Dictionnaire raisonné de l’architecture française du XIe au XVIe siècle/Trompe

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TROMPE, s. f. Appareil de claveaux, ayant la figure d’une coquille, qui sert à porter en encorbellement, soit un angle saillant sur un pan coupé, soit un parement droit sur un angle rentrant. Les constructeurs du moyen âge ont fait un grand usage des trompes pour porter les flèches de pierre à huit pans sur les tours carrées, des échauguettes sur des parements, des tourelles en encorbellement ; ils ont employé les trompes à la place des pendentifs pour établir des coupoles sur des arcs-doubleaux reposant sur quatre piles.

Les trompes sont appareillées, soit au moyen d’une suite d’arcs concentriques, soit en forme de cône. La figure 1 donne une trompe composée d’arcs concentriques biseautés à 45 degrés, de manière à pénétrer les côtés du carré. En A est tracée la projection horizontale d’une de ces trompes, en B son élévation, en C sa coupe. Ces sortes de trompes sont les plus anciennes, on en trouve dans les monuments du XIe siècle ; elles sont d’un appareil facile, chaque arc étant indépendant. On en voit souvent à la base des pans des flèches des XIe et XIIe siècles pour passer du carré à l’octogone. Au XIIe siècle apparaissaient aussi déjà des trompes coniques, ainsi que le montre la figure 2.


Pour éviter la réunion des angles très-aigus des claveaux composant la trompe, au sommet du cône, les appareilleurs ont souvent établi un morceau de pierre demi-circulaire à la place de ce sommet en a ; ils formaient ainsi un petit cintre sur lequel repose l’intrados des claveaux. Telles sont les trompes que l’on voit encore aux tourelles de l’abbaye de Chailly (Oise) (fin du XIIe siècle) (fig. 3). Alors cette première pierre posée au sommet de l’angle rentrant en b, évidée en cône, est appelée trompillon.

S’il s’agit, comme dans les deux exemples précédents, d’obtenir un plan à 45 degrés, coupant un angle droit rentrant, en projection horizontale, la construction des trompes ne présente aucune difficulté. Les claveaux, dans ce cas, ont leur extrados tracé sur un cylindre parallèlement à son axe et leur intrados sur un cône ; mais si l’on veut établir un angle saillant suspendu sur un angle rentrant, les difficultés se présentent.
Ainsi (fig. 4), soit un angle rentrant ABC, sur lequel il s’agit de suspendre une construction formant l’angle saillant ADC, l’appareilleur commencera par établir une suite de corbeaux suivant la diagonale BD du carré (voyez la projection verticale P), puis il remplira les deux vides AD, CD, au moyen de deux trompes coniques biaises. Le second claveau a formera tas de charge, pour porter l’angle saillant b. La bascule des corbeaux est maintenue par la charge qui porte sur leur queue de d en e et qui s’élève jusqu’au-dessus de l’extrados des arcs.

À la fin du XVe siècle, on se plaisait à soulever des difficultés de coupe de pierre, pour faire preuve de savoir. Les constructeurs cherchèrent alors à supprimer ces corbeaux, et à soutenir les angles saillants sur un angle rentrant ou sur un pan coupé, par un système d’appareil des claveaux. Mais alors il fallait que ces claveaux fussent taillés à crossettes, ce qui, en principe, est une mauvaise méthode, la pierre n’étant plus chargée parallèlement à son lit. Ce sont là des artifices de stéréotomie qui n’ont rien à voir avec l’art sérieux du constructeur, et qui sont faits pour amuser les esprits curieux de problèmes inutiles.