Dictionnaire topographique, historique et statistique de la Sarthe/ALONNES

◄  ALLEUX
AMNÉ  ►

ALONNES, ALONNE, ALLONNES ; Alona, Allona, Alloniis ; de Al, qui, en celtique, veut dire près, et Aun, rivière. Commune cadastrée, du 2.e canton, de l’arrondissement et à 5 k. 3 h. S. O. du Mans : anciennement dans les Quintes, de l’évêché, et de l’élection de la même ville. Distance légale, 6 kilom.

descript. Bornée au N. O. et au N. par le Petit-Saint-Georges, Pruillé-le-Chétif et Rouillon ; au N. E. et à l’E. par la rivière de Sarthe et les communes du Mans et Pontlieue, au-delà de cette rivière ; au S. par Spay ; au S. O. et à l’O. par Etival et le Grand-S.-Georges : cette commune a une forme irrégulière presque triangulaire. Son plus grand diamètre, du S. S. O, au N. N. E., est de 6 k.; son plus petit, de 3 k., du N. N. E. au N. N. O.

Le bourg, situé presque à l’extrémité N. E. de la commune, et à 1 k., 2 h., de la rive droite de la Sarthe, se compose d’une suite peu nombreuse de maisons formant une rue, avec l’église et le presbytère, de l’O. à l’E.

L’église est remarquable par sa porte d’entrée à l’O, formant un double arceau en plein-cintre, construit en pierres de taille rouges, qui paraissent une composition de ciment romain, ou tel que le faisaient les Romains. J’ai découvert que ce ceintre était formé à l’intérieur par des tuiles et briques romaines, que la dégradation de l’enduit m’a laissé facilement distinguer. Ouvertures des croisées cintrées ; clocher, placé au-dessus de la porte à l’O., en campanille, comme celui d’Aigné, décrit précédemment. Autel en marbre. On remarque dans la nef, en face de la chaire, sur une pierre encadrée dans le mur, une inscription en caractères gothiques, de laquelle je n’ai pu déchiffrer que le mot Alonnes : de savans antiquaires n’ont pas été plus heureux que moi, m’a-t-on assuré. On voit sur une des faces d’un bénitier en pierre, placé à l’entrée latérale de l’église, une figure grossièrement sculptée, que l’on pourrait considérer, ce me semble, comme une divinité gauloise. Le cimetière, à l’entrée O. du bourg, est clos de murs en partie, et en partie de haies.

popul. Jadis de 89 feux, actuellement de 127, elle se compose de 293 indiv. mâl., et de 307 indiv. fem. ; tot. 600, dont 102 dans le bourg.

Mouv. déc. De 1803 à 1812, inclus. : mar., 42, naiss., 109 ; déc., 225. De 1813 à 1822, inclus. : mar., 71 ; naiss., 164 ; déc.,181.

hist. eccl. L’église, dédiée à S. Martin, de Tours, fut fondée par Hoël, év. du Mans, qui siégea de 1085 à 1097 ; il en fit don au chapitre de son église, qui présentait à cette cure.

Assemblée, le dimanche le plus prochain de la S. Martin d’été ; et une seconde le dimanche également le plus voisin de la Ste. Barbe.

hist. féod. La seigneurie de paroisse appartenait aux chanoines de la cathédrale du Mans, qui y prenaient les deux tiers des dîmes ; elle relevait des châtellenies de Vaux et de Moncé-en-Belin, réunies.

hist. civile. Nous renvoyons plus bas, à l’article antiquités, tout ce qui concerne l’histoire des tems anciens.

« Ce fut dans les bois de Teillais, dit Lepaige, que l’infortuné roi Charles VI fut attaqué de frénésie, en 1392, en allant combattre le duc de Bretagne. »

On demande souvent, et cette question m’a été faite par des personnes fort savantes, où est située cette forêt du Mans, que tous les historiens indiquent comme ayant été le théâtre de ce funeste et singulier événement. Cette question devant être traitée avec quelques développemens, je lui consacrerai un article spécial, sous le titre forêt du mans.

Alonnes fut un des lieux de réunion de la première colonne des royalistes, connus sous le nom de Chouans, commandée par M. de Bourmont, lors de l’invasion de la ville du Mans par le corps d’armée de ce général, le 16 octobre 1799.

antiq. Il est très-difficile de se déterminer sur l’époque et la nature de l’établissement que les Romains durent faire à Alonnes, dès qu’ils eurent pénétré sur le territoire des Cénomans. Cette question a été suffisamment examinée dans le Chap. II.e du précis historique : il reste à faire connaître ici les traces de leur séjour en ce lieu.

