Discussion Auteur:Jeanne Termier
Édition modifier
- Bloy, notre vieux maitre [1]
- Souvenir de Pierre Termier [2]
- Poésie https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k5764680p/f10.image.r=Termier
Éléments biographiques modifier
- Journal des débats politiques et littéraires 4 septembre 1916 [3]
Le sergent d'infanterie Jean Boussac, décoré de la Médaille militaire, professeur de géologie à l’institut catholique de Paris, blessé par de multiples éclats d'obus le 12 août, est mort le 22 août dans une ambulance du front, non loin de Verdun. Il avait épousé, en 1912 Mlle Jeanne Termier, fille du lieutenant-colonel Pierre Termier, de l'Académie des Sciences.
- décès de son père [4] elle a écrit un avant-propos sur son père dans le livre À la gloire de la terre
- Mort de Pierre Termier, [5]
XX Mort de M. Pierre Termier. On annonce la mort à Grenoble, de M. Pierre Termier, membre de l’Académie des Sciences depuis plus de vingt-cinq ans. Il était âgé de soixante-et-onze ans. Érudit et lettré, poète également, M. Pierre-Termier fut l’ami de Léon Bloy et connut le pauvre Leliap. Il composa sur le Dauphiné quelques ouvrages. Il était le frère de Mgr Termier, évêque de Tarantaise, et le père de Mme Jeanne Termier-Boussac, écrivain et poète.
- [6] La Liberté, 23 mars 1927
Nouvelles littéraires
On annonce encore des Lettres de Léon Bloy. Celles qu'il adressa à M. Pierre Termier, de 1906 à 1917 : on y joindra des Lettres à Jeanne Termier (Mme Jean Boussac) et à son mari.
- La Croix [7]
Une poétesse catholique
Mme JEANNE TERMIER-BOUSSAC
« Ainsi que des sarments que tord un feu sacré… » J. T.
En 1909, une jeune fille de 21 ans, se tournant vers ses jeunes souvenirs revoyait
Une enfance timide et pleine de sanglots,
Réfugiée entre des bras de mère aimante…
Une enfance de rires frêles et de songes,
Qui s’enivre à courir dans les prés coupés d’eau…
Une enfance accoudée çt pensive, rêvant
Aux soirs rongés d’hiver des violents automnes.
Une enfance jalouse, ardente et volontaire,
S’assombrissant pour qu’on l’interroge, souffrant…
Une enfance d’orgueil taciturne et vengeur…
Une enfance attentive et sans cesse éblouie…
Six ans plus tard, la poétesse, jetant de nouveau un regard en arrière, écrira :
Je la revois, frémissante comme une épée.
Pascale et triomphante au bord de la douleur,
Repoussant sur l'enfance éteinte et piétinée
Les gangues des timidités passionnées ;
Je la revois, l’âme de ma vingtième année,
Ignorante des jours et de leur pesanteur…
Trombe de flamme pale et de rouge poussière.
Au paisible jardin de ma jeunesse claire.
Cette âme insatisfaite, altérée et guerrière…
Certes, ce n'était pas l'âme d’une petite
fille ingénue, paisible et printanière que
celle qui avait dicté les noirs poèmes des
sombres Derniers refuges[1] ; quel legs
d’un aïeul tourmenté, ou quel pressentiment
de l'irrémédiable deuil qu'allait infliger
la guerre, pesait donc sur cette jeune
destinée pour l’attrister ainsi ? Son précoce
et prodigieux talent, son don d’images,
sa force d’évocation, eüe les emploie à
chanter pour ceux qu’elle appelle « les
errants», « les bruyants », et, péjorativement,
les « satisfaits », à chanter les soirs
tristes, les lieux désertés, les faubourgs où
meurt l’esprit, les auberges populacières,
elle écrit « pour celui qui voulut mourir »,
elle s’adresse « à un mort », elle crie —
cette enfant, cette enfant choyée d’un heureux
foyer chrétien :
<poem>Nous vous tendrons, ô Dieu, nos mains de boue et d'ombre.
