Dictionnaire universel de Furetière/1re éd., 1690/Tome 1/001-010


Fascicules du tome 1

Dictionnaire de Furetière, 1690
Tome 1, pages 001 à 010

pages 011 à 020


DICTIONNAIRE
UNIVERSEL
Contenant generalement tous les
MOTS FRANÇOIS
tant vieux que modernes, & les
Termes de toutes les
SCIENCES ET DES ARTS

A.


A Premiere lettre de l’Alphabet François, & de toutes les autres Langues. Chez les Occidentaux cette lettre prend son nom de l’expression du son qu’elle fait. Chez les Grecs on la nomme Alpha ; chez les Hebreux Aleph ; chez les Arabes Aliph ; & chez les Indiens Alephu. C’est aussi le premier son articulé que la Nature pousse, & celuy qui forme le premier cri & le begayement des enfans. D’où vient que Jeremie répondant à Dieu qui le destinoit pour son Prophete, luy dit : A, a, a, Seigneur, je ne sçay pas parler, parce que je suis un enfant. Hierem. cap. I.

C’est aussi ce qui exprime presque tous les mouvemens de nôtre ame ; & pour rendre l’expression plus forte, on y ajoûte une h devant ou aprés, comme dans l’admiration : Ha le beau tableau ! Dans la joye : Ha quel plaisir ! Dans la colere : Ha méchant. Dans la douleur : Ha la teste. Dans la pasmoison : Ha je me meurs. Dans le mouvement : Ha levrier. Et generalement ce mot exprime toutes les palpitations de coeur, comme il paroist en ceux qui ont la courte haleine. Ciceron appelle l'A, lettre salutaire, parce que c’estoit la marque d’absolution.

Quand cette lettre forme toute seule une syllabe, les enfans disent en épellant, A de par soy A.

Cette lettre forme souvent un mot entier, & est quelquefois article du datif pour decliner les noms propres seulement. Ce livre est à Pierre, à Agnés. Quand il sert à decliner des noms ordinaires, s’ils commencent par des consones, on dit au, comme, Au soleil : si c’est par une voyelle, on y ajoûte une l, au masculin, ou, la, au feminin : A l’homme, A la femme ; & au pluriel on dit en tous cas, aux, comme : Aux Alexandres, Aux Muses, Aux Animaux.

A est quelquefois preposition, mais rarement. Il est à la ville, aux champs. Cela est à la mode.

A est le plus souvent adverbe, non seulement de temps & de lieu, comme, Cela vient à tard. cela est à terre : mais encore il se joint à presque tous les mots de la Langue pour faire des phrases adverbiales qui tiennent de leurs significations & de leurs manieres. Estre à couvert. vivre à discretion, &c. Car si on y prend garde de


prés, la plus-part des exemples qu’on donne de son usage pour marquer la preposition, se reduisent à l’article du datif.

A se joint aussi aux infinitifs des verbes pour faire des phrases adverbiales. Donner à boire & à manger. un maistre à écrire. on fait à sçavoir. au pis aller. au rebours, &c.

A se dit quelquefois dans les temps des verbes auxiliaires. Il a gagné cent escus. il a fait. il a dit. il a le temps & l’argent.

A est souvent une particule indeclinable qui sert à la composition de plusieurs mots, & qui augmente, diminuë ou change leur signification. Quand elle s’y joint, elle fait doubler ordinairement la consone qu’ils ont à la teste, comme, Accorder, Addonner, Affaire, Assujettir, Attrouper, &c.

On dit proverbialement, qu’un homme ne sçait ni A, ni B, pour dire, qu’il ne sçait pas lire ; qu’il ne sçauroit faire une panse d’A, pour dire, qu’il ne sçait pas écrire ; & qu’il apprend l’A, B, C, pour dire, qu’il commence à connoître ses lettres.

Cette lettre A étoit aussi chez les Anciens une lettre numerale qui signifioit 500. comme on voit dans Valerius Probus. Il y a des vers anciens rapportez par Baronius & autres, qui marquent les lettres significatives des nombres, dont le premier est tel :

Possidet A numeros quingentos ordine recto.

Quand on mettoit un titre ou une ligne droite au dessus de l’A, il signifioit cinq mille.

A. A. A. Les Chymistes se servent de ce signe pour signifier, Amalgamer, Amalgamation, & Amalgame. Voyez Amalgamer.

ABA

ABADIR. Terme de Mythologie. C’est le nom d’une pierre que Saturne devora au lieu de Jupiter. Car comme il sçavoit que la destinée vouloit qu’il fust detrôné par un de ses enfans, il les mangeoit tous, jusqu’à ce qu’Ops sa femme le trompa, en luy faisant avaler cette pierre au lieu de Jupiter qu’elle voulut sauver : Priscien. Isidore en fait aussi mention dans ses Gloses, & Papias témoigne que ce mot a autrefois signifié Dieu.

ABAISSEMENT. subst. masc. Diminution, retranchement de hauteur. L’abaissement de ce mur qui ôtoit la veüe à cette maison l’a bien égayée.

ABAISSEMENT, se dit figurément en choses morales. L’abaissement devant Dieu est une action digne d’un Chrêtien. l’abaissement de courage est mal-seant à un Philosophe.

ABAISSER. verb. act. Mettre en un lieu plus bas, ou rendre plus bas, moins haut. Abaissez la lampe. abaissez ce mur. abaissez ce lut d’un ton, d’un demy-ton. Selon Nicod ce mot vient du Grec basis, comme qui diroit, mettre à la base.

Abaisser, signifie aussi, Diminuer le prix, retrancher quelque quantité. Le bon ordre de la police a fait abaisser le prix du bled, c’est à dire, qu’il est diminué. la riviere s’abaisse, c’est à dire, elle décroist & diminuë.

Abaisser, sign. aussi en Morale, Ravaler l’orgueil de quelqu’un. Les Romains se vantoient d’abaisser l’orgueil des superbes, & de pardonner aux humbles.

En termes de Fauconnerie on dit, Abaisser l’oiseau, lors qu’étant trop en bon point, on luy ôte quelque chose de son past ordinaire pour le mettre en état de bien voler.

Abaisser, en termes de jardinage, signifie Couper une branche prés du tronc.

Abaisser, se dit aussi avec le pronom personnel, & signifie alors, s’Humilier, se soûmettre. Il faut s’abaisser devant la Divine Majesté. On dit aussi que les montagnes s’abaissent, lors qu’aprés en avoir passé de bien hautes, on en trouve de moindres. On dit aussi alors, que le pays s’abaisse.

Abaissé, ée part. pass. & adj.

Abaissé, en termes de Blason, se dit du vol des aigles, & du vol en general des oiseaux, dont la representation ordinaire est d’être ouvert & étendu, en sorte que le bout de leurs aîles tende vers les angles ou le chef de l’Escu. Mais lors que ce bout est en bas, ou que les aîles sont pliées, on l’appelle Vol abaissé.

On dit aussi, Un chevron, un pal abaissé, une bande abaissée, quand la pointe finit au cœur de l’Escu, ou au dessous, & ne monte pas plus haut. On dit aussi, qu’une piece est abaissée, lors qu’elle est au dessous de sa situation ordinaire, comme le chef, la fasce, &c. Et ainsi les Commandeurs de Malte qui ont des chefs dans leurs Armoiries, sont obligez de les abaisser sous celuy de la Religion.

ABAISSEUR. adj. est une épithete que les Medecins donnent au second muscle des yeux, qui les fait mouvoir en bas par modestie & humilité.

ABALOURDIR. Vieux mot, & hors d’usage qui signifioit autrefois, Abrutir, rendre stupide, estourdir. Il se trouve dans plusieurs Coustumes.

ABANDON. subst. masc. Mépris, delaissement de quelque chose. Cet homme a quitté le monde, & a fait un abandon general de ses biens, pour se donner tout à Dieu. ce debiteur a fait en justice l’abandon de tout son bien à ses creanciers.

Abandon, se dit d’ordinaire adverbialement. Il a laissé sa maison à l’abandon, au pillage. On a dégarny la frontiere, on l’a laissée à l’abandon. Du Cange derive ce mot de abandum & abandonum, qui se trouvent en plusieurs endroits de la basse Latinité, disant que bandum se prenoit souvent pour arbitrium, pro re derelictâ ad arbitrium primi occupantis.

Abandon, signifie aussi, Desbauche, licence qu’on se donne de tout faire. Cet homme a vêcu toute sa vie dans un abandon à toutes sortes de vices. les femmes qui se prostituent mettent leurs corps à l’abandon.

ABANDONNEMENT. s. m. Delaissement, cession de biens, de terres, &c. Il est plus en usage qu’abandon.

Il signifie aussi, Desbauche, prostitution. Cette personne


est dans un grand abandonnement. ce pecheur endurcy est dans un grand abandonnement.

ABANDONNER. v. act. Laisser à l’abandon. Dieu n’abandonne jamais les siens au besoin. on a abandonné cette ville au pillage. cet homme s’abandonne à ses passions, à la colere, à l’amour, à la desbauche. il a abandonné le soin de son honneur. Ce mot vient de donner, ou mettre à ban quelque chose, la laisser au premier qui en voudra, à la discretion du public. Pasquier.

