Discussion:La Chute des feuilles

Source: Pour la version principale, Œuvres complètes, 1823.

Pour les variantes, Les Œuvres de Millevoye, 1880.

Ce poème a été imprimé sous des formes sensiblement différentes dans les éditions successives.

La version sur la page principale est celle des Œuvres complètes de 1823. Mais voici sa forme primitive, qui avait obtenu le prix de l'Élégie, à l'Académie des Jeux Floraux de Toulouse, en 1811 :

Œuvres de Millevoye
Texte établi par P.-L. Jacob (Paul Lacroix),  (p. 173-176).


LA CHUTE DES FEUILLES


Cette pièce, qui avait obtenu le prix de l’Élégie, à l’Académie des Jeux Floraux de Toulouse, en 1811, a été imprimée avec des changements successifs, dans trois ou quatre versions différentes. Voici la version primitive :

De la dépouille de nos bois
L’automne avait jonché la terre ;

Le bocage était sans mystère,
Le rossignol était sans voix.
Triste, et mourant à son aurore,
Un jeune malade, à pas lents,
Parcourait une fois encore
Le bois cher à ses premiers ans :
« Bois que j’aime ! adieu… je succombe.
Ton deuil m’avertit de mon sort ;
Et dans chaque feuille qui tombe
Je vois un présage de mort.
Fatal oracle d’Épidaure,
Tu m’as dit : « Les feuilles des bois
« A tes yeux jauniront encore ;
« Mais c’est pour la dernière fois.
« L’éternel cyprès se balance ;
« Déjà, sur ta tête, en silence,
« Il incline ses longs rameaux :
« Ta jeunesse sera flétrie,
« Avant l’herbe de la prairie,
« Avant le pampre des coteaux. »
Et je meurs !… De leur froide haleine
M’ont touché les sombres autans ;
Et j’ai vu, comme une ombre vaine,
S’évanouir mon beau printemps.
Tombe, tombe, feuille éphémère :
Couvre, hélas ! ce triste chemin ;
Cache au désespoir de ma mère
La place où je serai demain.
Mais si mon amante voilée,
Au détour de la sombre allée,
Venait pleurer quand le jour fuit ;
Éveille par un léger bruit
Mon ombre un instant consolée. »
Il dit, s’éloigne… et sans retour !
La dernière feuille qui tombe
A signalé son dernier jour.
Sous le chêne on creusa sa tombe…
Mais son amante ne vint pas
Visiter la pierre isolée ;

Et le pâtre de la vallée
Troubla seul du bruit de ses pas
Le silence du mausolée.


Millevoye, malgré le succès de sa pièce couronnée, motivait en ces termes la transformation qu’il lui fit subir : « Quoique plusieurs personnes aient paru préférer cette version, je me suis reproché, en l’examinant, de n’avoir amené qu’un simple pâtre au tombeau de l’infortuné jeune homme, qui, près de sa dernière heure, songeait d’avance au deuil de sa mère. J’ai cru devoir restituer au sujet une circonstance trop naturelle pour qu’il fût permis de la supprimer. »

Voici une seconde version, avec des variantes, assez heureuses, qui nous laissent dans l’embarras du choix :

De la dépouille de nos bois
L’automne avait jonché la terre ;
Et dans le vallon solitaire
Le rossignol était sans voix.
Triste, et mourant à son aurore,
Un jeune homme, seul, à pas lents,
Parcourait une fois encore
Le bois cher à ses premiers ans :
« Bois que j’aime, adieu… Je succombe !
Ton deuil m’avertit de mon sort,
Et dans chaque feuille qui tombe
Je vois un présage de mort.
Fatal oracle d’Épidaure,
Tu m’as dit : « Les feuilles des bois
« A tes yeux jauniront encore,
« Et c’est pour la dernière fois.
« La nuit du trépas t’environne ;
« Plus pâle qu’une fleur d’automne,
« Tu t’inclines vers le tombeau.
« Ta jeunesse sera flétrie,
« Avant l’herbe de la prairie,
« Avant le pampre du coteau.

Et je meurs ! De la vie à peine
J’avais compté quelques instants ;
Et j’ai vu comme une ombre vaine
S’évanouir mon beau printemps.
Tombe, tombe, feuille éphémère !
Et, couvrant ce triste chemin,
Cache au désespoir de ma mère
La place où je serai demain.
Mais si mon amante voilée,
Aux détours de la sombre allée,
Venait pleurer quand le jour fuit,
Éveille par un faible bruit
Mon ombre un instant consolée. »
Il dit, s’éloigne… et sans retour !
Sa dernière heure fut prochaine :
Vers la fin du troisième jour,
On l’inhuma sous le vieux chêne.
Sa mère (peu de temps, hélas !)
Visita la pierre isolée ;
Mais son amante ne vint pas :
Et le pâtre de la vallée
Troubla seul du bruit de ses pas
Le silence du mausolée.


Dans la première édition des Élégies (1812), cette pièce, qui avait déjà paru dans divers recueils de poésie, offrait quelques variantes que l’auteur n’a pas conservées :

Mais c’est pour la dernière fois !
L’éternel cyprès se balance ;
Déjà sur ma tête en silence
Il incline ses longs rameaux…
Et je meurs ! De leur froide haleine
M’ont touché les sombres autans…
Mais si mon amante voilée
Vient, vers la solitaire allée,
Pleurer à l’heure où le jour fuit…
Mais son amante ne vint pas
Visiter la pierre isolée…

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