Nous vous dirons l’accablement…
Parce que nous portons l’angoisse universelle
Dans l’eau triste de nos regards
Comme les longs étangs des landes solitaires
Reflètent tout le met entre leurs joncs blafards ;
Quand notre âme trébuchera sur vos frontières,
Dans la nuit froide où s’épaississent les brouillards.
Recueillez-la, Seigneur, pour la vie éternelle !
Cette enfant qui a la foi, et qui pourrait être gaie, il faut qu’elle donne une voix aux désespérés, à ceux qui
poir, d’un orgueil et d’une humilité également
empoisonnés. Rappelez-vous :
Las des systèmes, des formules…
Las de sentir leur ame vaine
Dans un univers moindre qu’elle,
car elle ne peut pas supporter que les êtres qui sont aux limites du monde ne devinent pas enfin « cette Lueur pareille à l’aube des collines », elle gémit avec une sombre et tragique éloquence :
Il faudra bien que, saouls de misère insensée, Aveugles, ignorant le chemin parcouru. Emportant comme un pain de pauvres leur pensée, ils trébuchent sur Dieu, dans la nuit apparu. Elle parle aux morts :
Ô morts ioexprimablemeut silencieux !
Elle avoue qu'elle a rêvé d’être avec eux, « délivrés d’être nous-mêmes à jamais », elle dit cet effroi
Où l’âme frêle se débat comme une proie,
L’âme trop vaste et trop hautaine pour mourir.
Cette jeune poétesse symboliste, magnifique et obscure, apparaissait comme opprimée par cette vie sur la terre de la faute originelle et de l’expiation ; on aurait dit qu’elle sentait moins la miséricordieuse présence de Dieu, l’ineffable rachat et l’ineffable espérance que le désespoir des damnés prévus :
Leur âme, loin, dans un pays morne et mouvant. Trébuche, prisonnière qui tient en fuyant Ses nains d'ombre contre sa face du misère.
Et la douce Nuit des mois d’août ne lui inspirait que ces vers somptueux et terrifiés :
Sur les collines, sur le rire des fontaines. Sur les ravins séchés où se tordent des chênes. Sur l'immobilité des montagnes lointaines… Sur les cafés bruyants des villes sans beauté. Où le soir douloureux et grave est insulté Par les voix et les cris d’une fausse gaieté ; Sur les âmes que les vivants font prisonnières, Dans leur torpeur pareille aux sables des rivières… Sur l’angoisse animale et l'humaine terreur. Le nuit d'été, des bords du ciel se penche et pleure.
Tout était-il de même qualité dans ce premier recueil, et Léon Bloy avait-il raison, dans sa préface, d’en parler comme d'un livre incomparable ? Prodigieux par ce sens de la douleur universelle qu'il trahissait — de la douleur naturelle et surnaturelle, — baudelairien par sa forme pleine et serrée, parfois prosaïque et soudain élancée, brûlé d’une flamme spirituelle qui dénote une intelligence profonde et un cœur presque apostolique, ce recueil qui a de l'éclat à la façon du brillant mais noir charbon, n’est pourtant pas un chef-d'œuvre. Les pièces sont souvent trop longues, elles ne sont pas régies par cette inflexible discipline qui resserre la composition et rabat à temps les ailes de l'inspiration ; Jeanne Termier, justement parce qu’elle possédait un singulier don de rythmes et d’images, cédait souvent à une sorte d’amère rhétorique ; influencée — sinon dans sa forme précise, du moins dans une expression de sa pensée — par les poètes symbolistes, elle abusait des Naguère, des Autrefois, des Aubes, des Peines, de l’Antérieur, des Soirs, des Septembre, majuculisés jusqu’au procédé. Enfin, son inspiration, presque toujours impersonnelle, n’est pas sans monotonie ni sans obscurité. En exceptant quelques pièces, et, çà et là, des vers isolés, le livre est plus intéressant, plus étrange plus significatif que littérairement beau ; mais il faut le lire si l’on veut bien comprendre toute la portée du mince recueil que Mme Jeanne Termier-Boussac a fait paraître l’année dernière : Poèmes : 1915-1920.