Abandonner au bras seculier, c’est Renvoyer pardevant des Juges laïques un Ecclesiastique pour donner une sentence de condamnation à peine afflictive sur un cas privilegié. Ce qui se dit aussi vulgairement de ce qu’on méprise, & de ce qu’on laisse & qu’on abandonne aux valets & autres gens de dissipation.

Abandonner, signifie aussi, Renoncer à quelque profession, ou à quelque personne, quitter quelque exercice. Ce marchand a abandonné le commerce. ce Magistrat a abandonné les affaires pour vivre en retraite. cet écolier a abandonné l’étude pour suivre les armes. ce jaloux a abandonné sa femme, il a fait divorce avec elle.

On dit en termes de Fauconnerie, Abandonner l’oiseau, pour dire, le mettre libre en campagne, ou le congedier tout-à-fait.

Abandonné. ée. part. pass. & adj. Biens abandonnez, ou vacans. Fille abandonnée ou prostituée.

On dit aussi absolument au substantif, C’est un abandonné, pour dire, un homme perdu & desbauché, qui ne donne point d’esperance de conversion.

On dit aussi, Abandonné des Medecins, pour dire, que la guerison de quelqu’un est desesperée. Abandonné de Dieu & des hommes, qui n’a aucun secours. Abandonné à son sens reprouvé. On dit aussi, qu’une cause est abandonnée, pour dire, qu’elle est deplorable & insoûtenable.

ABAQUE. s. m. Terme d’Architecture. C’est le plus haut membre du chapiteau de la colomne, & particulierement de la Corinthienne. Il sert comme de couvercle au panier de fleurs qu’elle represente. On l’appelle autrement tailloir, & il s’en met en plusieurs sortes d’endroits. Ce mot vient du Grec abax, qui signifie buffet, & credence, ou table.

ABASSI. Terme de Relations. C’est une monnoye qui a cours en Perse & en Orient, qui vaut environ deux reales d’Espagne.

ABASTARDIR. v. act. Alterer, gaster quelque chose, la faire descheoir de son premier état. La misere & l’esclavage ont abastardy le courage des Grecs.

Il ne se dit gueres qu’avec le pronom personnel. Toutes les bonnes choses s’abastardissent avec le temps. les plantes d’Orient qu’on apporte en Europe s’abastardissent & perdent beaucoup de leur bonté. cette maison s’est abastardie dans l’oisiveté, elle ne produit plus de grands hommes.

Abastardy, ie, part. pass. & adj.

ABASTARDISSEMENT. s. m. Diminution de valeur, de merite, de bonnes qualitez. Les delices d’un pays causent l’abastardissement du courage des peuples.

ABATEMENT. s. m. Foiblesse, manque de forces. Ce malade est dans un grand abatement, les forces luy manquent.

Abatement se dit figurément en Morale. Cet homme est dans un grand abatement d’esprit depuis le renversement de sa fortune.

ABATEIS. Vieux mot qui signifioit autrefois Forest. Il est hors d’usage.

ABATEUR. s. m. Qui abat, qui fait choir. Cet homme est un grand abateur de bois, de quilles : ce qui se dit proverbialement au figuré de celuy qui se vante de faire beaucoup de choses au dessus de ses forces.

ABATIS. s. m. Demolition, renversement, ruine. Il y a eu un grand abatis de maisons à Raguse dans le dernier tremblement de terre. il y a plusieurs abatis de pierre dans cette carriere. il fut fait un grand abatis de bois en cette forest par la tempeste.

Abatis, se dit aussi d'une grande tuerie de bestes. Ce chasseur a fait un grand abatis de gibier. ce boucher fait un grand abatis de bestiaux tous les ans. On dit aussi en cuisine, Faire des potages d’abatis d'agneau, d’abatis de poulet d'Inde, &c. pour dire, qu'on les fait avec des bouts d'aîles, foyes, & autres menües parties, & issües, ou petites oyes de ces volailles.

ABATRE. v. act. Renverser, demolir, faire tomber, coucher par terre. Il a fait abatre sa maison pour la rebâtir. il y a bien des chablis que le vent a abatus dans cette forest. on abat les noix avec la gaule. ce luitteur a abatu son homme sous luy. ce cheval est sujet à s’abatre, c'est à dire, à broncher, à tomber. On dit aussi, que le tabac abat les fumées du vin, les vapeurs. Cette maladie, ce voyage l'a bien abatu. Nicod derive ce mot de à bas, adverbe local composé de a & de bas.

{sc|Abatre}}, en termes de Marine, sign. Descheoir, deriver, s'écarter de la vraye route : ce qui se fait par la force des courans, ou des marées, ou par les erreurs du pointage ou du mauvais gouvernement du timonnier. On dit aussi, qu'un Pilote abat son vaisseau d'un quart de Rumb ou d'un autre aire de vent, quand il vire ou change sa course & gouverne sur un autre Rumb de celuy de sa route. On dit aussi, Abatre un navire, pour dire, le faire obeïr au vent lors qu'il est sur les voiles. On dit aussi, Abatre un vaisseau sur le costé, lors qu'on veut travailler à la carene, ou en quelque endroit des œuvres vives.

En termes de Fauconnerie on dit, Abatre l'oiseau, pour dire, le tenir & serrer entre deux mains pour le garnir de gets, le poivrer ou luy donner quelque medicament par force.

Abatre, se dit figurément en Morale, des troubles & des afflictions de l'ame & du corps. Ce changement de fortune luy a abatu l'esprit & le courage. il s'est laissé vaincre & abatre à la douleur.

On dit proverbialement, Petite pluye abat grand vent. On dit d'un homme qui fait bien de la besogne, & d'un Juge qui expedie plusieurs procés, qu'ils abatent bien du bois.

Abatu, üe. part. pass. & adj. Maison abatüe, courage abatu.

ABATURES. subst. fem. plur. Terme de Venerie. Foulures, menu bois, brossailles, fougere, que le cerf abat du bas de son ventre en passant. On connoist le cerf par ses abatures.

ABAT-JOUR. s. m. Petite fenestre qui prend le jour d'enhaut, dont l'embraseure est de haut en bas, comme celle des Offices sous terre, des souspiraux des caves, ou certaines fenestres de marchands qui mesnagent un faux jour pour donner du lustre à leurs étoffes.

ABAT-VENT. s. m. est la charpente qui se met dans les ouvertures des clochers, qui est ordinairement couverte d'ardoise, qui sert à abatre le vent, & qui n'empêche pas que le son de la cloche n'agite l'air de dehors, & ne se fasse entendre au loin. Tous ces mots viennent du Grec bathys, qui sign. qui est profond, qui est bas.

ABB.

ABBÉ. s. m. ABBESSE. s. f. Superieur ou Superieure d'une ABBAYE d'hommes ou de filles. Il y a trois sortes d'Abbez : Regulier, Seculier, Commendataire. L'Abbé differe du Prieur, en ce qu'il est mis au rang des Prelats, & officie pontificalement & avec des marques de dignité qui luy ont été accordées par les Papes au temps de la fondation du Monastere, ou par quelque privilege particulier, comme la mitre, la crosse. Ce mot vient de ce que les premiers Moines appelle-


rent leur Superieur Ab-bot, qui en Langue Syriaque signifie Pere. Ainsi ces mots de Abba Pater, qu'on trouve dans les Epistres aux Romains & aux Galates, & ailleurs, qui semblent dire la même chose, ne font pas pourtant un pleonasme, comme dit St. Augustin, veu que l'un est un nom de nature, & l'autre de dignité. D'autres disent qu'il vient du mot Hebreu Aba, qui signifie aimer, vouloir du bien. Covarruvias. Dans la primitive Eglise on appelloit Cænobiarcha le Superieur d'un Monastere où les Religieux vivoient en commun ; & Archimandrita, celuy qui estoit reconnu pour Chef par des Hermites qui vivoient dans les deserts & dans les cavernes, à cause que le mot de mandra en Grec signifie caverne : tels estoient les premiers Peres de la Thebaïde.

Chez les Ecrivains Grecs & Latins on appelloit Abbez, ceux que nous appellons maintenant Peres, qui étoient venerables par leur âge & par leur sainteté. On a aussi compris sous ce nom generalement tous les Moines. Ainsi il est dit dans la Regle de St. Colomban, qu'il y avoit mille Abbez sous un Chef : & St. Epiphane fait mention d'un Monastere où il y avoit mille Abbez & mille cellules. On a appellé aussi Abbé second, le Prieur d'un Monastere, qui est le Lieutenant de l’Abbé. On a appellé aussi en Sicile des Evêques Abbez ; & tres-souvent les Curez primitifs de France. On a appellé aussi, Abbé du Palais, le Maistre de la Chapelle du Roy. Voyez Du Cange. Les Abbez mitrez sont ceux qui ont droit de porter les ornemens Episcopaux, comme la mitre, les sandales, les gants, l'anneau & la crosse : & pour les distinguer des Evêques, Clement IV. ordonna que les Abbez exempts porteroient des mitres brodées, mais sans pierreries & sans lames d'or & d'argent ; & les non-exempts des mitres blanches & toutes unies.

