Dictionnaire raisonné du mobilier français de l'époque carlovingienne à la Renaissance/Cotte
COTTE, s. f. (cote, turnicle, tournicle, cotelle, surcotelle, surcot). La cotte d’armes est, à proprement parler, la tunique d’étoffe ou de peau que l’on posait, à dater de la fin du xiie siècle, sur le haubert de mailles, sur le gambison ou la broigne. Les cottes du xiiie siècle n’ajoutaient pas à la force défensive de l’armure de mailles, mais elles empêchaient le soleil d’échauffer ce tissu de fer, ou la pluie de le pénétrer trop facilement. Elles pouvaient, jusqu’à un certain point, présenter un obstacle flottant aux flèches ou carreaux. Ces cottes des xiie et xiiie siècles sont faites habituellement d’une étoffe de soie assez forte (cendal) :
« Cuirie ot bonne, ferrée largement, |
« Cote ot moult bonne, plus bêle ne verrez, |
On portait alors aussi des cottes d’armes courtes et amples, avec ou sans ceinture à la taille : c’était le vêtement militaire adopté par du Guesclin[12] et que reproduit la figure 8[13]. On voit ici, comme dans les deux exemples précédents, que le cou est garanti par la maille du haubergeon. Le bacinet ou le heaume avec camail se posaient donc par-dessus la cotte d’armes.
On portait aussi par-dessus ces cottes un parement, ou bien la cotte elle-même était taillée en façon de parement (voy. Armure, fig. 38). À la fin du xive siècle, toujours plastronnée sur la poitrine et le dos, la cotte reprend des jupes longues et des manches taillées en pointe à barbes d’écrevisse (fig. 9[14]). Ces jupes forment deux longs pans tombant droit latéralement avec fente par devant et par derrière, une partie plus courte ne descendant qu’au-dessus des jarrets et taillée en lambrequins. Cette disposition ne gênait pas en selle. Les lambrequins de derrière flottaient sur le troussequin, et les deux pans latéraux le long des jambes. Ces cottes étaient souvent bouclées par devant du cou à la ceinture, et lacées au-dessous (fig. 9 bis[15]).
La cotte disparaît lorsque l’armure de plates est définitivement adoptée vers 1420 ; ou si elle persiste alors, elle est ample : c’est une sorte de chemise courte sans manches et destinée à empêcher l’armure de s’échauffer ou de se rouiller (fig. 10[16]) ; aussi pour éviter le bruissement du fer, lorsqu’on voulait surprendre un ennemi la nuit.
Des raisons d’utilité avaient fait adopter la cotte d’armes d’étoffe dès la fin du xiie siècle. Les hauberts de mailles, posés sur le gambison de peau ou de toile rembourrée, devaient être insupportables lorsqu’on était exposé au soleil, surtout sous le ciel de la Palestine. La pluie, pénétrant à travers ces mailles, mouillait le gambison qui, à cause de son épaisseur et de l’étoupe qui le plastronnait, séchait difficilement, et en séchant se resserrait sur le corps. La cotte d’étoffe de soie préservait, jusqu’à un certain point, les parties du vêtement qu’elle couvrait de l’humidité, car les tissus de soie sont peu perméables. Cette étoffe empêchait le froissement désagréable et gênant de la maille sur la maille. La cotte d’armes était donc un vêtement nécessaire. De plus, ses longues jupes flottantes empêchaient les flèches ou carreaux d’arbalète de blesser les jambes. Les projectiles s’arrêtaient sur ces plis flottants. C’est pour le même motif qu’on avait adopté, vers le milieu du xiiie siècle, les housses d’étoffe pour les chevaux de guerre (voy. Harnois).De 1420 à 1440, les gens de pied portaient aussi des cottes d’étoffe par-dessus le jacque de mailles ou de peau piquée, dont les manches ne couvraient que les arrière-bras. Ces cottes étaient larges sur la poitrine, très-courtes de jupe, avec manches amples (fig. 11[17]). Un camail de mailles recouvrait les épaules par-dessus la cotte fendue par devant aux manches et des deux côtés de la taille. Parfois ces jupes descendaient aux genoux, et leurs pans étaient relevés dans la ceinture pour combattre.
Vers le milieu du xve siècle, les hommes d’armes adoptèrent des plastrons de fer sur lesquels une étoffe peinte était marouflée, afin d’éviter la rouille et l’action du soleil sur le métal poli. Cette mode, fort usitée en Italie, se répandit en Occident et en Allemagne ; elle dispensait du port de la cotte, qui devait gêner un peu les mouvements ou s’embarrasser dans les pièces d’armure. D’ailleurs les hommes de pied portaient des guisarmes ou des fauchards avec lesquels ils accrochaient les cottes des cavaliers, afin de les désarçonner pendant la mêlée. On cherchait donc à ne présenter dans l’armure que des surfaces lisses et qui ne donnassent aucune prise : c’était une des raisons qui avaient fait abandonner les baudriers lâches et qui avaient fait adopter les braconnières, les tassettes, les colletins.
