Dictionnaire raisonné du mobilier français de l’époque carlovingienne à la Renaissance/Armet
ARMET, s. m. Corruption du vieux mot français hiaumet, helmet (anglais), petit heaume. C’est le casque des milices du xve siècle, qui succède au bacinet, et qui se compose du tymbre avec ou sans crête : de la vue, du nasal, du ventail ou plutôt de la ventaille[1]. Ces dernières pièces mobiles étaient désignées ensemble sous le nom de mézail et de gorgerin. Les collections d’armes de l’Europe conservent un très-grand nombre d’armets de la fin du xve siècle : c’est le dernier habillement de tête du moyen âge. L’armet était essentiellement un habillement de guerre en ce qu’il était plus léger que le heaume, dont on ne se servait au xve siècle que pour les joutes et tournois, et que le bacinet du xive siècle, très-fatigant à porter pendant plusieurs heures. Les armets apparaissent vers la fin des guerres contre les Anglais, c’est-à-dire vers 1435. La longueur de ces luttes, l’activité que dut alors déployer la cavalerie française, firent modifier l’équipement, le rendirent plus souple, plus léger, mieux adapté aux mouvements du corps. Il était impossible de conserver pendant une journée le heaume du xiiie siècle sur la tète, on ne le laçait que pour charger. Le bacinet ne permettait guère de tourner la tête, était fort lourd et étouffant. L’armet au contraire pouvait être maintenu sur le chef sans trop de fatigue. Son mécanisme permettait de voir et de respirer à l’aise ; il est d’ailleurs beaucoup plus léger que le bacinet. Comme habillement de tête, les armets les plus anciens, c’est-à-dire ceux qui datent du milieu du xve siècle, sont certainement les mieux disposés et les mieux exécutés. Très-simples, ils prennent exactement la forme de la tête et du cou, et peuvent être portés sans fatigue ; ils sont toujours dépourvus d’ornements.
Ce n’est qu’à la fin du xve siècle que l’on commence à les couvrir de gravures ou de damasquinures. L’armet de guerre des milices du xve siècle fait partie de l’armure blanche, c’est-à-dire unie et polie, mais non brunie. L’un de ces armets les plus anciens appartient à une belle armure de 1440 environ, déposée dans la salle d’armes du château de Pierrefonds. Il est, comme toute cette armure d’acier , très-léger et admirablement exécuté. Au tymbre est rivé le couvre-nuque, s’étendant par une côtelure jusqu’au sommet de la tête. La vue et le nasal se lèvent séparément en tournant sur deux pivots rivés aux côtés du tymbre. La ventaille se développe latéralement. Le gorgerin, très-bien articulé, permet à la tête de faire tous les mouvements. C’est sur ce gorgerin que se posent le corselet, la dossière, et que s’attachent les spallières. La figure 1 donne le profil de cette belle pièce ; la figure 1 bis, sa face postérieure. Le tymbre A et le couvre-nuque a sont de deux pièces fortement rivées, le couvre-nuque formant crête. La vue B, pivotant sur les deux boutons latéraux, se relève indépendamment du nasal, qui peut aussi se relever avec elle. La ventaille D s’ouvre en enlevant la fiche b de l’une des deux charnières latérales. On voit en F les arrêts mobiles auxquels s’attachent les spallières[2]. Des détails sont nécessaires pour expliquer les diverses pièces de cet armet. Ils sont présentés figure 2. En A, on voit la vue relevée, indépendamment du nasal, et le ressort qui le maintient fermé sur celui-ci. En B, le nasal relevé en saisissant le bouton a qui agit sur le ressort à mentonnet entrant dans la gâchette intérieure de la ventaille. En C, le détail de la vue, montrant comme sont abritées les deux ouvertures. En D, le tymbre et l’attache du couvre-nuque dont un détail est plus clairement exprimé en d. En F, le détail des arrêts des spallières. En G, le profil du gorgerin dans la rainure supérieure duquel vient s’engager l’orle inférieur