Différence de la philosophie de la nature chez Démocrite et Épicure/Philosophie épicurienne - quatrième cahier

Traduction par Jacques Ponnier.
Texte établi par Jacques Ponnier, Ducros (p. 162-173).


Philosophie épicurienne. 4e cahier. 1839


SEMESTRE D’ÉTÉ


[Extraits de Plut. adv. Col. 1117, 19 ; 1118 ; 1119-1122, 26 sur le rapport d’Epicure à Socrate, Stilpôn, les Cyrénaïques et les Académiciens (Archésilas)]


Il va de soi que Lucrèce ne peut être que peu utilisé.


[Extraits de Lucrèce I 63-79. 150. 159 sq. 267 sq. 328-330. 339 à 346. 382 sq. 419 sq. 461-463. 479-482. 503-509. 540. 600-603. 684-689. 763-766. 783-793. 814-816. 820-822. 847-856. 871 à 895. 907-914. 958-964. 984-997. 1009-1013. 1035-1041.]


[ Plutarque et Lucrèce]


Au printemps, la nature s’étend dans sa nudité, et, consciente de sa victoire, offre au regard tous ses charmes, tandis qu’en hiver elle recouvre de neige et de glace sa honte et son dénuement : telle est la différence entre Lucrèce, le vif, hardi et poétique seigneur du monde, et Plutarque, qui cache la médiocrité de son moi sous la neige et la glace de la morale.

Quand nous voyons un individu craintivement boutonné, blotti en lui-même, nous cherchons involontairement conseil et aide, nous regardons si, nous aussi, nous sommes encore là ; nous craignons pour ainsi dire de nous perdre. Mais, à la vue d’un être aux féeriques couleurs qui gambade, nous nous oublions et nous nous sentons élevés hors de notre peau comme si nous étions des forces universelles, et notre souffle est plus hardi. Qui se sent le plus moral et le plus libre de celui qui sort justement de la salle de classe de Plutarque, pénétré de l’injustice du fait que les hommes bons, avec la mort, perdent le fruit de leur vie, ou de celui qui voit l’éternité comblée et qui entend le chant hardi et tonitruant de Lucrèce :

… Acri
Percussit thyrso laudis spes magna meum cor
et simul incussit suavem mi in pectus amorem
Musarum, quo nunc instinctus mente vigenti
avia Pieridum peragro loca nullus ante
trita solo juvat integros accedere fontis
atque haurire, iuvatque novos decerpere flores
insignemque meo capiti petere inde coronam,
unde prius nulli velarint tempora Musae ;
primum quod magnis doceo de rebus et artis
religionum animum nodis exsolvere pergo,
deinde quod obscura de re tam lucida pango
carmina musaeo contingens cincia lepore.

I 922-934[1].

Celui qui ne prend pas plus plaisir à construire le monde entier avec ses propres moyens, à être un créateur de monde, qu’à rôder éternellement dans sa propre peau, sur lui l’esprit a prononcé son anathème, il est marqué par l’interdit, mais par un interdit inversé ; il est écarté du temple et de la jouissance éternelle de l’esprit et il est reconduit à chanter des berceuses sur sa propre béatitude privée, et, la nuit, à rêver de lui-même.

Beatitudo non virtutis praemium, sed ipsa virtus[2] (Spinoza, Eth. V 42).

Nous verrons aussi que Lucrèce comprend Épicure d’une manière infiniment plus philosophique que Plutarque. Le premier principe d’une recherche philosophique est un esprit libre et hardi.


[La critique que fait Lucrèce des philosophies de la nature antérieures]


Il faut apprécier d’abord la pertinente critique des philosophes de la nature antérieurs du point de vue épicurien. Une raison de plus de la considérer, c’est qu’elle met magistralement en évidence ce qu’il y a de spécifique dans la doctrine d’Épicure.

Nous nous attachons ici particulièrement à ce qui est enseigné sur Empédocle et Anaxagore, parce que cela vaut encore plus pour les autres.

1. Il n’y a pas d’élément déterminé qu’on doive tenir pour la substance, car si tout vient se placer en eux et si tout naît à partir d’eux, qui nous donne le droit, dans ce commerce mutuel, de ne pas plutôt tenir la totalité des autres choses pour les principes de ces éléments, étant donné qu’eux-mêmes ne sont qu’une forme déterminée et limitée de l’existence à côté des autres, et qu’eux aussi sont produits par le processus qui crée ces existences ? Et inversement (I, 764-768) [763-767].