Abbé, s'est dit aussi de quelques Magistrats ou personnes laïques & seculieres. Chez les Gennois il y avoit un principal Magistrat qu'on appelloit Abbé du Peuple. En France il y a eu plusieurs Seigneurs, sur tout du temps de Charlemagne, à qui on donnoit le soin & la garde des Abbayes, qu'on appelloit Abbacomites.

Dans les anciens titres on trouve que les Ducs & les Comtes ont été appellez Abbez, & les Duchez & Comtez Abbayes. Et plusieurs Seigneurs & Gentilshommes qui n'étoient aucunement Religieux ont aussi pris ce nom, comme remarque Menage aprés Fauchet, & autres.

On appelle aussi Abbé, celuy qu'on élit en certaines Confrairies & Communautez, particulierement entre les Ecoliers & les Garçons Chirurgiens, pour commander aux autres pendant un certain temps. A Milan dans toutes les Communautez de marchands & d'artisans, il y en a de preposez qu'on appelle Abbez. Et c'est de là apparemment qu'est venu le jeu de l’Abbé, dont la regle est, que quand le premier a fait quelque chose, il faut que tous ceux qui le suivent fassent le semblable.

Abbé, se dit proverbialement en ces phrases. On vous attendra comme les Moines font l’Abbé, c'est à dire, en travaillant toûjours, en commençant toûjours à disner. On dit encore, Pour un Moine on ne laisse pas de faire un Abbé, pour dire, que l'opposition d'un particulier n'empêche pas la deliberation d'une Compagnie, ou la conclusion d'une affaire. On dit en proverbe Espagnol, Como canta el {{sc[Abad}} responde el Monazillo, pour dire, que les inferieurs tiennent le même langage, ou sont de même avis que les superieurs. On appelle aussi, Abbez de Ste. Esperance, ceux qui prennent la qualité d’Abbez sans avoir d'Abbaye, & quelquefois même de Benefice.

Abbatial, ale. adj. Qui appartient à l'Abbé. Logis abbatial. Dignité abbatiale. Mense abbatiale. Messes abbatiales : ce sont celles que les Abbez doivent celebrer. Abbaye, se prend quelquefois pour un composé des Religieux & de l’Abbé. Voilà une Abbaye bien reglée, où l’Abbé vit comme un simple Moine.

Abbaye. s. f. Monastere, ou Maison de Religieux ou de Religieuses, regie par un Abbé ou Abbesse. Les Abbayes sont d’ancienne fondation, comme les Abbayes de Cluny, de St. Denis, de Ste. Geneviefve, &c. Il y a des Abbayes en commende ; d’autres Abbayes Regulieres ou en Regle ; d’autres qui sont secularisées, possedées par des Chanoines seculiers. Les Abbayes sont des Benefices consistoriaux ; il n’y a que le Roy qui y nomme.

Abbaye, se prend quelquefois simplement pour la Maison & le Couvent. Voilà une Abbaye bien bastie, une Abbaye qui tombe en ruine.

Abbaye, se prend aussi pour le seul revenu dont jouïssent les Abbez. Il a obtenu pour son fils une Abbaye de dix mille livres de rente.

On dit proverbialement, Pour un Moine l’Abbaye ne faut pas, pour dire, que faute d’une personne on ne laisse pas dans une assemblée de travailler ou de se resjouïr.

ABBECHER. v. act. Donner la bechée à un oiseau qui n’a pas encore l’adresse de la prendre de luy-même. Ce mot vient de a & de bec, c’est à dire, mettre au bec. Nicod.

En Fauconnerie on dit Abbecher l’oiseau, pour dire, luy donner une partie du past ordinaire pour le tenir en appetit, dans le dessein de le faire voler un peu aprés.

ABBE’E. s. f. Ouverture par où on laisse couler l’eau d’un ruisseau, ou d’une riviere pour faire moudre un moulin, & qui se peut fermer avec des palles ou lançoirs. Il en est fait mention dans la Coûtume de Loris, chap. 10. Ce mot peut venir de baye ou ouverture.

ABBOY. s. m. On disoit autrefois abay. Le cri, ou le japper d’un chien. Ce mot est factice, & formé sur le son des chiens, qui crient, ou abboyent. L’abboy des chiens fait connoistre le lieu où est le gibier. L’abboy des mastins est leur cri, quand ils sentent le loup, ou quelque chose d’estrange autour de la maison.

Abboy, se dit aussi de l’extremité où est reduit le cerf sur ses fins : car alors on dit qu’il est aux abboys, qu’il ne peut plus courir, qu’il manque de force & de courage.

Abboys, se dit figurément de l’homme, & signifie l’agonie. Il est reduit aux abboys de la mort, ou simplement, aux abboys : c’est à dire, il se meurt. On dit aussi, qu’un procés est aux abboys, quand il est presque jugé, ou perdu ; qu’une pudeur est aux abboys, qu’une fidelité est aux abboys, lors qu’elle est presque vaincuë, qu’elle ne se peut plus deffendre. On dit aussi, Tenir quelqu’un en abboy, pour dire, l’amuser de vaines esperances & promesses.

Abboyer, ou abbayer. v. n. qui se dit pour exprimer le cri des chiens. Les chiens abboyent quand ils sentent des larrons. Ce mot vient du Latin adbaubare, Menage : ou de boare Latin, qui vient de boan Grec : ou est un mot factice qui imite le son que fait le chien en abboyant. Nicod.

Abboyer, se dit figurément des hommes, lors qu’ils s’attendent à quelque chose, qu’ils la desirent & poursuivent avec avidité. Cet homme abboye aprés cette succession, cette charge. ce chicaneur abboye toûjours aprés le bien d’autruy.

On le dit encore de ceux qui font crier aprés eux. Cet homme est si méchant, si endebté, que tout le monde abboye aprés luy. Un Satyrique abboye, crie aprés les vices.

Je tiens qu’originairement abboyer & abbayer sont deux mots differents, & qu’abboyer s’est dit seulement au propre du cri des chiens, ou de ce qui luy ressemble ; & qu’abbayer s’est dit au second sens figuré, & est composé de bayer, ou beer qui signifie regarder attentivement,


ou attendre impatiemment, ce qu’on fait ordinairement avec une bouche beante ; mais que par abus l’affinité de ces mots les a fait confondre, & prendre l’un pour l’autre.

On dit proverbialement, Abboyer à la lune, pour dire, Crier & pester inutilement contre un plus puissant que soy. On dit aussi, Tout chien qui abboye ne mord pas, pour dire, que ceux qui menacent, souvent ne font pas grand mal.

ABBOYEUR. s. m. Qui abboye. Un chien qui est grand abboyeur est fort importun. On appelle abboyeurs, une sorte de chiens pour le sanglier qui abboyent devant luy sans l’approcher.

ABBREVIATEUR. s. m. Celuy qui abrege un livre. Mr. de Sponde Evêque de Pamiers est l’abbreviateur de Baronius. Mr. Bernier a rendu un grand service au public pour avoir été abbreviateur de Gassendi. Les abbreviateurs sont cause qu’on se peut passer des originaux.

Abbreviateur est aussi un terme de banque. C’est un Officier du second banc de la Chancellerie Romaine, qui dresse la minute des Bulles, & des signatures qui s’écrivent avec plusieurs mots abregez.

Abbreviation. s. f. Ecriture en abregé, qui se fait avec plusieurs titres & caracteres qui suppleent les lettres qu’on obmet, & qu’il faut deviner, quand on veut écrire plusieurs choses en peu d’espace, ou avec diligence. Les signatures de Cour de Rome sont pleines d’abbreviations. l’écriture Gothique étoit incommode à cause de ses abbreviations. Tous ces mots viennent du Latin brevis, qui vient de brachys Grec.

ABBREUVER. v. act. Donner à boire aux chevaux, & au bestail. On abbreuve les chevaux deux fois par jour.

Abbreuver, sign. aussi, Humecter, & imbiber d’eau. Il faut abbreuver ces tonneaux, cette cuve, avant que d’y mettre la vendange. Ce drap est abbreuvé d’eau. la terre est abbreuvée par les pluyes. Abbreuver les prez, c’est les arroser, y faire venir de l’eau par le moyen des saignées.

Abbreuver, signifie figurément, Persuader quelqu’un de quelque chose. Il l’a abbreuvé de cette opinion. J’en suis abbreuvé dés ma jeunesse.

Abbreuvoir. s. m. Lieu où on abbreuve les chevaux. Mener les chevaux à l’abbreuvoir. Du Cange l’appelle en Latin beuratorium.

ABBREUVOIR, en termes de maçonnerie, se dit des intervalles que les maçons laissent entre les joints des pierres pour y faire entrer du mortier.

