Discours prononcé sur la tombe de M. Gillet, le 1er avril 1865


DISCOURS
PRONONCÉ SUR LA TOMBE DE M. GILLET
LE 1er AVRIL 1865


Par M. REGNEAULT




Messieurs,

Qui de nous s’attendait à une mort aussi brusque. À notre dernière séance, M. Gillet vous donnait communication de son prochain discours de réception à l’Académie. Ce n’est plus de cette solennité qu’il faut s’occuper, les discours d’apparat sont remplacés par une funèbre cérémonie.

M. Gillet nous appartenait déjà comme Membre Correspondant. Sa dernière œuvre a été l’éloge de son ami Digot : c’était la consécration des regrets qui avaient été exprimés naguère ici-même pour lui. M. Gillet a produit plus d’un ouvrage utile : un travail sur l’application des lois, circulaires ministérielles et de la Justice de paix ; des rapports importants concernant la Bibliothèque de la ville. Il était membre de la Société d’archéologie, de la Commission attachée à la bibliothèque, de celle du Musée historique ; il participa aux Commissions des hospices et de l’Instruction publique.

Notre collaborateur conciliait avec des devoirs plus graves les soins d’une laborieuse érudition : il avait rassemblé dans son cabinet des documents précieux sur l’histoire de la Lorraine, et avait formé une collection de médailles du pays, qui pourra s’ajouter aux richesses que l’on possède, ou former un noyau pour les numismates. En cela, il était le successeur, il avait été l’émule de notre confrère M. Monnier, avec lequel il fut particulièrement lié. Nous l’avons entendu il y a peu de temps, au bord de la dernière demeure terrestre de son ami, témoigner d’une voix émue toute l’affection qu’il lui avait vouée. La destinée ne devait pas tarder à les réunir, existences passées, à jamais closes, fermées sans retour ! Que vous dirai-je de plus des travaux académiques de notre confrère : c’est dans un autre lieu, dans un autre temps, qu’il faudra songer à les rapprocher et à en faire ressortir le prix.

Des titres d’un ordre supérieur avaient acquis à M. Gillet la considération bien méritée de ses concitoyens. Ces titres assurent sa mémoire et la feront regretter davantage. On n’oubliera pas le dévouement, l’attachement à ses devoirs, dont il a fait constamment preuve pendant la durée des hautes fonctions qu’il a remplies dans la magistrature. Juge au Tribunal de première instance, M. Gillet exerça la charge pénible et délicate de Juge d’instruction ; il devint ensuite Vice-Président, et enfin il fut nommé Conseiller à la Cour Impériale, dernière récompense de ses longs services. Il appartient à ses collègues de la robe, plus qu’à nous, d’apprécier le mérite de M. Gillet comme magistrat et comme confrère : mais tous diront que sa vie a été laborieuse. M. Gillet a fourni une carrière honorable ; enlevé en pleine activité, il emporte avec lui le concours de ses lumières, de son expérience acquise.

Il se passe une fois de plus ici ce qui arrive quand un magistrat meurt : il laisse nécessairement après lui la trace des vertus inséparables de la dignité dont il était revêtu, le souvenir d’un magistrat intègre. Sa position était la conséquence de la considération dont il avait été investi depuis longtemps. Devant cette terre, d’où semblent sortir d’imposants avertissements, les rêves de l’ambition disparaissent, les vanités de l’amour-propre s’évanouissent, si bien fondées qu’elles paraissent ici-bas. Il reste à notre honorable confrère un bien moins périssable, un honneur plus vrai : on pourra graver sur le marbre de sa tombe qu’il fut, avant tout, homme de bien. Il était en outre travailleur consciencieux, érudit plein de zèle, numismate et littérateur distingué.

Une longue maladie était venu l’éprouver sans lui enlever le calme et l’énergie. Sa vie fut honnête et simple ; il n’a dû laisser derrière lui ni blessures, ni rancunes, mais le souvenir de bons offices et de serviables intentions.

Vous avez vécu, cher Confrère, au milieu d’hommes doués d’un cœur affectueux, animés de sympathie, indulgents les uns pour les autres. Vous ne laissez parmi nous qu’estime et que regrets. C’est au nom de tous vos amis de l’Académie que je vous adresse notre dernier hommage et nos adieux.