2. Si plusieurs éléments sont tenus pour la substance, d’une part ils manifestent leur unilatéralité naturelle en se maintenant en conflit mutuel, en faisant prévaloir leur état déterminé, et ainsi, au contraire, en se disloquant, d’autre part ils tombent dans un processus naturel, mécanique ou autre, et manifestent que leur capacité de création est limitée à leur singularité.

Si nous pouvons donner comme excuse historique aux philosophes ioniens de la nature que pour eux le feu, l’eau ne sont pas le feu et l’eau sensibles, mais un élément universel il reste vrai que Lucrèce, leur adversaire, a absolument raison de leur imputer cela. Si des éléments manifestes, visibles à la lumière du jour, sont pris comme les substances fondamentales, celles-ci ont leur critérium dans la perception sensible et dans les formes sensibles de leur existence. Si l’on dit que ces éléments sont déterminés tout à fait autrement quand on en fait les principes de ce qui est, il s’agit alors d’une détermination cachée à leur singularité sensible, qui n’est qu’intérieure, donc extérieure, dans laquelle ils sont principes, c’est-à-dire qu’ils ne le sont qu’en tant qu’ils sont cet élément intérieur déterminé, et non dans ce qui les distingue des autres choses en tant que feu, eau, etc. 773 sqq. (771 sq.).

3. Mais, troisièmement, cela ne contredit-il pas le point de vue qui considère des éléments déterminés comme principes, leur être-là limité à côté des autres du nombre desquels ils ont été abstraits arbitrairement et n’ont donc aussi contre eux aucune autre différence que l’état déterminé du nombre, lequel cependant, en tant que limité, semble être plutôt déterminé par principe par la multiplicité, l’infinité des autres nombres ; ce n’est pas seulement leur opposition mutuelle dans leur particularité (laquelle manifeste aussi bien l’exclusion que la capacité créatrice enfermée dans des limites naturelles), mais le processus lui-même par lequel ils doivent produire le monde, qui démontre qu’ils sont en eux-mêmes finis et changeants. Parce qu’ils sont des éléments enfermés dans un état naturel clos, leur acte créateur ne peut être qu’un acte particulier, leur propre être-transformé qui lui aussi, de nouveau, a la figure de la particularité et de la particularité naturelle ; c’est-à-dire que leur acte créateur est leur processus naturel de métamorphose. C’est ainsi que ces philosophes de la nature font se rouler le feu dans l’air : ainsi naît la pluie qui tombe en bas, ainsi naît la terre. Ce qui apparaît ici est donc leur propre aptitude au changement et non leur persistance, non leur être substantiel qu’ils font prévaloir en tant que principe ; car leur création est plutôt la mort de leur existence particulière, et le résultat de cette création est plutôt la négation de leur persistance (783 sqq.). Cette réciprocité des éléments et des choses naturelles nécessaires à leur persistance signifie seulement que leurs conditions, prises comme leurs forces spécifiques, sont aussi bien en dehors d’eux qu’en eux.

4. Lucrèce en vient maintenant aux Homéoméries d’Anaxagore ; il leur reproche d’être des :

imbecilla nimis primordia… sunt[3]. [I 847],


comme en effet les Homéoméries ont la même qualité, sont la même substance que ce dont elles sont homéoméries, nous devons leur attribuer la même caducité que celle que nous avons devant les yeux dans leurs expressions concrètes. Si le feu et la fumée se cachent dans le bois, alors le bois est un mélange ex alienigenis (de différentes sortes de choses). Si chaque corps était fait de toutes les semences sensibles, il devrait, une fois brisé, démontrer qu’il les contient


[Les atomes comme substance]


Il peut paraître étrange qu’une philosophie comme celle d’Epicure, qui part de la sphère du sensible et qui l’estime comme le critère le plus haut, du moins pour la connaissance, pose comme principe un pareil abstrait, une caeca potestas (puissance occulte, indéterminée) comme l’atome. Là-dessus cf. L. I. 773 sqq., 783 sqq. ; il s’y démontre que le principe doit être un être autonome, ne comportant absolument aucune propriété particulière sensible, physique. Il est substance :

Eadem caelum, nuire, terras, flumina, solem constituant, etc.[4] [I 820]


L’universalité lui échoit.

Au sujet du rapport de l’atome et du vide, une remarque importante. Lucrèce dit de cette duplex natura :

Esse utramque sibi per se, puramque necesse est[5].
[I 507 (506)]


En outre, il s’exclut :

Nam quacumque vacat spatium…

corpus ea non est,etc.[6]. [I 508 sqq. (507 sq.)]