On dit proverbialement d’une playe qui seigne beaucoup, que c’est un abbreuvoir à mouches, un abbreuvoir à taons. On dit aussi, qu’un bon cheval va bien tout seul à l’abbreuvoir, quand on se leve de table pour aller prendre soy-même à boire au buffet.

ABC.

ABÉCÉ. s. m. Alphabet, croix de par Dieu. Petit livre qui sert à apprendre à lire aux enfans. Cet enfant est encore à l’abécé.

Abécé, signifie aussi, le commencement d’une science, d’une affaire. Il croyoit faire juger son procés, mais on luy a donné un arrest qui le renvoye à l’abécé. quand on pense avoir penetré les secrets de la Nature, on se trouve encore à l’abécé. Ce mot est composé des trois premieres lettres de l’Alphabet François, comme le Grec qui luy répond des deux premieres Alpha & Bèta. Les Espagnols l’appellent Cartilla, & les Italiens Abaco, qui vient du Grec Abacos.

ABECEDAIRE. s. m. Qui est encore à l’abécé. On se moque d’un vieillard abecedaire, qui est encore à l’abécé, qui ne sçait rien. On a donné le titre ' d’Abecedaire à un livre de Pierre d’Alva sur la Conception de la Vierge en 21. volumes, dont la premiere lettre A contient trois gros volumes in fol. imprimez à Madrit en 1648.

ABDICATION. s. f. Renonciation volontaire à une charge, à une magistrature. Il faut remarquer que l’abdication differe de la resignation, en ce que l’abdication se fait purement & simplement, au lieu que la resignation se fait en faveur d’une tierce personne.

On dit aussi, L’abdication d’un fils rebelle & desobeïssant. On dit aussi au Palais, Faire une abdication de biens, quand on en fait un abandonnement entier.

ABDIQUER. v. act. Renoncer à une magistrature, à une charge, s’en deffaire, l’abandonner. Il y a eu bien des Empereurs & des Rois qui ont abdiqué l’Empire, le Royaume. Ce mot vient du Latin abdicare, qui sign. la même chose.

On dit aussi en Droit, Abdiquer un fils, pour dire, l’abandonner, le chasser de sa maison, ne le vouloir plus reconnoître pour fils.

Abdiqué, ée. part. pass. & adj.

ABDOMEN. s. m. Terme de Medecine, qui sign. cette partie anterieure du bas ventre qui est depuis les cuisses en remontant jusqu’au diaphragme. Ce mot est Latin, & vient de abdo, parce qu’il cache les intestins. Les Grecs l’appellent epigastre, & les Arabes mirach.

ABDUCTEUR. adj. m. C’est une épithete que les Medecins donnent au quatriéme muscle des yeux qui les fait mouvoir en dehors, & regarder de côté pour marque de mespris & de desdain : c’est pourquoy on l’appelle aussi orgueilleux. On le dit aussi des muscles du pouce, & d’autres parties du corps qui se peuvent mouvoir en dehors. Ce mot vient du Latin abduco, qui signifie, Emmener, tirer en arriere.

ABE.

ABEILLE. subst. fem. Insecte volant, grosse mouche qui a un aiguillon fort picquant, & qui fait le miel & la cire. Swammerdam en fait la description, aussi bien que des bourdons appellez fuci, qui sont les masles. A l’égard des abeilles qui font le miel, qu’il appelle, apes operariae, il dit qu’on ne peut decouvrir si elles sont masles ou femelles : mais dans le Roy & les bourdons les parties qui servent à la generation sont tres perceptibles. Jean de Hoorn fameux Anatomiste a fait voir les œufs des abeilles dans la femelle, que l’on nomme ordinairement le Roy. Elles ont un tissu dont elles sont envelopées, qui est ourdy de même que celuy des vers à soye. Swammerdam montre aussi des rayons de miel où l’on voit les appartemens du Roy, de la Reine, & des autres abeilles : & l’aiguillon de celuy qu’on nomme Roy a trois doubles ; & il fait voir ses testicules avec sa verge. On y decouvre sensiblement les poulmons composez de deux petites vessies. Leur gouvernement ne consiste que dans un amour mutuel, sans qu’elles ayent la moindre superiorité les unes sur les autres. Les abeilles servent d’aliment aux hyrondelles, qui ont l’adresse de les prendre en volant. C’est pourquoy lors qu’il va pleuvoir, & qu’il y a peu de ces petits animaux dans l’air, elles descendent vers la terre pour y chercher leur aliment : d’où est venu l’erreur de croire qu’elles predisent la pluye. Il y a aussi des mouches d’eau qui portent les aiguillons dans la bouche, aussi bien que tous les autres insectes aquatiques. Aldrovandus les décrit sous le nom d’abeilles amphybies ; & Jonston les appelle abeilles sauvages. Il y a une espece d’abeilles sauvages qu’on trouve dans les jardins & dans les bois. Swammerdam en fait


voir de six sortes. Il y en a qui ont des cornes fort longues ; d’autres dont le corps est velu. Mouffet les appelle abeilles solitaires, dont le nid est fait de gravis de sable & d’argille. Il fait voir aussi sept sortes de guespes. Il y en a aussi de bastardes, qu’on appelle pseudosphecae. Hoeffnagel en a depeint de 24. sortes, entre lesquelles il y a une mouche à trois queües, en Latin vespa. Il y en a une que Goedart appelle gloutonne & devorante, que quelques-uns nomment muscalupus, parce qu’elle devore sa proye avec les dents.

Le Roy des abeilles est femelle, & jette environ six mille œufs par an. Il est deux fois plus gros que les autres abeilles. Il a les aîles courtes, ses jambes droites, & marche plus bravement que les autres. Il a une marque au front qui luy sert de diademe & de couronne. Quand les abeilles piquent, elles laissent l’aiguillon dans la playe, & se rompent les intestins ; ce qui cause leur mort. C’est le seul insecte né pour l’utilité de l’homme, à ce que dit Pline, liv. 11. En quoy il se trompe, car il devoit du moins ajoûter le vers à soye. Il raconte plusieurs merveilles des abeilles, aussi bien que Mathiole, touchant leur oeconomie, qui sont telles, que le Philosophe Aristomache employa 60. ans en leur contemplation. Quelques-uns croyent qu’on peut faire des abeilles par art. Lors qu’on tuë un bœuf en esté, & qu’on l’enferme dans une chambre basse bien close pour le laisser pourrir dans son cuir, ils prétendent qu’au bout de 45. jours il en sort une infinité d’abeilles. Ce mot vient du Latin apes ou apicula, parce qu’elle naist sans pieds, Nicod : ou de apicula, comme avette de apesta. Les principaux des Anciens qui ont parlé des abeilles, sont Aristote, Hyginus, Virgile, Celse, Marc Varron, &c.

Aboillage. s. f. Certain droit que des Seigneurs Chastelains ont de prendre les abeilles qui sont dans les forests dependantes de leurs Chastelenies. Ce mot vient de ce qu’on disoit autrefois aboille, pour abeille.

ABESTIR. v. act. Rendre un homme stupide & semblable à une beste à force de mauvais traittemens. Il a abesti son valet. son fils est tout abesti. Nabucodonosor fut abesti par un juste jugement de Dieu. les yvrognes s’abestissent par l’excez du vin. les afflictions, la solitude abestissent les gens.

Abesti, ie. part. & adject. Ce mot vient du Latin bestia.

ABH.

ABHORRER. v. act. Avoir en horreur, detester. Un tyran est un monstre que tout le monde abhorre, tout animal abhorre la mort. un Chrêtien doit abhorrer le blaspheme, & les autres vices. Ce mot vient d’horrere Latin, qui sign. Avoir le poil herissé de peur, être saisi & transi de froid.

ABJ.

ABJECTION. s. f. Condition servile qui fait tomber une personne dans le mépris. La fortune a reduit ce Gentilhomme dans une grande abjection, à se mettre dans des conditions serviles. Quelques-uns ont écrit abjection d’esprit, pour dire, Abattement d’esprit. Le merite des premiers Chrêtiens, des premiers Religieux, a esté de vivre dans l’abjection, dans l’humilité, dans le mépris des gens du monde. Ce mot vieillit.

Abjet, ette. adj. Méprisable, dont on ne tient point de conte. Il se dit sur tout de la naissance & de la profession. Une naissance abjette, un mestier abjet. un homme abjet. On le dit aussi de l’esprit, du courage. C’est un esprit vil & abjet, une ame basse & abjette, qui n’a aucune élevation, qui ne pense à rien de grand. Ce mot vient d’abjicio, qui signifie, Jetter par mépris, abandonner une chose comme inutile.

ABINTESTAT. Terme de Jurisprudence, qui se dit de celuy qui herite d’un homme qui n’a point fait de testament. Ce fils est heritier de son pere abintestat. Il y a eu un temps où l’on privoit de sepulture ceux qui étoient decedez abintestat : ce qui donna lieu à un Arrest du 19. Mars 1409. portant deffenses à l’Evêque d’Amiens d’empêcher comme il faisoit la sepulture des decedez abintestat.

ABJURATION. s. f. Renonciation solemnelle à une erreur, à une heresie. Ce Ministre a fait abjuration entre les mains de l’Evêque.

