Discussion utilisateur:EtienneMS/Vide

Leçons françaises de littérature et de morale, ou, Recueil, en prose et en vers Par François Noel, Guislain François Marie Joseph La Place Source : Google Books

Les quatre Saisons.

LE PRINTEMPS.

L'ame de la nature, l'aimable Déesse du Printemps, a rompu les chaînes qui la retenaient captive; balancée sur l'aile des Zéphyrs, elle descend du haut des cieux épurés par son haleine et réjouis de sa présence. Une vapeur légère, émanée d'elle et comme imprégnée de verdure, décèle sa trace vivifiante ; sa taille efface celle de la messagère des Dieux; ses traits, ceux de la plus jeune des Grâces : l'éclat de la rose nouvellement épanouie le cède à celui de son teint. Une gaze verdoyante, et dont la transparence laisse deviner les appas qu'elle couvre, badine autour de son beau corps, et en caresse amoureusement les contours arrondis. Une de ses mains voltige sur la lyre de Cupidon, où ce Dieu lui-même a gravé ses triomphes. Soudain, aux doux accords de l'harmonie créatrice, deux âmes, l'une-par l'autre attirées, se rapprochent et s'unissent : revêtues des formes sveltes que l'antiquité a prêtées à Psyché et à l'Amour, elles paraissent se pénétrer, et confondre, dans l'ivresse extatique d'une ineffable félicité, leurs plus vives affections. L'Immortelle s'applaudit : ses regards, où brille une douce majesté, se reposent avec complaisance sur ces heureux objets de sa sollicitude. Mais tout ce qui respire a des droits assurés à son amour : à l'ombre des plis de sa robe flottante, et comme au fond d'un bosquet mystérieux, deux blanches tourterelles, émues par les sons de la lyre enchanteresse , se prodiguent de doux baisers. Leurs ailes à demi déployées s'agitent voluptueusement; chaque plume semble frissonner de plaisir. Un des replis du voile, à l'abri des caprices des Zéphyrs, sert d'asile à un nid de fauvettes; la mère y couve les précieux fruits de ses amours, retenus encore dans leur faible prison. La fille de "Vénus s'écoute préluder avec complaisance : elle incline sa belle tête, où mille fleurs variées s'épanouissent et se renouvellent sans cesse; elles lui tiennent lieu de tresses ondoyantes; elles forment seules son diadème et sa coiffure. Ici le narcisse majestueux, la renoncule, l'anémone et la tulipe orgueilleuse, rivalisent de magnificence, et se disputent le prix de la beauté; là l'humble violette et la flexible hyacinthe brillent d'un plus doux éclat, et rehaussent, par le suave mélange de leurs teintes azurées, la pourpre et l'or de la rose naissante. De volages papillons, des essaims bourdonnans, s'enivrent des parfums qu'exhalent leurs calices. La jeune Déesse, à la vue des prodiges fju'elle-mi'me a opérés, sent une joie secrète inonder son cœur. Le sourire du bonheur siège sur ses lèvres vermeilles; mais son but est atteint : tout jouit, tout est heureux par ses bienfaits, et la face de la nature est renouvelée (i).

(i) Voyez Descriptions en vers; et dans les Leçons Latines anciennes et modernes, même sujet.

L'ÉtÉ.

Le brûlant fils du Soleil, le radieux Eté, règne à son tour : ses regards majestueux et doux s'abaissent vers la terre ; il vient perfectionner l'ouvrage du Printemps. Sa tête et sa poitrine robuste, siège des principes ignés, en lancent de tous côtés les émanations ; des jets de flammes forment sa brillante chevelure. D'une main il retient près de lui le Sirius, qui souffle de ses naseaux ses exhalaisons malignes ; de l'autre il verse abondamment l'urne des eaux fécondantes. Du mélange des deux principes, le chaud el l'humide , il compose les nuages orageux ; il les foule de son pied puissant, etles abaisse vers la terre. La foudre et la grêle s'en échappent, et avec elles, la pluie bienfaisante, dont la douce fraîcheur pénèire et réjouit le sein de la terre altérée. Mais l'orage est près de se dissiper : déjà, dans une région presque dégagée de vapeurs, brille à l'œil consolé l'éclatante échappe d'Iris. Le vêtement de l'Été se peint de la verdure la plus vive : le lézard européen, à demi caché sous ses replis obscurs, s'y tapit; et là, comme à l'ombre d'un épais buisson, il brave impunément les feux du jour. Plus loin, la cigale imprévoyante voltige et s'épuise en frivoles chansons, tandis que la fourmi laborieuse garnit en silence ses magasins. A l'autre extrémité du manteau , un reptile dangereux des contrées soumises au joug du brûlant équateur, déploie fièrement ses orbes redoublés; et, dressant sa tête audacieuse vers celle du Dieu, il semble allumer, aux rayons de sa chevelure, le noir venin dont il se gonfle, et les couleurs variées de son armure étincelante. Cependant, l'Eté bienfaisant a produit son effet : du sein de ce riche vêtement qui le couvre, il laisse échapper libéralement les moissons dorées, douce récompense dont il paie avec usure les sueurs du laboureur infatigable.

