Dictionnaire raisonné de l’architecture française du XIe au XVIe siècle/Aronde

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ARONDE, s. f. (Queue d’). Sorte de crampon de métal, de bois ou de pierre, ayant la forme en double d’une queue d’hirondelle, et qui sert à maintenir l’écartement de deux pierres, à réunir des pièces de bois de charpente, des madriers, des planches (1).
Cette espèce de crampon a été employé de toute antiquité. Lorsqu’on déposa l’obélisque de Louqsor pour le transporter en France, on trouva sous le lit inférieur de ce bloc de granit une queue d’aronde en bois qui y avait été incrustée dans l’origine pour prévenir la rupture d’un fil. Dans les fragments de constructions antiques dont on s’est servi à l’époque gallo-romaine pour élever des enceintes de villes, on rencontre souvent des entailles qui indiquent l’emploi fréquent de queues d’aronde en fer ou en bronze. Nous en avons trouvé en bois dans des constructions romanes de la première époque. Quelquefois aussi la bascule des chapiteaux des colonnes engagées, cantonnant des piles carrées, des XIe et XIIe siècles, est maintenue postérieurement par une fausse coupe en queue d’aronde (2).
Il en est de même pour les corbeaux formant une forte saillie et destinés à porter un poids en bascule (3).
Mais c’est surtout dans les ouvrages de charpente que la queue d’aronde a été employée pendant le moyen âge. Les entraits des fermes dans les charpentes de combles des XIIIe, XIVe et XVe siècles sont généralement assemblés dans les sablières doubles en queue d’aronde et à mi-bois (4),
afin d’arrêter la poussée des chevrons portant ferme et reposant sur ces sablières d’un entrait à l’autre (voy. Charpente). L’usage des languettes et embrèvements étant peu commun dans la menuiserie antérieure au XVe siècle, les membrures des huis, les madriers, sont souvent réunis par des queues d’aronde entaillées à mi-bois (5).
Dans ce cas, les menuisiers ont eu le soin de choisir, pour les queues d’aronde, des bois très-durs et tenaces, tels que l’orme, les parties noueuses du noyer ou du chêne. Les architectes des XVe et XVIe siècles usèrent et abusèrent de la queue d’aronde en pierre pour maintenir de grands encorbellements, pour suspendre des clefs de voûte ou des sommiers recevant des arcs sans le secours d’un point d’appui (6) (voy. Clef pendante, Voûte).
Les queues d’aronde en pierre ont l’inconvénient de casser facilement au point faible ; la pierre n’ayant pas d’élasticité, le moindre mouvement dans les blocs que ces queues doivent réunir, les brise, et rend leur emploi inutile.