Discussion:Adriani
Éditions
modifier- 1854 Revue étrangère de la littérature, des sciences et des arts : [1]
Statistiques
modifier- 59 812 mots soit environ un peu moins de 4 heures de lecture
Vocabulaire
modifier- siége, privilége
- passe-port
Revue de presse
modifier- George Sand : visages du romantisme : [exposition], Bibliothèque nationale, [Paris, 27 janvier-10 avril] 1977 / [catalogue par Roger Pierrot et Jacques Lethève[2]
D'abord publié en Belgique sous le titre Laure, puis, devenu Adriani, dans le Siècle du 2 au 26 mai 1854. La première édition française, exposée, a été mise en vente en juillet 1854. Roman inspiré de la vie du chanteur Nourrit, mais le souvenir de Chopin n'est pas absent dans une scène d'angoisse qui rappelle un jour de tempête à Valldemosa.
- Revue de Paris - 1857 [3]
Adriani, par George Sand. 1 vol. Librairie nouvelle, 15, boulevard des Italiens. 1857.
Adriani n'est pas une œuvre nouvelle. Un roman de George Sand qui date de quatre ans a sans doute déjà été dévoré par le plus grand nombre. Mais Adriani est un de ces drames simples et vrais qu'on ne se lasse pas de relire. Le sujet est peu compliqué, quoique riche en émotions. M. d'Argères, Italien par sa mère, bon gentilhomme par son père, grand artiste de par la nature, après avoir, avec une folle générosité, jeté au vent le mince patrimoine que lui avait légué son père, plutôt que de subir la protection humiliante de sa famille, se décida à tirer parti de son talent. Compositeur habile, puisant dans son cœur des productions originales, il chantait dans les salons, allant, au gré du caprice du moment, de Paris à Vienne ou à Saint-Pétersbourg. Un petit héritage lui tombe soudain d'une province éloignée, et comme une chance en annonce toujours une seconde, un banquier, son ami, chez lequel il avait déposé son petit capital, fait si bien qu'au bout de quelques mois d'Argères, ou Adriani, se trouve à la tête de cinq cent mille francs. C'est à ce moment que s'ouvre l'action. D'Argères voyage incognito dans le Midi et s'arrête près de Tournon, au château d'un baron, homme de lettres, qui bientôt, forcé de s'absenter pour ses affaires, le laisse seul et livré à toutes les tentations de la solitude. Un soir, passant près d'une maison écartée, dont le nom, la Désolade, avait, depuis quelque temps, éveillé sa curiosité, il s'arrête séduit par une fraîche voix de femme qui chante l'air du gondolier dans Otello :
- Nessim maggior dolore, etc., etc.
Cette femme est une jeune veuve de vingt ans, Laure de Larnac, marquise de Monteluz, qui, depuis six mois, pleure de toutes ses larmes son mari, auquel elle ne veut pas survivre. Le premier, le seul, d'Argères pénètre dans sa solitude et réussit peu à peu à consoler la pauvre femme, à lui rendre son courage, à lui ouvrir les yeux sur le passé. Elle s'aperçoit bientôt que, dans son ignorance enfantine, elle a pris une affection toute d'amitié pour un amour éternel. Elle commence à comprendre que non-seulement elle n'aimait pas, mais qu'elle était tout au plus aimée par habitude, comme le marquis aimait sa meute, moins peut-être. Alors elle compare les sentiments qui l'agitent maintenant, les soins dont on l'entoure, aux souvenirs d'autrefois, et elle se trouve sans force pour fermer son coeur à cette émotion imprévue qui l'effraye et l’attire à la fois. Mais elle ne s'est pas encore prononcée : elle a bien permis à d'Argères de venir ; mais elle attend, elle hésite, elle lutte, quand les dédains de sa belle-mère pour le gentilhomme artiste la décident à un coup d'État. Elle est libre, elle sera sa femme. Alors vient la période des rêves d'avenir, des châteaux en Espagne, des doux projets de bonheur et de solitude à deux. Le beau pays que celui où l'on a aimé, où l'on s'est vu pour la première fois. Adriani veut s'y fixer et il achète, par-devant notaire, trois cent mille francs la terre de son ami, le baron de West. Mais ses fonds sont à Paris ; il les fait demander, et un banquier de Tournon avance une somme considérable au baron, fort gêné dans ses petites affaires. L'argent, attendu ne vient pas, au contraire, mais la nouvelle de la ruine complète et de la mort volontaire de l'ami chez lequel était toute la fortune d'Adriani.
Il faut donc renoncer à tout un avenir de bonheur qui semblait si certain. Adriani ne veut pas qu'on le soupçonne de spéculer sur la fortune de la marquise. Et, comme il se trouve endetté de trois cent mille francs, lui qui ne possède plus rien, il ne peut se résoudre à revoir Laure, il aurait l'air de chercher sa pitié. Il part. Bien souvent on lui avait en vain offert de superbes engagements à l'Opéra. Il lui en faut un maintenant ; et, grâce à son immense réputation, il est reçu avec, empressement et il se lie pour trois ans. En signant son engagement, il renonce à être jamais l'époux de Laure. Il le croit du moins ; mais, sacrifiant son cœur à son devoir, il signe. Un banquier, qui a pleine confiance en lui, lui avance la somme qu'il a promis de payer à Tournon dans la huitaine. Il est sauvé ; et il a trois ans de laborieux travaux pour s'acquitter.
Mais l'âme de Laure est aussi grande, aussi dévouée que la sienne, et, le jour de son début, elle arrive à Paris lui tendre la main et réclamer son amour.
Cette sèche analyse du plus touchant des drames donne seulement l'idée du canevas sur lequel Mme Sand a brodé de délicieuses élégies, comme elle seule sait en raconter. Nous nous contenterons donc d'ajouter : Prenez, et lisez, vous qui n'avez pas lu ce volume. Et vous qui le connaissez, rouvrez-le sans crainte, nous vous garantissons une de ces douces jouissances qui deviennent plus rares de jour en jour.