PARVIS, s. m. Nous ne discuterons pas les étymologies plus ou moins ingénieuses qui ont pu donner naissance à ce mot. On appelle parvis, un espace enclos, souvent relevé au-dessus du sol environnant, une sorte de plate-forme qui précède la façade de quelques églises françaises.
Notre-Dame de Paris, Notre-Dame de Reims, possédaient leur parvis. Quelques églises conventuelles ont parfois devant leur façade des parvis, mais ces derniers avaient un caractère particulier.
Le parvis est évidemment une tradition de l’antiquité : les temples des Grecs étaient habituellement précédés d’une enceinte sacrée dont la clôture n’était qu’une barrière à hauteur d’appui.
Les Romains suivirent cet exemple, et nous voyons sur une médaille frappée à l’occasion de l’érection du temple d’Antonin et Faustine, à Rome[1], la façade du monument, devant laquelle est figurée une barrière avec porte. Ces enceintes ajoutaient au respect qui doit entourer tout édifice religieux, en isolant leur entrée, en la séparant du mouvement de la voie publique. Un des plus remarquables parvis de l’époque romaine est celui qu’Adrien éleva en avant du temple du Soleil, à Baalbek. Ce parvis était entouré de portiques avec exèdres couverts, et était précédé d’une avant-cour à six côtés, avec péristyle et large emmarchement.
Les premières basiliques chrétiennes possédaient également une cour entourée de portiques, en avant de leur façade, et, au milieu de cette cour, étaient placés quelques monuments consacrés, tombeaux, puits, fontaines, statues.
Le parvis de nos cathédrales n’est qu’un vestige de ces traditions ; mais la cathédrale française, à dater de la fin du XIIe siècle, se manifeste comme un monument accessible, fait pour la cité, ouvert à toute réunion : aussi le parvis n’est plus qu’une simple délimitation, il ne se ferme pas ; il n’est, à proprement parler, qu’une plate-forme bornée par des ouvrages à claire-voie peu élevés, ne pouvant opposer un obstacle à la foule ; c’est un espace réservé à la juridiction épiscopale, devant l’église mère.
C’était dans l’enceinte du parvis que les évêques faisaient dresser ces échelles sur lesquelles on exposait les clercs qui, par leur conduite, avaient scandalisé la cité ; c’était aussi sur les dalles du parvis que certains coupables devaient faire amende honorable. C’était encore sur le parvis que l’on apportait les reliques à certaines occasions, et que se tenaient les clercs d’un ordre inférieur pendant que le chapitre entonnait le Gloria du haut des galeries extérieures de la façade de l’église cathédrale.
Nous n’avons sur la forme de l’ancien parvis de Notre-Dame de Paris que des données assez vagues. Au XVIe siècle, il ne consistait qu’en un petit mur d’appui avec trois entrées, l’une en face du portail, donnant à côté de la chapelle de Saint-Christophe ; celle de gauche s’ouvrant près de la façade de Saint-Jean le Rond, et la troisième en regard, descendant à la Seine[2]. Ce mur d’appui n’avait pas plus de 4 pieds de haut. Le sol du parvis de la cathédrale de Paris était au niveau du sol intérieur de l’église, si ce n’est du côté gauche, au droit de la porte de la Vierge, où il s’abaissait de 30 à 40 centimètres[3]. Du parvis on descendait sur la berge de la rivière, avant la construction du pont, par un degré de treize marches. C’est ce qui a fait supposer que devant la façade de l’église s’étendait un perron de treize marches. Il est à croire que du côté du Marché-Neuf, on descendait également plusieurs marches pour arriver à la voie publique qui passait entre l’Hôtel-Dieu et la chapelle Saint-Christophe ; mais ce degré dut être supprimé dès le XIVe siècle, puisque alors les gens à cheval pouvaient arriver sur le sol même du parvis. L’enceinte avait environ 35 mètres de large sur autant de longueur[4].