Abjurer. v. act. Renoncer solemnellement à quelque mauvaise doctrine, à des maximes erronées. Cet homme a abjuré les erreurs de Calvin ; ou simplement, a abjuré, pour dire, il a changé de Religion, il s’est converty. On a dit autrefois, Abjurer sa patrie, pour dire, Quitter la province pour n’y plus retourner, comme font les bannis & les proscrits.

Abjuré, ée. part. pass. & adj.

Tous ces mots viennent d’abjurare, qui signifie la même chose.

ABL.

ABLAIS. s. m. Terme de Palais. Despouille de bleds. La Coûtume d’Amiens deffend d’enlever les fruits, & ablais, quand ils sont saisis, sans donner caution au Seigneur de ses droits.

ABLATIF. s. m. Terme de Grammaire. Sixiéme cas de la declinaison du nom & du participe. On dit aussi Ablatif absolu, quand il est sans regime. On l’a nommé autrefois Ablatif égaré. Le mot d’ablatif Latin a été fait ab auferendo. Priscien l’appelle aussi Comparatif, parce qu’il ne sert pas moins à comparer qu’à ôter parmy les Latins.

ABLE, ou ABLETTE. Petit poisson blanc qui se trouve dans les rivieres. En Latin alburnus. Il semble que ce mot vient d’albus, & qu’on dit able, pour albe, à cause de sa blancheur, par une simple transposition de lettres assez ordinaire dans les Langues.

Ableret. Terme de pesche. C’est une espece de filet carré attaché au bout d’une perche avec lequel on pesche les ables, ou autres petits poissons blancs : ce qui est permis par plusieurs Coûtumes. On l’appelle en quelque pays trable étiquette, ou simplement, carré.

ABLOQUIEZ. adject. plur. Terme de Coûtume. Celle d’Amiens deffend aux tenanciers de démolir aucuns édifices abloquiez, & solivez dans l’heritage qu’ils tiennent en roture, sans le consentement de leur Seigneur. Ces mots viennent apparemment de amovere à loco & à solo.

ABLUTION. s. f. Qui n’est en usage en François que pour signifier cette goutte de vin qu’on prend aprés la Communion pour consommer plus facilement la Sainte Hostie, ou ce qui sert à laver les doigts du Prêtre qui a consacré, ou dans quelque autre ceremonie ecclesiastique.

Ablution, se dit aussi chez les Religieux qui portent des habits blancs, de l’action avec laquelle on les blanchit & on les nettoye. Il y a des écriteaux qu’on met dans les Cloistres pour marquer les jours d’ablution. Ce mot vient du Latin ablutio, qui signifie l’action de purifier, de nettoyer.

ABN.

ABNEGATION. s. f. Terme de devotion. Renonciation à ses passions, à ses plaisirs, à ses interests. L’abnegation de soy-même est un des Conseils Evange-


liques, & est necessaire pour la perfection Chrêtienne. Ce terme vient du Latin abnegare, qui signifie, Desavoüer, ne vouloir point reconnoistre une chose comme sienne.

ABO.

ABOLIR. v. act. Mettre quelque chose hors d’usage, l’effacer, la mettre à neant. Le Magistrat a aboli cette méchante coûtume. le Roy a aboli une telle loy, une telle procedure ; il a entierement aboli les duels. Le temps a aboli les plus beaux monumens de l’antiquité. il n’y a que le Roy qui puisse abolir un crime. Ce mot vient du Latin abolere, ita extinguere & delere, ut ne oleat quidem.

Abolir, se dit aussi avec le pronom personnel. Les Mandats Apostoliques se sont abolis par un non-usage. il ne faut pas souffrir que les bonnes coûtumes s’abolissent.

Aboli, ie. part. pass. & adj. Loy abolie. crime aboli.

ABOLISSEMENT. s. m. Abrogation. L’abolissement, ou l’abrogation des loix se fait par l’establissement des nouvelles. l’abolissement des coûtumes arrive par la succession de temps, par le non-usage.

ABOLITION. s. f. Terme de Chancellerie. Lettres du Prince par lesquelles il abolit entierement un crime quel qu’il soit, sans même qu’on soit tenu d’en expliquer les circonstances, & de les rendre conformes aux informations, ainsi qu’il est requis aux lettres de grace, qui ne s’accordent que pour les cas remissibles. Les lettres d’abolition doivent contenir cette clause : En quelque sorte & maniere que le cas puisse être arrivé. l’amnistie est une abolition generale de tout ce qui s’est commis durant la guerre civile. un vray acte de contrition emporte l’abolition de tous les pechez.

Abolition, signifie aussi, la destruction d’une loy, d’une coûtume. L’abolition des ceremonies Judaïques s’est faite par la Loy de grace. on a eu bien de la peine à faire une entiere abolition des superstitions Payennes.

ABOMINABLE. adj. masc. & fem. Horrible, detestable en son genre, execrable. Le repas d’Atrée & de Thyeste fut un repas abominable. Neron estoit un monstre abominable. l’heresie d’Arrius étoit abominable. le parricide est un crime abominable. une phrase abominable, qui est fort méchante.

Abominablement. adv. Execrablement, horriblement. Il en a usé avec luy abominablement : il luy estoit obligé de la vie, & il l’a voulu assassiner.

Abomination. s. f. Horreur, execration. L’Eglise a cette opinion en abomination. il se commet dans le Sabbath de grandes abominations.

Abominer. v. act. Vieux mot qui n’est plus en usage, Avoir en horreur. Il vient de ab & ominari, c’est à dire, malè ominari. Covarruvias.

Ces mots viennent d’abominari, comme qui diroit, rejicere tanquam malum omen, Rejetter une chose comme si elle estoit de mauvais augure.

ABONDAMMENT. adv. En abondance. Cette source donne de l’eau abondamment. cet homme est fort à son aise, il a abondamment dequoy vivre.

Abondance. s. f. Foison, affluence de plusieurs choses en un même lieu. La commodité des rivieres ameine l’abondance à Paris. la cherté est souvent cause de l’abondance. il a abondance de bien, ou des biens en abondance. On dit aussi, abondance de droit. Dieu verse sur nous ses graces en abondance. On appelle la corne d’Amalthée, la corne d’Abondance. On dit proverbialement, De l’abondance du cœur la bouche parle, pour dire, qu’on est contraint de declarer les sentimens des choses qui nous pressent.

ABONDANT, ANTE. adj. Qui a abondance. Un jardin abondant en fruits. la Langue Grecque est fort abondante en mots & en phrases. cette maison est abondante en biens. les hableurs sont abondants en paroles.

D’abondant. adv. En outre. Il luy a dit cela d’abondant. Ce mot vieillit, & ne se dit gueres qu’au Palais.

Abonder. v. neut. Avoir beaucoup de quelque chose. Ce pays abonde en froment, en vins, en fourrages. cet homme abonde en richesses, en esprit. l’eau abonde en cet estang. cette famille abonde en honnestes gens.

On dit figurément, qu’un homme abonde en son sens, pour dire, qu’il est trop bien persuadé de ses opinions, & qu’il ne veut jamais s’en rapporter au sentiment des autres. Il abonde en malice, en mauvais raisonnements. l’Ecriture dit que la grace abondera où le peché a abondé. On dit proverbialement au Palais, Ce qui abonde ne vitie pas.

Ces mots viennent du Latin abundare, qui vient de unda, & qui se dit en premier lieu des rivieres quand elles sont grosses ; & ensuite par rapport de toutes les choses qui sont en grande quantité.

ABONNEMENT, ou Abournement ; Abonnage, ou Abournage. s. m. Traité ou convention, par lequel on abonne, ou on fixe à un prix certain une redevance incertaine. Ce mot vient de ce qu’on met certaines bornes & limites aux droits incertains qu’on pourroit pretendre. Pasquier. On disoit même autrefois bonnes pour bornes ou limites. Menage.

Abonner, ou Abourner. v. act. Terme du Palais. Estimer & reduire à une certaine somme d’argent un droit qu’on payoit en especes, & dont le prix estoit incertain. Il est abonné à tant par an pour tous droits Seigneuriaux. ce marchand est abonné à cent escus par an avec le Doüanier pour les droits d’entrée de toutes ses marchandises. par plusieurs Coûtumes les roucins de service sont abonnez à un escu.

Abonner, signifie aussi, Aliener, changer : c’est quand un vassal aliene ses rentes, ou change son hommage à quelque autre devoir. Voyez les Coûtumes d’Anjou & du Maine. L’ancienne Coûtume de Tours portoit aliener, au lieu d’abonner, qui est en la nouvelle.

Abonné, ée. part. pass. & adj. Champart abonné, ou abourné. Les Coûtumes font aussi souvent mention d’hommes & de femmes serfs abonnez, de queste abonnée, d’aydes abonnées, c’est à dire, fixées.

On dit aussi des meusniers abonnez au Seigneur pour avoir permission de chasser & de chercher les mounées dans sa Seigneurie.