Chacun des termes est lui-même le principe. Donc, ce n’est ni l’atome, ni le vide qui est le principe, mais leur fondement, ce qu’exprime chacun comme nature indépendante. Ce moyen terme s’installera sur le trône à la fin de la philosophie épicurienne.

Le vide comme principe du mouvement, cf. L. I 363 (362) sqq., comme principe immanent, cf. 383 (382) sqq. (le vide et l’indivisible), l’opposition objectivée de la pensée et de l’être.


[Extraits de Lucrèce II 7 sq. 14-16. 55-61. 83-85. 90-97]


[La guerre des atomes]


La production des formations à partir des atomes, leur répulsion et leur attraction sont tumultueuses. Un combat bruyant, une tension hostile constituent l’atelier et la forge du monde. Le monde est déchiré intérieurement, au plus profond de lui se produit un grand tumulte. Même le rayon du soleil qui tombe sur les places d’ombre est une image de cette guerre éternelle. [Extrait de Lucrèce II 116-122]

On voit que la puissance aveugle et sinistre du destin se change en la fantaisie de la personne, de l’individu, et brise les formes et substances.


[Extraits de Lucrèce II 125-130. 133-141. 157-162. 177-181. 185 sq.]


[Le Clinamen]


La declinatio atomorum a via recta (déviation des atomes de la ligne droite) est une des conséquences les plus profondes de la philosophie épicurienne, elle est fondée dans sa marche la plus intime. Cicéron peut bien en rire, la philosophie lui est chose aussi étrangère que le président des États libres de l’Amérique du Nord.

La ligne droite, la direction simple, est la suppression de l’être pour soi immédiat, du point ; elle est le point supprimé. L’atome, l’atome ponctuel, qui exclut de soi l’être-autre, est l’être pour soi absolu et immédiat ; il exclut donc la direction simple, la ligne droite, il dévie d’elle. Il démontre que sa nature n’est pas la spatialité, mais l’être pour soi. La loi qu’il suit est une autre loi que celle de la spatialité.

La ligne droite n’est pas seulement l’être-supprimé du point, elle est aussi son être-là. L’atome est indifférent à la largeur de l’être-là ; il ne se sépare pas en différences qui soient ; mais il n’est pas non plus le pur être, l’immédiat, qui, pour ainsi dire, n’est pas jaloux de son être ; il est, au contraire, directement opposé à l’être-là, il se ferme sur lui-même en s’opposant à lui ; en langage concret, il dévie de la ligne droite.

L’atome dévie de sa présupposition, se soustrait à sa nature qualitative et démontre ainsi que cet acte de se soustraire, cet être-refermé-sur-soi, privé de présupposition et de contenu, est pour l’atome lui-même, que c’est ainsi qu’apparaît sa qualité propre : de la même façon, toute la philosophie épicurienne dévie de ses présuppositions ; ainsi, par exemple, le plaisir n’est que la déviation hors de la douleur, il dévie de l’état où l’atome apparaît comme quelque chose de différencié, étant là, entaché d’un non-être et de présupposition[7].

Que cette douleur existe cependant, que ces présuppositions dont on dévie soient pour l’individu, c’est la finitude de cet individu et ce qui fait sa fortuité. À la vérité, nous découvrons déjà que cette présupposition est pour l’atome, car il ne dévierait pas de la ligne droite si elle n’était pas pour lui. Mais cela tient à la situation de la philosophie d’Epicure : elle cherche l’absence de présupposition dans le monde de la présupposition substantiale, ou, en langage logique : comme l’être pour soi est son principe exclusif et immédiat, elle a immédiatement en face d’elle l’être-là, elle n’a pas surmonté logiquement cet être-là. C’est ainsi qu’on dévie du déterminisme en élevant au rang de loi le hasard, la nécessité, l’arbitraire ; le Dieu dévie du monde, le monde n’est pas pour lui, et c’est pour cela qu’il est Dieu.

On peut donc dire que la declinatio atomi a recta via (déclinaison de l’atome de la ligne droite) est la loi, le pouls, la qualité spécifique de l’atome ; c’est pourquoi la doctrine de Démocrite est une philosophie tout à fait différente, non une philosophie du temps comme l’était celle d’Epicure.

quod nisi decinare solerent, omnia deorsum,
… codèrent perinane projundum,
nec offensus natus nec plaga creata
principiis : ita nihil umquam natura creasset[8]

[Lucr. II 221 sqq.]