L'automne.

PersonnifiÉ sous les traits d'une Déité, le riche Automne vient enfin accomplir les promesses du Printemps ; la Déesse incline son visage vermeil, et, souriant à la Terre qu'elle regarde avec une complaisance maternelle, elle partage la joie et le bonheur qu'elle lui procure;.et, de sa main droite, elle secoue sa chevelure dorée, d'où s'échappe une pluie intarissable de mille fruits divers ; de la gauche elle presse avec amour sa mamelle féconde, et en fait jaillir une liqueur douce et vermeille, dont les heureux enfans de Cybèle seront bientôt abreuvés. Son vêtement se colore du vert brillant de l'Eté, où s'entremêlent cependant quelques unes des teintes flétries dont l'Hiver, qui doit lui succéder bientôt, vient attrister la nature. Une écharpe légère, dont la couleur rappelle la tendre verdure du Printemps, entoure ses reins et se balance mollement, gonflée par les Zéphyrs, image allégorique de la seconde sève de l'année, qui paraît braver les approches de l'Hiver, et faire un dernier effort pour se soustraire à sa puissance. De ses pieds nus, colorés du vermillon des roses , et qu'un léger brouillard environne, elle foule la pourpre et l'or des raisins. Cette fille bienfaisante de l'Eté prépare ainsi elle-même la liqueur de Bacchus, ce baume salutaire qui charme les soucis des mortels, et dont la chaleur pénétrante soutient et vivifie leurs forces épuisées. Outre ces dons, l'Automne procure encore à l'homme avide de jouissances les richesses et les plaisirs de la chasse. C'est en vain que la perdrix et le lièvre timide cherchent à éluder, sous les plis de sa robe, les poursuites de leur agile ennemi : bientôt hors d'état de fuir, ils deviendront la proie du chasseur.

L'hiver.

L'HiVER paraît le dernier, et vient fermer le cercle de i'année : il renverse à ses pieds le flambeau d'où émane la chaleur créatrice, et en comprime les feux sans les éteindre. De l'urne de bronze qu'il tient sous son bras, il laisse échapper les trésors de la gelée, et presse du pied les flocons amoncelés de la neige étincelanle : bientôt ils se divisent, se répandent en tournoyant Suf la terre affligée, et l'enveloppent d'un immense vêtement de deuil. Des oiseaux aquatiques fendent d'un vol rapide l'atmosphère glaciale. Le tyran de l'année est vêtu d'un manteau où s'imprime la morne couleur dont il flétrit la végétation. Ce manteau lui sert d'ornement, et lui couvre à peine les épaules. Ses bras robustes, ses cuisses et ses jambes nerveuses et à découvert, décèlent sa force indomptable. Ses cheveux , sa barbe etses sourcils, semblables aux pics des glaces éternelles des Alpes ou des Pyrénées, hérissent son aspect farouche. Les brouillards et les noirs orages s'engendrent de sa tête menaçante; ils siègent sur son front tristement baissé vers la terre, qu'il glace de ses sombres regards. Une couronne de branches mortes, monument de son triomphe sur l'Eté, ceint sa tête : quelques feuilles desséchées y tiennent encore ; d'autres s'en détachent, et vont à ses pieds joncher la neige. Mais les lois puissantes de la nature ne permettent point à l'Hiver d'outrager toutes ses productions ; il les respecte encore ; et, pour preuve de son obéissance aux immuables volontés de la Déesse, il a joint à son lugubre diadème quelques tiges de ces arbres toujours verdoyans, dont il accroît et rehausse encore, pour lui plaire, la sombre et majestueuse beauté (i).

GlRODET-TRIOSoN.

(i) Voyez, daits la prose et les vers, Descriptions ou Tableaux des différentes saisons ; et dans les Leçons Latines anciennes et modernes.

EXISTENCE DE DIEU.

