Discussion:Dictionnaire général et grammatical des dictionnaires français/1re éd., 1834

  • Dictionnaire général et grammatical des dictionnaires français 1834|1834-Dictionnaire général et grammatical des dictionnaires français... par Napoléon Landais, ....
    • Tome 1 -au Bureau central (Paris)-1834 [1]
    • Tome 2 -au Bureau central (Paris)-1834 [2]
PROSPECTUS
SERVANT D’AVERTISSEMENT AU DICTIONNAIRE GÉNÉRAL ET GRAMMATICAL DES DICTIONNAIRES FRANÇAIS.


« D’Alembert a dit qu’un bon dictionnaire de notre langue était l’ouvrage le plus utile et le plus philosophique dont une société littéraire pût doter son pays (*). »

Pénétrés de cette conviction, nous avons entrepris cette œuvre, immense par son utilité que personne ne contestera ; immense par sa généralité, car elle embrasse et comprend tout ce que doit contenir un pareil livre ; immense enfin par sa nécessité, car aucun des dictionnaires déjà existants ne réunit tous les avantages, toutes les solutions de celui que nous publions.

On convient généralement que notre belle langue, aujourd’hui la plus universelle de toutes les langues, n’a point encore de dictionnaire parfait ; cependant il faut à un pays un dictionnaire parfait, humainement parlant, de sa langue.

(*) Citation de M. le directeur de l’Académie Française, dans sa réponse au discours de réception de M. Charles Nodier (Séance du 26 décembre 1833.)

Prouvons l’imperfection de ce qui existe en ce genre ; il ne nous sera pas difficile ensuite de faire apprécier le mieux incontestable que nous offrons.

Ouvrons, l’un après l’autre ; nos meilleurs dictionnaires. Pour ne citer qu’un ou deux exemples : dans l’un nous trouvons l’étymologie du mot et point sa prononciation ; un autre nous donne la prononciation, et l’on n’y trouveras l’étymologie.

Quoi de plus indispensablement nécessaire cependant que ces deux choses ? l’étymologie, cette science vraiment mnémotechnique, qui facilité tant la connaissance et l’intelligence des mots ; la prononciation, qui embarrasse si souvent les étrangers et nos Français mêmes, lorsqu’ils commencent l’étude de la langue.

Ce n’était point assez pour nous de présenter seulement ainsi qu’on l’a fait jusqu’ici les différents sens et acceptions, propres et figurés ; nous nous sommes efforcés de rendre la prononciation claire et sensible, au moyen de lettres de pure convention, supprimant celles qui ne doivent pointse faire sentir et les remplaçant par d’autres qui donnent mieux le son net et exact du mot ; ainsi à côté du mot corriger qu’on pourrait prononcer sorrigere, nous avons écrit en caractères italiques : ko-ri-jé.

Lorsqu’une syllabe muette, dans le corps ou à la fin d’un mot ne doit pas sonner dans le langage, nous la réunissons à la syllabe qui la précède ; immédiatement : nous avons donc figuré ainsi la prononciation du mot ; abaissement : a-béce-man pour faire comprendre qu’on ne dit pas a-bè-ce-man ; et ainsi celle du mot capitale : ka-pi-tale, afin qu’on ne prononce pas : ka-pi-ta-le ; quoique, ces deux mots soient de quatre syllabes, ils n’en ont véritablement que trois dans la prononciation. Cette indication de la prononciation vraie n’a point encore été donnée.

Croira-t-on qu’aucun dictionnaire n’offre la nomenclature complète de tous les mots absolument et sans exception, dans l’ordre des lettres de l’alphabet ?

Faisons d’abord sentir la nécessité de cette nomenclature.

Supposons qu’un étranger, s’appliquant à l’étude de notre langue, rencontre dans son livre de lecture, ou entende énoncer cette proposition des plus simples : l’eau bout.

Il ouvre son dictionnaire français, et ne trouve ; déjà pas l’eau.

Le voilà arrêté.

On ne trouvera pas non plus, l’eau dans ce dictionnaire, mais l’, mais eau, à leur rang alphabétique.

L’, dans le sens de le ou la, articles, ne se rencontre nulle part.

Poursuivons.

A force de feuilleter, peut-être notre laborieux étranger parviendra-t-il à apprendre que eau est un substantif féminin singulier. Il cherche bout ; c’est encore un substantif, seulement il est masculin singulier, celui-ci : voilà deux substantifs accolés l’un à l’autre ; impossible de saisir un sens raisonnable. Si la nomenclature du dictionnaire avait été complète, elle aurait offert à ses yeux le substantif bout, signifiant extrémité, et aussi l’autre mot bout qu’il s’est évertué à chercher, et il l’aurait trouvé ainsi énoncé : bout, 3e pers. sing., prés. indic. de bouillir ; et enfin il aurait eu recours, à ce mot bouillir pour démêler le sens de sa phrase.

Ainsi, tous les mots, absolument et sans exception aucune, qui sont universellement et authentiquement employés dans le discours, et sous quelque forme que ce soit, sont mentionnés scrupuleusement dans leur ordre alpliabétique.

Ceci met nécessairement notre livre à la portée de toutes les intelligences.

Nous donnons encore, et notre Dictionnaire des Dictionnaires dévient par là une autre véritable grammaire des grammaires, nous donnons des notions générales de grammaire, et à chaque mot sa règle et toutes ses solutions.grammaticales.

Nous indiquons aussi la manière seule permise, seule raisonnable d’écrire les abréviations, ce qui jusqu’ici semble avoir été à tort abandonné au bon plaisir de chacun. Nous ne pensons pas qu’il en doive, qu’il en puisse être ainsi.

Il faut que tout le.monde comprenne une abréviation, sans avoir besoin d’une explication particulière et purement conventionnelle.

Il y en a qui écrivent singulier, en abrégé, de ces deux manières : s. et sing. Cette dernière abréviation est la seule qui doive être admise, parce qu’elle rend toute équivoque impossible. En effet, s. seulement, peut signifier substantif aussi bien que singulier. Pour qu’une abréviation soit reçue, il faut qu’elle présente rigoureusement et strictement toutes les lettres nécessaires pour empêcher qu’il n’y ait doute ou méprise, sur l’interprétation du mot.

A la suite de cet exposé que nous nous sommes efforcés de rendre succinct et simplement compréhensible, nous n’avons plus qu’une seule question à faire et la voici :

Existe-t-il un dictionnaire qui réunisse toutes les qualités, tous les avantages que nous déclarons être dans le nôtre ?

Non.

Aussi c’est avec confiance que nous soumettons notre oeuvre à l’appréciation de la France, de l’Europe entière.

Après tout, il nous a été facile de faire plus et mieux, à nous qui arrivons les derniers et qui sommes aidés de toutes les lumières, de tous les documents de ceux qui nous ont précédés. Notre récompense, si nous sommes un jour dignes de rémunération pour un travail aussi important, aussi immense, nous la trouverons dans l’empressement de tous nos concitoyens à souscrire à un pareil livre ; heureux mille fois, si l’on dit de nous ce que pensait d’Alembert, que nous avons véritablement fait l’ouvrage le plus utile, dont une société littéraire puisse doter son pays.

NAPOLÉON LANDAIS.

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