On dit aussi, Taille abonnée en la Coûtume de Nevers, & abournée en la Coûtume de Troyes.

ABONNIR. v. act. Rendre meilleur. Les cabaretiers trouvent moyen d’abonnir leur vin par les drogues qu’ils y meslent. On le dit aussi avec le pronom personnel. Cet homme s’abonnit tous les jours depuis qu’il hante les gens de bien. Les affaires criminelles s’abonnissent, quand on les fait tirer en longueur. les fruits s’abonnissent en meurissant. Ce mot se tire du Latin bonus, bon.

ABORD. s. m. Lieu d’où on peut approcher, où on peut arriver aisément. Toutes les côtes d’Angleterre & de Hollande sont de difficile abord. on fait grande estime des havres d’entrée qui sont de facile abord. Ce mot est composé de a, & de bord, signifiant rivage.

Abord, se dit aussi de l’affluence des personnes, ou des marchandises qui arrivent en un même lieu. Constantinople est une ville de grand abord. il y a un grand abord de pelerins à Rome pendant l’année du Jubilé. il y a un grand abord de joüeurs, de beau monde dans une telle maison. l’abord des marchands étrangers se fait en la maison des Consuls établie dans les eschelles d’Orient.

Abord, se dit aussi d’une attaque d’ennemis, soit par mer, soit par terre. L’abord des François est à crain-


dre, on ne peut soûtenir leur premier abord. l’abord fut rude quand on eut accroché le vaisseau.

Abord, se dit aussi de l’accés qu’on donne aux personnes qui ont à faire à nous. Ce Prince a l’abord doux & gracieux. ce Juge est rebarbatif, il a l’abord brusque & desagreable. ce parent fut receu à son abord avec grande joye.

D’abord, tout d’abord, de prime abord, sont des phrases adverbiales. Du commencement, de la premiere veüe. Aux tables de Perse on sert d’abord le fruit & les confitures. quoy que je n’eusse point vû cet homme il y a long-temps, je le reconnus tout d’abord. cette nouvelle me surprit tout d’abord, de prime abord.

ABORDABLE. adj. masc. & fem. Accessible, accostable. Cette côte n’est pas abordable à cause des écueils. cet homme est si glorieux, qu’il est abordable à peu de personnes.

ABORDAGE. s. m. Terme de marine, qui se dit lors que deux vaisseaux se heurtent, ou s’accrochent pour se combattre. Faire l’abordage en belle, ou debout au corps, c’est à dire, l’esperon dans le flanc. L’abordage de franc étable est celuy qui se fait par le devant.

Abordage, se dit aussi du choc de deux vaisseaux du même party, soit lors qu’ils vont en flotte, soit lors qu’ils sont en même mouillage ; ce qui arrive par la violence des flots ou des vents qui les portent les uns sur les autres.

ABORDER. v. act. & neut. Arriver en quelque lieu. La flotte des Indes est abordée en Espagne. il vient d’aborder un regiment en une telle ville. les marchands abordent de tous côtez à la foire de Beaucaire le 21. Juillet. on ne pouvoit aborder jusqu’à l’autel à cause de la foule du peuple.

Aborder, signifie aussi, Venir à bord d’un vaisseau. On a contraint ce vaisseau ennemy de mettre pavillon bas, & d’aborder. On dit Aborder au port sur les rivieres ; mais en termes de marine, quand on veut dire gagner le rivage, on ne dit pas aborder, mais mouiller, toucher, rendre le bord.

Aborder, signifie encore, Attaquer l’ennemy hardiment, tant par mer, que par terre. Les vaisseaux dans les batailles tâchent toûjours d’empêcher qu’on ne les aborde. ce bataillon aborda les ennemis avec une contenance ferme.

Aborder, signifie aussi, Approcher quelqu’un pour luy parler. Ce Ministre est si courtois, qu’on l’aborde facilement. il l’aborda avec ce compliment.

On dit aussi, qu’on n’oseroit aborder d’un tel lieu à cause des voleurs, des bêtes farouches qui s’y rencontrent. Quand ce dogue est lâché, on n’oseroit aborder dans la basse-cour, on n’oseroit l’aborder.

Aborder la remise. Terme de Fauconnerie, qui se dit lors que la perdrix poussée par l’oiseau a gagné quelque buisson : alors on aborde la remise sous le vent, afin que les chiens sentent mieux la perdrix clusée dans la haye ou le buisson.

Abordé, ée. part. & adj.

ABORTIF, ive. adj. Qui est venu avant terme, ou qui ne peut pas acquerir la perfection, la maturité. Il ne se dit gueres que des plantes qui ont des fruits abortifs. On le dit pourtant d’un enfant en cette phrase de l’Ecriture, Il vaudroit mieux être abortif. Et on s’en sert aussi fort souvent en Medecine. Ce mot vient du Latin aboriri, qui signifie, Venir avant le temps.

ABOUCHEMENT. s. m. Entretien de bouche, de vive voix, conference. L’abouchement des grands Princes a été souvent nuisible à leurs États. on a plûtost terminé une affaire par un abouchement d’une demie heure, qu’en trois mois de negociation par Lettres.

ABOUCHER. v. act. Aborder quelqu'un de prés, conferer avec luy bouche à bouche. On ne peut aboucher cet homme-là, tant il a d'affaires. On le dit plus volontiers avec le pronom personnel. Il faut que ces chefs de party s'abouchent ensemble. les Rois de France & d'Espagne se sont abouchés pour conclure la paix des Pirenées en 1659.

Aboucher, se dit aussi dans les Arts, des tuyaux qui entrent l'un dans l'autre, qui se touchent, qui se communiquent. On le dit particulierement en Medecine des veines & des arteres, & autres vaisseaux qui ont de la communication, dont les orifices se touchent. Ce mot se tire du Latin bucca, comme qui diroit, adbuccare, abbuccare, ad buccam loqui.

ABOUGRI, ou Rabougri. Terme dont on se sert dans les forests pour signifier des bois de mauvaise venuë, dont le tronc est court, raboteux, plein de noeuds, & qui ne pousse gueres de branches. Le bois abougri est de nulle valeur pour les ouvrages, & est sujet au recepage.

ABOUQUEMENT. s. m. En fait de salines, c'est une addition de nouveau sel sur un meulon, ou monceau de vieux sel, qu'on appelle vache. L'ordonnance deffend l'abouquement, si ce n'est en presence des Officiers Royaux.

ABOUQUER. v. act. Faire un abouquement de nouveau sel sur du vieux sel.

ABOUEMENT. s. m. Terme de menuiserie. C'est une espece d'assemblage dont usent les charpentiers & les menuisiers.

ABOUT. s. m. Terme de charpenterie, qui se dit des extremitez de toutes les pieces de charpenterie & de menuiserie mises en oeuvre. Les couvreurs disent aussi, un remanie about.

Abouté. adj. Terme de Blason, qui se dit de quatre hermines dont les bouts se respondent & se joignent en croix.

Aboutir. v. neut. Se rendre, se terminer à un certain endroit, en toucher quelque bout. Cette maison aboutit au grand chemin. tous les rayons d'un cercle aboutissent à son centre. cette pyramide aboutit en pointe.

Aboutir, se dit figurément en Morale. Ce procés a abouti enfin à une transaction. on ne sçait où aboutiront tous ces grands desseins. cette grande recherche n'aboutira à rien. ce long compliment n'a abouti qu'à demander de l'argent en prest.

Aboutir, se dit aussi en Medecine, d'une playe qui vient à suppuration. On met des emplastres, des cataplasmes pour faire aboutir des bubons, des abscés, des froncles, des tumeurs.

Aboutissant, ante. adj. Qui touche par un bout. Cette piece de pré est aboutissante à la riviere par un bout, & par l'autre à la varenne.

On dit au substantif, Ce champ a la forest & deux grands chemins pour ses tenans & aboutissans.

On dit au Palais, Donner une Declaration d'heritages par tenans & aboutissans, quand on en designe les bornes & les limites de tous les côtez : ce qu'on appelle autrement les bouts & jouxtes. Une saisie reelle de biens roturiers doit contenir tous les tenants & aboutissans.

On dit figurément, Sçavoir tous les tenants & aboutissans d'une affaire, d'une entreprise, pour dire, en connoître parfaitement le secret, en sçavoir le fort & le foible.

Aboutissement. s. m. Terme de couture. C'est une piece d'étoffe que l'on coud avec une autre qui n'est pas assez longue pour aller jusqu'où on desire. Cette piece est trop courte, il y faut mettre un aboutissement.

Tous ces mots viennent de bout.


ABR.

ABRACADABRA. Terme barbare qui se trouve dans les Lettres de Voiture. C'étoit une inscription qui servoit de caractere pour guerir plusieurs maladies, & chasser les Demons, dont l'Auteur étoit un Heretique qui vivoit sous l'Empereur Adrien, qui reconnoissoit pour Dieu Souverain Abracax, duquel dependoient plusieurs autres Dieux, & sept Anges qui presidoient aux sept cieux. Il leur attribuoit 365. vertus, autant que de jours en l'an, & autres choses superstitieuses. On trouve chez les curieux plusieurs pierreries de ce nom Abracax. C'étoient les Gnostiques, les Basilidiens, & les Carpocratiens qui faisoient graver ces pierres, qui avoient des figures fort singulieres, & qui representoient quelquefois des Anubis, des têtes de lions, de dragons, &c. sur quoy Macarius & Chiflet ont fait des Traitez. Baronius, Gassendi, & Du Cange en font aussi mention.

