Dictionnaire pratique et historique de la musique/Vibrato
Vibrato, n. m. Effet de tremblement ou de rapide répétition d’un son employé dans un but expressif dans le jeu des instruments à cordes. L’origine de cet ornement remonte à la musique de luth et de cembalo, dans laquelle on cherchait à suppléer, par un effleurement répété de la corde, à la trop brève extinction du son de la corde pincée. Le vibrato portait, chez les luthistes français du xviie s., le nom de verre cassé. En le transportant sur les instruments à archet, les virtuoses du même temps cherchaient à profiter de sa vogue, mais en sacrifiant une part de la pureté du son tenu. Le vibrato se pratiquait au xvie s. sur les violes et semble avoir été une particularité du jeu des virtuoses polonais. Agricola (1545) le recommande aux flûtistes comme un agrément plein de goût et leur conseille de souffler en tremblotant le vent, à la façon des violes polonaises. On trouve ce passage dans un solo d’Orfeo au 3e acte de l’Orfeo de Monteverde (1607), c’est à la fin d’une longue vocalise.
Le joueur de viole anglais Chr. Simpson
note le vibrato, qu’il appelle close shake,
par un point placé au-dessus
de la note à faire trembler (1659).
En France, L’Affilard (1635) l’appelait
balancement et le notait par le trait
plissé souvent employé en diverses
acceptions. Avec Bach, on
trouve enfin la notation moderne et
rationnelle du vibrato, devenu le
trémolo ou tremblement, en allemand
Bebung, consistant en la répétition,
figurée autant qu’il est nécessaire, de
la note, surmontée
d’une suite de
points et d’un
signe de liaison :
Emm. Bach (1753) explique la manière d’obtenir le tremblé (Bebung) sur le clavecin en faisant balancer (wiegen) le doigt sur la touche, plutôt que de frapper celle-ci à coups répétés. La phrase allemande mit dem auf der Taste liegen bleibenden Finger indique qu’on ne changeait pas de doigt (comme l’ont enseigné depuis les modernes). Le même Emm. Bach noté le vibrato dans ses Sonates pour les connaisseurs par les séries de points placés sous une liaison, au-dessus de la note à répéter (voy. ex. page suiv.).
On trouve un effet de vibrato dans
le jeu du piano dans l’adagio de la
Sonate, op. 110 de Beethoven, où le la est
répété en accélérant et en augmentant,
puis diminuant le son, la pédale levant
les étouffoirs et les liaisons ainsi
que le doigté indiquant une pression
toute spéciale des doigts sur la touche :
L. Capet constate que la plupart des violonistes en abusent. Mais « l’absence du vibrato dans la main gauche demande une telle pureté dans la technique, une telle justesse, une si noble qualité de son, que, pour ne pas avoir à surmonter ces difficultés, on enveloppe dans le vibrato de la main gauche comme en un vêtement, une esthétique difforme et absolument imparfaite ».