Discussion:La Ville noire

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... Un dernier groupe enfin a pré- féré visiter la ville de Thiers la seconde du département en population (elle compte 18,000 habitants) qui se recommande non-seulement par sa position pittoresque et l'antiquité de ses constructions, mais aussi par l'industrie toute spéciale qui a toujours su y prospérer dans des conditions bien faites pour étonner les économistes. Thiers est la ville noire que George Sand a si bien décrite. Ce souvenir me dispensera d'être long pour les questions de pittoresque il vaut mieux en pareil cas se référer au texte que de chercher à l'imiter.

C'est un spectacle merveilleux de voir comment le génie de Mme Sand, loin de s'épuiser, se rajeunit et s'élève chaque jour. Ses trois romans, le Marquis de Villemer, Valvèdre, la Ville noire sont trois histoires les plus simples du monde, mais revêtues d'un coloris si puissant, si riches de détails gracieux, de conceptions hardies, si pleines d'idéalité, qu'il est impossible de résister au charme.

Enfin elle publia la ville noire, roman d'allégorie qu'avec plus de style, feu Cabet aurait pu signer, comme le déclare un critique mal avisé, qui cette fois a raté son trait. La ville noire parut en 1861. Madame Sand avait alors déserté la politique. On comprend qu'à cette époque elle en fût lasse et désabusée…

  • Revue critique des livres nouveaux

http://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k63496301/f3.item LA VILLE NOIRE, par George Sand. Paris, Michel Lévy; 1 vol. in-12 : 3 francs.

Cette ville noire, ces cinq ou six cents usines pressées et enchevêtrées sur les deux rives d'un torrent, cette ville basse dominée par une colline où s'est élevée une seconde ville, riche, aux maisons bariolées, de couleurs riantes, existe-t-elle réellement telle que l'on nous la dépeint ? Est-ce Châtellerault, Langres, ou telle autre cité industrielle, ou bien l'auteur, réunissant, combinant quelques traits épars dans sa mémoire, a-t-il été lui-même l'architecte du lieu où il fait vivre ses héros ? Nous ne savons, et ce n'est pas là l'essentiel.

Ces héros ne sont nullement de beaux messieurs et de belles dames, charmant leur oisiveté par des passions de cœur ou de tête. Ce sont des travailleurs gagnant leur pain à la sueur de leur visage. C'est Etienne Lavoute, dit Sept-Epées, le coutelier-armurier, c'est Tonine Gaucher, la plieuse de la papeterie.

Au début du récit, Sept-Épées a vingt-quatre ans; Tonine dix-huit. Ils s'aiment, mais pourtant ils ne s'entendent pas. Sept-Épées, en vrai fils de son siècle, a dans le cœur, à côté de son amour, beaucoup d'ambition. Il voudrait devenir fabricant, commerçant, avoir un jour, dans la ville haute, sa maison peinte et son jardin. Se marier de bonne heure, épouser une femme qui n'a pour dot que ses grâces et ses vertus, cela pourrait bien être un obstacle à ses projets. De là, dans ses façons d'agir, de la gaucherie, de l'hésitation8ronine, la fière enfant, surnommée la princesse par le père adoptif de Sept-Épées, s'aperçoit bien des incertitudes de son amoureux, et tranche la question en déclarant qu'elle n'épousera jamais un compagnon trop avide de s'enrichir.

Tonine est non-seulement fière et délicate par nature; mais encore elle a vu sa sœur aînée, mariée à un ouvrier enrichi, mourir de chagrin avant la fin de l'année, et elle est résolue à ne pas sortir de son état.

Sept-Épées devient chef d'une petite usine, mais la fortune ne lui arrive ni si facilement ni si vite qu'il s'en était flatté. Quoique Tonine et lui continuent à s'aimer, leur malentendu se complique et se prolonge, à tel point qu'ils sont tout près d'épouser, l'un, la fille d'un fabricant, l'autre, un jeune médecin. Cependant Sept-Épées renonce au mariage que l'on voulait arranger pour lui, car il s'aperçoit qu'il était bien plus attaché à Tonine qu'il ne l'avait pensé. Il ne veut pas mettre obstacle à son union avec le docteur et quitte la ville noire, laissant son usine aux soins de Va-sans-Peur, son premier ouvrier.