ABREGÉ. s. m. Sommaire, épitome. Abregé de l'Histoire Romaine. Mezeray a fait l'abregé de sa grande Histoire en trois Volumes in quarto.

On dit aussi, Un abregé des merveilles du monde, quand on veut bien loüer une chose, ou une personne qui a toutes sortes de perfections, & où on trouve tout ce qu'on peut voir de beau ailleurs. Paris est un abregé de merveilles. l'homme est appellé microcosme, pour dire, un abregé de l'Univers.

Abregé, en termes d'Organistes, se dit d'une certaine reduction des touches du clavier de l'orgue, qui a été inventée, afin que chaque touche qui n'a que deux pieds de long se rapporte à chaque sous-pape des sommiers, qui sont longs de 4. 5. ou 6. pieds ; ce qui se fait par plusieurs barreaux, pointes & chevilles : d'où vient qu'une marche du clavier fait souvent parler un tuyau fort éloigné. En examinant une orgue, on connoist que les abregez sont bien faits, lors que le clavier n'est point tardif à donner le vent aux tuyaux, lors qu'il se ferme aisément, & qu'il n'est pas besoin d'enfoncer beaucoup les touches.

ABREGER. v. act. Reduire en moindre discours ou espace, raccourcir. Abreger son discours, dire succinctement. On a abregé le temps de son exil. cette traverse abrege le chemin. les jours de l'homme ont été abregez & réduits à 120. ans depuis le Deluge. on abrege sa vie par les excés. Ce mot vient de abbreviare. Nicod.

Pour abreger. Façon de parler adverbiale, pour dire, Enfin, pour conclusion. On dit aussi, Abregez, quand un superieur est ennuyé d'un discours trop prolixe qu'on luy fait. On le dit aussi en un calcul de jettons, quand il y a trop de jettons sur une même ligne.

ABRENONCIO. Mot Latin qui signifie Renoncer, dont on se sert en François, lors qu'un homme desnie de mauvaise foy quelque debte, ou autre chose qu'on luy demande. Un tel avoit promis de payer cent escus, mais quand on les luy a demandés, il est allé à abrenoncio. Ce mot est tiré des exorcismes qui se font en baptisant, ou en faisant l'eau beniste, où l'on dit souvent, Abrenuncio.

ABRI. s. m. Lieu à couvert du soleil, du vent & du froid, où l'air est agreablement temperé. Ces espaliers sont à l'abri du mauvais vent. ce lieu est à l'abri du soleil. on se met à l'abri quand il pleut. Ce mot vient de apricus, quoy que de signification contraire. Menage veut qu'il vienne de arbor ou albor.

On le dit fort souvent en termes de marine. Cette rade est à l'abri des vents du Nort. ces montagnes mettent ce port, ce mouillage à l'abri. c'est un bon abri.

Abri, se dit figurément en Morale. La solitude est un bon abri contre les coups de la fortune. il est entré au service de ce Ministre, c’est un bon abri contre ses ennemis.

On dit aussi adverbialement, Se mettre à l’abri de l’orage. Ce criminel ayant eu advis qu’on le vouloit prendre, s’est mis à l’abri, s’est sauvé en quelque asyle. On dit aussi d’un prisonnier, qu’on l’a mis à l’abri, qu’on s’en est asseuré.

Abrier. v. act. Vieux mot qui signifioit, Proteger, deffendre. Mezeray l’a employé.

ABRICOT. s. m. Fruit participant de la pesche & de la prune. Il est doux & agreable au goust. Il est un peu rouge & jaune en meurissant, & pour cela on l’a appellé à Rome chrysomele, comme qui diroit, pomme d’or. Il meurit en Juin avant les autres fruits, & pour cela on a appellé chez les Medecins ces fruits, mala præcoqua, c’est à dire, hastifs. On l’appelle aussi en Latin, malum armenium, prunum armenium. Menage fait deriver ce mot de mala præcoqua, ou præcoccia ; d’autres du Grec abron, qui signifie Mol & delicat, ou du Latin aperitium, parce qu’il s’ouvre facilement. Mais Mathiole dit que les abricots retiennent le nom que les Grecs leur ont donné, qui les appellent Bericoccia. On dit que les abricots en Perse sont un poison, & même qu’ils sont si dangereux en Piedmont, qu’un seul a quelquefois donné la fievre : & neantmoins La Framboisiere soûtient qu’ils valent mieux que les pesches, car ils ne se corrompent ni ne s’aigrissent dans le ventricule ou l’estomac. Il y a une espece d’abricot qui est tout blanc dehors & dedans, qui s’ouvre net, & de bon goust. Il y en a un autre qui est jaune, & plus rouge que les autres, lequel est le masle, dont le noyau tient à la chair, dont le goust est exquis, musqué & extraordinaire, & son amande est douce comme celle de l’amandier.

Abricotier. s. m. Arbre qui porte des abricots. Ses feuilles sont semblables à celles du tremble, un peu pointuës par le bout, dentelées en leur circonference, & sortent quatre à quatre, ou cinq à cinq. Il jette des fleurs blanches comme le cerisier, d’où sort le fruit en forme de pesche, ayant au dedans un os dans lequel il y a un noyau tantost doux, & tantost amer. En Latin malus armeniaca.

Abricoté. s. m. Dragée faite d’un petit morceau du fruit de l’abricot entouré de sucre.

ABROGATION. s. f. Action par laquelle on destruit, ou on change une loy, une coûtume. L’abrogation de la Pragmatique Sanction s’est faite par le Concordat.

ABROGER. v. act. Casser, annuller, mettre hors d’usage. Il ne se dit gueres que des loix & coûtumes. Les anciennes Ordonnances sont abrogées par les nouvelles. les coûtumes s’abrogent par un usage contraire pendant un long espace de temps.

Abrogé, ée. part. pass. & adj. Les loix abrogées n’ont plus de force. Ce mot vient du Latin abrogare, Revoquer, destruire une Coûtume.

ABRUTIR. v. act. Rendre beste, stupide. Le vin l’a tellement abruti, qu’il est insupportable. On le dit aussi avec le pronom personnel. Les esprits foibles s’abrutissent dans la solitude.

Abrutissement. s. m. Estat de celuy qui vit en beste. Quand un vieux pecheur est tombé dans l’abrutissement, il ne s’en peut retirer sans une grande grace de Dieu. Ces mots viennent du Latin brutus.

ABS

ABSCONSER. v. neut. Se cacher. Absconsare. Vieux mot qui n’est plus en usage. On dit encore en Picardie, Esconsement du soleil, Occasus solis. Nicod.


ABSENCE. s. f. Retraitte, éloignement de la presence des autres. Les amans se plaignent fort de l’absence de leur maistresse. on travaillera à cette affaire tant en presence, qu’absence.

Absence d’esprit, signifie Distraction, quand on songe à une autre chose qu’à celle dont on parle.

ABSENT, ENTE. adj. Qui s’est éloigné du lieu de sa residence ordinaire. Les absens pour la République sont reputez presens. à la Cour on ne se souvient gueres des absens.

On dit proverbialement, que les os sont pour les absens, lors qu’on disne sans eux, lors qu’on ne leur laisse que les restes des autres.

ABSENTER. v. neut. qui ne se dit qu’avec le pronom personnel, Se retirer, s’éloigner de la presence des autres. Ce Prince s’est absenté de la Cour. il est allé voyager, il s’est absenté pour long-temps. il s’absente de ses amis avec peine.

S’absenter, signifie encore, S’enfuir, se cacher, se mettre à couvert, de peur de quelque accusation ou recherche. Il s’est absenté de la ville, à cause qu’on avoit decreté contre luy. ce marchand s’est absenté, a fait banqueroute.

Ces mots viennent du participe Latin absens.

ABSÉS. s. m. Tumeur contre nature qui tend à corruption, & se forme au dedans du corps, que le peuple appelle apostume, en Latin absessus, en Grec aposthema. Cet homme est mort d’un absés qu’il avoit dans le ventre. un absés qui perce, ou suppure en dehors est capable de guerison. Voyez Tumeur, & Apostheme.

ABSIDES. s. m. Terme d’Astronomie. Ce sont deux points de l’orbite d’une planete, dont le plus haut est nomme apogée, & le plus bas perigée, ou le plus prés de la terre. Le diametre qui les joint s’appelle la ligne des absides, qui passe par le centre de l’orbite de la planete, & par le centre du monde. L’excentricité se prend dans la ligne des absides.

Ce mot vient du Grec apsis, qui signifie une arcade, une voute, & quelquefois un cercle & un hemisphere. Dans les vieux titres on a appellé absides, la partie interieure de l’Eglise où est le maistre autel, qui avoit ordinairement une voute particuliere & separée.