Les vestiges d’antiquités trouvés à Alonnes, occupent un espace de plus de 1750 mètres (900 toises) de circuit. On en a inféré que cet espace ne devait être qu’une partie de la vaste cité, capitale des Cénomans. Cette conclusion parait hazardée : il nous semble sage de se fixer seulement à ce que l’on connaît. Ces vestiges consistent dans les fondemens d’un ancien édifice, situés à moins d’un kil. au N. E. du bourg, dans un champ nommé la Tuffète ; ces fondemens avaient deux mètres d’épaisseur. On croit, d’après leur forme, que c’étaient ceux d’un temple ; on y a trouvé des médailles de César et de plusieurs autres empereurs. A cent mètres à l’O. de cet édifice, on a aussi trouvé un mur de forme circulaire, de 2 m., 5 k. d’épaisseur ; et à six cent mètres au S., on en a découvert un autre, de même forme et de même proportion, ce qui semble indiquer que cette partie d’Alonnes aurait été entourée de murs. On voyait dans l’enceinte qu’ils auraient décrite, près d’une fontaine, sur une longueur de deux mètres, de la brique d’une très-grande épaisseur, etc. La démolition de ces murs, commencée en 1802, vient d’être reprise, et nous y avons vu nous-même, tout récemment, des lits alternatifs de briques, de grès blanc et de grès brun connu sous le nom de roussard, de nombreux fragmens de superbe marbre blanc, des clous dont la forme diffère peu des nôtres, etc.

Sur une éminence, à l’E. du bourg, à l’entrée de ce côté du bois de Marshain, appelé dans les anciens titres Odium Martis, sur la rive droite de la Sarthe, et en face d’un gué nommé Chahoué, Castellum vetus, on voit encore les restes d’un ancien château fort, que les gens du pays nommaient la tour-aux-fées. Ses murs, qui s’élevaient de plusieurs mètres au-dessus du sol, en avaient deux d’épaisseur, avec des souterrains soutenus par des arcs en pierre d’une grande solidité. Les vestiges de cette tour auront bientôt disparu, et le seraient depuis longtems, si les difficultés que présente sa démolition, n’en eussent arrêté la destruction, qui maintenant ne peut plus tarder. La régularité avec laquelle les pierres, toutes de grès blanc et brun, sans briques, sont posées verticalement ; le mortier qui paraît être un composé de ciment et de chaux vive ; tout annonce une de ces constructions romaines, dont l’extrême solidité est l’un des caractères distinctifs. Fouillée, il y a quelque tems, par les habitans des environs qui croyaient y trouver des trésors, on n’y a recueilli qu’une médaille en argent de la famille Posthumia, des clefs attachées à une chaînette d’argent, et des fragmens de vases en terre rouge, ornés de bas-reliefs. Nous avons recueilli, dans les débris provenant de sa démolition, des fragmens de plinthes, de frises, de corniches, en marbre de différentes couleurs, tous des Pyrénées. Sur le plateau élevé, où ce château était situé, et que l’on nomme la Butte-des-Fondues, on a trouvé une très-grande quantité de médailles ou anciennes monnaies des Romains. On a recueilli aussi, sur le territoire d’Alonnes, une médaille représentant d’un côté la tête d’un chef gaulois, avec le mot conomos, ou cenomos, et au revers un sanglier assez mal figuré, avec une tête de bœuf, emblèmes que l’on observe sur beaucoup de monumens gaulois. Il est difficile de déterminer l’époque à laquelle cette médaille a dû être frappée, et nous n’inférons pas de cette découverte, comme quelques savans l’ont fait, que les Gaulois de notre contrée battaient monnoie dès avant l’invasion de Jules-César : l’état des sciences et des arts dans le pays, à cette époque, se refuse à cette conclusion ; mais aussi, par cela même qu’on n’a pas rencontré sur le territoire d’Alonnes de médailles postérieures à Constantin, il nous paraît naturel de croire que l’établissement d’un camp, d’une station romaine en ce lieu, où existait déjà un Oppidum gaulois, a pu avoir lieu sous Auguste, et que c’est de ce règne que date un établissement quelconque, gaulois et romain tout à la fois.