de l’armet. Les lames g sont maintenues entre elles par des bandes de cuir h rivées. En I, la partie antérieure de la ventaille. L’armet ne subit pas de modifications très-notables jusque vers la fin du xve siècle (1470 environ). Souvent alors la vue et le nasal ne forment qu’une seule pièce ; le mézail ne se relève pas en deux parties, comme dans l’exemple précédent. La ventaille se ferme du côté droit au moyen d’un crochet. Un appendice circulaire accompagne le couvre-nuque. Une écharpe était parfois attachée à cet appendice, appelé volet. Voici (fig. 3) un de ces armets[3] ; en A, vu de prolil ; en B, vu de face. En C, est l’appendice composé d’une rondelle d’acier sur tige qui est rivée au couvre-nuque. On voit sur la face B le bouton saillant qui permet de relever le mézail de la main droite, et au-dessous le bouton à ressort qui ferme le mézail. La figure 3 bis montre le mézail relevé et la ventaille ouverte. En D, est donnée la forme du couvre-nuque et du volet. En E, l’arrêt rivé au dessous de la face antérieure de la ventaille, et qui, entrant dans une entaille pratiquée sur le bord du gorgerin, fait que celui-ci tourne avec l’armet. Cette pièce (le gorgerin) manque ici. Son cercle supérieur se composait d’une cannelure dans laquelle entrait le bord inférieur de l’armet (voy. en F le profil). L’arête supérieure du tymbre, anguleuse sur le devant, s’aplatit par derrière, ainsi qu’on le voit en D’ et vers le sommet est un trou d auquel était attaché un faisceau de plumes tombant des deux côtés du volet. On observera que le mézail est plus saillant dans le dernier exemple que dans le premier. Plus on approche du xvie siècle, en effet, plus la saillie du mézail se prononce, car c’était sur ce point que les coups de lance étaient dirigés.La planche i présente un très-bel armet de guerre provenant du Musée d’artillerie de Paris[4]. Le nasal seul se relève, et au-dessus de la visée est une doublure ou frontal d’acier gravé et doré. Pour mettre l’armet sur la tête ou l’enlever, la ventaille s’ouvre en deux parties, ainsi que le fait saisir notre planche, en B. Ici la partie supérieure du gorgerin fait partie de l’armet et pose sur le colletin. Cette brisure est fixée au moyen d’un bouton a passant par un trou, d’un goujon à clef b (voy. en b’), et d’un second goujon saillant extérieurement, qui entre dans un autre trou pratiqué au-dessous du premier. Le trou à travers lequel passe le goujon à clef est percé, ainsi qu’il est indiqué en d, de sorte qu’en tournant l’arrêt du goujon b’, les deux pièces ne se peuvent disjoindre. En outre, un bouton c (voy. en c’) passe à travers un troisième trou pratiqué dans l’orle du gorgerin doublé d’une bande d’acier garnie et dorée. La planche i montre en A l’armet de profil, le mézail étant baissé. La bande du gorgerin est percée de trous pour recevoir un camail de mailles. La queue du tymbre porte une tige e à laquelle était rivée la rondelle ou volet. Au moyen d’une courroie intérieure, cette queue fixait l’armet à la dossière. La crête, divisée en deux arêtes, est percée de trois trous propres à attacher le plumait. Cet armet date des dernières années du xve siècle ; il est d’une exécution parfaite, de bel acier poli, avec gravures et dorures partielles. La rondelle ici masquait les sutures des deux joues de la ventaille ; elle servait de petite targe pour préserver des coups de revers, comme nous l’avons dit. A la tige du volet était fixée une longue écharpe ou un plumail.
- ↑ Nous adoptons ici l’orthographe ancienne. Jusqu’au xvie siècle, on disait la ventaille, et non le ventail.
- ↑ Voyez l’article Armure.
- ↑ De la collection d’armes du château de Pierrefonds. Les bords supérieurs du mézail sont finement emboutis, c’est-à-dire quelque peu retournés, afin de ne donner aucune prise au coup de lance.
- ↑ N°30 du Catalogue.