Discussion utilisateur:XIIIfromTOKYO/Brouillon

La guerre qui avoit commence sur le Danube, & presque aux portes de Vienne, & qui d'abord avoit semble ne devoir durer que peu de mois, etoit portée apres six mois sur les o6tes meridionales de France; & dans le même temps que les Autrichiens & les Piemontois, maitres de Gênes & de toute la cote, faisoient leurs dispositions pour entrer en Provence, la Bretagne etoit encore menacee par une flotte Anglaise.

Le projet des ennemis, & surtout de l'Angleterre, etoit alors d'envahir la Provence, de ruiner le port de l'Orient, & avec lui la Compagnie des Indes, de se saisir de Port-Louis, qui seroit tombe apres l'Orient, de mettre la Bretagne a contribution, de faire soulever les Calvinistes vers la Rochelle, comme vers le Languedoc & le Dauphine, & tout cela pendant qu'ils prenoient des mesures pour attaquer tous les établissements de la France en Asie & en Amerique, qu'ils comptoient s'emparer de Naples, apres avoir mis Genes sous le joug.

Ces vastes espérances n'etoient pas sans fondement; car alors les Autrichiens etoient maitres en Italie; & environ ce temps-la les Anglais n'eurent presque plus d'ennemis sur les mers: les seules campagnes du Roi & du Marechal de Saxe balangoient tout. Mais le Roi d'Angleterre comptoit bien-tot pouvoir faire de la Hollande une Puissance guerriere, un [sic] lui faisant accepter son gendre pour Stathouder; & enfin on sollicitoit deja & on marchandoit le secours d'une armée entière de Russes, pour arrêter les progrès du Roi en Flandre.

Dans ces conjonctures la Bretagne n'etoit pas plus en défense que la Provence. Un vieil Officier qui commandoit au Port-Louis manda a la Cour: J'ai apperçu, dit-il, le 28 Septembre une flotte qui se multiplie a l'infini; mais je résisterai aisément a cette nation Anglicane. Le deux Octobre il manda: Ils sont descendus a Polduc avec trois cens cinquante barques plates & cinquante-cinq vaisseaux de guerre. Si on avoit des fusils, on les battroit; mais les paysans n'ont que des fourches.

On voit par ces lettres a quoi on etoit expose, malgre la confiance avec laquelle un vieux Commandant s'exprimoit. En effet, le General Sinclair, qui commandoit environ sept mille hommes de troupes de debarquement, prit terre sans opposition & l'entree de la petite riviere de Poulduc: il s'avanga a Plemur, & campa sur une hauteur qui dominoit sur l'Orient & sur le Port-Louis. II se passa six jours avant qu'il canonnat la ville. Si les Anglais perdirent ce temps, les Français ne l'employerent pas mieux, puisque ceux qui commandoient dans la ville, & qui pouvoient se defendre longtemps, ayant de l'artillerie & douze mille hommes des Milices de Bretagne, capitulerent le premier jour de l'attaque, sur une declaration du General Sinclair, qui, selon l'usage etabli, signifioit qu'il mettroit tout i feu et a sang si on resistoit..

Rien ne sgauroit surpasser, A ce qu'on pretend, les fautes que l'on fit dans cette occasion, si ce n'est la conduite du Général Sinclair. Jamais on ne vit combien la destinee d'une grande entreprise & celle d'une province, deSpendent d'un moment, d'un mauvais avis, d'une terreur panique, d'une méprise. Les tambours des Miliciens peu instruits, battirent le matin la générale. Sinclair demanda a des gens du pays pourquoi on battoit la g6nerale, apres la capitulation. On lui repondit qu'on lui avoit tendu un piege en capitulant, & qu'on alloit fondre sur lui avec douze mille hommes. Pendant cet entretien le vent changeoit, & l'Amiral Lestoc en avertit par un signal: le Général Sinclair craignant d'etre attaque, & de ne pouvoir se rembarquer, quitta son poste précipitamment, & retourna a Plemur en desordre.

Ceux qui avoient fait la capitulation sortirent cependant de la ville, pour se soumettre au Général Anglais. Ils ne purent revenir de leur surprise, quand ils ne trouvèrent personne dans le camp. Les Anglais se rembarquèrent aussi mal-a-propos, qu'on étoit venu leur porter les clefs. Honteux de leur mauvaise conduite, ils descendirent dans la petite isle de Quiberon; ce qui etoit une entreprise aussi mal imagine, que celle du port de l'Orient avoit ete mal executee: cette isle presque deserte ne les conduisoit 'a rien. Enfin tout ce grand armement ne produisit que des meprises & du ridicule, dans une guerre qui tout le reste n'étoit que trop sérieux & trop terrible

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