Depuis que l’infanterie comptait pour quelque chose, le cavalier n’avait pas seulement à se préserver des coups de lance, d’épée ou de masse, mais aussi des armes offensives (bâtons) de ces fantassins, coutilliers, brigands, lesquels se faufilaient entre les cavaliers chargeant les uns contre les autres, coupaient les jarrets des chevaux, accrochaient les hommes d’armes, les désarçonnaient et les égorgeaient, ceux-ci ne pouvant se mouvoir une fois à terre. Pour ce genre de combat, la cotte d’armes était dangereuse, ou au moins fallait-il qu’elle fût assez rigide et collante pour ne pas donner prise aux crochets des piétons.
On avait commencé, sous Charles v, à adopter ces cottes roides et rembourrées, ainsi que le montrent les exemples précédents ; puis était survenue une période courte pendant laquelle, à l’imitation des vêtements civils, on avait adopté des cottes démesurément amples et longues ; mais cette mode n’avait pas été de longue durée, les cottes serrées, rembourrées et courtes, avaient été reprises. On les abandonna entièrement sous Charles VII, pour les reprendre sous Louis XI et Louis XII.
Celles adoptées vers 1470 sont munies souvent d’une pèlerine ou large camail qui couvre seulement les arrière-bras et le dos[18], laissant le colletin découvert.
Sous Charles VIII et Louis XII, ces cottes d’armes, très-courtes de jupe, faites en façon de chemise, possèdent des manches aussi très-courtes et larges. Elles sont fendues latéralement et se portent sans ceinture (fig. 12[19]). Cette cotte est armoyée irrégulièrement, en ce que le champ est d’azur et la tour de gueules. Elle recouvre un haubergeon de mailles à manches courtes. Les gardes de fer du colletin dépassent son encolure, et par-dessus le haubert on voit les extrémitées des tassettes attachées certainement à une braconnière. Les jambes et les bras sont entièrement armés.
Ainsi donc ce chevalier portail un haubert de mailles par-dessous un corselet de fer, avec les braconnières et tassettes, puis la cotte d’armes.
Cette sorte de cotte est la dernière. On cessa de porter ce vêtement militaire dès les premières années du xvie siècle. Les hérauts seuls continuèrent à vêtir la cotte armoyée dans l'exercice de leurs fonctions, et elle avait la forme de celle présentée figure 13[20].
Ce personnage, qui est un héraut d’armes, est vêtu de la cotte dont ces fonctionnaires, attachés à la chevalerie, restèrent possesseurs jusqu’au milieu du xvie siècle.
Cette cotte, très-courte, était posée sur un hauhergeon de mailles muni de manches courtes et amples. On la passait comme une chemise. Un armet pourvu de longues ailes d’or et d’une couronne de laurier couvre la tête de ce héraut.
- ↑ Goydon, vers 6402 et suiv. (commencement du xiiie siècle).
- ↑ Ibid., vers 6488
- ↑ Voyez Armure, fig. 16, 17 et 22.
- ↑ Biblioth. nation., français (1300 environ). Ce manuscrit donne l’armement postérieur à saint Louis. Il n’est pas probable que ce prince ait porté le harnais de jambes complet.
- ↑ Histoire de saint Louis, par le sire de Joinville, publ. par M. Nat. de Wailly, p. 80.
- ↑ Manuscr. Biblioth. nation., Guerre de Troie, français (1300 environ).
- ↑ Manuscr. Biblioth. nation., Tristan et Iseult, 2e vol., français.
- ↑ Ibid.
- ↑ Voyez John Hevitt, Ancient Armours and weapons in Europe, London, 1840, t. II, p. 156.
- ↑ Manuscr. Biblioth. nation., le Livre des hist. du commencem. du monde, français (1370 environ).
- ↑ Ibid.
- ↑ Voyez sa statue dans l’église abbatiale de Saint-Denis.
- ↑ Manuscr. Biblioth. nation., le Livre des hist. du commencem. du monde, français (1370 environ).
- ↑ Manuscr. Biblioth. nation., Lancelot du Lac, français (miniature de 1390 environ, en partie repeintes vers 1450).
- ↑ Même manuscrit
- ↑ Manuscr. Biblioth. nation., Boccace, français (1420 environ).
- ↑ Manuscr. Biblioth. nation., Froissart, Chroniques (1440 environ).
- ↑ Statue de Charles d’Artois, mort en 1471, église d’Eu (voy. Armure, fig. 50).
- ↑ Statue tombale du musée d’Avignon.
- ↑ Manuscr. Biblioth. nation., le Roman de très-douce Mercy, René d’Anjou.