« Lorsque, en 1614, Louis XIII et Marie de Médicis, sa mère, vinrent au Mans, une des femmes qui habitaient la Tour-aux-Fées, attendit le roi et la reine pour les complimenter à leur passage. »

Quand les eaux sont basses, on apperçoit dans la rivière, au gué de Chahoué, les traces d’un ancien pont qui conduisait à la voie romaine des Andes. On croit trouver encore des vestiges d’encaissement de cette voie, dans la route actuelle du Mans au Lude, qui, en effet, semble se diriger plutôt sur Alonnes que sur le Mans : elle aurait conduit, à ce qu’il nous semble, à deux stations ou campemens romains, que nous déterminerons aux articles Luché et Cré.

Une autre voie se dirigeait d’Alonnes également vers la Bretagne : c’est probablement la route que prenait Charles VI, lorsque sa démence l’arrêta à sa sortie du Mans. Quant à celles qui conduisaient à Nœodunum et à Avaricum, peut-être étaient-elles postérieures, et partaient-elles directement de Subdunum (le Mans).

Les principaux objets d’antiquités trouvés à Alonnes consistent, outre ceux que nous avons déjà indiqués, en tombeaux en pierre, en fragmens de colonnes de marbre blanc, corniches, vases en terre rouge ornés de bas-reliefs, secures ou haches en cuivre, que les Romains savaient rendre dur et tranchant comme l’acier ; amphores en terre cuite, « absolument semblables, dit M. de Vaysse de Villiers, dans son Itinéraire descriptif, à celles que j’ai vues encore dressées dans les caves de Pompeia ; » enfin, en une jolie statue de Niobé, en marbre d’Italie.

Voici la nommenclature des médailles recueillies sur le territoire d’Alonnes, au nombre de plus de 400, dont on trouve un savant catalogue à l’usage des numismates, dans l’Annuaire de la Sarthe, pour l’an X.

Médaille gauloise dont il a été parlé plus haut.

Médailles romaines, de Jules César, 2 espèces, en argent ; d’Auguste, 1 arg. ; Tibère, 2 bronze ; Claude, 2 br. ; Néron, 3 br. ; Vespasien, 1 arg., 5 br. ; Domitien, 1 br. ; Nerva, 1 br. ; Trajan, 2 br. ; Hadrien, 3 arg., 3 br. ; Ælius Csesar, 1 br, ; Antonin Pie, 10 br. ; Faustine, mère, f.e d’ Antonin, 1 arg., 4 br. ; Marc Aurèle, 7 br. ; Faustine, jeune, f.e de Marc Aurèle, 2 br. ; L. Verus, 2 br. ; Lucile, fe de Verus, 1 br, ; Commode, 1 br. ; Crispine, f.e de Commode, 2 br. ; Septime Sévère, 2 br. ; Caracalla, 1 br., Héliogabale, 1 br. ; Julia Mæsa Augusta, aïeule d’Héliogabale, 1 br. ; Alexandre Sévère, 5 br. ; Julia Mammæa, mère de Sévère, 2 br. ; Maximin, 4 br. ; Gordien Pie, 2 arg., 2 br. ; Philippe, 1 arg. ; Trajan Dèce, 2 arg, ; Etrucille, f.e de Trajan, 2 br. ; Gallien, 1 arg., 2 br. ; Salonine, f.e de Gallien, 2 arg. ; Valérien, 1 arg. ; Posthume, 1 arg., 6 br. ; Claude II, 4 br. ; Tetricus, 1 br. ; Dioclétien, 2 br. ; Theodora, 2.de f.e de Constance Chlore, 1 br. ; Constantin, 17 br. ; de la famille Didia, 1 br.

géol. Terrain plat, uni, si ce n’est au S. E. et à l’E., où il est montueux ; sol sablonneux dans toute la partie plate de la commune ; argilo-sableux dans celle plus élevée.

hydrogr. Outre la rivière de Sarthe, qui coule du N. à l’E., puis au S., deux ruiss. arrosent la commune. Celui de la Fontaine, ou ravine de S.-Martin, a sa source près les Jarrières, en S.-Georges-du-Bois, se dirige de l’O. au S. E., puis au N. E., passe au N. O. du bourg, et se jette dans la Sarthe peu au-dessus du moulin de Chahoué ; le second, nommé de la Bucherie, prend sa source en Pruillé-le-Chétif, coule du N. O. au S. E., et se rend dans la ravine de S.-Martin, à peu de distance de la Sarthe. Cours 36 et 30 hect.

