Discussion:Attendre-Espérer
Statistiques
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Éditions
modifierTitre et éditions | ||
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1868 : | Attendre-Espérer | Librairie Hachette, suivi des Désirs de Marinette |
1869 : | Attendre-Espérer | en feuilleton dans Le Phare de la Loire du 26 mars au 25 mai en 16 épisodes |
- Attendre-Espérer retronews dans le Phare de la Loire
Quatrième de couverture
modifierCourt roman d’André Léo sur comment aider les pauvres à ne plus l’être, aumône versus éducation. Un jeune médecin fortuné soigne gratuitement les pauvres. Il rencontre une jeune veuve titrée qui l’assiste dans ses soins aux malades. Le jeune homme tombe amoureux mais craint d’être repoussé les préjugés de castes étant encore très forts. Le baron, père de la jeune femme est néanmoins un progressiste qui va favoriser la création de l’école pour le peuple et l’idylle des jeunes gens mais un obstacle survient… Roman recommandé par George Sand à Juliette Lambert.
Localisation
modifierCritiques, résumés…
modifier- George Sand recommande à Juliette Lambert de lire Double Histoire et Attendre Espérer Page:Lambert - Mes sentiments et nos idees avant 1870.djvu/250
- résumé de Fernanda Gastaldello [3]
- Le Monde illustré 13 juin 1868 [4]
REVUE LITTÉRAIRE
Mme André Léo, qui trouve la société mal faite, m’accordera que le public a le caractère bien fait. Qu’on le traite de spirituel ou d’imbécile, qu’on l’accable d’injures ou de compliments, le public rit de tout et ne se fâche de rien. On pourrait lui reprocher de manquer de goût, d’accorder son admiration à des écrivains de plus d’audace que de talent, et de réserver tout son enthousiasme pour ceux qui le qualifient de ramolli et d’avachi. Mais a-t-il jamais marchandé la réputation à qui l’a méritée ? N’a-t-il pas reconnu à Mme André Léo un véritable talent de romancier, et salué en elle la continuatrice de Mme George Sand ?
Un Mariage scandaleux, Les deux Filles de M. Plichon sont des livres. La critique et le public, alléchés par ces œuvres fortes et savoureuses, s’attendaient à mieux que Un Divorce, L’Idéal au Village et d’autres romans qui ont suivi. Mais le filon est-il déjà épuisé ? L’auteur a-t-il pris une fausse voie ? J’incline vers la seconde hypothèse. Et si son premier roman est resté le meilleur, si les deux volumes de nouvelles que la maison Hachette vient d’éditer sous les titres : Attendre — Espérer et Double Histoire sont, malgré de grandes qualités descriptives et narratives, d’un médiocre effet, c’est que l’auteur a oublié de plus en plus les conditions du roman.
Je ne reprocherai pas à Mme André Léo la virilité qu’à l’exemple de la plupart des écrivains du sexe, elle montre dans ses écrits. Depuis Mme Roland et Mme Staël jusqu’à Mlle Clémence Royer, en passant par Mme Sand, Mme de Gasparin, Mme Dora d’Istria, Mme Niboyet, Mme d’Héricourt, Mme D. Stern, Mme Louise Colet, etc., ce renversement d’attributs parait obligatoire. La grâce et la tendresse devenant notre apanage, de quoi nous plaindrions-nous ? On pouvait seulement relever, dès Un Mariage scandaleux, une certaine roideur et je ne sais quelle allure puritaine qui faisaient craindre - pour plus tard - la conférence ou le prêche.
Il se publie, en Angleterre, des romans qui contiennent trois lignes de sentiment et six cents pages de sermon. C’est affaire aux Anglais de les lire. Ils ont d’ailleurs le dimanche, pendant lequel ils aiment à se mortifier. En France, ce genre de roman n’aurait aucun succès. Mme André Léo a introduit dans ses premiers ouvrages la morale sociale à dose modérée. Aujourd’hui elle en double les proportions. Demain me fait peur.
Qu’elle veuille bien m’entendre. Je ne suis nullement mysogyne d’une part et je n’ai aucune prévention contre les femmes-auteurs. D’autre part j’admets parfaitement qu’on élargisse encore le monde déjà si vaste et si élastique du roman et qu’on y fasse entrer les thèses les plus diverses. À une condition cependant, c’est que l’élément passion ne soit pas sacrifié à l’élément idée, et le sentiment à la philosophie. L’action, le développement des caractères doivent rester au premier plan. Cette unique règle restrictive laisse la marge bien grande, et la méconnaître c’est aboutir à la confusion des genres et à la négation même de l’art. Eh bien, Mme André Léo est arrivée à ce point, qu’elle semble faire une concession en mettant dans ses romans autre chose que de la science sociale pure. Privé d’espace et d’air, que vouLez-vous que devienne le roman ? Il périra, mais il se vengera cruellement du mépris dans lequel on l’aura tenu, et l’ennui… Mais je vais trop loin, car j’ai lu avec intérêt tous les ouvrages de Mme André Léo. J’ose donc l’avertir et, malgré l’inanité si souvent constatée de la critique, la supplier de s’arrêter sur la pente où elle est entraînée.
Ce n’est pas Henri Heine qu’on pourrait citer pour sa docilité et pour sa patience à écouter les conseils de la critique. Inutile évidemment à l’égard de ce génie d’une originalité et d’une personnalité si rares, elle aurait pu le laisser froid. Mais point, elle l’exaspérait à un degré inconcevable, et voici les imprécations de colère, d’orgueil et de dédain qu’il lançait sur elle :
« Ce que j’ai écrit dans cette vie est-il bon ou mauvais ? Je ne disputerai pas là-dessus. Il suffit, ç’a été quelque chose de grand ; je le sens à l’agrandissement de l’âme dont ces créations sont sorties… et je le sens aussi à la petitesse des nains qui se tiennent devant ces œuvres et clignent les yeux en voulant en mesurer la hauteur. Leur regard n’atteint pas jusqu’au sommet, et ils se cognent seulement le nez contre le piédestal de ces monuments que j’ai érigés dans la littérature européenne, à l’éternelle gloire de l’esprit allemand. » Modestie et génie ne peuvent décidément pas loger sous le même toit.
J’extrais ces dernières lignes du volume de Satires et Portraits, dont les œuvres complètes d’Henri Haine viennent de s’enrichir.
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Philippe dauriac