Qu'est-il besoin de nouvelles recherches et de spéculations pénibles pour connaître ce qu'est Dieu? Nous n'avons qu'à lever les yeux en haut, nous voyons l'immensité des cieux qui sont l'ouvrage de ses mains, ces grands corps de lumière qui roulent si régulièrement et si majestueusement sur nos têtes, et auprès desquels la terre n'est qu'un atome imperceptible. Quelle magnifience ! Qui a dit au soleil : « Sortez du niant, et présidez au jour ? » Et à la lune : « Paraissez, et soyez le flambeau de la nuit ? » Qui a donné l'être et le nom à cette multitude d'étoiles qui décorent avec tant de splendeur le firmament, et qui sont autant de soleils immenses, attachés chacun à une espèce de monde nouveau qu'ils éclairent ? Quel est l'ouvrier dont la toute-puissance a pu opérer ces merveilles,, où tout l'orgueil de la raison éblouie se perd et se confond ? Quel autre que le souverain créateur de l'univers pourrait les avoir opérées? Seraient-elles sorties d'elles-mêmes du sein du hasard et du néant ? Et l'impie sera-t-il assez désespéré pour attribuer à ce qui n'est pas, une toute-puissance qu'il ose refuser à celui qui est essentiellement, et par qui tout a été fait ?

Les peuples les plus grossiers et les plus barbares entendent le langage des cieux. Dieu les a établis sur nos têtes comme des hérauts célestes qui ne cessent d'annoncer à tout l'univers sa grandeur : leur silence majestueux parle la langue de tous les hommes et de toutes les nations; c'est une voix entendue partout où la terre nourrit des habitant. Qu'on parcoure jusqu'aux extrémités les plus reculées de la terre et les plus désertes, nul lien dam l'univers, quelque caché qu'il soit au reste des hommes, ne peut se dérober à l'éclat de cette puissant ? qui brille au-dessus de nous dans les globes lumineux qui décorent le firmament.

Voilà le premier livre que Dieu a montré aux hommes pour leur apprendre ce qu'il était ; c'est là où ils étudièrent d'abord ce qu'il voulait leur manifester de ses perfections infinies : c'est à la vue de ces grands objets que, frappés d'admiration et d'une crainte respectueuse, ils se prosternaient pour tu adorer l'auteur tout-puissant. Il ne leur fallait pas des prophètes pour les instruire de ce qu'ils devaient à la majesté suprême; la structure admirable des cieux et de l'univers le leur apprenait assez. Ils laissèrent cette religion simple et pure à leurs enfants ; mais ce précieux dépôt se corrompit entre leurs mains. A force d'admirer la beauté et l'éclat des ouvrages de Dieu, ils les prirent pour Dieu même : les astres, qui ne paraissaient que pour annoncer sa gloire aux hommes, devinrent eux-mêmes leurs divinités. Insensés! ils offrirent des vœux et des hommages au soleil et à la lune, et à toute la milice du ciel, qui ne pouvaient ni les entendre ni Ici recevoir ! La beauté de ces ouvrages fit oublier aux hommes ce qu'ils devaient à leur auteur1.

Massillon.


1Voyez en vers ; et les leçons latines anciennes et modernes

Du Feu.

Voyez-vous ce feu qui paraît allumé dans les astres, et qui répand partout sa lumière ? Voyez-vous cette flamme que certaines montagnes vomissent et que la terre nourrit de soufre dans ses entrailles ? Ce même feu demeure paisiblement caché dans les veines des cailloux, et il y attend à éclater, jusqu'à ce que le choc d'un autre-corps l'excite pour ébranler les villes et les montagnes. L'homme a su l'allumer et l'attacher à tous ses usages, pour plier les plus durs métaux, et pour nourrir avec du bois, jusque dans les climats les plus glacés, une flamme qui lui tienne lieu du soleil, quand le soleil s'éloigne de lui. Cette flamme se glisse subtilement dans toutes les semences. Elle est comme l'âme de tout ce qui vit, elle consume tout ce qui estimpur et renouvelle ce qu'elle a purifié. Le feu prête sa force aux hommes trop faibles, il enlève tout à coup les édifices et les rochers. Mais veut-on le borner a un usage plus modéré, il réchauffe l'homme, il cuit ses aliments. Les anciens, admirant le feu, ont cru que c'était un trésor céleste que l'homme avait dérobé aux dieux '.

Fénélon. Existence de Dieu

1Voyez plus haut le culte du feu


LA VERDURE.

A cette seule parole : Que la terre produise de l'herbe verte ! une surface sèche et stérile devient tout d'un coup un paysage diversifié de prairies, de riches vallons, d'agréables collines, de montagnes couvertes de forêts, semé de fleurs de toute espèce, chargé de fruits de tout genre et de toute sorte de goûts.

Mais ne nous livrons pas si fort à la nouveauté et à la surprise d'un tel spectacle, que nous devenions incapables de l'examiner.

La première chose qui me frappe, est le choix que Dieu a fait de la couleur générale qui embellit loutes les plantes qu'il vient de produire ; le vert naissant, dont il les a revêtues, a une telle proportion avec les yeux, qu'on voit bien que c'est la même main qui a coloré la nature, et qui a formé l'homme pour en être spectateur. S'il eût teint en blanc ou en rouge toutes les campagnes, qui aurait pu en soutenir l'éclat ou la dureté ? S'il les eût obscurcies par des couleurs plus sombres, qui aurait pu faire ses délices d'une vue si triste et si lugubre? Une agréable verdure tient le milieu entre ces deux extrémités, et elle a un tel rapport avec la structure de l'œil, qu'elle le délasse, au lieu de le tendre, et qu'elle le soutient et le nourrit, au lieu de I'épuiser.

