de ramener tout à elle, jusqu’à nommer étrangers, dans leur propre pays, ceux qui n’ont pas bien, ou son air, ou ses manières. De là vient qu’on nous reproche justement de ne savoir estimer les choses que par le rapport qu’elles ont avec nous, dont Corneille a fait une injuste et fâcheuse expérience, dans sa Sophonisbe. Mairet, qui avoit dépeint la sienne infidèle au vieux Syphax, et amoureuse du jeune et victorieux Massinisse, plut quasi généralement à tout le monde, pour avoir rencontré le goût des dames et le vrai esprit des gens de la cour. Mais Corneille, qui fait mieux parler les Grecs que les Grecs, les Romains que les Romains, les Carthaginois que les citoyens de Carthage ne parloient eux-mêmes ; Corneille, qui, presque seul, a le bon goût de l’antiquité, a eu le malheur de ne plaire pas à notre siècle, pour être entré dans le génie de ces nations, et avoir conservé à la fille d’Asdrubal son véritable caractère.

Ainsi, à la honte de nos jugements, celui qui a surpassé tous nos auteurs, et qui s’est peut-être ici surpassé lui-même, à rendre à ces grands noms tout ce qui leur étoit dû, n’a pu nous obliger à lui rendre tout ce que nous lui devions, asservis par la coutume aux choses que nous voyons en usage, et peu disposés par la raison à estimer des qualités et des sentiments qui ne s’accommodent pas aux nôtres.

Concluons, après une considération assez étendue, qu’Alexandre et Porus devoient conserver leur caractère tout entier ; que c’étoit à nous à les regarder sur les bords de l’Hydaspe, tels qu’ils étoient ; non pas à eux de venir, sur les bords de la Seine, étudier notre naturel et prendre nos sentiments. Le discours de Porus devoit avoir quelque chose de plus étranger et de plus rare. Si Quinte-Curce s’est fait admirer, dans la harangue des Scythes, par des pensées et des expressions naturelles à leur nation, l’auteur se pouvoit rendre aussi merveilleux en nous faisant voir, pour ainsi parler, la rareté du génie d’un autre monde.

La condition différente de ces deux rois, où chacun remplit si bien ce qu’il se devoit dans la sienne, leur vertu diversement exercée dans la diversité de leur fortune, attirent la considération des historiens, et les obligent à nous en laisser une peinture. Le poëte, qui pouvoit ajouter à la vérité des choses, ou les parer du moins de tous les ornements de la poésie, au lieu d’en employer les couleurs et les figures à les embellir, a retranché beaucoup de leur beauté ; et, soit que le scrupule d’en dire trop ne lui en laisse pas dire assez, soit par sécheresse et stérilité, il demeure beaucoup au-dessous du véritable. Il pouvoit entrer dans l’intérieur, et tirer du fond de ces grandes âmes, comme fait Corneille, leurs plus secrets mouvements ; mais il regarde à peine les simples dehors, peu curieux à bien remarquer ce qui paroît, moins profond à pénétrer ce qui se cache.

J’aurois souhaité que le fort de la pièce eût été à nous représenter ces grands hommes, et que, dans une scène digne de la magnificence du sujet, on eût fait aller la grandeur de leurs âmes jusqu’où elle pourroit aller. Si la conversation de Sertorius et de Pompée3 a tellement rempli nos esprits, que ne devoit-on pas espérer de celle de Porus et d’Alexandre, sur un sujet si peu commun ? J’aurois voulu encore que l’auteur nous eût donné une plus grande idée de cette guerre. En effet, ce passage de l’Hydaspe, si étrange qu’il se laisse à peine concevoir : une grande armée de l’autre côté, avec des chariots terribles et des éléphants alors effroyables ; des éclairs, des foudres, des tempêtes qui mettoient la confusion partout, quand il fallut passer un fleuve si large sur de simples peaux ; cent choses étonnantes qui épouvantèrent les Macédoniens, et qui surent faire dire à Alexandre qu’enfin il avoit trouvé un péril digne de lui ; tout cela devoit fort élever l’imagination du poëte, et dans la peinture de l’appareil, et dans le récit de la bataille.

Cependant on parle à peine des camps des deux rois, à qui l’on ôte leur propre génie pour les asservir à des princesses purement imaginées. Tout ce que l’intérêt a de plus grand et de plus précieux parmi les hommes, la défense d’un pays, la conservation d’un royaume, n’excite point Porus au combat ; il y est animé seulement par les beaux yeux d’Axiane, et l’unique but de sa valeur est de se rendre recommandable auprès d’elle. On dépeint ainsi les chevaliers errants, quand ils entreprennent une aventure ; et le plus bel esprit, à mon avis, de toute l’Espagne, ne fait jamais entrer don Quichotte dans le combat, qu’il ne se recommande à Dulcinée.