ABSOLUMENT. adv. Souverainement. Il commande absolument en telle Province. il faut faire cela absolument, de necessité absoluë. Ce mot vient du Latin absolvere, entant qu’il signifie, Achever. Celuy qui commande absolument veut que la chose se fasse sans replique.

Absolument parlant, se dit quand on parle d’une chose sans relation à une autre. On dit aussi en Grammaire, qu’un mot se dit absolument, quand il est sans regime.

ABSOLUTION. s. f. Action par laquelle on absoud. Il a obtenu un arrest d’absolution en matiere criminelle. On dit aussi, Absolution d’une demande civile, quand on en est deschargé ; absolution sacramentale en matiere de confession. L’absolution des censures est la troisiéme partie d’une signature de Cour de Rome, qui porte absolution des censures qui pourroient empêcher l’effet de la grace accordée. On appelle aussi en Chancellerie Apostolique une absolution à sævis, une grace accordée par une signature particuliere à celuy qui a assisté à quelque jugement de mort, ou qui a commis quelque cas qui le rend irregulier, & incapable de posseder aucuns Benefices.

Absolution, en termes de Breviaire, est une courte priere que dit celuy qui officie à chaque nocturne des Matines auparavant les benedictions & les leçons. On appelle absolutions, les encensemens & aspersions d’eau benite qu’on fait sur le corps des Princes & des Prelats qu’on enterre avec grande ceremonie.

ABSOLU, uë. adj. Sans condition, sans reserve. Prince absolu. commandement absolu. il a obtenu cela d’authorité absolue. ablatif absolu. un verbe absolu, qui n’a aucun regime. On appelle aussi, Jeudy absolu, le Jeudy saint, & dans les vieux titres, Absolutionis dies. Un Plenipotentiaire a un pouvoir absolu, & sans reserve. cet homme est absolu, il commande avec hauteur, & veut qu’on luy obeïsse sans raisonner.

Absolutoire. adj. Qui porte absolution. Il a eu une sentence absolutoire.

Tous ces mots viennent du Latin absolvere, Absoudre, delivrer, delier.

ABSORBER. v. act. Engloutir, emporter en tout, ou en partie. Il est peu en usage au propre, si ce n’est en parlant des animaux voraces : mais il se dit au figuré. Les frais qu’il a fallu faire pour l’exploitation de cette ferme, en ont absorbé tout le profit. les frais d’un scellé absorbent les plus clairs deniers de cette succession. ce goinfre a absorbé tout son patrimoine. Ce mot vient du Latin absorbeo, signifiant le même.

ABSOUDRE. v. act. Descharger d’une accusation, de la peine d’un crime. Absoudre un penitent en Confession, un accusé en Justice. on l’a absous à pur & à plein. On dit aussi en parlant d’un Roy deffunct, que Dieu absolve.

Absous, oute. adj. Affranchy ou delivré de crime.

Absous, se dit aussi en matiere civile. Un deffendeur conclut toûjours à être renvoyé quitte & absous de la demande qu’on luy a faite.

ABSOUTE. s. f. Ceremonie & benediction que font les Evêques la Semaine Sainte pour donner absolution des pechez, supposant la Confession Sacramentale. Il s’en fait aussi par les Curez dans les Paroisses le jour de Pasques.

ABSTENIR. v. neut. qui ne se dit qu’avec le pronom personnel, Se deffendre l’usage de quelque chose, se priver de quelque plaisir. Il faut s’abstenir du vin pendant la fievre. les Juifs étoient obligez de s’abstenir de leurs femmes pendant leurs purgations. il ne se peut abstenir de joüer, de parler. il faut s’abstenir de manger des choses deffenduës par la Loy, de faire des actions qu’elle condamne.

Abstenir, se dit aussi en matiere de recusation de Juges : & quand la Cour la trouve bien fondée, elle dit pour adoucir l’expression, que le Juge s’abstiendra, c’est à dire, de rapporter le procés, ou d’y opiner.

ABSTINENCE. s. f. Vertu morale par laquelle on s’abstient des choses deffenduës par la Loy, soit que ce soit un precepte essentiel, soit une ceremonie. C’est une espece de la temperance. Le grand jeusne, dit St. Augustin, est l’abstinence des vices. l’Eglise juge convenable aux Ecclesiastiques l’abstinence des femmes : elle a marqué aussi certains jours de jeusne, & d’abstinence. on fait des abstinences par un pur regime de vivre, comme de vin, de salines, &c.

Abstinence, signifie quelquefois une simple deffense de manger de la chair. L’Eglise ordonne simplement l’abstinence le jour de St. Marc, & non pas le jeusne. les mercredis sont des jours d’abstinence chez plusieurs Religieux. les devots font aussi des abstinences & des macerations volontaires.

ABSTINENT, ente. adj. Temperant à l’égard du boire & du manger. Les peuples du Midy sont plus abstinents que ceux du Septentrion.

Ces mots viennent du Latin abstinere, comme se tenere ab aliquâ re, Se priver de la jouïssance de quelque chose.

ABSTERGER. v. act. Terme de Medecine & de Chirurgie. Purger, nettoyer une playe.

Abstersif, ive. adj. Qui purge & nettoye. Medicament, purgation abstersive.

Ces mots viennent du Latin abstergo, qui signifie le même.


ABSTRACT, abstracte. Terme de Philosophie. Ce qu’on detache par la pensée de toute autre chose, afin d’en avoir une connoissance simple, & par luy-même. La quantité est un terme abstract, quand on la considere en elle-même, & sans être attachée à aucun corps, quoy qu’elle ne puisse subsister naturellement sans luy, ni luy sans elle. La blancheur est un terme abstract, quand on la considere detachée d’un sujet. de la connoissance des abstracts on parvient à celle des concrets, qui est le terme opposé.

Abstraction. s. f. Detachement qui se fait par la pensée de tous les accidens ou circonstances qui peuvent accompagner un être, pour le considerer mieux en luy-même. Pour bien juger d’un homme, il faut faire abstraction de tout ce qui nous peut preoccuper ou pour, ou contre luy.

Abstraire. v. act. Faire une abstraction, un detachement de toutes les qualitez d’une chose, pour ne considerer que son essence. Quand on raisonne en Algebre, on abstrait la quantité, le nombre de toutes sortes de matieres & de sujets.

Abstrait, aite. part. & adj. se dit figurément en Morale, d’un homme qui detache ses regards de tous les objets qui l’environnent, pour ne vaquer qu’à la contemplation de celuy qu’il a dans la pensée. Les Saints qui sont en extase sont des gens abstraits qui vaquent seulement à la contemplation des grandeurs & des beautez divines. On dit aussi, qu’un homme est abstrait, quand il ne répond pas à celuy qui luy parle, parce qu’il songe à autre chose.

Ces mots viennent du Latin abstrahere, comme trahere ab.

ABSTRUS, use. adj. Qui est caché & inconnu au commun du monde. L’Algebre, les Sections Coniques, sont des sciences, des matieres fort abstruses, où peu de personnes peuvent penetrer. Ce mot vient d’abstrudere, Cacher, enfoncer.

ABSURDE. adj. masc. & fem. Terme de Philosophie. Ce qui choque le sens commun, qui est impertinent, incroyable, impossible. Proposition absurde. quand on suppose une chose absurde, on en tire mille consequences absurdes. il prouve une chose absurde par une chose plus absurde.

Absurdement. adv. D’une maniere absurde. C’est conclure absurdement, que de dire, &c.

Absurdité. s. f. Qui contient quelque chose d’absurde. Il s’ensuivroit de grandes absurditez d’une telle supposition. la plus grande des absurditez est la contradiction.

Ce mot vient du Latin surdus. On voudroit estre sourd pour ne pas entendre les choses ridicules. En Grec, Ridicule se dit asymphonos, comme deplaisant à l’oreille.

ABSYNTHE. subst. masc. & fem. selon Malherbe ; & selon Vaugelas, toûjours masculin. Plante medicinale. L’absynthe commune a une tige fort branchuë, des feuilles blanches, & fort decouppées, comme l’artemisia, ses fleurs dorées & petites. Sa graine est ronde, & disposée comme une grappe de raisin. Sa racine est fort esparpillée. Plusieurs croyent que c’est la barbotine, qu’on appelle semen sanctum. Mais Mathiole dit que c’est une plante bien differente. Quelques-uns pretendent que l’absynthe est l’auronne femelle. Il y a une espece d’absynthe qu’on appelle petite aluyne, qui est semblable à la petite auronne, estant toute entassée de petite graine fort amere, qu’on appelle en Latin absynthium marinum, ou seriphium. L’absynthe santonique est sa troisiéme espece, qui est semblable à l’aluyne, mais qui est moins chargé de graine que l’autre. On fait du vin d’absynthe, & de l’eau d’absynthe.

Ce mot vient d’a particule privative en Grec, & pinthion, de pino, bibo, plante si amere, qu’on a de la peine à boire une liqueur dans laquelle elle aura trempé.