Discussion:Les Dames du palais
Éditions
modifierTitre et éditions | ||
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1909 : | Les Dames du palais | dans la Revue de Paris |
Critiques, résumés…
modifier- La Revue judiciaire : revue mensuelle 25 avril 1910 [1]
- Figaro : journal non politique 25 février 1910 [2]
Mme Colette Yver, qui est aujourd’hui
un écrivain célèbre, n’aime décidément
pas les carrières libérales pour les
femmes pour les autres, sans doute.
Vous n’avez pas oublié ses Princesses de
science où elle a prétendu établir, à la
faveur d’une très attachante histoire,
qu’une femme ne saurait être, à la fois,
médecin et épouse. Maintenant, c’est
aux avocates qu’elle s’en prend vous
verrez que toutes les carrières y passeront,
et j’attends avec curiosité le livre
où cette femme de lettres dénoncera la
profession d’écrivain.
Pour aujourd’hui, ce sont donc les Dames du Palais que Mme Colette Yver évoque clans son roman paru chez Calmann-Lévy. Ce roman présente avec le précédent une frappante analogie, analogie voulue sans doute en faisant vivre au couple d’avocats, M. et Mme Vélines, une aventure presque semblable à celle du ménage de médecins de Princesses de science, Mme Colette Yver a prétendu établir que les dangers étaient les mêmes à la salle des Pas-Perdus et à l’amphithéâtre. Les milieux peuvent être différents, les héros peuvent changer de nom, de costume et de caractère la préoccupation professionnelle produit le même effet dissolvant sur l’amour conjugal, sur le foyer, sur la famille, et le même dénouement s’impose à la femme, même supérieure, même géniale ; qui veut garder l’amour de son mari et confrère, et défendre son bonheur et ce dénouement, c’est la retraite.
Cette analogie symbolique n’entraîne d’ailleurs nulle monotonie, car Mme Colette Yver, romancier fort habile et qui sait à merveille ménager ses effets, est, en outre, un écrivain d’une rare conscience elle étudie avec minutie les milieux où évoluent ses héros ; et comme elle a au plus haut degré le don de l’observation et de la vie, les tableaux qu’elle nous offre sont d’une vérité et d’un mouvement surprenants. Et c’est ainsi que son nouveau roman avec son évocation si vivante et qu’on sent si vraie, de ce monde pittoresque du Palais de justice magistrats, avocats, avocates et clients, intéressera très vivement ceux-là même qui seraient tentés de s’irriter contre les théories antiféministes de cette femme de lettres.
- Romans-revue : guide de lectures 15 juin 1910 [3]
C. Yver ;
Les Dames du Palais
Le livre, comme on voit, à part une ou deux pages délicates, est irréprochable.
On en dirait autant, et à plus fortes raisons, des Dames du Palais.
Ce livre, d'un style travaillé et serré, a le charme un peu sérieux, la gravité et la portée de Princesse de Science qui fit si avantageusement connaître C. Yver. Ce n'est plus le roman de la femme-médecin : celui de la femme-avocat, cette fois.
Encore un ménage troublé par la femme-docteur, et qui ne peut se refaire que par son sacrifice, et son effacement.
André l'avocat a épousé l'avocate Henriette. Ils plaident à qui mieux mieux. Elle mieux que lui, décidément. Elle arrive au renom, à la gloire. Il en devient taciturne, et néglige le Palais.
Que faire? s'en aller ? ce n'est pas une solution. Elle revient au foyer. Elle a compris, elle a lu dans le coeur de son mari, et ce qu'il faut pour le reconquérir. Donc elle fait plaider André à sa place. C'est le succès, le grand succès. Et c'est le remède.
La situation, la thèse, feront crier de douleur certaines cervelines : à d'autres, plus calmes, plus sensés, elles apparaîtront, comme la vérité, comme la raison même.
- Fémina, 1er avril 1910 [4]
Mme COLETTE YVER
Auteur du roman « Les Dames du Palais ».
[Mme Colette Yver vient de publier sur les avocates un roman : Les Dames du Palais, que nous avons jugé piquant de faire apprécier et analyser par une avocate, notre distinguée collaboratrice Mlle Hélène Miropolsky.
Mme Colette Yver se préoccupe du sort des femmes — de leur sort moral autant que matériel —, la poussée montante du féminisme la remplit d’angoisse ; à toutes les sources de discorde qui déjà troublent l’union de l’homme et de la femme, elle redoute de voir se joindre encore les conflits professionnels.