Il acquiert dans ses voyages de l'expérience, de la sagesse, de l'instruction. Mais son amour malheureux, au lieu de s'éteindre, va grandissant et se fortifiant.

Ses excursions le conduisent en Allemagne. Il passe quelque temps dans une ferme appartenant à une assez riche veuve, qui ressemble un peu à Tonine. Il s'aperçoit qu'il lui plaît, qu'elle l'agréerait volontiers, et il lui prend comme une velléité de se faire campagnard en épousant la veuve. Mais c'est sans joie et presque sans espoir qu'il rêve à ces projets; il est triste, il sent que son cœur ne peut pas se réveiller, et il fait confidence de ses peines à son ami Gaucher, cousin de Tonine.

Il reçoit en réponse une lettre écrite par Lise, la femme de Gaucher. Lise lui apprend que Tonine n'est point mariée; qu'elle a été malade ; qu'elle est pauvre, endettée et ne peut encore travailler. Aussitôt Sept-Épées quitte la veuve et revient en hâte à la ville noire. En arrivant, il trouve son usine ensevelie sous un éboulement. N'importe ; il a ses deux bras, il travaillera pour Tonine.

Lise lui donne à entendre que la maladie a défiguré Tonine et l'a rendue infirme. Il pâlit, mais il ne recule pas. Bientôt il apprend que tout cela, ce ne sont que contes: Tonine est belle comme jamais il ne l'avait vue ; elle n'a été ni pauvre ni malade. Bien plus : son beau-frère est mort, lui léguant sa manufacture. Elle en a fait un atelier-modèle, avec des bains, des gymnases, des salles d'étude ; elle a fait ouvrir une route, établir des écoles. Enfin, elle est devenue la bienfaitrice de la ville noire; elle veut continuer à l'être, et Sept-Épées s'associe avec joie à ses bonnes œuvres.

Au théâtre et dans le roman, on a un peu abusé de ces coups de fortune qui enrichissent tout d'un coup les héros et les héroïnes.

Mais, abstraction faite de ce dénouement romanesque, ce récit nous représente des événements qui ne sortent point de la vie réelle. Rien n'y rappelle pourtant les platitudes plus ou moins grossières que l'on a essayé de mettre à la mode sous le nom de réalisme ; le grand artiste a entouré de grâce et de poésie les plus humbles détails de cette idylle industrielle.

Les caractères n'ont rien de forcé ni de guindé. Audebert, l'ouvrier rêveur, l'homme à projets, le poëte populaire auquel les flatteries font à la fin tourner la tête, et dont la folie est de se persuader qu'il est un ancien particulier appelé Pindare dans les temps, est un type dont on trouverait peut-être plus d'un original à notre époque de déclassement et de demi-lumières. Tonine est, il est vrai, fortement idéalisée : tant d'élévation, de dévouement, de noblesse, tant d'esprit et de charme sont rares, même dans une classe bien supérieure à celle dans laquelle l'auteur l'a fait naître.

Mais nous admettons tout cela d'autant plus volontiers, que Tonine participe de la nature humaine et féminine par un bon petit grain de malice qui ne la rend que plus aimable ; il nous plaît, pour notre part, de l'entendre comparer sa rivale, Clarisse Trotti, à une betterave dans du gazillon. Le mélange d'ambition, de prudence et de cœur qui forme le caractère de Sept-Épées est très-habilement peint. Les personnages accessoires ont chacun la physionomie qui convient à leur rôle, et la diversité qui existe entre eux est d'autant plus remarquable que pas un d'eux n'est méchant ; il sont tous semblables, sous ce rapport, au bon petit chien de Tonine, qui n'aboyait après personne et qui caressait tout le monde.

Pour satisfaire à notre devoir de critique, nous signalerons deux légers défauts dans la contexture de cette narration, si bien conduite d'ailleurs. Au commencement, l'entretien entre Sept-Épées et son ami Gaucher a le défaut de ces expositions dramatiques où les personnages parlent pour le bénéfice de l'auditeur, et n'a pas, comme au théâtre, l'excuse de la nécessité. À la fin, le secret de la richesse de Tonine demeure un mystère pour Sept-Épées un peu plus longtemps que ne le voudrait l'exacte vraisemblance. Mais cela n'empêche pas la Ville noire d'être un petit chef-d'œuvre. Au mérite littéraire, ce roman joint un grand mérite moral, et ne peut produire que de bonnes impressions.