Tandis que le monde se crée, tandis que l’atome se rapporte à soi, c’est-à-dire à un autre atome, son mouvement n’est pas celui que soumet un être autre, celui de la ligne droite, mais celui qui en dévie, celui qui se rapporte à lui-même. Représenté matériellement, l’atome ne peut se rapporter qu’à l’atome, chacun des atomes déviant de la ligne droite.


[Extraits de Lucrèce II 243-245. 251-258. 281 sq.]


La declinatio a recta via est l’arbitrium (détermination arbitraire, puissance, choix libre), la substance spécifique, la véritable qualité de l’atome. [Extraits de Lucrèce II 284-293.]

Cette declinatio, ce clinamen n’est ni regione loci certa, ni tempore certo (déterminé ni selon le lieu ni selon le temps), il n’est pas une qualité sensible, il est l’âme de l’atome.

Dans le vide, la différence de poids disparaît, car elle n’est pas une condition extrinsèque du mouvement, mais le mouvement lui-même étant-pour-soi, immanent, absolu.


[Extrait de Lucrèce II 235-239.] Lucrèce le fait prévaloir contre le mouvement limité par des conditions sensibles.


[Extrait de Lucrèce II 230-234. 277-280]

Cette potestas (puissance, possibilité), ce declinare (déclinaison, déviation) est l’obstination, l’entêtement de l’atome, son quidam in pectore (le cœur) ; elle n’indique pas son rapport au monde, comme elle indique le rapport du monde mécanique brisé en deux à l’individu singulier.

De même que Jupiter a grandi parmi les danses guerrières déchaînées des Quirites, de même ici le monde grandit au milieu de la lutte tumultueuse des atomes.

Lucrèce est l’authentique poète épique romain, car il chante la substance de l’esprit romain. Au lieu des figures sereines, fortes, toutes d’une pièce d’Homère, nous avons ici des héros solides, à l’armure impénétrable, auxquels manquent toutes les autres propriétés ; nous avons la guerre de tous contre tous, la forme pleine de raideur de l’être pour soi, une nature divinisée et un dieu naturalisé.


[Les qualités extérieures de l’atome]


Nous en venons maintenant à la détermination des qualités extérieures de l’atome ; leur qualité spécifique, intérieure et immanente, mais qui est plutôt leur substance, nous l’avons examinée. Ces déterminations sont très faibles chez Lucrèce, et c’est en général une des parties les plus difficiles et les plus arbitraires de la philosophie d’Epicure dans son ensemble.


[Extraits de Lucrèce II 284-303. 308-316. 333-343. 479-499. sur le mouvement et la figure des atomes]

Cette proposition d’Epicure que la figurarum varietas (variété des figures) n’est pas infinita (infinie), mais que les corpuscula ejusdem figurae infinita sint, e quorum perpetuo concursu mundus perfectus est usque gignuntur[9], est la considération la plus importante et la plus immanente de la position qu’occupent les atomes par rapport à leurs qualités, c’est-à-dire par rapport à eux-mêmes en tant qu’ils sont les principes d’un monde.


[Extraits de Lucrèce II 507-510. 512-514. 522-527]


La distance, la différence des atomes est finie ; si on ne l’acceptait pas comme finie, les atomes seraient en eux-mêmes médiatisés, ils contiendraient en eux une diversité idéale. L’infinité des atomes comme répulsion, comme rapport négatif à soi, engendre un nombre infini d’atomes semblables, quae similis sint infinitas[10] [Lucrèce II 526 sq.], leur infinité n’a rien à voir avec leur différence qualitative. Si l’on accepte l’infinité de l’être-différencié de la forme de l’atome, chaque atome contient en soi l’autre qui est supprimé en lui, et il se trouve dans ce cas des atomes qui représentent toute l’infinité du monde, comme les monades de Leibniz.


[Extraits de Lucrèce II 567 sq. 573-580. 586-588. 646-651 796. 842-846. 861-864. 967-974. 980-982 ; III 179-182. 186 sq. 193 à 195. 201 sq. 229-234. 237-244. 256 sq. 867-869]

On peut dire que dans la philosophie épicurienne l’immortel est la mort. L’atome, le vide, le hasard, l’arbitraire, la composition sont en soi la mort.