Aujourd’hui c’est au Palais que le thème se développe :
Mme Colette Yver, à côté des peintures d’âmes et des études de féminisme en action, a voulu peindre un milieu.
Elle aurait pu, profane, aborder le Palais avec des yeux de profane et alors, des traits, des aspects, des déformations professionnelles la frappant, elle aurait transposé sa vision pour le public. Elle a préféré la méthode documentaire. Elle procède par une suite de petites notations qui veulent être précises, méticuleuses même. Elle tâche à faire parler les gens du Palais dans leur jargon de métier. Elle échafaude des procédures, elle compose des plaidoiries, elle rédige des jugements. Balzac en usa de la sorte, mais Balzac était un vieil avoué retors. Hélas, Mme Colette Yver ne possède qu’une documentation par ouï-dire et, comme les choses qu’on lui expliquait sont d’un mécanisme rébarbatif, elle a mal retenu. Elle s’embrouille et aboutit à des précisions déconcertantes ; les initiés sourient ; et les profanes, s’ils comprennent, auront des notions bien étranges sur la technique du Palais.
Il est question dans cet ouvrage de plaidoiries magistrales, pour des mineurs, devant la huitième chambre — (les plus longues durent bien trois minutes) — de plaidoiries préparées durant des nuits entières pour une pauvre ouvrière congédiée par son patron — je ne puis pourtant pas vous expliquer que ce sont les prud’hommes que ces choses-là concernent. Il est même question de deux avocats, dont un bâtonnier ( !) qui vont chez des clients les inciter à d’astucieuses reprises d’instances. Cela m’a fait rougir tout simplement. Ce sont nos règles professionnelles foulées aux pieds. Cela est impossible, entendez-vous — aussi impossible qu’un avocat qui fait un stage rétribué chez l’avoué ».
Et combien d’autres du même ton ! Mes remarques sont malheureusement pédantes, j’en conviens. Mais pourquoi, mon Dieu, l’auteur s’embarrasse-t-il tant de soucis techniques ? Ces précisions malheureuses, il les a voulues, j’ai donc le droit de les critiquer. Elles sont fâcheuses, inexactes — et inutiles.
Les personnages qui animent cette œuvre ; — Mme Yver, en la créant, paraît s’être appliquée à fuir les portraits. Son ouvrage, en cours de publication, éveillait toutes les curiosités d’un monde où l’on s’occupe — parfois beaucoup des voisins et des voisines — et nos malignités furent déçues. Je n’entends point dire qu’on eût préféré un roman à clefs, mais pourtant on eût aimé des silhouettes réelles bien qu’anonymes.
Anonymes elles le sont trop — car elles deviennent irréelles. Je vous abandonne les hommes, mais les avocates ! Quand donc viendra notre belle confrère qui « plaide avec son physique » et dont l’élégance se pare de l’austère lévite noire ? Quand donc verrons-nous la fraîche idylle du jeune stagiaire et de la blanche stagiaire se dérouler sous nos voûtes sévères et sous les yeux émus et bienveillants de notre père commun, le bâtonnier des indulgences ? Ces tableaux sensibles qu’évoque Mme Colette Yver ne sont encore de mise qu’au Palais de Salente.
Et de cet ouvrage je n’ai fait que des critiques alors que j’en pense beaucoup de bien. C’est qu’il veut être trop technique et que moi-même, étant technicienne, je me laisse entraîner à blâmer ce que j’y trouve professionnellement d’inexact.
Mais là où il est seulement humain et féminin il reste absolument exquis : lisez les ingénieuses choses et les fins sentiments que décèle Mme Yver quand cette juriste d’Henriette soigne son mari malade. Savourez les mélancoliques peintures du pauvre logis de la petite avocate veuve qui peine pour nourrir ses trois mioches, et surtout suivez les étapes du renoncement d’Henriette qui chérit son mari.
Alors Mme Colette Yver ne se déguise plus en Basochienne : sans vêtement emprunté elle est femme, pense, écrit et vibre en femme délicate et tendre, et c’est parfait.
