Dictionnaire raisonné de l’architecture française du XIe au XVIe siècle/Attributs

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ATTRIBUTS, s. m. p. Ce sont les objets empruntés à l’ordre matériel, qui accompagnent certaines figures sculptées ou peintes pour les faire reconnaître, ou que l’on introduit dans la décoration des édifices, afin d’accuser leur destination, quelquefois aussi le motif qui les a fait élever, de rappeler certains événements, le souvenir des personnages qui ont contribué à leur exécution, des saints auxquels ils sont dédiés. L’antiquité grecque et romaine a prodigué les attributs dans ses monuments sacrés ou profanes. Le moyen âge, jusqu’à l’époque de la renaissance, s’est montré au contraire avare de ce genre de décoration. Les personnages divins, les apôtres, les saints ne sont que rarement accompagnés d’attributs jusque vers le milieu du XIIIe siècle (voy. Apôtre), ou du moins ces attributs n’ont pas un caractère particulier à chaque personnage ; ainsi les prophètes portent généralement des phylactères ; Notre-Seigneur, les apôtres, des rouleaux ou des livres[1] ; les martyrs, des palmes. La sainte Vierge est un des personnages sacrés que l’on voit le plus anciennement accompagné d’attributs (voy. Vierge sainte). Mais les figures qui accompagnent la divinité ou les saints personnages, les vertus et les vices, sont plutôt des symboles que des attributs proprement dits. Les attributs ne se sont guère introduits dans les arts plastiques que lorsque l’art inclinait vers le réalisme, au commencement du XIVe siècle. C’est alors que l’on voit les saints représentés tenant en main les instruments de leur martyre, les personnages profanes les objets qui indiquent leur rang ou leur état, leurs goûts ou leurs passions.

Il est essentiel dans l’étude des monuments du moyen âge de distinguer les attributs des symboles. Ainsi, par exemple, le démon sous la figure d’un dragon qui se trouve sculpté sous les pieds de la plupart des statues d’évêques, mordant le bout du bâton pastoral, est un symbole et non un attribut. L’agneau, le pélican, le phénix, le lion, sont des figures symboliques de la divinité, mais non des attributs ; les clefs entre les mains de saint Pierre sont un symbole, tandis que la croix en sautoir entre les mains de saint André, le calice entre les mains de saint Jean, le coutelas entre les mains de saint Barthélemy, l’équerre entre les mains de saint Thomas, sont des attributs.

Sur les monuments de l’antiquité romaine, on trouve fréquemment représentés des objets tels que des instruments de sacrifice sur les temples, des armes sur les arcs de triomphe, des masques sur les théâtres, des chars sur les hippodromes ; rien d’analogue dans nos édifices chrétiens du moyen âge (voy. Décoration), soit religieux, civils ou militaires. Ce n’est guère qu’à l’époque de la renaissance, alors que le goût de l’imitation des arts antiques prévalut, que l’on couvrit les édifices sacrés ou profanes d’attributs ; que l’on sculpta ou peignit sur les parois des églises, des instruments religieux ; sur les murs des palais, des trophées ou des emblèmes de fêtes, et même souvent des objets empruntés au paganisme et qui n’étaient plus en usage au milieu de la société de cette époque. Étrange confusion d’idées, en effet, que celle qui faisait réunir sur la frise d’une église des têtes de victimes à des ciboires ou des calices, sur les trumeaux d’un palais des boucliers romains à des canons.

  1. «… Et remarque, dit Guillaume Durand, que les patriarches et les prophètes sont peints avec des rouleaux dans leurs mains, et certains apôtres avec des livres, et certains autres avec des rouleaux. Sans doute parce qu’avant la venue du Christ la foi se montrait d’une manière figurative, et qu’elle était enveloppée de beaucoup d’obscurités au-dedans d’elle-même. C’est pour exprimer cela que les patriarches et les prophètes sont peints avec des rouleaux, par lesquels est désignée en quelque sorte une connaissance imparfaite ; mais, comme les apôtres ont été parfaitement instruits par le Christ, voilà pourquoi ils peuvent se servir des livres par lesquels est désignée convenablement la connaissance parfaite. Or, comme certain d’entre eux ont rédigé ce qu’ils ont appris pour le faire servir à l’enseignement des autres, voilà pourquoi ils sont dépeints convenablement, ainsi que des docteurs, avec des livres dans leurs mains, comme Paul, Pierre, Jacques et Jude. Mais les autres, n’ayant rien écrit de stable ou d’approuvé par l’Église, sont représentés non avec des livres, mais avec des rouleaux, en signe de leur prédication… On représente, ajoute-t-il plus loin, les confesseurs avec leurs attributs ; les évêques mitrés, les abbés encapuchonnés, et parfois avec des lis qui désignent la chasteté ; les docteurs avec des livres dans leurs mains, et les vierges (d’après l’Évangile) avec des lampes… » Guillaume Durand. Rational. trad. par M. C. Barthélemy. Paris, 1854 ; chap. III.