Moulin de Chahoué, à blé, à 2 roues, sur la Sarthe.

hist. natur. Minér. Grès ordinaire, et grès ferrugineux, dit roussard. C’est de ces deux sortes de pierres dont sont construits la tour, les murs romains et l’église d’Alonnes, que nous avons décrits. Fer sulfaté farinacé vert d’hauy ; au Port-Belot.

Plantes rares.[1] Corydalis bulbosa, dec. ; Linaria pelisseriana, desf. ; Ophris nidus-avis, lin.

cadastr. Le total de la superficie de la commune est de 1,794 hect., 34 ares ; savoir:

Terr. labour., 1,113 hect., 02 ar., 28 cent. ; en 5 classes, de 3 fr. 30 c., 10-90, 21-30, 38-30, 52 fr. 90 c. — Vignes, 3-90-12 : 2 cl., 20 et 40 fr. — Jardins, 28-09-57 ; 3 cl. 41-30, 51-30, 68 fr. 40 c. — Prés, 74-91-13 ; 5 cl., 20-05, 30-05, 52-45, 100 et 135 fr. — Pâtures, 36-34-32 ; 3 cl. 7-60, 15-20, 2 fr. 30 c. — Bois taillis, 352-07-02 ; 5 cl., 4-40, 9-10, 11-50, 16-20, 20 fr. 90 c. — Broussils, 1-44-65 ; à 5 fr. 15 c. — Sapinières, 11-58-02 ; à 2 fr. 60 c. — Charmilles, 0-16-42 ; à 52 fr. 90 c. — Land. et terr. incultes, 123-51-80 ; 2 cl., à 90 c. et 1 fr. 95 c. — Superf. des maisons, 6-82-91. Objets non imposables : Egl., cimet. et presbyt., 1-46-24. ~ Rout. et chemins, 44-49-19 ~ Riv. et ruiss., 16-30-23. = 112 maisons, en 7 cl., de 7 fr. 55 c., à 86 fr. 20 c. — 1 moulin, à 266 fr.

Le Total du Revenu imposable est de 29,597 fr. 54 c.

contrib. Foncier, 3525 fr. ; pers. et mob., 286 fr ; port. et fen., 96 ; 10 patentés : dr. fixe, 43 fr. ; dr. prop. 24. ; Tôt. 3,974 fr. Percept. de Pruillé-le-Chétif.

culture. Terrain peu fertile ; seigle en majeure partie ; avoine, froment et orge, très-peu ; maïs, sarrasin, pommes de terre, légumes.

Assolement quadriennal. Six fermes principales ; un grand nombre de petits bordages, 60 charrues.

comm. agric. Exportation de la moitié environ des grains récoltés ; chanvre, pommes de terre, légumes ; menues denrées.

marchés fréq. Le Mans ; rarement la Suze.

rout. et chem. Un embranchement de route, qui prend à la Croix-Georgette, près le Mans, et conduit à la Suze, traverse la commune du N. au S. O., passe à 11 h. à l’O. du bourg, en longeant les bois de Teillais à l’E., et à quelque distance de ceux de la Foresterie, ou de Marshain, et de Monnet, qui, réunis autrefois, composaient la forêt du Mans. La route dont nous parlons, doit être l’ancienne voie qui d’Alonnes, puis de Subdunum, conduisait chez les Andes et chez les Namnetes (Nantes), par la Suze, par Malicorne ou par Noyen.

habit. et lieux remarq. La Foresterie, maison bourgeoise, appartenant à M. Chappe ; ce nom paraît rappeler que les bois qui y touchent et en dépendent étaient, comme nous le disons, une partie de la forêt du Mans. Port-Belot, maison bourgeoise, dont le nom semble avoir une étymologie antique et venir de Bélus ; Jouvigné, hameau près et au N. du bourg, de Jovis, probablement, l’un des noms de Jupiter; les Perrières, ancien fief, maison bourgeoise aujourd’hui.

établ. publ. Mairie, succursale. Bureau de poste aux lettres au Mans.

  1. Par plantes rares, nous entendons indiquer celles qui ne se trouvant pas communément dans toutes les localités, offrent plus d’intérêt aux recherches des botanistes.