Dimanche soir (Albert Giraud)

Parnasse de la Jeune BelgiqueLéon Vanier, éditeur (p. 128-129).


Dimanche soir


La campagne est muette, et l’horizon s’endort.
Les rêves du passé tournent dans la lumière ;
Le soleil agonise, et comme une poussière,
Disperse au fond du ciel sa pensive âme d’or.
Les rêves du passé tournent dans la lumière ;
La campagne est muette et l’horizon s’endort.

Loin, très loin, tout là-bas, dans la paix du dimanche,
Comme un cœur solitaire effrayé par la nuit
Et prêt à se briser d’amertume et d’ennui,
Lentement, lentement un vieil orgue s’épanche,
Comme un cœur solitaire effrayé par la nuit,
Loin, très loin, tout là-bas, dans la paix du dimanche.

Ô cruelle douceur des baisers défendus !
Ô douce cruauté des lèvres qui dédaignent !
Je vous entends vibrer dans ces rhythmes qui saignent !
Vous êtes un rappel des paradis perdus,
Ô douce cruauté des lèvres qui dédaignent !
Ô cruelle douceur des baisers défendus !


On dirait une voix pleurant la mort de l’heure…
Un soir pareil luira pour vous, ô mon amour !
Où la morne distance et la chute du jour
Vous parleront de moi dans un orgue qui pleure !
Un soir pareil luira pour vous, ô mon amour !…
On dirait une voix pleurant la mort de l’heure !…