George Sand donne ici un bien salutaire exemple aux littérateurs français. Elle exploite une mine inépuisable, le cœur humain, avec les imperfections, les contradictions et les faiblesses dont ne sont exempts, hélas ! ni les bons, ni les intelligents, ni les forts. Fines et profondes analyses, situations pleines d'intérêt, mots charmants, descriptions pleines de vie, tout se trouve à profusion dans cet ouvrage. Pour les amis de la littérature, c'est une joie de voir que le beau talent de Georges Sand n'a rien perdu de sa force et de son éclat. Pour les amis du beau moral, c'est une joie plus grande encore de voir l'auteur consacrer sa plume à la noble cause du travail, du devoir, des humbles dévouements et des modestes vertus. W. G.

Orthographe vocabulaire modifier

  • Clarisse Trottin, qui a l’air d’une betterave dans du gazillon.
  • contre-cœur, contre-fort
  • grand’chose, grand’peine
  • s’entr’ouvrent
  • poëte
  • piége
  • au delà
  • réflétée

Différence de version - rddm/Calmann-levy modifier

  • très-/bon ...
  • poète / poëte
  • Ville-Noire / Ville Noire
  • momens/moments, enfans/enfants, contens/contents, bouffans/bouffants, amans/amants, passans/passants, contens/contents...
  • la tête exposée à l’ardent soleil de/du midi,
  • Si je n’avais pas de la/ famille à nourrir
  • on va vous montrer un sentier un peu raide/roide
  • la cascade éclairée en/et rouge
  • C’est les armuriers, les cloutiers,/ les couteliers et les serruriers
  • une autre année paierait/payerait
  • monté sur un bon petit cheval de /la montagne
  • mais,/ soit que le clapotement de l’eau couvrît le bruit, soit qu'on/que l’on ne voulût pas répondre
  • Il commençait à pousser l’intrus à/en bas
  • J’ai quatre ans de plus que vous, et tout bête et ignare/ignorant batteur de fer que je suis
  • sans diminuer la personne au profit de la/sa bourse.
  • Quand son bon cœur l’avait entraîné à quelque faiblesse, il voulait réparer le sort/tort qu’il s’était fait,
  • Chemin faisant, il m’a dit qu’il venait chez vous pour voir un malade, et qu’il ne savait pas trop/ par où descendre pour gagner à pied le fond du ravin.
  • je ne voudrais pas te faire de /la peine
  • C’est vous qui veillerez le malade cette nuit ; la nuit d’après,/ ce sera moi…
  • Oui/, sans doute,…
  • Durant sa convalescence, il alla versifier dans la montagne/campagne
  • Elle était bien forcée de voir, à présent/, qu’elle plaisait,
  • Il faut, se dit-il, qu’à tout prix je trouve /le moyen de m’enrichir pour elle,
  • — On croirait, Tonine, que tu en/ as du dépit,
  • et on ne s’enrichit qu’avec beaucoup de peines/peine et de patience.
  • Il n’y peut rien lui-même ;/:
  • — Tu l’aimeras !/, dit la Lise.
  • reflétée -> réflétée
  • Elle entra aussitôt dans le petit/ bureau de l’usine et écrivit à Sept-Épées :
  • Il s’arrêta donc dans la première ville d’industrie d'industrie/ qu’il rencontra
  • parti-pris/parti pris
  • mais à cause de la poésie d’un pays magnifique et dans l’espoir d’une vie paisiblement/paisible et utilement laborieuse.
  • renouvelant à son insu la fable de la laitière et du pot au lait, lorqu’un/lorsqu'un porteur de lettres qui parcourait la plaine,
  • dont il franchit aisément la petite balustrade de briques chargée de clématite/s sauvage/s.
  • Tu vas certainement avoir la meilleure place de tout/ l’établissement
  • et je compte bien la remercier ;/: mais il s’agit de Tonine.
  • Ce jour-là, l’orgueil visita ton âme, et tu te sentis plus grand de toute la/ta tête.
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