Ô vivants qui cherchez dans les livres, des âmes,
dit Mme Termier-Boussac dans le dernier de ces poèmes, et ce seul vers suffirait à nous faire retrouver, dans la femme d’aujourd’hui, la jeune fille de naguère, puisqu'elle s’adresse toujours au même public. Veuve de Verdun, mais veuve catholique, elle ne vous apporte pas les plaintes de sa faiblesse ni les cris de sa révolte contre la destinée qui l’a privée de celui qu’elle aimait et à qui elle était légitimement, chrétiennement unie.
Ô coupe de douceur sauvagement brisée.
dira, certes, la veuve ; mais les poèmes sont rares où l'on pourrait noter la voix humaine qui défaille, et cet écho d’une douleur où, dans la femme qui pleure, on entend la petite fille. C'est tout juste si une seule pièce nous la révèle, toute courte, et qui serait absolument parfaite sans un adjectif mal placé :
Ces petits enfants dont le père est mort Deviennent trop chers au cœur de la femme, Et, parfois, la nuit, ce cœur faible et fort, Gagnant l'être entier, le dilate encor Et se couche au loin, doulonreuso lame, Sur les jours, les mois, les ans qu vont suivre. Sur l'inconnu sort qu’ils auront à vivre, Ces petits enfants dont le père est mort.
Mais, la plupart du temps, la veuve est forte contre son affreuse douleur, car « les mots de sa foi profonde sont restés », car le doute qui vient ramper auprès des cœurs qui souffrent, car le chagrin qui piétine quand il évoque les souvenirs berceurs, car la plaie au côté qui saignera toujours.
Ne couchent pas une âme aux mornes fondrières Quand elle a vu briller la mystique lueur…
Car l’Eglise de Dieu donne aux âmes vivantes La charge de tout ce qui vit. Et tout être a sa tâche en la moisson mouvante, Qu’il soit accompagné d’allégresse chantante Ou qu’en sa profondeur habite un cœur meurtri.
On ne commente pas de tels vers, n’est-ce-pas ? Pour mesurer ce que la pensée de Dieu et l'espoir de la vie éternelle peuvent apporter de réconfort devant l’implacable mort, illuminant malgré tout la « douleur plénière », il faut, après cette strophe, relire les vers de Mme de Noailles devant des cadavres aimés, admirables par leur beauté verbale et le jet puissant de l’âme qui les inspire, mais d’un si morne déses-
J'ai cherché, le front bas devant ces calmes corps, ce qui reste autour d’eux d'une âme ivre et hardie. Leur triste bouche, hélas ! hors du bien et du mal, A conquis la suprême et vaine sauvegarda.
Hélas ! nul Dieu, nul Dieu ne parle par leur ombre Aucun tragique jet de flamme et de fierté N’émane de ces corps qui détachés des nombres. Sont tombés dans le gouffre oû rien n’est plus compté. Ainsi je m'en irai, cendre parmi les cendres… Je serai ce néant sans volonté, sans gestes… Rien ! voilà donc ton sort, âme altière et régnante ; Voilà ton sort, coeur ivre et brûlant de désir.
Rappelez-vous sa révolte amère et morne, devant le cadavre de celui qu'elle aime,
Il parait que la mort est naturelle et juste, Que l’esprit s’y soumet.
J’ignorais que l'on pût subir l’inacceptable, Je ne le saurais pas si vous n'étiez pas mort…
Et je respire avec un cœur exténué La douce odeur des nuits, qui vient atténuer Le vide sans espoir où ne sont pas les âmes.
À ce magnifique et presque satanique désespoir, opposons le chant de celle qui s’adressant à la Sainte Vierge, lui dit :
<poem>À ceux que la souffrance étreint, Montrez qu'elle est un don divin Et que l'âme y trouve avantage.
Opposons la noble tristesse et la noble fierté de la veuve chrétienne qui se murmure à elle-même :
Tu ne connaîtras plus la douceur de l'amour,
… …