Un faiseur de romans peut former ses héros à sa fantaisie ; il importe peu aussi de donner la véritable idée d’un prince obscur, dont la réputation n’est pas venue jusqu’à nous ; mais ces grands personnages de l’antiquité, si célèbres dans leur siècle, et plus connus parmi nous que les vivants même : les Alexandre, les Scipion, les César, ne doivent jamais perdre leur caractère entre nos mains ; car le spectateur le moins délicat sent qu’on le blesse, quand on leur donne des défauts qu’ils n’avoient pas, ou qu’on leur ôte des vertus qui avoient fait sur son esprit une impression agréable. Leurs vertus, établies une fois chez nous, intéressent l’amour-propre comme notre vrai mérite : on ne sauroit y apporter la moindre altération, sans nous faire sentir ce changement avec violence. Surtout, il ne faut pas les défigurer dans la guerre, pour les rendre plus illustres dans l’amour. Nous pouvons leur donner des maîtresses de notre invention, nous pouvons mêler de la passion avec leur gloire ; mais gardons-nous de faire un Antoine d’un Alexandre, et ne ruinons pas le héros établi par tant de siècles, en faveur de l’amant que nous formons à notre fantaisie.

Rejeter l’amour de nos tragédies, comme indigne des héros, c’est ôter ce qui nous fait tenir à eux, par un secret rapport, par je ne sais quelle liaison qui demeure encore entre leurs âmes et les nôtres ; mais pour les vouloir ramener à nous par ce sentiment commun, ne les faisons pas descendre au-dessous d’eux, ne ruinons pas ce qu’ils ont au-dessus des hommes. Avec cette retenue, j’avouerai qu’il n’y a point de sujets où une passion générale, que la nature a mêlée en tout, ne puisse entrer sans peine et sans violence. D’ailleurs, comme les femmes sont aussi nécessaires pour la représentation que les hommes, il est à propos de les faire parler, autant qu’on peut, de ce qui leur est le plus naturel, et dont elles parlent mieux que d’aucune chose. Ôtez aux unes l’expression des sentiments amoureux, et aux autres l’entretien secret où les fait aller la confidence, vous les réduisez ordinairement à des conversations ennuyeuses. Presque tous leurs mouvements, comme leurs discours, doivent être des effets de leur passion ; leurs joies, leurs tristesses, leurs craintes, leurs désirs doivent sentir un peu d’amour, pour nous plaire.

Introduisez une mère qui se réjouit du bonheur de son cher fils, ou s’afflige de l’infortune de sa pauvre fille, sa satisfaction ou sa peine fera peu d’impression sur l’âme des spectateurs. Pour être touchés des larmes et des plaintes de ce sexe, voyons une amante qui pleure la mort d’un amant : non pas une femme qui se désole à la perte d’un mari. La douleur des maîtresses, tendre et précieuse, nous touche bien plus que l’affliction d’une veuve artificieuse ou intéressée, et qui, toute sincère qu’elle est quelquefois, nous donne toujours une idée noire des enterrements et de leurs cérémonies lugubres.

De toutes les veuves qui ont jamais paru sur le théâtre, je n’aime à voir que la seule Cornélie4, parce qu’au lieu de me faire imaginer des enfants sans père, et une femme sans époux, ses sentiments tout romains rappellent dans mon esprit l’idée de l’ancienne Rome, et du grand Pompée.

Voilà tout ce qu’on peut raisonnablement accorder à l’amour sur nos théâtres ; mais qu’on se contente de cet avantage, où la régularité même pourroit être intéressée, et que ses plus grands partisans ne croient pas que le premier but de la tragédie soit d’exciter des tendresses dans nos cœurs. Aux sujets véritablement héroïques, la grandeur d’âme doit être ménagée devant toutes choses. Ce qui seroit doux et tendre, dans la maîtresse d’un homme ordinaire, est souvent faible et honteux, dans l’amante d’un héros. Elle peut s’entretenir, quand elle est seule, des combats intérieurs qu’elle sent en elle-même ; elle peut soupirer en secret de son tourment, confier à une chère et sûre confidente ses craintes et ses douleurs ; mais, soutenue de sa gloire et fortifiée par sa raison, elle doit toujours demeurer maîtresse de ses sentiments passionnés, et animer son amant aux grandes choses, par sa résolution, au lieu de l’en détourner par sa foiblesse.

En effet, c’est un spectacle indigne de voir le courage d’un héros amolli par des soupirs et des larmes ; et, s’il méprise fièrement les pleurs d’une belle personne qui l’aime, il fait moins paroître la fermeté de son cœur que la dureté de son âme.