[Extraits de Lucrèce III 888-893. 1053-1059]


[Parallèle entre les Épicuriens, les Piétistes et les Supranaturalistes]


Il est connu que chez les épicuriens, le hasard est la catégorie souveraine. Il s’ensuit nécessairement que l’idée n’est considérée que comme un état ; l’état est la persistance en soi fortuite. La catégorie la plus intime du monde, l’atome, sa connexion, etc., a, de ce fait, glissé au loin, est considérée comme un état passé. On trouve la même chose chez les piétistes et les supranaturalistes. La création du monde, le péché originel, la rédemption, toutes ces choses et leurs déterminations dévotes comme le paradis, etc., ne sont pas une détermination éternelle de l’idée, déliée de toute temporalité immanente, mais un état. De même qu’Épicure transporte l’idéalité de son monde, le vide, hors de ce monde, dans la création du monde, de même le supranaturaliste incarne l’absence de présupposition, l’idée du monde dans le paradis.


  1. . Mais l’espoir de la renommée m’a fortement frappé l’esprit de son bâton de thyrse / et cet espoir éveilla en mon âme le désir si doux / des muses, et maintenant, plein de désir et l’esprit vigoureux, / je me promène dans la lointaine contrée du mont Pierus, que personne n’avait encore foulée. / C’est là que j’ai la joie de trouver des sources vierges / et d’y puiser, et celle de cueillir des fleurs fraîchement écloses / et de me les tresser autour de la tête comme une couronne royale ; / à personne auparavant les Muses n’avaient ainsi couvert les tempes. / D’abord, en effet, mon poème enseigne des choses de première grandeur. / Je cherche à délivrer l’âme des liens de la religion, / ensuite, au sujet d’une chose obscure, j’écris un poème si lumineux / qui atteint dans sa totalité la grâce des Muses.
  2. . La béatitude n’est pas la récompense de la vertu, mais la vertu elle-même.
  3. . Les éléments primordiaux sont trop faibles.
  4. . Les mêmes matières sont à la base du ciel et de la terre, de la mer, des fleuves, du soleil, etc.
  5. . Double nature : chacun doit être pour lui par lui-même, et doit rester pur.
  6. . Car là où s’étend l’espace… jamais ne se trouve aucun corps.
  7. Nous avons vu l’importance essentielle de la compréhension conceptuelle de la déclinaison pour la lecture que Marx fait d’Epicure. Ce texte évoque la dialectique du point et de la ligne (et de la surface) produite par Hegel. Le passage de l’espace au temps est donné par Hegel comme dialectique : il résulte nécessairement de la suppression de l’espace. L’espace est l’immédiat de l’indifférence, de l’être hors de soi qui caractérise la nature. Le point est la négation de l’espace, mais ne sort pas de lui. Le temps est ainsi la vérité de l’espace. Le matérialisme d’Epicure est la crispation du moment de l’espace, ce qui explique l’éternité de l’être atomistique, laquelle est plutôt une atemporalité. C’est ce qui distingue sa philosophie de tout matérialisme dialectique : la réalité effective est histoire. C’est encore de ce point de vue que la conscience de soi abstraite a en face d’elle l’effectivité. Elle ne saurait réduire cette différence qu’en se posant elle-même comme temps.

    En tant que point, l’atome incarne le refus de la dissolution de l’espace dans le temps. Contre « chronos », il cherche dans l’espace sa solidité. Mais cette solidité est illusoire, puisque le point est une limite abstraite et inconsistante. L’Analyse se renverse donc : dans l’impossibilité de se maintenir dans l’espace, l’atome nie l’espace dans sa totalité. Il est alors l’analogue du temps, « forme immédiate du concept ». On voit en quel sens Marx peut dire de la doctrine d’Epicure qu’elle est une « philosophie du temps ». Mais le réalisme de la représentation interdit à cette conception de se libérer de la toute-puissance de l’espace et de l’atemporalité. L’atome reste conçu comme un point ayant les vertus du concept (c’est-à-dire du temps). La déclinaison ne se comprend que dans un schéma spatial, alors qu’elle représente le temps.

  8. . S’ils ne déclinaient pas ainsi, tous / tomberaient tout droit en bas, dans le vide profond. / Aucune rencontre ne serait née entre eux et les corps primordiaux / n’auraient subi aucun choc : jamais dans ces conditions la nature n’aurait créé.
  9. . Il y a un nombre infini d’atomes de même figure, c’est de leur choc perpétuel que le monde a été fait, ils sont engendrés… (on ne sait pas à quoi se rapportent ces derniers mots).
  10. . Le nombre de ceux qui sont semblables est infini.