Mais ce que je croyais d'abord n'être qu'une couleur, est une diversité de teintures qui m'étonne. C'est du vert partout, mais ce n'est nulle part le même. Aucune plante n'est colorée comme une autre : je les approche, je les compare, et je trouve, en les comparant, que la différence est sensible. Cette surprenante variété, qu'aucun art ne peut imiter, se diversifie encore dans chaque plante, qui, dans son origine, dans son progrès, dans sa maturité , est d'une espèce de vert différent. Et je suis moins surpris, après cette observation qui augmente mon admiration, que les nuances innombrables d'une même couleur m'attirent toujours, et ne me rassasient jamais. Duguet et D'asfeld. L'Ouvrage des six Jours, IIIe j., IIe p.


L'AMITIE.

Passion sublime, sentiment des grandes émet, bonheur du monde, devant lequel tous les mani disparaissent ou s'affaiblissent, et tous lei bien? s'embellissent et s'accroissent, 6 divine amitié! ton nom seul me rappelle tous les charmes de ma rie. Passion héroïque dont le feu toujours pur est allumé par le sentiment, et animé par l'intelligence; vertu consolatrice que le souverain être a accordée à l'homme pour le dédommager des suites funestes d'une raison égarée; sentiment bienfaisant, sans lequel il ne peut exister aucun bien pour nous; car, qu'est-ce qu'un bien dont on ne peut parler à »n ami ? Vertu céleste dont le nom a été si souvent prostitué , dont l'image a été si souvent altérée, que les mortels adorent même lorsqu'ils l'ignorent ; pastion généreuse et sublime qui ennoblit tout notre être, et qui ne nous fail vivre que pour l'ami que notre cœur a choisi ! c'est toi que nous avons maintenant à peindre.

Jamais celui dont le cœur est brûlé par les douces flammes dn la sainte amitié n'éprouva un sentiments! vif, que lorsque l'ami qu'il chérit a le pins besoin de son secours; il le suit au milieu de l'infortune l.i plus cruelle; il s'attache à lui pour ne jamais s'en séparer; les froideurs mêmes de celui qu'il a choisi ne peuvent éteindre le feu céleste doot il est embrasé; il l'aime même ingrat, même infidèle aux saintes lois de l'amitié; il le plaint, il lui pardonne tons les maux qu'il en reçoit, il en est désolé , mais il ne l'en chérit pas moins, il immole tout son bonheur au sien : t) veut mourir pour ton Oreste, et consent qu'il l'ignore. Son âme ce confond avec celle de son ami, elle n'a plus que le! mêmes désirs, les mêmes mouvements, les tutntf affections ; et lorsque la mort, qui vient tout désunir . lui enlève l'objet de se» tendres et immori '

sentiments, il l'accompagne avec courage jusqu'au bord de la tombe ; il lui dérobe ses pleurs ; il sème de quelques charmes ces instants funestes ; il )c console au moment où tout va lui être ravi sans retour ; et lorsque la porte fatale du tombeau est fermée, <Vsolé et sans espoir, il ne retient plus ses larmes ; niais seul au milieu du silence des bois les plus épais et les plus solitaires, il va pleurer celui qu'il a perdu, se nourrir de ses regrets et de l'image de son ami, et consumer dans la douleur un coeur dont les sen- (imenU ne peuvent plus s'épancher, une vie qui n'était pas pour lui, et qui lui est devenue inutile. Quelquefois, lorsque les ombres régnent sur la terre, il croit distinguer son ami au milieu d'une faible lumière ; il lui parle, hélas ! comme s'il pouvait l'entendre ; il charme sa douleur par cette douce et cruelle illusion ; il court embrasser cette ombre si chérie, il ne rencontre que des ténèbres insensibles , et ne retrouve dans son cœur que les regrets les plus cuisants : il le redemande à la nuit, il le redemande au jour; et, ne pouvant plus supporter le faix de ses amertumes, de ses chagrins et de sa perte, il succombe enfin à sa douleur, et meurt en prononçant le nom de son ami. 0 céleste amitié! pourquoi tes flammes pures ne consument-elles pas tontes les âmes! Pourquoi si peu de mortels t'ont- ils dans le cœur, lorsque tous t'ont sur les lèvres ! Et pourquoi ton nom, que la vertu seule devrait prononcer, a-t-il si souvent serri a voiler de noires trahisons et des complots sinistres " !

!. Poétique de ta musique

Retour à la page de l’utilisateur « EtienneMS/Vide ».