Dictionnaire raisonné de l’architecture française du XIe au XVIe siècle/Horloge

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HORLOGE, s. f. Reloige, reloge, orloge. Dès le XIe siècle, il y avait des horloges dans les églises et dans les châteaux. Ces horloges étaient habituellement placées à l’intérieur comme de grands meubles. Cet usage se perpétua jusqu’au XVIe siècle. Toutefois des sonneries annonçaient l’heure à l’extérieur.

« Quant il ont le convers oï
Durement furent esbahi
Qu’il n’orent oï soner cloche
Ne champenelle, ne reloge[1]. »

Guillaume Durand, au XIIIe siècle, dans le chapitre Ier de son œuvre[2], considère l’horloge comme une des parties essentielles de l’Église. « L’horloge, dit-il, sur laquelle on lit et on compte les heures, signifie l’empressement et le soin que les prêtres doivent avoir à dire les Heures canoniques au temps voulu, selon cette parole : Sept fois par jour je te louai, Seigneur. »

L’abbé Pierre de Chastelux donna, vers 1340, à l’abbaye de Cluny, une horloge remarquable en ce que son mécanisme présentait un calendrier perpétuel qui marquait l’année, le mois, la semaine, le jour, l’heure et les minutes, et un calendrier ecclésiastique qui désignait les fêtes et les offices de chaque jour. Cette horloge indiquait encore les phases de la lune, les mouvements du soleil, puis quantité de petites figurines mobiles représentant le mystère de la Résurrection, la Mort, saint Hugues et saint Odilon, abbés de Cluny, la sainte Vierge, la passion, etc. Les heures étaient annoncées par un coq qui battait des ailes et chantait à deux reprises ; en même temps un ange ouvrait une porte et saluait la sainte Vierge ; le Saint-Esprit descendait sur sa tête sous la forme d’une colombe, le Père Éternel la bénissait ; un carillon harmonique de petites clochettes jouait un air ; des animaux fantastiques agitaient leurs ailes, faisaient mouvoir leurs yeux ; l’heure sonnait, et toutes les figurines rentraient dans l’intérieur de l’horloge[3].

Ces horloges compliquées étaient fort en vogue pendant les XIVe, XVe et XVIe siècles. À l’extérieur même, les sonneries des horloges étaient presque toujours accompagnées de Jacquemars, qui frappaient sur les timbres avec des marteaux. Quelques beffrois de nos villes du Nord, notamment celui de Compiègne, ont conservé ces jacquemars qui jouissent d’une grande popularité. Tout le monde a vu ou entendu parler des horloges célèbres des cathédrales de Lyon et de Strasbourg. La première horloge intérieure de Strasbourg fut commencée en 1352 et achevée en 1354, sous l’épiscopat de Jean de Lichtenberg ; elle se composait d’un coffre de menuiserie, avec un grand disque en bois, représentant en peinture les indications relatives aux principales fêtes mobiles. Dans la partie du milieu se trouvait un cadran dont les aiguilles marquaient les mouvements du soleil et de la lune, les heures et leurs subdivisions. Le couronnement était orné d’une statuette de la Vierge, devant laquelle on voyait, à l’heure de midi, s’incliner trois mages ; un coq chantait au même instant en battant des ailes. Un petit carillon jouait des airs à certaines heures. Cette horloge fut remplacée en 1547, puis refaite en 1838 ; c’est celle que nous voyons aujourd’hui sur la paroi du transsept méridional, en face de l’emplacement réservé à l’ancienne horloge[4].

On voit encore dans les cathédrales de Beauvais et de Reims des horloges dont les coffres datent du XIVe siècle. Elles sont toutes deux fort bien gravées dans le recueil publié par M. Gailhabaud[5].

Sur les tours d’églises du XIIe au XIVe siècle, aucun espace n’est disposé pour le placement de cadrans pouvant être aperçus de loin ; ce qui fait supposer qu’avant le XVe siècle, si des sonneries indiquaient les heures aux habitants des villes, il n’y avait point de cadrans extérieurs. On ne voit apparaître ceux-ci que vers la fin du XVe siècle. Ils sont alors couverts par de petits auvents, et façonnés soit en bois, soit en plomb, et revêtus de peintures.

  1. Rutebeuf, Du segrestain et de la famme au chevalier (XIIIe siècle).
  2. Cap. I, § XXXV.
  3. Hist. de l’abbaye de Cluny, par M. P. Lorain, p. 203.
  4. Voy. Descript. abrégée de l’horloge astron. de la cathéd. de Strasbourg, 1847.
  5. L’Architecture du Ve au XVIIe siècle, t. IV.