Pour éviter cet inconvénient-là, Corneille n’a pas moins d’égard au caractère des femmes illustres qu’à celui de ses héros. Émilie anime Cinna à l’exécution de leur dessein5, et va dans son cœur ruiner tous les mouvements qui s’opposent à la mort d’Auguste. Cléopâtre a de la passion pour César, et met tout en usage pour sauver Pompée6 : elle seroit indigne de César, si elle ne s’oppose à la lâcheté de son frère ; et César indigne d’elle, s’il est capable d’approuver cette infamie. Dircé, dans l’Œdipe, conteste de grandeur de courage avec Thésée, tournant sur soi l’explication funeste de l’oracle, qu’il vouloit s’appliquer pour l’amour d’elle.

Mais il faut considérer Sophonisbe7, dont le caractère eût pu être envié des Romains même. Il faut la voir sacrifier le jeune Massinisse au vieux Syphax, pour le bien de sa patrie ; il faut la voir écouter aussi peu les scrupules du devoir, en quittant Syphax, qu’elle avoit fait les sentiments de son amour, en se détachant de Massinisse ; il faut la voir qui soumet toutes sortes d’attachements : ce qui nous lie, ce qui nous unit, les plus fortes chaînes, les plus douces passions, à son amour pour Carthage, à sa haine pour Rome ; il faut la voir enfin, quand tout l’abandonne, ne se pas manquer à elle-même, et dans l’inutilité des cœurs qu’elle avoit gagnés, pour sauver son pays, tirer du sien un dernier secours, pour sauver sa gloire et sa liberté.

Corneille fait parler ses héros avec tant de bienséance, que jamais il ne nous eût donné la conversation de César avec Cléopâtre8 si César eût cru avoir les affaires qu’il eut dans Alexandrie ; quelque belle qu’elle puisse être, jusqu’à rendre l’entretien d’un amoureux agréable aux personnes indifférentes qui l’écoutent, il s’en fût passé assurément, à moins que de voir la bataille de Pharsale pleinement gagnée, Pompée mort, et le reste de ses partisans en fuite. Comme César se croyoit alors le maître de tout, on a pu lui faire offrir une gloire acquise et une puissance apparemment assurée ; mais quand il a découvert la conspiration de Ptolomée, quand il voit ses affaires en mauvais état, et sa propre vie en danger, ce n’est plus un amant qui entretient sa maîtresse de sa passion, c’est le général romain qui parle à la reine du péril qui les regarde, et la quitte avec empressement, pour aller pourvoir à leur sûreté commune.

Il est donc ridicule d’occuper Porus de son seul amour, sur le point d’un grand combat qui alloit décider pour lui de toutes choses ; il ne l’est pas moins d’en faire sortir Alexandre, quand les ennemis se rallient. On pourroit l’y faire entrer avec empressement, pour chercher Porus, non pas l’en tirer avec précipitation, pour aller revoir Cléophile : lui qui n’eut jamais ces impatiences amoureuses, et à qui la victoire ne paroissoit assez pleine que lorsqu’il avoit ou détruit, ou pardonné. Ce que je trouve pour lui de plus pitoyable, c’est qu’on lui fait perdre beaucoup d’un côté, sans lui faire rien gagner de l’autre. Il est aussi peu héros d’amour que de guerre ; l’histoire se trouve défigurée, sans que le roman soit embelli : guerrier dont la gloire n’a rien d’animé qui excite notre ardeur, amant dont la passion ne produit rien qui touche notre tendresse.

Voilà ce que j’avois à dire sur Alexandre et sur Porus. Si je ne me suis pas attaché régulièrement à une critique exacte, c’est que j’ai moins voulu examiner la pièce en détail, que m’étendre sur la bienséance qu’on doit garder à faire parler les héros ; sur le discernement qu’il faut avoir, dans la différence de leurs caractères ; sur le bon et le mauvais usage des tendresses de l’amour dans la tragédie, rejetées trop austèrement par ceux qui donnent tout aux mouvements de la crainte et de la pitié, et recherchées avec trop de délicatesse par ceux qui n’ont de goût que pour cette sorte de sentiments.


NOTES DE L’ÉDITEUR

1. Ce fragment de critique a donné lieu, entre Saint-Évremond et M. de Lionne, à un échange de lettres qu’on trouvera dans la Correspondance. — Madame Bourneau étoit une femme d’esprit, épouse du premier président des Élus, de Saumur. Elle avoit accompagné madame de Comminges, ambassadrice, en Angleterre, en 1665. Voy. notre Introduction.

2. Velleius Paterculus (Hist. lib. II, cap. xli), parlant de César.

3. Voyez le Sertorius de Corneille, act. III, sc. i.

4. Voy. le Pompée de Corneille.

5. Voy. Cinna, act. I, sc. iii.

6. Dans la tragédie de Pompée.

7. Voy. la Sophonisbe de Corneille.

8. Voy. Pompée, act. IV. sc. iii.