Discussion:Le Meunier d’Angibault
Éditions
modifierD’abord intitulé Au jour d’aujourd’hui, il était prévu pour une diffusion en feuilleton dans le Constitutionnel mais sa teneur trop socialiste le fit refuser. D’après Karenine, il ne prit jamais le titre de Le Prolétaire.[1]
Titre et éditions | ||
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1845 : | Le Meunier d’Angibault | édition pré-originale dans la Réforme de Louis Blanc du 21 janvier au 19 mars 1845[2] |
1845 : | Le Meunier d’Angibault | édition originale, Paris, Desessart |
Critiques, résumés…
modifier- Du_roman_actuel_et_de_nos_romanciers
- Journal (Eugène Delacroix)/25 avril 1846
- La Revue Belge 1933 [1]
George Sand. — Le Meunier d’Angibault.
C’est en 1845 que parut ce copieux roman, tout imprégné des idées sociales qui devaient inspirer, pour une grande part, la révolution de 1848. George Sand y expose avec l’enthousiasme le plus sincère, les théories humanitaires les plus généreuses. Mais, tout autant qu’un roman « social », Le Meunier d’Angibault est un roman romanesque, voire sentimental. Le récit des amours d’Henri Lémor et de la Baronne de Blanchemont ne saurait manquer de plaire aux lecteurs du Marquis de Villemer et de Mauprat. Nelson.
- Revue des deux mondes 1920 [2]
Dans le premier des deux grands romans communistes de Sand, le Meunier d’Angibault, on voit une belle Parisienne, Marcelle de Blanchemont, demeurée veuve avec un très jeune fils, se retirer à la campagne dans la région de Nohant. Les terres de sa famille ont été lourdement hypothéquées par un mari dissipateur elle vient en disputer les débris aux créanciers de ce peu regrettable époux, afin de sauvegarder tant bien que mal les intérêts de son enfant, et elle y fait presque aussitôt la connaissance du meunier d’Angibault, le grand Louis, qui s’offre à l’aider dans sa tâche ardue. Mme de Blanchemont a aimé naguère un socialiste du nom de Lémor qui lui a prêché les doctrines de Pierre Leroux elle se félicite donc de sa ruine, car elle a longtemps déploré pour son enfant, ce nouvel Émile, le malheur d’être né riche « À présent, Louis, je serai du peuple, dit-elle avec élan à son nouveau protecteur, et les hommes comme vous ne médiront plus de moi ! Vous ne serez pas du peuple, lui répond le beau meunier avec un parfait bon sens. Votre fils a des parents riches qui ne le laisseront pas élever comme un pauvre. Tout cela, c’est des romans que vous vous faites » Et Sand a toujours montré de ces clairvoyances intermittentes à travers ses tenaces illusions mystiques.
S’il voit souvent juste en matière psychologique et sociale, le grand Louis n’en est pas moins bon « communiste, » en ce sens qu’il voudrait assurer le sort des faibles, des bornés et même des paresseux 1 Mais il conçoit que des étapes sont nécessaires pour aboutir à ce résultat, et Marcelle corrigera donc jusqu’à un certain point, sous son influence, l’excès de générosité que nous venons de constater en elle elle raisonnera désormais sur l’éducation et sur l’avenir de sa progéniture à peu près comme la châtelaine de Nohant en personne, c’est-à-dire comme tous les représentants de la classe bourgeoise à cette date. Elle s’arrêtera, dans la pratique, à des solutions moyennes et provisoires, à celles-là même que Sand acceptait alors pour règles de son existence, car elle ne voit, dit-elle, aucun des systèmes politiques nouveaux où l’ambition de dominer ne montre par quelque endroit le bout de l’oreille (oh combien !) et où la liberté morale lui semble suffisamment respectée. Saint-simonisme et fouriérisme sont à ses yeux des philosophies avortées où l’esprit du mal semble se cacher sous les dehors de la philosophie. – Et ceci est sans doute une allusion à la très suspecte « réhabilitation de la chair. » En un mot, elle se sent repoussée loin de ces doctrines comme par le pressentiment d’un nouveau piège tendu à la simplicité des hommes !
Voilà des constatations fort sages, et lorsque Lémor, le premier inspirateur politique et moral de Marcelle, ainsi que nous l’avons dit, s’avisera de s’abandonner devant elle à des transports d’enthousiasme, en s’écriant « Ô peuple, tu prophétises ! C’est pour toi que Dieu fera des miracles. C’est sur toi que souffle l’Esprit Saint. Tu sens ta force, ton amour Tu comptes sur l’inspiration d’En-Haut, et voilà pourquoi j’ai brûlé mes livres pour chercher la loi parmi les simples de cœur! » le grand Louis reprendra sur le même ton que précédemment « Romans, romans que tout cela Mme de Blanchemont ne sait pas ce que son fils pensera dans quinze ans d’ici sur l’argent et sur l’amour. N’allez pas faire la folie de le dépouiller do son bien » Toutefois, Sand sera moins sage en définitive que cet interprète plébéien de ses velléités de sagesse. Par sa volonté, les événenements viendront mettre à néant ces conseils du bon sens. Les grands-parents de l’enfant se ruinent à leur tour il ne lui reste plus aucun héritage à prétendre et le problème de son avenir se trouve résolu de ce fait. Marcelle, voyant son fils sans ressources, proclame avec joie qu’enfin il est un homme à ses yeux (toujours suivant la suggestion de Jean-Jacques, aux premières pages de son Émile) « Puisses-tu comprendre un jour, dit-elle solennellement au petit garçon, que te voilà jeté dans le troupeau de brebis qui est à la droite du Christ et séparé des boucs qui sont à sa gauche » Formule empruntée de la Bible pour affirmer une fois de plus l’alliance céleste au profit de l’impérialisme démocratique. Après quoi, elle obéit à une inspiration plus rationnelle, aussitôt compensée par un retour de conviction mystique « Mon Dieu, donnez-moi, dit-elle, la force et la sagesse nécessaire pour faire de cet enfant un homme. Pour en faire un patricien, je n’avais qu’à me croiser les bras! » Naïve philosophie du patriciat que n’aurait consignée ni Plutarque, admirateur des aristocraties Spartiates, mécédoniennes ou romaines et meilleur appréciateur des conditions morales de leur puissance, ni même peut-être Jean-Jacques, membre-né de ce patriciat civique qui gouvernait en son temps la république genevoise et dont il réclama longtemps le privilège après s’être rendu indigne de l’exercer par ses folies de jeunesse.
Aussi bien la tâche éducatrice de Mme de Blanchemont sera-t-elle facilitée par cette circonstance que le jeune Edmond est déjà, dans sa cinquième année, un être tout évangélique, un enfant béni que Dieu a marqué en naissant pour en faire un noble pauvre Et nous ne nous chargerons pas de décider où est le substantif, où l’adjectif dans cette combinaison de deux épithètes également laudatives.