- Mercure de France, 16 mars 1910 [5]
LES ROMANS :
Colette Yver : Les Dames du Palais, Calmann-Lévy, 7.5o. — Pierre Mille : La Biche écrasée, Calmann-Lévy, 3.5o. — Aigueperse et Roger Dombre : Les Joies du célibat, Plon, 3 5o. — Charles Le Goffic : Ventôse, Flammarion, 3.5o. — Louis Roguelin : La Hantise, Lecène et Oudin, 3 5o. — Félix Duquesnel : A la flamme de Paris, Fasquelle, 3.5o. — Louis Alibert : Le Fatal inceste, Chroni queur de Paris, 3.5o. — René Lauret : Line, Bernard Grasset, 3.5o. — Henri Mauprat : Fulgence Fulbert, Perrin, a fr. — Pierre de Sancy : P aïs d’chez nous, Lemerre, 3.5o. — Hubert Fillay : Contes de la Breumaille, Ficker, 3.5o. — Gustave Le Rouge : La Guerre des Vampires, i.5o.
Les Dames du Palais, par Colette Yver. Je ne sais pas si l’auteur admire son héroïne pour son triomphe d’avocate ou pour son renoncement, bien féminin, à ce même triomphe, mais le résultat de ce plaidoyer en faveur des émancipées du barreau me semble un mauvais point marqué au féminisme, car il nous ramène très en arrière de ce mouvement, à l’époque sentimentale ou la compagne de l’homme s’effaçait devant lui pour le laisser passer, se cachait derrière lui pour mieux le pousser dans la carrière de son choix. Or, s’il est prouvé que Mme Vélines a autant, peut-être plus de talent que son mari, pourquoi faut-il qu’elle se sacrifie à cet homme, puisque nous voici en pleine égalité des sexes ? D’autre part, si le mari de Mme Vélines est jaloux, malheureux, tourmenté à la fois de sa jalousie et de son amour, quel bénéfice le couple réalise-t-il de ce nouvel ordre établi, de cette fameuse égalité dans les droits et les devoirs ? Il est en effet très beau d’être aussi forts l’un que l’autre, mais c’est pour en souffrir davantage ; ce n’est probablement pas la femme qui doit se réjouir de ce changement d’état social. Les portraits de ces dames du palais sont amusants et, sans doute, croqués sur nature. Parmi ce groupe d’ambitieuses, dont les manches de robes sont les sombres ailes de leur inquiétant et dernier caprice, nous rencontrons des femmes sérieuses, tout entière dévouées à leur mission, souvent rebutante, comme cette Mlle Angély qui s’occupe des Petits déshérités et ne se lasse point malgré les pires déceptions ; mais ce genre d’avocate enseigne les éléments de droit dans les lycées et plaide moins qu’elle n’agit. Toutes les autres sont de cette race encombrante qui recherche la tribune pour ajouter aux effets de leur plastique. À notre époque de poses (on pourrait vraiment nommer le siècle l’ère de la photographie et par conséquent du cliché), il n’est plus de sot métier du moment que ce métier fournit son estrade, son tremplin, voire sa corde raide. Pourvu que Madame monte à sa tour et qu’on puisse la suivre des yeux, elle est heureuse !… J’aime surtout l’anecdote de l’héroïne remplaçant le petit col droit par un col de guipure, oh ! ma chère ! C’est touchant et ridicule… car sans la fameuse robe d’avocat, qui s’apercevrait de ce col de guipure, je vous le demande ? Enfin les dames du Palais sont proches de leur apothéose, je veux dire du Palais Bourbon. En général, un mauvais avocat produit toujours un bon député. Lasses des parlottes utiles où l’on dit des bêtises sous couleur de défendre la veuve et l’orphelin, elles atteindront bientôt la Chambre, dont la salle des Pas perdus n’est que l’antichambre, et elles auront là, tout à leur aise, les succès d’éloquence ou de beauté qui seront au moins complètement inutiles, c’est-à-dire rentreront dans la fonction qui leur est la plus naturelle : l’art d’exciter le mauvais instinct de la reproduction !
Extraits
modifier- — Il faut que cette cause soit plaidée par une femme. J’ai été trop opprimée par l’homme : un homme m’a trahie, abreuvée de chagrin ; il voulait, après, me dominer encore ; je me suis évadée, et voici qu’il revient pour m’arracher mon enfant, et c’est à un autre homme que je remettrais le soin de ma défense ? Non, non : ils s’entendent tous ; ils ont entre eux une solidarité occulte pour nous asservir…