Le parvis de la cathédrale de Reims, beaucoup moins étendu que celui de Notre-Dame de Paris, demeura entier jusqu’au sacre de Louis XVI. C’était une charmante clôture dont il reste une amorce le long du contre-fort extérieur à la gauche de la façade. Des dessins et des gravures de cette clôture existent encore, et nous permettent de la restituer. Le plan du parvis de Notre-Dame de Reims ne présentait pas un parallélogramme, mais un trapèze, ainsi que le fait voir le plan, figure 1. Il n’était point relevé-au-dessus du sol de la voie publique, comme l’était le parvis de la cathédrale de Paris, et le grand degré montant au portail était posé à l’intérieur de l’enceinte, devant les contre-forts. Le pan coupé A (voy. le plan) avait été ménagé afin de faciliter l’accès vers l’entrée des cloîtres, situés sur le flanc nord de la nef.L’enceinte se composait de pilettes portant un appui avec pinacles aux entrées et aux angles, c’est-à-dire en B. Nous donnons en C le détail de cette clôture à l’extérieur, et en D sa coupe. Les deux pinacles B′ de chaque côté de l’entrée principale étaient surmontés de supports avec écussons ; des fleurons G amortissaient les autres pinacles.
Le parvis de la cathédrale d’Amiens est relevé ; mais sa clôture, si jamais elle a été faite, n’existe plus depuis longtemps[5].
Les parvis des églises conventuelles dont les façades donnaient sur une place publique, étaient souvent établis en contre-bas du sol extérieur : tel était le parvis de l’église abbatiale de Saint-Denis[6]. L’église abbatiale de Sainte-Radegonde, à Poitiers, a conservé encore cette disposition fort ancienne, mais rétablie vers la fin du XVe siècle. La figure 2 présente une vue à vol d’oiseau de la moitié de ce parvis, l’axe étant en A. Deux descentes sont ouvertes sur la face. Le terrain s’inclinait vers le portail de l’église ; deux autres entrées sont pratiquées latéralement de plain-pied. Des figures d’anges agenouillés, tenant des écussons armoyés, surmontent les bahuts des deux entrées de face vers l’extérieur. Des animaux, chiens et lions, amortissent les angles des entrées latérales et le revers des bahuts des entrées de face. Un ressaut avec écusson se présente dans l’axe. Une coupe (fig. 3) faite sur l’un des degrés de face donne le détail de la disposition de cette clôture.
Des bancs garnissent tout le bahut du côté intérieur. Le terre-plein du parvis est dallé, les eaux s’écoulant par les issues latérales.
Il n’est pas besoin de faire ressortir l’effet monumental de ces aires clôturées en avant des églises. Quelquefois, comme devant le portail de l’église abbatiale de Cluny, une croix de pierre était plantée au milieu du parvis ; des tombes étaient élevées dans l’enceinte. Ces dispositions, comme la plupart de celles qui tenaient à la dignité des églises cathédrales ou abbatiales, furent bouleversées par les abbés et les chapitres pendant le dernier siècle. Ces emplacements furent livrés, moyennant une redevance, à des marchands, les jours de foire, puis bientôt se couvrirent d’échoppes permanentes. Pour quelques rentes, le clergé des cathédrales et des abbayes aliénait ainsi les dépendances de l’église ; le premier il portait le marteau sur tout ce qui devait inspirer le respect pour les monuments sacrés.
- ↑ Diva Faustina. Sur le revers, Aeternitas. Autour de l’image du temple, S. C.
- ↑ Voyez le plan de Paris gravé sur bois, joint aux Recherches de Belle-Forets ; le plan de Mérian ; la tapisserie de l’Hôtel de ville, et la gravure de la façade de Notre-Dame de Van Merlen.
- ↑ Cet ancien sol a été découvert en 1847.
- ↑ Nous avons pu, sur plusieurs points, retrouver les fondations de cette enceinte. Des restes romains existent sous toute la surface de la place actuelle, immédiatement sous le pavé : ce qui prouve que le sol du parvis était au niveau du dallage de l’église.
- ↑ Ce parvis, devenu inabordable, doit être prochainement restauré.
- ↑ Nous avons trouvé des traces du dallage de ce parvis, auquel on descendait évidemment dès une époque ancienne, c’est-à-dire du temps de Suger.